Les cépages oubliés - Ian Dagata

La dernière session du programme 14/15 de l’U.G.V. s’est tenue dans la salle des fêtes de Saint Hippolyte où nous avons pu assister à une conférence de Ian D’Agata sur ces cépages autochtones qui sont hélas en train de ses raréfier dans les vignobles du monde.
Comme d’habitude, le conférencier a sélectionné une série de bouteilles pour illustrer ses propos…et quelque chose me dit qu’on va aller se promener dans les régions viticoles transalpines.
Avanti a tutta forza !

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Pierre Gassmann et Mathieu Deiss en train de préparer les bouteilles pour la soirée

Ecrivain et scientifique réputé, Ian D’Agata se présente avant tout comme un passionné de vin et de cépages anciens, qui ont malheureusement tendance à disparaître : « Il y a entre 7000 et 10000 cépages dans le monde et en France il n’y en a que 250 qui sont autorisés par le Ministère de l’Agriculture ».
Avec les grands cépages internationaux qui conquièrent peu à peu tous les vignobles du monde, on tend vers une uniformisation de la production viticole : « En France, 95% de la superficie du vignoble est occupé par 40 cépages, aux USA, il y a 9 cépages qui en monopolisent 90% ». L’Italie est le pays le plus riche en cépages autochtones « on y trouve entre 500 et 1000 variétés ».

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Conférence sur les cépages anciens par Ian D’Agata

Conscient de la nécessité de préserver la diversité de ce patrimoine végétal, Ian D’Agata a identifié les raisons de ce phénomène :
- la fragilité des cépages autochtones face aux maladies (oïdium, phylloxera) qui a contraint les vignerons à replanter des cépages plus résistants
- le manque de productivité de certains cépages
- les restrictions énoncées par l’AOC
- le goût des consommateurs qui s’est formaté « comme on dit aux USA, le vin c’est A-B-C…Anything But Chardonnay ou Anything But Cabernet ».
- la qualité gustative des vins réalisés à partir de cépages autochtones « mais ce n’est pas un problème de cépage, c’est un problème technique : on ne sait plus travailler ces raisins ».

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Ian D’Agata, un conférencier volubile, enthousiaste et facétieux.

Après cette partie théorique exposée avec beaucoup de conviction par un maître de séance qui nous a emmenés dans le monde des cépages oubliés, nous passons à la partie travaux pratiques en découvrant les vins sélectionnés par Ian D’Agata : 8 bouteilles rares nées dans le vignoble italien et une surprise alsacienne…ES GILT !

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Dégustation commentée de vins rares

DOP Trebbiano d’Abruzzo Fonte Canale 2013 – Azienda Tiberio (Abruzzes)
Le nez est très fin avec une palette élégante qui développe des arômes floraux et citronnés. L’attaque en bouche est d’une vivacité un peu mordante avec de belles notes de zestes d’agrumes, puis la matière s’élargit tout en gardant un équilibre très sec. La finale est digeste avec des amers fruités (pamplemousse) et un sillage minéral bien marquée

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Issue d’une vieille vigne (60 ans) de Trebbiano d’Abruzese, plantée en altitude (400 m) sur un versant argilo-calcaire qui regarde l’Adriatique, ce vin rare (3000 bouteilles produites) a réveillé nos papilles avec une aromatique vivifiante et une présence en bouche ciselée et bien saline.
Tonique et digeste.


IGT Terre Aquilane Giulia Pecorino 2014 – Azienda Agricola Cataldi Madonna (Marches)
Le nez riche et flatteur exprime une palette exubérante sur les fruits (banane, citron vert) et les herbes aromatiques (sauge, mélisse). La bouche allie gras et vivacité avec beaucoup d’élégance mais l’équilibre final est sec et digeste.

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Le pecorino est l’archétype du cépage autochtone qui doit sa survie à M. Cocci Grifoni : à la fin des années 80, ce vigneron a décidé de remettre en valeur ce cépage qui était en train d’être oublié. Aujourd’hui, le pecorino est le cépage phare des vignobles des Abruzzes et des Marches et Luigi Cataldi Madonna, vigneron et philosophe (il enseigne toujours la philosophie à l’université), nous en propose une version bien gourmande.
Fin et gourmand. MIAM !


