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L'Altenberg de Bergbieten selon Julien Schmitt
L’ALTENBERG DE BERGBIETEN…
Depuis que j’ai commencé ma quête des 51 Grands Crus, j’ai été amené à me promener souvent dans le secteur de la Couronne d’Or ; depuis lors, ces paysages sereins et ces villages paisibles constituent mon bol d’oxygène hebdomadaire.
C’est donc tout naturellement que ma 9° étape nous conduira à Bergbieten pour une visite approfondie du dernier terroir classé du vignoble de Strasbourg : l’Altenberg de Bergbieten.
Le coteau de l’Altenberg de Bergbieten en été
Bien des choses ont déjà été écrites sur ces terroirs et un angle d’approche original et intéressant est à priori difficile à définir…mais je vais quand même essayer de relever le défi.
Je vous propose de me suivre dans mes ballades personnelles avec un peu de théorie (le socle nécessaire à une bonne compréhension), des documents photographiques et surtout des rencontres avec les vignerons qui travaillent dans ces parcelles classées.
Bon, ça je l’avais déjà dit…mais c’est pour les nouveaux.
La plus grande partie de ce Grand Cru se situe sur le ban communal de Bergbieten, un petit village de 640 habitants où on ne trouve qu’un seul domaine viticole.
Dans ces conditions, personne ne s’étonnera que, pour asseoir sa réputation, l’Altenberg de Bergbieten a du s’appuyer sur le soutien des vignerons des communes voisines, notamment ceux de Traenheim.
Bergbieten vu du bas de l’Altenberg
Le village de Bergbieten a été fondé au IX° siècle et, comme presque toutes les communes de la Couronne d’Or, il s’est développé grâce à l’intérêt des rois mérovingiens et carolingiens pour cette région. Par la suite ce sont les congrégations religieuses qui se sont octroyé la gestion de Bergbieten : des documents datant de 1120 mentionnent ce village comme une possession de l’Evêché de Strasbourg.
Le blason de Bergbieten : saint Laurent et ses attributs, le grill et la palme.
Cité prospère, notamment grâce à son vignoble, Bergbieten a été partiellement détruite à deux reprises : lors de la Guerre des Paysans les « Armagnac » ont saccagé le village et au XVII° siècle durant la Guerre de Trente Ans, le château et une grande partie des fortifications ont été dévastés.
Aujourd’hui, il ne reste que très peu de vestiges de cette époque, pourtant, en 1895, un forgeron chanceux a trouvé dans sa parcelle de vigne, deux vases contenant 7000 pièces d’argent datant du XII° siècle (ce trésor est exposé dans un musée à Berlin). Quelques années plus tard un vigneron de l’Altenberg tomba sur un coffre contenant des sesterces à l’effigie de César…qui peut encore douter de la richesse de ce terroir !
Jusqu’à nos jours, Bergbieten a conservé sa vocation agricole et fruitière.
Arbres fruitiers et prairies remplacent la vigne dans la plaine devant l’Altenberg
C’est un village fleuri et accueillant où on peut visiter la petite église rurale Saint Laurent avec des décors en trompe l’œil de Roland Perret.
L’encadrement de la porte d’entrée de l’église Saint Laurent…faux grès et vrai trompe l’œil.
L’art du trompe l’œil a d’ailleurs inspiré quelques habitants de ce village et au coin d’une rue, le promeneur peut se retrouver nez à nez avec des façades décorées.
Bien le bonjour messieurs-dames !
Des cigognes qui ne migrent jamais.
Bergbieten n’a pas une vocation touristique affirmée mais le visiteur pourra apprécier sa situation privilégiée entre de verdoyantes collines dans un environnement préservé des excès d’une tendance au « Disneyland » alsacien qui caractérise parfois certains villages de la route des vins.
Au détour d’une rue on pourra se ressourcer à côté de l’une des nombreuses fontaines anciennes, qui vont se couvrir de fleurs avec l’arrivée des beaux jours.
Une fontaine au centre du village au printemps.
Le Grand Cru Altenberg de Bergbieten s’étend sur les flancs d’une colline aux pentes très douces exposées sud-sud-est.
Sa superficie totale est de 29,07 hectares avec une altitude qui se situe entre 210 et 265 mètres.
