Portes Ouvertes au domaine Kreydenweiss à Andlau - 2013

Comme en 2011 et en 2012, l’équipe du domaine Kreydenweiss reconduit l’organisation de son week-end « Portes ouvertes » en invitant sa clientèle à découvrir son travail et ses vins.
Officiellement le printemps est arrivé depuis 2 jours mais dans la réalité alsacienne, on sent encore très fortement la présence de l’hiver et les tonnelles installées dans la cour de la maison Kreydenweiss ne serviront hélas qu’à protéger les visiteurs du petit crachin glacé qui tombe par intermittence entre quelques timides éclaircies.

1.jpgCiel gris et froidure sur Andlau

Comme en 2011 et en 2012, le programme de cette journée nous propose une visite de cave avec la découverte de quelques vins de 2012, la dégustation des crus d’Andlau, de ceux de Manduel et la dégustation d’une sélection de vieux flacons sortis pour l’occasion de la réserve du domaine.
La nouveauté de cette année sera présentée par Antoine Kreydenweiss et « Sam » qui se produiront dans un numéro de labour dans les vignes du Clos Rebgarten.
C’est parti !

Dans la cave du domaine le bois règne en maître absolu, il fait doux (du moins par rapport à l’extérieur) et très humide : la maison des Kreydenweiss est un ancien moulin et certaines parties de la cave se situent en dessous du niveau de la rivière qui longe ses murs.

2-1.jpgL’Andlau qui passe juste derrière la maison.

3-1.jpgUne partie de la cave avec des murs que l’humidité fait briller.

Cette cave à l’ancienne, naturellement climatisée, offre un environnement propice à la réalisation d’élevages longs qu’Antoine Kreydenweiss a décidé de généraliser sur ces vins.

4.jpgLa cuvée phare du domaine « travaille » encore calmement dans un foudre de 18 hectolitres

Avec la mise en œuvre de pratiques viticoles utilisant un minimum d’intrants de nombreuses cuvées de 2012 n’ont pas terminé leurs fermentations alcooliques mais nous dégustons quand même 2 vins issus de ce dernier millésime :

Pinot Blanc La Fontaine aux Enfants 2012 : le nez est riche et déjà bien expressif sur le miel, le sucre d’orge et la poire bien mûre, la bouche possède un très joli volume avec un gras sensible et une présence minérale affirmée en finale.
La Fontaine aux Enfants est une parcelle granitique située au sommet du Kastelberg que les Kreydenweiss ont acquis récemment (en 2007 je crois).
Sur ce dernier millésime, les pinots blancs et pinots auxerrois qui en sont issus ont généré un vin riche, ample et minéral qu’Antoine Kreydenweiss a décidé de commercialiser en primeur…dépêchez-vous, c’est une cuvée splendide !

Riesling Andlau 2012 : le nez est discret et encore marqué par des arômes fermentaires, en bouche, l’attaque est bien vive avec une structure acide solidement tendue et une matière longiligne très élégante, la finale révèle une présence saline particulièrement intense.
Produit sur des parcelles de sables gréseux et d’argiles situées dans le prolongement du Grand Cru Wiebelsberg, ce riesling a l’aromatique encore marquée par la fermentation montre cependant une structure acide et saline de très grande classe. Prometteur !

Pour la dégustation « en surface », les tables initialement installées sous les tonnelles de la cour ont été placées à l’abri dans la cave entre la chaîne d’embouteillage et les palettes de cartons prêtes pour l’expédition : c’était ça ou tenir nos Spiegelau avec des moufles…pas très pratique pour faire tourner le vin dans le verre !

6-1.jpgDégustation « indoor » mais manteaux de rigueur…

Pinot Blanc Kritt 2011 : le nez est discret mais d’une belle complexité avec des notes florales et un fruité délicat, après une attaque bien vive, le vin se pose en bouche avec une matière en demi-corps agréablement détendue, la finale est nette, finement tendue et très sapide.
(12°5 – SR : 3,7 g/l – AT : 6 g/l)
La cuvée Fontaine aux Enfants n’ayant pas été produite en 2011 – la faute à une horde de sangliers gastronomes – le domaine nous propose la dégustation de la seconde référence de pinot blanc issue du lieu-dit « Kritt », une parcelle à mi-coteau très caillouteuse. Séduisant malgré une certaine retenue, ce vin nous propose une version raffinée et très gastronomique du pinot blanc alsacien…Joli !

