Club AOC : verticale de riesling Schieferberg et vins rouges de Corse


Comme en novembre dernier, le club AOC a choisi de délocaliser sa réunion de février 2014 chez un vigneron alsacien. En effet, pour nous présenter une petite verticale de rieslings issus de son fameux terroir de schistes du Schieferberg, Bernard Bohn nous a invités à venir à Reichsfeld pour inaugurer son caveau de dégustation flambant neuf.

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Les dégustateurs d’AOC presque au complet dans le superbe espace dégustation du domaine Bohn.

Comme d’habitude le second thème nous emmène dans un autre vignoble avec des vins d’une autre couleur…c’est parti pour notre île de beauté et ses fameux vins rouges.
Les rieslings de schiste ont été sélectionnés par Bernard Bohn et la série de vins corses a été conçue par François.

Les rieslings ont été débouchés juste avant la dégustation et dégustés 1 par 1, étiquettes découvertes.
Les rouges de Corse ont été débouchés 1 heure avant la dégustation et servis 2 par 2, étiquettes découvertes.

Verres Spiegelau Authentis 01

Soirée Club AOC du 7 février 2014 à Reichsfeld


Thème 1 : des rieslings de schistes à l’épreuve du temps…la preuve par 6 de Bernard Bohn.


En guise d’introduction, notre hôte du soir nous présente la série de vins qu’il a sélectionnés pour l’occasion dans l’oenothèque du domaine :
- 3 cuvées de riesling issues du coteau du Schieferberg
- 3 cuvées de riesling issues du lieu-dit Oberhagel situé au cœur du coteau du Schiefreberg « un secteur très caillouteux où nos ainés ont fendu la roche pour planter des vignes ».
C’est parti !

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Bernard Bohn qui présente son terroir et ses vins.

Riesling Schieferberg 2009 : nez très discret, encore bien fermé, bouche ample, volumineuse et dotée d’une puissance remarquable, finale longue, finement tannique et marquée par une salinité naissante.
(13°4 – 4,20g AT – 8,9g SR)
Riesling Terroir de Schiste 2008 : nez toujours un peu sur la retenue mais avec l’ébauche d’une palette complexe où se dessinent des arômes de pierre à feu et d’épices sur un fond délicatement fruité, bouche avec une acidité bien verticale, une matière concentrée et une intense salinité qui s’impose progressivement jusqu’en finale, l’allonge est belle et la sensation de fraîcheur est encore accentuée par quelques fins amers.
(13° – 5,18g AT – 1,7g SR)
Riesling Schieferberg 2004 : nez plus ouvert avec des notes de pierre chaude et de résine, souplesse agréable à l’attaque, milieu de bouche très confortable avec de la souplesse et du gras, finale marquée par un retour minéral intense et persistant.
(12°8 – 4,80g AT – <1g SR)

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A l’image des raisins qui mûrissent très lentement sur ce terroir ces trois premiers flacons nous montrent qu’il faut également s’armer d’un peu de patience pour apprécier pleinement les vins du Schieferberg. Avec un 2009 mutique, un 2008 peu loquace et un 2004 très discret, l’amateur qui recherche de l’exubérance aromatique restera sur sa faim. En revanche, au niveau des sensations en bouche, ces rieslings affirment une matière concentrée et intensément minérale dès leur plus jeune âge…des archétypes de vins de pierre. Très beau trio !

Riesling Oberhagel 2000 : nez un peu réduit à l’ouverture avant de livrer une palette bien complexe avec des notes de plantes et d’agrumes frais, matière très puissante en bouche avec un fruité qui s’épanouit (orange sanguine, pomelo rose) et un retour minéral intense en finale, salin et très long.
(14°1 – 4,50g AT – 1,6g SR)
Riesling Oberhagel 1997 : nez complexe et évolutif qui s’ouvre su des notes assez discrètes de fruits jaunes avant de développer une palette plus minérale (zestes et pierre chaude) qui laisse s’exprimer quelques timides senteurs florales (mais il faut une longue aération), bouche un peu moins « sauvageonne » avec une matière toujours très dense mais plus fondue et plus harmonieuse, pourtant la trame minérale est bien présente et la finale exprime une virilité très affirmée.
(13°2 – 4,63g AT – <1g SR)
Riesling Oberhagel 1994 : nez intense complexe et d’une grande noblesse avec des notes d’agrumes mûrs, de résine et de pierre à feu, bouche concentrée mais très harmonieuse avec une acidité qui trace de l’attaque jusque en finale, salinité imposante et persistance aromatique d’une longueur peu commune.

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Bernard Bohn affirme depuis toujours que les Schieferberg sont de grands vins de garde, d’ailleurs il ne met en vente certaines de ses cuvées qu’après quelques années de vieillissement dans sa cave. Avec cette triplette il nous apporte une preuve très convaincante de la grande aptitude de ses vins à se bonifier dans le temps. Les palettes olfactives s’expriment plus franchement et montrent de plus en plus de complexité, les matières gardent leur densité et leur structure et les trames minérales de dessinent avec davantage de précision et d’intensité. Le 2000 marque les esprits par sa puissance, le 1997 séduit par sa très belle harmonie et le 1994 étonne par sa jeunesse et sa classe indiscutable.
Démonstration convaincante avec 3 très beaux flacons…Bravo !