La délimitation du Grand Cru avec en bas à gauche la limite du village de Bergbieten et en haut à droite la limite du village d’Irmstett.
Situé au cœur d’un large amphithéâtre naturel dans la plaine du Rhin, l’Altenberg de Bergbieten offre un microclimat très favorable à la vigne : la protection des collines environnantes limite la pluviométrie et l’éloignement des montagnes vosgiennes rallonge considérablement la possibilité d’ensoleillement quotidien. L’exposition à dominante sud et la douceur de la pente en font un vignoble agréable à travailler et propice à une maturation homogène des raisins.
Une parcelle en pente douce de l’Altenberg avec le Scharrachberg et le coteau de l’Obere Hund au second plan.
Sur le plan géologique ce Grand Cru fait partie de la famille des terroirs argilo-marneux : un sous-sol riche en magnésium, composé de marnes bleues et noires et d’argiles recouvre uniformément ce coteau en lui donnant une belle unité. Dans les parties hautes on constate une présence accrue de cailloutis calcaires dolomitiques et on trouve des interférences gypsifères un peu partout dans l’Altenberg.
Une base homogène enrichie par une grande complexité minérale…personne ne s’étonnera plus du fait que ce terroir ait été repéré dès le Moyen-âge pour son grand potentiel.
Des pieds de vignes dans l’Altenberg, argiles, marnes et cailloux plus ou moins abondants.
Le sol gris bleuté caractéristique des terrains riches en marnes.
La vigne n’est pas seule à se plaire dans cet environnement doux et paisible : au printemps d’innombrables petites fleurs apportent leurs belles touches colorées entre les rangs et l’été voit l’apparition de nombreux lézards qui se prélassent sur les pierres surchauffées. Un petit coin de paradis en somme…
Fin avril, les fleurs de printemps ont colonisé l’Altenberg.
Sur le plan historique, on sait que le vignoble de Bergbieten existe depuis la fondation du village au Moyen-âge. Cependant, certains historiens s’accordent à penser qu’on peut remonter bien plus loin dans le temps pour situer l’origine de la culture de la vigne dans ce secteur : comme pour les vignobles voisins de Wolxheim ou de Dahlenheim les premiers ceps y ont surement été plantés du temps de l’Empire romain.
Le lieu-dit Altenberg est repéré dès le Moyen-âge : il est cité dans des documents d’archives relatives au Pape Léon IX, datant de l’an 1050. Une fois de plus, ce sont les congrégations religieuses locales et l’Evêché de Strasbourg qui ont fait main basse sur une belle partie des parcelles de ce coteau.
Il faut croire que la transsubstantiation en sang divin exigeait un liquide d’origine soigneusement sélectionnée…
A la Révolution les possessions du clergé sont restituées aux vignerons qui se feront un point d’honneur à faire de l’Altenberg de Bergbieten un cru reconnu et distribué dans de nombreux pays grâce à la proximité de Strasbourg et de ses structures portuaires sur le Rhin.
Un peu plus de 2 siècles plus tard, en 1977, ce terroir se retrouvera tout naturellement dans la première liste du classement Alsace Grand Cru.
Une belle reconnaissance pour le travail accompli !
Au niveau de la viticulture, ce Grand Cru est exploité par une poignée de vignerons indépendants et par quelques Caves Coopératives dont La Cave du Roi Dagobert.
L’entrée du caveau de la Cave du Roi Dagobert : une locomotive pour le vignoble de la Couronne d’Or.
Paradoxe absolu, dans le village de Bergbieten qui donne son nom au Grand Cru, il n’y a plus aujourd’hui, qu’un seul domaine viticole. Les vignerons du village voisin de Traenheim sont largement majoritaires sur ce Grand Cru : plus dynamiques et plus unis que leurs voisins, ils ont raflé la mise dans le partage d’après-guerre et ont travaillé d’arrache-pied pour valoriser et faire reconnaître l’Altenberg, à l’image de Frédéric Mochel qui relève fièrement « Nous avons été l’un des premiers terroirs classés ».
Dans les parcelles, l’herbe est omniprésente, le plus souvent un rang sur deux avec des techniques de travail de l’inter-cep et des rangs assez diversifié.