Riesling Andlau 2011 : le nez est discret mais profondément minéral, la bouche se montre vive et ciselée avec précision, la finale est très saline et finement relevée par de beaux amers.
(13° – SR : 2g/l – AT : 6,8 g/l)
Encore jeune et un peu sur la retenue au plan de l’expression aromatique, ce riesling se distingue par une très belle salinité en bouche (déjà remarquée sur la version 2012 d’ailleurs)...Belle quille en devenir !

Pinot Gris Lerchenberg 2010 : l’olfaction est déjà précise sur les fruits blancs avec une petite note fumée, en bouche, la matière est tenue par une acidité bien tendue, l’équilibre est parfaitement sec, la finale s’étire longuement sur un sillage citronné très agréable.
(13°5 – SR : 6,2 g/l – AT : 8,1 g/l)

cimg4593.jpgLe Lerchenberg est une parcelle argilo-limoneuse située à l’ouest du Grand Cru Moenchberg. En 2010, ce terroir a permis la réalisation d’un pinot gris sec et gourmand de très haute tenue avec un potentiel gastronomique évident…une fois de plus, j’ai l’impression que ce millésime va réussir à me réconcilier avec ce cépage !

Clos du Val d’Eléon 2009 : le nez complexe et un peu mystérieux est entièrement dédié à la minéralité avec des notes de pierre chaude, de silex et de fumée, la bouche montre un équilibre sec mais avec un toucher bien gras, la finale est longue et profondément saline.
(14°g – SR : 1,4 g/l – AT : 6,2 g/l)

7.jpgRécolté sur une parcelle de schistes bleus de Villé complantée de rieslings et de pinots gris, ce vin vertical et puissant est une sorte de concentré de minéralité qui se déguste cependant avec un plaisir énorme…Excellent !

Riesling Clos Rebberg 2009 : le nez est ouvert, expressif et gourmand sur les agrumes mûrs et la pierre chaude, en bouche l’attaque est vive et tonique avec une acidité droite et incisive qu’une matière fruitée et gourmande vient envelopper rapidement avant de laisser se déployer une finale fraîche, saline et longuement aromatique.
(13°5 – SR : 3 g/l – AT : 8 g/l)

8.jpg
Riesling Clos Rebberg 2010 : comme sur le précédent le nez se montre déjà très avenant avec une palette gourmande sur les agrumes et une petite touche fumée, la bouche est marquée par de fines nuances oxydatives et une structure acide pure et tendue, la finale étonne par sa longueur et sa salinité.
(13°5 – SR : 5,5 g/l – AT : 8,9 g/l)

9-1.jpgMalgré des millésimes très différents, les schistes de Villé du Rebberg marquent profondément l’aromatique et la structure de ces deux vins qui affirment une minéralité extrêmement puissante, même si le 2010 se distingue par son élevage particulier (24 mois avec un seul sulfitage à la mise)…Deux quilles absolument magnifiques

Riesling Grand Cru Wiebelsberg 2010 : le nez est encore très réservé avec un fruit très discret sur un fond minéral déjà sensible, la bouche est élancée avec une acidité droite et tendue et une finale saline où on perçoit un peu plus nettement quelques notes de bergamote et d’épices.

10.jpgElevé durant 26 mois en foudres ce riesling porte la marque conjointe du millésime et de son terroir : l’acidité très ferme de 2010 associée à l’élégance naturelle générée par les grès du Wiebelsberg se conjuguent pour nous livrer un vin sec plein de sève et d’énergie qui montre dès aujourd’hui un potentiel énorme mais a qui il faudra laisser un peu de temps pour qu’il s’ouvre davantage.

Riesling Grand Cru Kastelberg 2010 : le nez est peu expansif et présente une subtile touche d’agrumes avec des notes pierreuses et fumées, la bouche est d’une puissance rare avec du gras, une acidité majuscule et une très longue finale saline et finement marquée par des nuances d’herbes aromatiques.
(13°5 – SR : 5,9 g/l – AT : 8,7 g/l)

11.jpgChez les Kreydenweiss, quand le Wiebelsberg est grand, le Kastelberg devient immense…il n’est pas exclu que ce vin entre dans le gotha des plus belles cuvées produites en 2010 dans le vignoble alsacien. Magnifique !!!

Après cette série de claques, la promenade au grand air pour rejoindre le Clos Rebgarten au milieu du village tombe à pic : rien de tel qu’une petite promenade dans l’air vivifiant pour reprendre ses esprits.
Dans cette parcelle nouvellement replantée en gewurztraminer, Antoine Kreydenweiss et « Sam » nous présentent une démonstration de labour à cheval dans la vigne.