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Comme les deux autres vins du trio, la robe de l’Oberhagel 1997 est légèrement marquée par son âge mais le vin a gardé une fraîcheur impeccable.

Après cette petite remontée dans le temps, Bernard ne résiste pas à l’envie de nous servir sa cuvée la plus jeune produite sur ce coteau et son fils Arthur lui emboite le pas en débouchant sa première réalisation au domaine :

Riesling Oberhagel 2010 : nez très séduisant avec une palette florale (acacia, fleurs blanches) et une touche fumée, acidité vive dès l’attaque mais matière posée et très avenante en bouche, finale longue, tendue et marquée par une empreinte minérale très caractéristique.
Pour cette cuvée dégustée et approuvée lors de ma dernière visite au domaine, Bernard a fait une exception à la règle qu’il applique aux vins de l’Oberhagel, mais il faut dire que ce riesling élevé en barriques d’acacia possède un charme irrésistible actuellement. MIAM !

Riesling 2012 : nez exubérant sur les fruits exotiques (ananas, mangue), le citron frais et une discrète touche pierreuse, bouche gourmande et fruitée, finale agréable et digeste.
Pour sa première expérience de vinification au domaine, Arthur a profité de la carte blanche laissée par le patron pour se faire plaisir en réalisant un superbe riesling sur l’Oberhagel : sélection des plus beaux rangs à la vendange, élevage de septembre à juin sur lies totales, sulfitage minimal…
Malgré un style qui change un peu, la qualité est tout à fait conforme à ce que l’amateur averti attend de ce domaine. Très prometteur !

Pour finir, nous revenons vers le programme prévu par Bernard en dégustant notre ultime cuvée de riesling de schiste :

Riesling Schieferberg-Les Larmes de Venus 2005 : nez complexe et raffiné mais encore très gourmand sur la cire, le miel et les fleurs, matière concentrée, riche et délicatement moelleuse en bouche, finale sapide et saline qui laisse une belle impression de fraîcheur.
(13°3 – 4,66g AT – 55g SR)

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Cette cuvée issue de raisins du Schieferberg, passerillés hors souche (bref, c’est du vin de paille…mais on n’a pas le droit à cette appellation en Alsace !) a été élaborée à partir de raisins vendangés en octobre, séchés sur paille et pressés au mois de février. Ce soir, ces larmes de déesse nous ont régalés par leur raffinement aromatique et par leur présence en bouche d’une exceptionnelle gourmandise.
Un vin riche, digeste et finement minéral…MIAM !

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Les plaques de schistes récoltées sur le Schieferberg

Pour conclure :

- cette belle série que Bernard Bohn a présenté comme « une verticale de Schieferberg exprimée par le riesling » a permis à tous les dégustateurs présents ce soir de voir combien un terroir pouvait imprégner la nature profonde d’un vin. En effet, ces rieslings portaient tous cette marque particulière du schiste : pierre chaude, silex, fumées dans l’expression aromatique, acidité droite et traçante en bouche et très forte salinité en finale. Un peu mutiques et repliés sur eux-mêmes dans leur jeunesse, les Schieferberg de Bernard montrent très tôt une puissance qui peut surprendre, voire même choquer, le dégustateur. Avec l’âge, l’empreinte minérale qu’on trouve en filigrane dans les vins jeunes s’intensifie, la force des jus ne décline pas mais les structures gagnent en harmonie. La garde profite toujours aux vins du Schieferberg.

- après deux décennies en cave, l’Oberhagel 1994 a impressionné tout le monde par son énergie et sa classe et que dire de l’Oberhagel 1997, magnifique le soir et encore meilleur le lendemain, qui semble presque immortel ! Bien évidemment, ce sont mes deux coups de cœur de la soirée !
Dans un style plus avenant et plus accessible, l’Oberhagel 2010 et sa patine gourmande mais aussi la très belle cuvée de riesling vinifiée par Arthur annoncent peut-être une évolution du style de la maison Bohn…Why not !

- En tous cas, mille mercis à Bernard et Arthur Bohn pour nous avoir si généreusement ouvert leur caveau et leur cave…

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Pause saucisson-fromage et pinot noir 2012 vinifié par Arthur Bohn, avant l’embarquement pour l’île de Beauté.


Thème 2 : le tour de Corse en 7 étapes rouges.


Corse 2012 – Clos Fornelli à Pianiccia Tallone : nez joliment fruité avec des notes de cerise noire et de noyau, matière assez carrée en bouche avec des tanins vifs et une finale fraîche et tendue.
(Niellucciu dominant + sciaccarellu + syrah – Alluvions schisteux + argiles et graves).
Patrimonio 2010 – Domaine Leccia à Poggio d’Oletta : nez discret et complexe avec des notes de fruits rouges et de cuir, bouche tonique avec une matière en demi-corps, un fruité marqué par la groseille et une vivacité assez incisive en finale.
(Niellucciu 100% – Argilo-calcaire + affleurements schisteux).