Une vieille vigne de gewurztraminer du domaine Mochel.
Julien Schmitt qui entretient le palissage dans une très vieille vigne de gewurztraminer au sommet de l’Altenberg
Un labour profond dans une parcelle du secteur ouest de l’Altenberg.
Le riesling et le gewurztraminer règnent en maîtres incontestés sur ce Grand Cru (plus de 80% de la superficie). Les surfaces consacrées aux autres cépages sont anecdotiques, même si le domaine Schmitt y produit un pinot gris de belle tenue et le domaine Mochel un muscat haut de gamme.
Les vins de l’Altenberg de Bergbieten sont francs et solidement charpentés avec une palette aromatique discrète qui se complexifie merveilleusement avec le temps. Le riesling traduit le mieux ce terroir mais les gewurztraminers y trouvent un équilibre droit et élancé qui les rend éminemment gastronomiques.
Il faut en général 4 à 5 ans de bouteille pour que les vins de ce Grand Cru dégagent toute leur amplitude fruitée et manifestent pleinement leur identité minérale.
Ils sont une sorte d’archétype de ces crus nordistes longtemps restés dans l’ombre de leurs frères haut-rhinois, mais qui n’ont pas cédé à la tentation du vin facile et qui se retrouvent aujourd’hui au top de la hiérarchie alsacienne… et ce n’est que justice !
Le domaine Roland Schmitt se situe au centre de Bergbieten à deux pas de la mairie et de l’église Saint Laurent.
C’est une grande maison vigneronne qui a été rénovée tout en gardant son identité profondément ancrée dans la tradition locale.
Passé le porche on se retrouve dans une vraie cour de ferme traditionnelle.
Julien Schmitt me reçoit dans un beau caveau de dégustation avec un bar et un « Stammtisch »… tout ce qu’il faut pour passer un bon moment !
Le coin bar-dégustation du domaine Schmitt
Ce vigneron, qui dès son plus jeune âge, a crapahuté dans l’Altenberg au côté de ses parents, s’occupe de la production des vins du domaine depuis plus de 10 ans. Bien entendu il connaît parfaitement ce Grand Cru et se réjouit de pouvoir en parler avec moi.
Que demander de plus !
Comment définir ce terroir ?
« Au niveau géologique ce terroir est généralement répertorié dans le famille des marno-calcaro-gypseux, mais je le qualifierai plutôt de marno-gypseux car c’est le gypse qui constitue la vraie identité de ce terroir ». Julien insiste particulièrement sur l’importance de cet élément minéral qu’on retrouve un peu partout sur l’Altenberg à une profondeur entre 30 et 60 centimètres selon le secteur. « Les dégustations organisées par la gestion locale de l’Altenberg révèlent une vraie typicité…je suis convaincu que c’est le gypse qui imprime sa marque sur ces vins ».
Le calcaire à dolomies (calcaire magnésien du secondaire) intervient plus sur la structure du sol, dans la mesure où il confère des propriétés drainantes accrues à ce sol marneux généralement assez lourd.
Au niveau géographique, c’est la conjonction de 3 éléments qui caractérisent ce Grand Cru :
- la protection des massifs montagneux environnants garantissent un micro-climat sec et peu venté,
- la faible pente privilégie un murissement doux des raisins « il n’y pas de maturités explosives sur l’Altenberg »,
- la faible altitude entraine une maturation très homogène des fruits sur tout le coteau.
Quels sont les cépages les mieux adaptés ?
Le riesling est le révélateur privilégié de la race de l’Altenberg de Bergbieten : « c’est le cépage qui exprime le mieux la salinité de ce terroir ». Le gewurztraminer qui bénéficie d’une vraie assise historique sur ce coteau y a bien sûr aussi sa place : « de mémoire de vigneron, il y a toujours eu du gewurztraminer sur l’Altenberg ».
Les 2 autres cépages autorisés occupent quelques parcelles mais leur présence est très marginale.
Quels caractères spécifiques ce terroir transmet-il aux vins ?