DOC Verdicchio dei Castelli di Jesi Balciana 2012 – Azienda Agricola Sartarelli (Marches)
Le nez flatte les sens par son expression aromatique riche et complexe avec des notes de noisette grillée, de miel, de beurre frais et une fine touche de silex et de fumées. La bouche est opulente avec un gras sensible et une matière ample soutenue par une présence acide/minérale structurante. La finale qui souffre d’un petit excès de chaleur prolonge un sillage exotique et épicé tout en laissant de belles impressions salines sur la langue.

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La production du domaine Sartarelli est dédiée exclusivement au Verdiccio dei Castelli di Jesi et le vin que nous propose Ian D’Agata ce soir est issu de cette gamme de 6 cuvées réalisées à partir de ce cépage.
Le lieu-dit Balciana est un amphithéâtre calcaire qui offre un microclimat très chaud qui permet aux raisins d’atteindre des maturités très élevées. Ce vin qui est issu d’une vendange très mûre a été vinifié en sec (moins de 3 g/l de SR) et affirme une puissance alcoolique (15°) exceptionnelle que la trame acide/saline du terroir a un peu de mal à contrebalancer.
Flatteur, généreux mais un peu fatigant !


DOC Valle d’Aosta Pinot Gris 2013 – Lo Triolet di Marco Martin (Val d’Aoste)
L’olfaction est discrète, pure et bien complexe sur un registre floral complété par un fumé léger. La bouche révèle une matière longiligne très bien équilibrée avec une acidité mûre mais pas très longue. La finale reste pourtant très sapide grâce à une belle présence minérale.

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Comme nous le confie Ian D’Agata, le pinot gris italien connaît un succès grandissant depuis quelques années « à tel point qu’on vend plus de pinot gris aux USA qu’on en produit en Italie…un genre de miracle qui se produit parfois dans un pays comme le mien ! ».
Il n’en reste pas moins que cette cuvée née à une altitude peu commune (près de 900 m) sur les contreforts du massif du Mont Blanc, s’est laissée goûter avec beaucoup de plaisir ce soir.
Un vin charmeur et rudement bien balancé !


En guise de transition entre blanc et rouge nous avons droit au vin surprise servi dans un verre noir.
Le premier nez apparaît déjà bien évolué mais très mûr sur les fruits jaunes et la cannelle, par la suite la palette se complexifie en délivrant des notes de truffe blanche et de fraise des bois. La bouche développe une matière généreuse soutenue par une ligne acide fine mais profonde. L’équilibre reste bien frais et la finale prolonge un sillage fumé, épicé et intensément minéral.
Ce vin nous ramène dans un univers sensoriel qui m’est plus familier : la présence épicée m’oriente à priori vers un gewurztraminer, mais le côté truffe et fumée me fait également penser à un pinot gris d’un certain âge (une dizaine d’années au moins…), en tous cas ce qui est sûr c’est que j’ai un très grand vin dans mon verre et que j’aime ça…d’autant plus d’ailleurs lorsque j’apprends que c’est un Pinot Gris Altenbourg-Cuvée Laurence 2002 du domaine Weinbach.

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Né sur un terroir marno-calcaire situé en contrebas du Grand Cru Furstentum, ce pinot gris magnifique nous rappelle que le vignoble alsacien à perdu deux grandes dames du vin au cours de ces derniers mois…respect et émotion !


Après cette incursion dans notre région, nous retraversons les Alpes pour découvrir la sélection de rouges de Ian D’Agata :

IGP Lazio Rosso Apolide-Lazio Nero Buono 2009 – Azienda Agricola Biologica Marco Carpineti (Latium)
Le nez ouvert et séduisant propose une palette fruitée bien mûre sur un fond boisé/torréfié qui finit par dominer l’olfaction. La bouche est concentrée avec une trame tannique serrée mais très douce et une expression aromatique étonnante sur le bois de réglisse et l’encre de Chine. La finale est fraîche et marquée par un retour fruité et floral (violette) très délicat.

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Derrière cette étiquette très énigmatique se cache une cuvée originale qui met en valeur le Nero Buono « un cépage complexe dont on ne sait pas grand-chose…un cépage vraiment oublié ! ».
Ce vin né sur un sol volcanique qui a été élevé durant 24 mois en barriques est peut-être le plus original de la série.