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La série corse commence par deux cuvées rouges d’origine différente mais avec un profil qui présente bien des similitudes : les palettes fruitées sont bien agréables mais les matières se montrent assez viriles en bouche avec des finales étonnamment fraîches. Ces vins élevés en cuves béton – comme tous les autres d’ailleurs – sont tenus par des squelettes acides et tanniques particulièrement solides.
J’ai l’impression que mon palais alsacien qui vient d’être flatté par de superbes rieslings joliment patinés aura quelques difficultés à supporter la rudesse de ces solides gaillards nés sur notre île de Beauté.

Corse
Une petite carte pour se situer un peu mieux…

Faustine-Vieilles Vignes Vin de France 2011 – Domaine Comte Abbatucci à Casalabriva : nez fin et complexe avec des notes de fruits rouges et de noyau écrasé, bouche riche, concentrée avec des tannins denses mais assez soyeux, finale droite et un peu serrée.
(Sciaccarellu + niellucciu – arènes granitiques)
La Robe d’Ange Corse 2012 – Clos Fornelli à Pianiccia Tallone : nez bien ouvert sur la myrtille et de réglisse avec une touche fumée, attaque vive et tranchante en bouche, chair fine et assez élégante mais finale très acérée.
(Nielluciu dominant + Sciaccarellu + syrah – Alluvions schisteux + argiles et graves).

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« Faustine » est une cuvée issue d’une sélection parcellaire du domaine Abbatucci qui produit des vins en biodynamie sur l’aire d’appellation Ajaccio (je ne sais pas pourquoi le 2011 est présenté en « Vin de France »…) et « Robe d’Ange » est une cuvée spéciale du Clos Fornelli, un domaine établi sur la côte est de l’île.
Ces deux vins marquent une petite montée en gamme mais gardent un style très proche de la doublette précédente : concentrés, assez fruités mais avec des textures que des tanins serrée et des acidités coupantes rendent particulièrement rugueuses.

A Mandria di Signadore Patrimonio 2007 – C. Ferrandis à Poggio d’Oletta : nez charmeur avec des notes de cerise bien mûre, bouche charnue et gourmande avec un fruit toujours très présent mais finale très astringente.
(Niellucciu majoritaire – Argilo-calcaire + affleurements schisteux)
Clos Marc Aurèle Corse Figari 2008 – Domaine de Tanella à Figari : nez complexe et racé avec de beaux arômes de fruits rouges, de torréfaction et de cuir, bouche fondue, très harmonieuse et parfaitement équilibrée, finale avec de la fraîcheur mais sans aucune agressivité.
Sciaccarellu + nielluccciu + syrah – arènes granitiques + argiles)

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La cuvée très confidentielle du Clos Signadore (1300 bouteilles) débouchée après quelques années de garde s’ouvre avec de belles promesses mais a conservé sa finale très dure par contre le Clos Marc Aurèle du domaine de Tanella est au top : avec sa matière riche et charnue et sa trame tannique souple et raffinée ce vin a fait l’unanimité ce soir…MIAM !

Oriu Corse Porto Vecchio 2003 – Domaine de Torraccia à Porto Vecchio : nez prometteur avec de la richesse et une belle complexité, bouche hélas trop acerbe, tannins rudes et serrés, finale sèche et austère.

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Sortie de la cave privée de la famille Bohn cette cuvée produite par un célèbre domaine travaillant en bio dans la région de Porto Vecchio n’a pas vraiment convaincu : le nez très ouvert et plein de charme invite à la dégustation mais la bouche déçoit par son excessive dureté en nous laissant un peu dubitatifs sur les possibilités d’évolution…je crains que le temps n’assèche encore un peu plus ce vin.


Pour conclure :

- Notre petite incursion dans ce vignoble corse, que peu d’entre nous connaissaient, n’a hélas pas été vraiment convaincante : sur cette île baignée de soleil où nous nous attendions à trouver des vins ronds, chauds et gourmands, il faut bien reconnaître que nous avons tous été « secoués » par la rudesse un peu agressive de la plupart des cuvées de cette série.
Avec le recul, je pense qu’on aurait pu faciliter l’appréciation de ces rouges très solides en les servant avant les blancs et en les décantant un peu plus longtemps avant de les déguster. Je suis également convaincu qu’ils peuvent faire bien meilleure impression à table pour peu qu’on leur associe quelque spécialité corse forte en goût. Une autre fois peut-être…

- Mon coup de cœur, partagé à l’unanimité, sera attribué au Clos Marc Aurèle du domaine de Tanella : malgré sa jeunesse, ce vin né sur les pentes granitiques du sud de l’île possède une stature corpulente et bien charpentée comme ses autres compatriotes de la série, mais ce soir il aura montré un supplément de douceur qui nous a vraiment charmés ce soir. Très belle bouteille !

- Merci à François d’avoir, une fois de plus, « travaillé dur » pour élargir notre culture vinique.

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