Les vignerons de la gestion locale de ce Grand Cru alsacien ont défini ensemble un certain nombre de caractéristiques propres aux vins issus de ce terroir : les vins de l’Altenberg de Bergbieten possèdent une acidité carrée et massive, ils sont amples et profonds avec une structure élégante et un équilibre très digeste. Leur tenue en bouche est remarquable : « on les reconnaît grâce à leur grande sapidité, leur longue persistance aromatique et leur présence tannique en finale ».
Les rieslings sont particulièrement salins et les gewurztraminers marqués par les fruits mûrs dans leur jeunesse évoluent vers une palette plus florale avec l’âge, tout en conservant une belle trame acide.
Ce sont des vins de grande garde : ils tiennent admirablement au vieillissement et ne devraient pas être dégustés avant 18 mois de bouteille minimum.
Quelles perspectives pour ce terroir ?
Il y a 6 caves particulières et 2 grandes structures de production (la maison Arthur Metz de Marlenheim et la Cave Coopérative de Traenheim) qui proposent des vins de l’Altenberg de Bergbieten. « Nous avons la chance d’être assez nombreux et d’avoir une Gestion Locale du Grand Cru efficace : peu d’absentéisme, des discussions constructives sans guéguerres partisanes et une démocratie qui fonctionne bien… »
Les opérations de communication sur l’Altenberg sont très limitées : « grâce au dynamisme de Jean-Jacques Muller, notre Grand Cru est mis à l’honneur lors de la fête du vin à Traenheim, qui connaît un succès grandissant » (elle a lieu lors du dernier ou de l’avant-dernier WE du mois de mai).
Pour l’avenir de l’Altenberg de Bergbieten les discussions sont bien avancées et les positions se clarifient :
- ce Grand Cru est destiné à produire des vins secs (des rieslings à moins de 10g de SR),
- les gewurztraminers et muscats ne sont pas limités en termes de SR, mais les VT et SGN vont être exclues du Grand Cru « le botrytis ne peut pas dominer le marquage minéral de ce terroir ».
- le pinot gris est amené à disparaitre à terme de l’appellation « les parcelles existantes sont maintenues mais aucune nouvelle plantation ne sera acceptée ».
Julien Schmitt se passionne pour les débats actuels sur les appellations alsaciennes mais son positionnement est clair et tout à fait cohérent : il milite pour un cahier de charge précis et déposé qui définirait l’appellation Grand Cru Altenberg de Bergbieten.
« Se limiter à la définition d’une appellation générique Alsace Grand Cru serait un pas en arrière ». Dans cet univers mondialisé où la concurrence est rude, ce jeune vigneron a parfaitement conscience que la seule notion de vin honnête et marchand ne suffit plus pour faire reconnaître sa qualité aux yeux des consommateurs.
Ceci dit, on reste serein au domaine Schmitt « qu’ils plantent nos cépages où bon leur semble, nous sommes convaincus que les terroirs alsaciens sont vraiment uniques ». Même pas peur !!!
En ce qui concerne la tendance aux vins d’assemblage sur les Grands Crus, Julien est assez catégorique : il reste sur une position tranchée de défense des cuvées mono-cépages en Alsace et ne voit pas pourquoi il devrait céder à cette mode de l’assemblage. « Jusqu’à présent je n’ai pas été particulièrement impressionné par un vin d’Alsace issu d’un assemblage (…) de toute façon on n’a pas besoin d’assembler des cépages pour faire un grand vin : le cépage qui apporte la touche variétale et le terroir qui donne son identité minérale se complètent parfaitement dans notre région »
Visiblement, ce débat est loin d’être clos dans le vignoble alsacien…
Les vins du domaine : quelle conception ?
Les archives familiales révèlent que le premier vin vinifié au domaine daterait de l’année 1610, ce qui fait que 2010 correspondrait au 400° millésime de la famille Schmitt... « Nous allons surement sortir une cuvée spéciale pour l’occasion… mais pas un assemblage ! » Nous voilà prévenus…
Le domaine possède un peu plus de 10 Ha de vignes sur de beaux terroirs autour de Bergbieten : des parcelles sur le Glinzberg et le Thalberg complètent celles sur l’Altenberg. Ces dernières années l’exploitation a augmenté son patrimoine foncier en acquérant une vigne de gewurztraminer sur le Grand Cru Engelberg (13 ares) et une autre sur l’Ostenberg (47 ares) « une colline entre Westhoffen et Wangen, très pentue, très dure à travailler en bio mais où le raisin mûrit bien »…de belles VT en perspective !