12.jpgAntoine et Sam en train de passer la charrue pour le buttage dans des rangs volontairement resserrés pour faciliter le guidage du cheval

Privé de sortie depuis plusieurs jours et face à la dizaine de spectateurs venus assister à la démonstration de labour, le grand « Sam » manifeste un enthousiasme débordant qui rend très difficile le guidage du soc sur le sinueux tracé de l’inter-cep.

14.jpgChangement d’outil pour continuer la démonstration par un travail de griffage.

16.jpgLa griffe s’utilisant en ligne droite, Sam peut enfin se dégourdir les pattes…

La dernière étape de la visite nous emmène dans la salle de dégustation du domaine face au coteau du Kastelberg pour goûter quelques « trouvailles » sorties de la réserve du domaine.

17-1.jpgLa salle de dégustation et le coteau du Kastelberg qu’on aperçoit à travers la baie vitrée

Muscat 1999 : l’olfaction est délicate avec des notes de tisane (verveine, mélisse, tilleul) et d’herbe sèche, la bouche est tendre et relâchée mais la matière est vraiment très légère et la finale très courte et aqueuse.
J’adore les vins de muscat dans leur jeunesse lorsqu’on sent le fruit croquer sous la dent, mais j’avoue que les vieux m’ennuient un peu…et celui-ci ne fait pas exception, malgré sa palette complexe et raffinée. Dommage pour moi !

Clos du Val d’Eleon 1997 : le nez est élégant et racé avec une palette très complexe sur le pamplemousse, les zestes d’agrumes confits, le miel d’acacia avec une touche de pierre à feu, la bouche droite et puissamment minérale dégage une belle impression de plénitude.

18.jpgAprès plus de 15 ans de garde ce vin de schistes laisse sa force minérale s’exprimer avec beaucoup de classe…après un 2009 déjà impressionnant dans sa prime jeunesse de ce 97 prouve que les cuvées issues de ce Clos sont de vrais vins de garde…une révélation !

Riesling Grand Cru Kastelberg 2001 : l’aromatique est bien ouverte et d’une incroyable complexité (fruits blancs, herbes aromatiques, pierre à feu…), la bouche est posée avec une grande noblesse et développe une matière volumineuse et parfaitement équilibrée, la finale trace un sillage minéral d’une très grande longueur.

19.jpgEpoustouflant de pureté et de présence minérale, ce Château est vraiment royal ! Une belle grosse claque pour finir !

Pour conclure :

- Malgré la météo très hivernale qui a un peu bousculé l’organisation de ce troisième week-end « Portes Ouvertes », cette demi-journée que j’ai pu passer entre caves et vignes en compagnie d’Antoine et de son équipe fut une fois de plus un moment riche en sensations et en émotions.

- Après mon travail sur les Grands Crus d’Andlau, où j’ai pu m’entretenir quelques temps avec ce jeune vigneron pour tenter d’approcher la philosophie qui le guide dans la conception de ses vins, ce deuxième passage de l’année au domaine Kreydenweiss constituait une belle opportunité pour faire quelques travaux pratiques supplémentaires, verre en main bien sûr !

- L’institution d’une démonstration de labour à cheval dans le programme de la journée marque l’attachement profond d’Antoine à cette forme de travail : les sols sont beaucoup moins tassés qu’avec un tracteur et le rythme bien moins rapide de l’animal attelé permet de recréer un lien plus physique entre le vigneron et sa vigne…une pratique qui s’inscrit parfaitement dans le projet de ce domaine en biodynamie depuis de longues années.

- Les vins présentés cette année sont d’une étonnante pureté d’expression. Souvent discrets dans leur palette aromatique de jeunesse, ils se distinguent par la qualité de leur tenue en bouche : acidités précises et traçantes qui structurent des matières bien amples, finales montrant une force minérale déjà très marquée…qui dit mieux !

- Pour les coups de cœurs personnels, j’ai été particulièrement sensible à l’énergie positive qui se dégageait des Clos Rebberg et par le Riesling Kastelberg 2001 époustouflant de profondeur et de noblesse. Pour être complet, je citerai aussi les deux vins du Clos du Val d’Eléon que j’ai pu déguster à des âges très différents : cette cuvée qui gardait un certain mystère pour moi jusqu’ici m’a fait une très forte impression cette fois ci…il faut croire que je commence à décrypter la subtile personnalité des vins de schistes !

- Mille mercis à l’équipe du domaine Kreydenweiss pour ces belles découvertes.

13.jpgPetite pose pour la photo…Sam, entre labour et cabotinage !

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