Dégustation club AOC - Des syrahs françaises

Pour sa  session d’octobre le programme de notre club a organisé un véritable choc des cultures avec des thèmes diamétralement opposés :

- des gewurztraminers alsaciens de 20 ans et plus
- des vins de syrah de la Côte Rôtie au Languedoc

Stéphane a géré la série de vieux gewurztraminers avec une série de 6 flacons d’âge vénérable (voire canonique) prélevés dans sa cave et 2 bouteilles complémentaires fournies par Martial et Stefan.
En tant que visiteur régulier des vignobles du sud, je me suis chargé de la collecte des vins de syrah…et ce ne fut pas si facile que ça puisqu’on ne trouve que difficilement des cuvées mono-cépage lorsqu’on quitte les appellations nord-rhodaniennes !

Les blancs ont été débouchés une bonne heure avant leur dégustation et servis à l’aveugle une bouteille après l’autre.
Les vins rouges de syrah on été débouchés et mis en bouteilles neutres laissées ouvertes 4 heures avant leur dégustation. Ils ont été goûtés 2 par 2 à l’aveugle mais avec annonce des millésimes.

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Soirée Club AOC du 30 septembre 2016 à La Wantzenau


En guise de mise en bouche :

Bourgogne 2013 – Domaine F. Carillon à Puligny : nez discret, notes florales délicates, élevage subtil, touche de pierre à fusil, équilibre très sec, matière consistante mais acidité vive et encore un peu coupante, finale persistante mais très serrée.

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Débouchée pour voir comment se portent les chardonnays bourguignons de 2013, cette cuvée vinifiée par François Carillon s’exprime avec une grande réserve et se montre plutôt austère en bouche.
Voilà un vin visiblement pas content d’avoir été dérangé trop tôt…on va attendre encore un peu avant de goûter les autres 2013 !

 

Thème 2
La syrah en France…noir c’est noir mais y-a-t-il de l’espoir ?

Vin de France Syrah Naturae 2015 – Domaine Gérard Bertrand à Narbonne : nez très rustique – « c’est du brutal ! – notes végétales, terreuses et légèrement fumées, bouche assez intense, matière étirée par une acidité très virulente, finale tellement dure qu’on ne regrette pas son manque de longueur.
Saint Joseph 2015 – Terrasses et Murets : nez plus mûr, palette engageante sur les fruits noirs (myrtille, mûre), bouche austère et un peu maigre, acidité puissante et incisive, finale austère et alcooleuse.

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Malgré une bonne préparation psychologique, le grand écart entre la fragile délicatesse des vieux gewurztraminers et la force brute et rugueuse de ces jeunes syrahs fut très difficile à supporter…surtout avec cette mise en train assurée par 2 vins plutôt sauvages dans leurs expressions.
La cuvée vinifiée « nature » proposée par un vigneron réputé du Languedoc semble marquée par la sous-maturité alors que le Saint Joseph manque cruellement d’harmonie…deux « petits vins » à « petit prix » pour un « très petit plaisir ». Décévant !


VDP du Mont Baudile La Syrah de Pey-Cherres 2013 – Domaine Supply-Royer à Arboras : nez austère sur les fruits noirs (cassis, mûre) et la pierre chaude, nuances florales délicates après oxygénation, matière dense mais très carrée en bouche, belle tension acide et grain tannique fin mais serré, finale fraîche et épicée.
Côtes du Vivarais La Syrare 2012 – Domaine Gallety à Saint Montan : olfaction riche et bien mûre, notes de cerise noire et de myrtille, touche boisée raffinée, matière puissante, structure très élégante, toucher soyeux, finale très longue, sillage fruité et épicé.

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Contrairement à son habitude, la fameuses Syrah de Pey-Cherres de mon ami Eric ne s’est pas montrée particulièrement amicale ce soir : tout porte à croire que cette cuvée 2013 aura besoin de quelques années de garde supplémentaires pour harmoniser ses puissants éléments constitutifs.
En revanche, la Syrare du domaine Galetty a parfaitement tenu son rôle de cuvée haut de gamme du vignoble ardèchois : c’est un vin juteux et équilibré plein de force et d’élégance…MIAM !