2010 sera également le premier millésime certifié bio du domaine Schmitt : malgré sa fierté légitime « j’ai du passer outre les réticences de maman (Anne-Marie Schmitt) mais elle est pleinement satisfaite de notre réussite aujourd’hui », il regrette juste de ne pas s’être engagé plus tôt dans le processus de certification « je respecte scrupuleusement le cahier de charges de l’agriculture biologique depuis 2004, mais j’ai attendu d’être vraiment sûr pour demander la certification officielle (en 2007) ». Sensibilisé au problème de la pollution dès son plus jeune âge, Julien s’est forgé des convictions fortes au contact de Patrick Meyer et d’autres jeunes vignerons (Rietsch, Loew, Kreydenweiss, Rieffel…) avec lesquels il participe régulièrement à des sessions de dégustation et d’échanges. Le bio se justifie tant par des convictions philosophiques que par des réalités esthétiques au niveau des vins produits suivant ces méthodes « dans 10 ou 15 ans, ceux qui n’auront pas intégré les normes bio auront beaucoup de mal à s’imposer sur le marché du vin »
Visionnaire, réaliste ou utopiste…l’avenir le dira bientôt.
Au niveau de la viticulture, les vignes sont enherbées un rang sur 2 et traitées par pulvérisation de tisanes. Le travail du sol se fait en profondeur en automne, après les vendanges (c’est un besoin particulier des sols marneux) ; à partir du printemps les interventions sont plus superficielles avec du grattage et du fauchage.
Dans la mesure du possible ce sont les équilibres secs qui sont recherchés sur l’Altenberg : « si la maturité physiologique le permet évidemment ». Le verdict du réfractomètre et la dégustation des raisins sont les 2 indicateurs qui guident le choix des dates de vendange.
« Les techniques de vinification sont très classiques » : les raisins arrivent au pressoir en bottiches et subissent un pressurage direct pendant 6 heures environ. Le débourbage statique se fait sous contrôle de température et les fermentations se déclenchent sous l’action des levures indigènes. « Les malos ne sont pas recherchées mais se produisent assez fréquemment, surtout après une chauffe pour dynamiser une fermentation alcoolique un peu paresseuse ».
Il n’y a pas de foudres en bois au domaine Schmitt « Notre père a très vite compris l’intérêt des contenants modernes et a intégralement remplacé la futaille traditionnelle par des cuves inox ».
Les jus subissent 3 sulfitages légers, une pré-filtration sur Kieselguhr et une filtration stérile avant les mises en bouteilles qui se déroulent entre avril et août selon les cuvées.
Une partie de la cuverie du domaine dans la grand cave sous la maison familiale.
Le domaine Schmitt produit environ 50000 bouteilles par millésime (20% de la vendange est vendue à la Cave Coopérative d’Obernai).
Les principales destinations à l’export sont la Norvège et la Côte Ouest des Etats Unis : « certaines années nous écoulons 5 à 6000 bouteilles sur ces deux destinations ».
Pourtant c’est la vente aux particuliers qui représente la part la plus importante du chiffre annuel, même si au bout du compte il y a assez peu de passages au domaine. C’est surement lié à la situation particulière de Bergbieten qui se trouve un peu isolée des grands axes régionaux du vin… et c’est bien dommage lorsqu’on connaît la qualité de l’accueil dans cette maison.
Les vins de la famille Schmitt se retrouvent également et depuis de nombreuses années, sur la carte des principaux restaurants étoilés de la région (Auberge de l’Ill, Cerf, Crocodile, Arnsbourg…) : une très belle carte de visite !
Dans cette belle entreprise, Julien peut compter sur le soutien de Bruno, son frère ainé qui a rejoint le domaine en 2002 et qui s’occupe de la relation clientèle et du marketing (les étiquettes originales, le site internet, c’est lui).
Enfin, last but not least, tirons un grand coup de chapeau à Anne-Marie, la maman qui, après la disparition de son époux, a géré seule cette exploitation pendant de longues années : son courage et son dynamisme sont devenus presque légendaires dans le vignoble de la Couronne d’Or.
