Club AOC : Grands crus de Saint Emilion et Savennières
Après une deuxième sortie chez un vigneron, le club AOC retrouve son repaire de La Wantzenau pour une fin de la saison 2013/2014 qui se jouera exclusivement « à domicile ».
Cette session d’avril sera donc on ne peut plus classique dans son organisation avec deux thèmes bien différents :
1. Premier contact avec des Grands Crus de Saint Emilion
2. Découverte de l’appellation Savennières.
Les bouteilles de Saint Emilion ont été collectées patiemment par mes soins en trainant dans certaines « Foires aux vins » organisées par la G.D. et en sollicitant un caviste spécialisé dans les « antiquités »…bien entendu, l’ami François nous a également fourni deux quilles originales découvertes lors de ses nombreuses rencontres professionnelles.
Les Savennières ont été achetées sur place par Martial à l’occasion d’un séjour touristique sur les bords de la Loire.
Les Saint Emilion ont été débouchés, carafés et remis dans leurs bouteilles le matin et dégustés 2 par 2 à l’aveugle avec indication du millésime pour les 3 premières doublettes.
Les Savennières été débouchés (dévissés pour la plupart d’ailleurs…) au moment de la dégustation et servis 1 par 1, étiquettes découvertes.
Verres Spiegelau Authentis 01
Soirée Club AOC du 7 mars 2014 à La Wantzenau
En guise d’introduction :
Somnam’Bulles – Mas del Périé à Trespoux-Rassiels : nez aromatique et gourmand sur la cerise bigarreau, bouche finement pétillante, matière douce et bien fruitée, finale fraîche et guillerette.
A côté d’un trio de remarquables Cahors 100% Malbec (« Les Escures », « La Roque », « Les Acacias »), le facétieux Fabien Jouves concocte quelques cuvées qu’il présente lui-même comme des « vins de saucisson » et qu’il baptise avec des noms originaux comme ce « Somnam’Bulles » (mais il y a aussi « You fuck my wine », « Omar m’a abuser », « Tu ne vin plus aux soirées »…).
Issu d’une saignée sur des cuves de Cahors, que le vigneron a laissé refermenter en bouteille, cette friandise agréablement fruitée dont la légèreté apparente peut piéger le dégustateur imprudent (13°5 au compteur quand même !) a séduit l’assemblée ce soir. MIAM !!!
Thème 1 : voyage dans le temps avec quelques Grands Crus de Saint Émilion.
Le Carillon de l’Angélus 2009 : nez qui s’ouvre sur des notes un peu lactées (caramel) avant de livrer une palette fort agréable sur la prune, la résine le camphre et les épices, bouche souple avec une structure très sphérique, une texture veloutée et une finale longue, réglissée et balsamique.
(50% merlot + 25% cabernet sauvignon + 25% cabernet franc).
Vieux Château l’Abbaye 2009 : nez très minéral (notes de terre glaise et d’argile) et finement fruité, bouche un peu plus anguleuse mais qui reste d’un abord très agréable, matière ample et longue finale qui revient sur un thème profondément minéral.
(65% merlot + 35% cabernet franc).
Le « petit frère » du Château l’Angélus admis récemment dans l’élite de l’appellation tient bien sa place et affirme sa noble origine : encore un poil marquée par son élevage (12 à 14 mois en barriques neuves et d’un vin), cette cuvée possède une stature qui en impose en bouche avec une profondeur et un développement aromatique dignes d’un très grand vin.
Né sur le plateau est de l’appellation (dans le secteur de Fombrauge), le Vieux Château l’Abbaye a tenu la dragée haute à son binôme. Son côté sérieux, minéral et très bien équilibré et son prix encore très attractif (quand même 4 fois moins cher que le précédent !) confèrent à ce vin un attrait indiscutable.
Château Vieux Verdot Epigone 2007 : nez raffiné avec une palette très balsamique sur l’encens, le camphre et la résine, bouche ronde mais bien fraîche, toucher sensuel et beaux arômes de griotte, finale longue et tonique.
(90% merlot + 10% cabernet franc)
Virginie de Valandraud 2007 : racé et complexe avec une palette très évolutive sur la croûte de pain grillée, les épices, la réglisse et une fine touche fumée, bouche ample, assez musculeuse mais avec une texture soyeuse très avenante, finale fraîche et laissant persister un très long sillage aromatique sur le camphre et le épices.
(65% merlot + 25% cabernet franc + 5% cabernet sauvignon + 4% malbec + 1% carmenère).