Costières de Nîmes Syrah 2007 – Château La Tuilerie à Nîmes : nez très évolué, notes de fruits cuits, bouche assez fatiguée, matière doucereuse et structure vacillante,
Hermitage Les Miaux 2007 – Domaine Ferraton à Tain l’Hermitage : olfaction pure et raffinée, fruité frais, beaux arômes floraux sur un fond minéral bien marqué, matière oblongue, équilibre dynamique, finale longue et tendue, sillage noble, violette, réglisse et nuances minérales.

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Le Château La Tuilerie a été le premier domaine des Costières que j’ai visité à l’occasion de l’un des mes nombreux séjours à Port Camargue et j’ai été content de trouver cette cuvée chez un caviste strasbourgeois pour l’intégrer dans cette série…hélas, je crois que cette syrah a eu du mal à supporter le carafage et la longue aération. Dommage !
La bouteille d’Hermitage du domaine Ferraton a bien mieux résisté au traitement et nous a offert un joli récital aromatique sur une matière svelte et bien équilibrée.
C’est un beau vin, agréable à boire mais à qui on pourrait reprocher un petit manque de structure et de densité…c’est quand même un Hermitage que diable !


Côte Rôtie Brune et Blonde 2006 – Domaine Guigal à Ampuis : nez sur les fruits noirs bien mûrs, notes poudrées, matière souple et soyeuse en bouche, structure équilibrée mais cruel manque de profondeur, finale légère et délicatement mentholée.
Coteaux du Languedoc Syrah Léone 2006 – Domaine de Peyre Rose à Saint Pargoire : nez complexe et très tonique, palette expressive sur le cuir et les herbes aromatiques avec une légère touche fumée, matière concentrée qui donne une impression de douceur – presque sucrée – en attaque de bouche, structure acide tannique puissante qui s’affirme progressivement, finale sapide et pleine d’énergie, sillage aromatique noble avec des senteurs de garrigue et de belles nuances minérales.

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On ne va pas se mentir la Côte Rôtie de Guigal a déçu : l’expression aromatique était prometteuse mais la présence en bouche n’était pas au niveau de l’appellation : les quelques dégustateurs présents qui connaissaient bien cette cuvée pour l’avoir goûtée à plusieurs reprises ne l’on absolument pas reconnue…ce qui nous conduit à penser que cette bouteille a également souffert de la trop longue aération.
Mais je reste dubitatif…
Avec une Syrah Léone vraiment à la hauteur de sa réputation, cette série « compliquée » se termine heureusement par un très grand vin : palette aromatique d’une classe incomparable, matière concentrée et bien vivante, équilibre précis et digeste, mâche tannique très sensuelle, sillage aromatique long et raffiné. MIAM !!


La syrah est mystérieuse : il a fallu attendre 1998 et des tests ADN pour apprendre que ce cépage est le fruit d’un croisement naturel entre la mondeuse blanche, un cépage qu’on trouvait dans l’Ain et en Haute Savoie, et la dureza, un vieux cépage noir d’Ardèche.
La syrah est mythique : ce cépage est à la base des plus belles cuvées des Côtes du Rhône septentrionales et a conquis les vignobles du monde entier depuis les années 80 (près de 200 000 hectares plantés).
Cépage fragile qui craint la sècheresse et qui est sensible aux maladies, la syrah aime les sols pauvres et donne le meilleur d’elle-même si le vigneron contrôle strictement les rendements.

Mais si la syrah est exigeante pour le vigneron elle l’est aussi pour le dégustateur et nous en avons fait l’expérience ce soir : après la suavité des vieux gewurztraminers, nos papilles ont été un peu violentées par la rugosité de ces vins, surement plus faciles à apprécier à table que dans une séance de dégustation.

La série du jour aura été assez hétérogène avec beaucoup de vins très difficiles à approcher et d’autres qui n’ont pas supporté leur phase d’aération (étonnant quand même pour le Côte Rôtie 2006 !).
En ce qui concerne mon goût personnel, deux bouteilles sont vraiment sorties du lot : coup de cœur absolu pour Syrah Léone 2006, une cuvée mythique qui mérite sa place parmi les plus grands et premier accessit indiscutable pour La Syrare 2012, un vin dont j’avais déjà beaucoup entendu parler et qui ne m’a vraiment pas déçu ce soir.

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