DOC Brunello di Montalcino Il Marroneto 2007 – Azienda Agricola Il Marroneto di Mori Alessandro (Piémont)
L’expression olfactive riche et bien mûre développe une palette sur les fruits rouges frais et la réglisse sur un fond légèrement végétal. L’attaque en bouche est souple et assez douce mais très vite une présence acide intense se déploie en largeur pour donner du nerf à la structure. La finale agréablement réglissée laisse pourtant une impression un peu austère avec une trame tannique durcie par une acidité toujours bien présente.

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Issu à 100% de sangiovese « un cépage difficile qui a besoin de grands terroirs pour s’exprimer pleinement » ce Brunello de 2007 a été élevé durant plus de 40 mois en foudres. Pourtant, en dégustant ce vin je retrouve au palais cette virulence tannique qui me dérange vraiment…et que je ressens régulièrement lorsque je goûte de grands rouges Italiens.
A mon plus grand regret, j’ai vraiment du mal avec ces vins !!!


DOC Barolo Bricco delle Viole 2005 – Azienda Agricola G.D. Vajra (Piémont)
L’aromatique est complexe et très séduisante avec un fruité bien frais accompagné par de fines notes de rose. En bouche la chair gourmande est structurée par une trame tannique solide mais bien polie, le fruit s’exprime avec une belle intensité (notes de cerise et de prune). L’équilibre est digeste, la finale élégante et fraîche prolonge un agréable sillage floral.

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Issu à 100% du cépage nebbiolo ce Barolo de 10 ans exprime avec beaucoup de classe les caractéristiques d’un grand vin rouge italien : une grande complexité aromatique et une matière généreuse qui enrobe un squelette acide tannique puissant, le tout laissant une belle impression d’équilibre.
Une cuvée vraiment exceptionnelle que j’ai rencontré avec plaisir et qui prouve que mon problème avec les vins italiens n’est peut-être pas insoluble…


DOC Malvasia di Castenuovo Don Bosco 2014 – Azienda Agricola Cascina Gilli (Piemont)
Le nez très exubérant délivre des arômes de fruits rouges (sirop de grenadine) et quelques notes fermentaires. La bouche très gourmande associe un jus très doux et une fine effervescence. Une fine acidité tend et rafraîchit une finale légère et toujours bien fruitée.

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Réalisé à partir du cépage Malvasia di Schierano ce vin très léger (5°5) et délicatement perlant est une petite friandise qui nous procure un plaisir simple et entier.
Une boisson surement un peu régressive mais vers laquelle on se laisse aller sans hésitation.

 

Le premier semestre du programme 2015 de l’U.G.V. se termine de la plus belle manière qui soit avec cette conférence de Ian D’Agata, orateur érudit et pédagogue qui nous a fait partager ses connaissances et sa passion pour les cépages rares.
Soucieux de défendre une vraie science des cépages – « une ampélologie » – Ian D’Agata milite pour la survie des raisins autochtones, menacés par la concurrence des grands cépages internationaux…un travail de longue haleine que notre orateur a commencé depuis de longues années. « Les vignerons devront réapprendre à cultiver et à vinifier ces raisins »…et les consommateurs aux palais un peu trop formatés seront obligés d’ouvrir leur univers sensoriel pour redécouvrir ces vins.
Comme nous le rappelle notre conférencier « c’est un projet ambitieux qui demandera beaucoup de patience »…mais je crois que le jeu en vaut la chandelle.

Les bouteilles proposées par Ian D’Agata ont permis d’illustrer ses propose avec beaucoup de pertinence mais ma relation toujours problématique avec les vins italiens m’a empêché de m’enthousiasmer pour l’un ou l’autre des flacons dégustés ce soir. Les blancs comme les rouges m’ont semblé vraiment intéressants sans pour autant me convaincre de leur faire une place dans ma cave…surtout pas dans le rayonnage des Alsace dont le seul représentant de la soirée a littéralement illuminé la série.

Merci à tous ceux qui ont œuvré pour nous offrir ces instants de bonheur gustatif.

 

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