Voilà sans conteste la doublette gagnante de cette série !
Le second vin de Valandraud montre une classe impressionnante : l’élevage très ambitieux (18 à 20 mois - 100% barriques neuves) s’est fondu dans une matière bien généreuse…le risque de paraître excessif était réel mais ce soir cette bouteille n’a laissé qu’une impression de plénitude et d’équilibre…WAOUHHH !
Face à un partenaire de top niveau, Epigone, la cuvée réalisée à partir des meilleures parcelles du Château Vieux Verdot (situé dans la partie ouest de l’appellation et voisin de Château Monbousquet), a fait mieux que résister en faisant presque jeu égal avec la meilleure bouteille de la soirée…Chapeau !
Château l’Escart 2006 : nez peu engageant avec des notes de terre et de poussière qui dominent un fruité trop discret, matière en demi-corps en bouche, tannins saillants qui accrochent fortement en finale.
(60% merlot + 25% cabernet sauvignon + 15% malbec)
Château Fombrauge 2006 : nez complexe et assez flatteur avec du cassis, de la réglisse et une touche minérale, bouche suave, assez légère, toucher agréable mais finale un peu courte avec un retour tannique assez asséchant.
77% merlot + 14 % cabernet franc + 9% cabernet sauvignon).
Placé dans la série parce que son encépagement était proche de ceux des Saint Emilion, le Bordeaux supérieur « pirate » n’a trompé personne mais le Grand Cru n’a pas tellement convaincu non plus.
Bien évidemment la différence de classe est apparue avec une grande évidence dans ce duel déséquilibré – c’est plutôt rassurant ! – mais il n’en reste pas moins que ce Grand Cru renommé du secteur sud-est de l’appellation (le 2010 et vendu à plus de 100 euros quand même !) s’est montré décevant à plus d’un titre. La faute au millésime peut-être ?
Château de Pressac 1964 : nez évolué de suie, de réglisse avec un fond fruité très léger, attaque douce en bouche, matière svelte et non dénuée d’élégance mais finale fatiguée.
(merlot + cabernet franc).
Château Soutard 1978 : nez intense mais peu agréable avec des notes de gentiane, de poussière et de bourgeon de sapin, un peu plus agréable en bouche, mais la texture est assez rude avec des tanins anguleux, finale sèche avec un sillage très médicinal (iode, camphre).
(merlot + cabernet franc).
Comme le diront les plus indulgents : « c’est toujours du vin ! »…oui mais après ce constat qui relève la bonne tenue dans le temps de ces deux flacons d’âge vénérable, on reste un peu sur notre faim en terme de plaisir gustatif.
Soutard fait penser à un vieil aristocrate qui se tient encore très droit mais dont la démarche est vacillante et notre cinquantenaire ne présente plus beaucoup de signes de vie…des vins qui forcent le respect mais qui ont perdu toute sensualité.
Le fond de bouteille du 1964, dégusté le lendemain par son « copain de classe » Martial, s’est révélé bien plus avenant…vieux mais capricieux !
Le bouchon de Soutard, imbibé mais entier…celui du Pressac 1964 s’est décomposé à l’extraction.
Pour conclure :
- une fois n’est pas coutume mais cette sélection de crus de Saint Emilion goûtée ce soir avec les amis du club AOC a bousculé les idées que je m’étais faites sur les vins de cette région. L’impression de dureté ressentie à de nombreuses reprises face à une bouteille de Saint Emilion m’a fait prendre des distances avec ce type de vin et j’avoue que le premier thème de ce soir ne m’emballait pas à priori…
Après cette série de très belles quilles, je me vois dans l’obligation de replacer mon curseur gustatif : si on oublie les deux antiquités et l’intrus, ces vins ont brillé autant par leurs aromatiques élégantes et racées que par leur minéralité et leur sapidité en bouche…MIAM quasi général !
- le coup de cœur absolu est décerné sans surprise à Virginie de Valandraud 2007 : matière noble et concentrée mais très joliment proportionnée, élevage subtil, parfaitement intégré, grande longueur aromatique…en plus, à moins de 25 euros, ça reste une bouteille tout à fait accessible pour un amateur.
J’attribuerai également un accessit à l’étonnante cuvée Epigone 2007 du château Vieux Verdot pour son incroyable rapport Q/P.
- bien évidemment cette première incursion nous a donné l’envie de connaître un peu mieux ce vignoble mythique…il n’est pas impossible que ce thème refasse vite sa réapparition dans le programme AOC !
