Une belle dégustation de viogniers

Voilà un cépage qui a ceci de paradoxal qui est que les gens non connaisseurs de vins le consomment et l’apprécient notamment pour ses qualités organoleptiques avec souvent ses notes d’abricots, de pêche de fleurs blanches, et les dits « amateurs » de vin le pourfendent souvent justement pour ces mêmes raisons…trop de ci ou trop de çà !

Alors ce cépage souffre t-il tout simplement de son identité ou alors est-il un sensible qui a besoin d’une grande attention de la part de son géniteur et doit être né absolument sous des latitudes qui lui conviennent sous peine de verser dans des travers peu agréables ? Par expérience un peu des deux. D’abord, mais c’était la loi dans les années 90’ et suivantes, j’ai souvent goûté des viognier sur-mûris, sur-boisés qui confinaient à l’écœurement notamment dans son appellation la plus prestigieuse j’ai nommé Condrieu. Ensuite, il faut bien l’admettre, j’ai rarement bu de viognier intéressant plus au sud que mon département qu’est l’Ardèche. J’ai goûté et re-goûté encore des viognier du Languedoc et, hormis dans des assemblages, j’ai très rarement été convaincu. Dégustation n’est pas raison mais au bout de 30 ans de pratique, on commence à y voir un peu plus clair. J’avais arrêté complètement d’acheter des Condrieu, pour les raisons évoquées plus hauts, mais aussi car les prix confinent au délire marchand. Un déstockage de cave m’a permis d’en rentrer quelques bouteilles évoquées ci-après. Enfin, pas mal de bouteilles du sud de l’Ardèche qui offre beaucoup de choix, quasi tous les domaines et les caves coop’ ayant leur cuvée 100% viognier.

On ouvre, on respire, on sent et on boit !


A tout seigneur, tout honneur, Condrieu :

Condrieu Terroirs 2015 - François Merlin : j’avais des bouteilles en cave il y a une vingtaine d’années quand j’allais à la foire de Tain. Le nez laisse tout de suite à penser à un millésime chaud, des notes d’abricots rôtis, confiturés qui m’inquiètent un peu…pourtant la bouche, même si on retrouve ces marqueurs, est assez agréable, avec une sensation minérale et des notes de poivre blanc le tout souligné par de fins amers. C’est finalement pas si mal !

Condrieu Les Chaillets 2018 - Yves Cuilleron : un nez assez délicat, mélange de fruits et de fleurs blanches. Le jus est assez tonique, avec une belle sensation minérale, poivre blanc. C’est plutôt long et savoureux avec l’empreinte minérale qui accompagne la finale. Un régal !

Les chaillets

Condrieu La Combe de Malleval 2018  - Stéphane Ogier : on retrouve ce mélange fruité floral blanc mais cette fois plus sur la pêche rôtie et les fleurs mellifères de type acacia. La bouche est un peu pataude, manquant de nerf et de ressort. Pas mon truc !

Condrieu Jardin Suspendu 2019 - Pierre Jean Villa : un vin très gras, qui laisse de grosses larmes couler sur la paroi du verre. Mutique à l’ouverture, il va s’ouvrir tout doucement sur des notes d’abricot et d’épices. Bien que très glycériné, il ne fait preuve d’aucune lourdeur et tous les éléments se combinent bien. Il lui faudra du temps pour que l’ensemble se fonde mais à 10 ans d’âge, ce sera certainement une belle bouteille !

Pierre jean villa

Collines Rhodaniennes Viognier de Rosine 2018 - Stéphane Ogier : si le Condrieu ne m’a pas convaincu, cette cuvée d’entrée de gamme m’a séduit avec ce nez typique du cépage mais sans tout de trop. La bouche est au diapason, sans lourdeur. Du bel ouvrage qui met en en valeur le côté séducteur du cépage sans le caricaturer. J’ai bien aimé !

Rosine


On passe au sud Ardèche :

VDF La Mai Polida 2021 - Mas de l’Escarida : on boit cette cuvée souvent issue d’une parcelle sise à 400m d’altitude environ. Sur un millésime comme celui-là, le jus est frais, étiré, tonique avec un peu de gaz résiduel qu’il faut évacuer pour profiter. C’est assez addictif !

L escarida

VDF Une Quille sur l’Alune 2022 - Domaine des 2 Fauves : on change de registre, c’est très gras, assez expressif, très épicé, gingembre, ananas. La texture est presque un peu huileuse heureusement contre balancé par une touche saline. Ce qui m’embêbête le plus c’est la queue d’une petite souris que l’on voit poindre et grandir au réchauffement….

VDF L’Adret 2022 - Domaine des Deux Terres : une cuvée du copain Manu avec une très belle aromatique de pêche blanche et de fleurs. Le gaz se dissipe et laisse paraître tous ces marqueurs dans un ensemble cohérent et équilibré avec une fine amertume salivante en finale. Ben c’est ben bon !

IGP Ardèche Viognier 2022 - Domaine du Temps Désiré : 1er millésime au domaine et donc pour cette cuvée bien née qui navigue elle aussi entre floral et fruité. Le tout se combine très bien dans le verre avec un retour salin qui dynamise l’ensemble. Pour une première, bravo !

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Allez, pour ne pas être traité de suprémaciste Ardéchois, un vin de la Drôme avec :

Côte du Rhône blanc La Vie on y est 2022 - Domaine Gramenon : j’avais goûté ce vin lors de ma visite au domaine. La clairette vient s’ajouter au viognier dans l’assemblage et c’est une bonne chose car l’ensemble s’équilibre tant au niveau du nez que de la bouche avec une fine acidité qui porte l’ensemble qui aurait pu basculer vers quelque chose de pataud. C’est bon.

Gramenon

Voilà un tour d’horizon des bouteilles ouvertes au fil de l’été et qui, il faut bien le dire, ont servi à me réconcilier avec ce cépage. Je n’étais pas fâché contre lui mais contre souvent ceux qui le travaillent et le maquillent inutilement. Je n’ai rien contre les vins à l’aromatique marquée et je peux me laisser séduire mais tout est question d’équilibre. Le profil idéal pour moi de ce cépage est le moins de boisé possible voire pas du tout, un raisin mûr mais sans trop, une empreinte minérale de préférence, juste ce qu’il faut d’acidité et de fins amers en finale. J’ai l’impression, notamment pour les domaines travaillant en bio voire plus, que cette approche se développe de plus en plus et je continuerai d’acheter certaines de ces cuvées qui réjouissent en général l’ensemble des tablées.

Cyril Amelin - Octobre 2023

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