Thème 2 : initiation aux vins de Savennières avec le Domaine des Baumards
Clos de Saint Yves 2009 – Domaine des Baumard à Rochefort sur Loire : nez discret sur un registre vif et minéral (silex, fumé léger), après une attaque assez douce la présence fruitée se définit tout en restant dominée par une imposante minéralité, finale longue et sapide où on distingue quelques belles notes de fruits blancs.
Sur ce terroir de schistes et de sables gréseux du Clos Saint Yves, le domaine des Baumards a produit une cuvée encore un peu timide sur le plan aromatique mais avec une matière riche, élégante et déjà profondément saline en bouche.
Un vin agréable et digeste qui donne vraiment envie de goûter le reste de la gamme.
Clos du Papillon 2007 – Domaine des Baumard à Rochefort sur Loire : nez riche et très exubérant sur la pêche jaune, la mirabelle, bouche onctueuse avec un joli gras, finale assez longue avec de fins amers et un sillage épicé intense.
Clos du Papillon 2006 – Domaine des Baumard à Rochefort sur Loire : nez très raffiné sur la chair de poire fraîche avec une expression minérale très puissante (silex, fumé léger), bouche avec un beau gras, une minéralité épanouie, un équilibre très tonique et une finale saline accompagnée d’amers nobles.
Sur ce clos qui doit son nom à sa forme particulière, le domaine des Baumards conçoit cette cuvée particulièrement riche et minérale qui s’exprime avec une belle gourmandise sur les deux millésimes proposés ce soir.
Le 2007 a dominante fruitée est une caresse pour les papilles et le 2006 intensément marqué par son terroir de schiste et de grès force le respect par sa présence minérale. Deux très beaux vins !
Clos du Papillon 2006 – Château des Vaults à Savennières : robe très jaune, nez douteux avec des notes liégeuses qui se confirmeront en bouche, matière équilibrée, beau volume mais finale très perturbée.
Un défaut de bouchage, qu’on pouvait d’ailleurs craindre en considérant la teinte de la robe, a rendu très problématique l’appréciation de cette cuvée.
Dommage car la matière semblait très belle et capable de rivaliser avec la qualité de ses deux homologues de la doublette précédente.
Trie Spéciale 2010 – Domaine des Baumard à Rochefort sur Loire : nez fin et distingué avec une palette complexe sur l’abricot frais, le musc et les épices, ample, vif et charnu en bouche, bel équilibre et grande sensation de salinité en finale.
Cette cuvée spéciale produite uniquement dans les millésimes à grand potentiel est réalisée à partir d’une sélection de raisins à la vendange suivie d’une seconde sélection pour choisir les meilleurs jus de presse.
Destinée à une longue garde ce Savennières « Trie Spéciale » offre pourtant un profil très avenant dans sa prime jeunesse : opulent, minéral, charpenté mais déjà très flatteur…comment avoir envie de laisser dormir ce vin dans sa cave !
Pour conclure :
- Le domaine des Baumards est une maison dont la qualité de la production est largement reconnue dans les sphères œnophiles : ses vins sont cités avec une grande régularité dans le Bettane, le Gilbert et Gaillard, le Gault et Millau, le Wine Spectator…
Avec 40 hectares de vignes travaillées en viticulture durable, ce domaine commercialise une très large gamme de vins ligériens comprenant ces belles références de Savennières que nous avons pu apprécier ce soir.
- Cette appellation que j’apprécie depuis longtemps produit des vins concentrés et minéraux qui se livrent avec beaucoup de spontanéité et de gourmandise dans leur jeunesse mais que l’amateur de vins de garde pourra laisser mûrir de longues années : les quelques cuvées débouchées ce soir nous ont régalé par leur côté avenant et ouvert mais leurs jus denses et généreux solidement appuyés sur des assises minérales imposantes ne laissent aucun doute sur leur potentiel de garde…Enorme !
- en tant qu’amateur de « vins de pierre » mon coup de cœur ira tout naturellement au « Clos du Papillon 2007 » mais j’avoue que l’ensemble de la série du Domaine des Baumards avec ces belles cuvées qui s’exprimaient de façon très diversifiée a comblé mes sens ce soir. MIAM général !
- Merci à Martial d’avoir sacrifié une demi-journée de vacances pour collecter ces quelques flacons…mais que ne ferait-on pas pour le club AOC !
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