Anne-Marie Schmitt en train d’arquer les rieslings sur l’Altenberg
Et dans le verre ça donne quoi ?
La dégustation commence par une petite visite aux nouveau-nés de 2009 qui sont encore en cuves :
Riesling Altenberg de Bergbieten 2009 : une robe étonnamment claire et brillante, le nez est précis et richement fruité, la bouche est ample avec une structure sphérique (14° - 6,5g de SR), la finale est tendue, longue et bien tannique.
Une matière première exceptionnelle tout simplement !
Pinot Gris Altenberg de Bergbieten 2009 : le nez est net mais discret, la présence en bouche est vraiment gourmande avec du gras, une acidité puissante et une belle profondeur.
La présence du terroir apporte un équilibre tonique à ce vin très riche (14° - 16g de SR).
Pinot noir 2009 : le nez est puissant, élégant et complexe (fruits rouges, épices…) la bouche possède un équilibre proche de la perfection et une persistance finale d’une longueur étonnante.
Trié sévèrement à la vigne et complètement égrappé, ce pinot noir d’une gourmandise peu commune est une réussite absolue… à encaver d’urgence (il est encore en cuve pour l’heure…patience !).
De retour au Stammtisch nous voilà partis à la découverte de ce terroir à travers quelques flacons issus de l’oenothèque du domaine.
Sylvaner Grand A du petit Léon 2009 : le nez est discret, précis avec des notes de groseille blanche mûre et de citron confit, la bouche est riche, très juteuse, avec un volume imposant et une belle tension, la finale est longue et très saline.
Un magnifique sylvaner issu de vieilles vignes sur le Grand Cru, un grand vin de terroir avec un rapport Q/P au sommet (moins de 6 euros…).
Sylvaner Grand A 2007 : le nez est aérien, particulièrement flatteur et délicieusement fruité, la bouche allie gras et acidité avec mesure, la présence de ce vin est vraiment agréable.
Le même sylvaner avec 2 ans de plus, l’évolution est réussie et comme le dit son concepteur « il est à boire aujourd’hui »… ne nous privons pas !
Riesling Altenberg de Bergbieten 2008 : le nez est frais, discret avec des nuances citronnées et minérales (pierre, silex), en bouche, la matière est fine et élégante, l’acidité longue et vibrante s’associe à une puissante salinité et à de belles sensations tanniques pour construire une finale expressive et longue.
Précis, riche, équilibré, avec une présence en bouche exceptionnelle… aucun doute n’est permis : c’est un très grand riesling. Ceci dit, avec un grand terroir, un grand millésime et un grand vigneron c’est presque obligatoire !
Riesling Altenberg de Bergbieten 2007 : le miel, la pierre chaude, la résine et les épices se complètent pour composer un bouquet complexe et bien typé, la bouche est ronde et agréable avec du gras, de la salinité et toujours ces nuances tanniques en finale.
Le millésime marque un peu la bouche mais le terroir signe la finale et l’évolution a crée une palette aromatique de toute beauté. Un plaisir absolu !
Riesling Altenberg de Bergbieten 2005 : le nez est intense et expressif (notes minérales, résine, silex), la bouche est magnifique, juteuse, délicatement citronnée avec une acidité puissante et profonde et une persistance aromatique d’une longueur peu commune.
« C’est ma référence, j’aimerai que tous mes Altenberg se rapprochent de cet équilibre… » un bel objectif, car ce riesling est vraiment très grand aujourd’hui. Ceci dit nous reparlerons du 2008 et du 2009 dans quelques années…
Riesling Altenberg de Bergbieten 2004 : le nez est avenant sur des fruits compotés, du miel et un peu de caramel, la bouche est équilibrée mais l’acidité est plus fluctuante et la finale moins précise.
Un millésime difficile servi après la bombe de 2005, ce vin n’a pas eu beaucoup de chance dans cette série. Ceci dit, même s’il n’a pas la profondeur et l’ampleur des précédents, il se déguste avec un réel plaisir à l’heure actuelle.
Riesling Altenberg de Bergbieten 2003 : un premier nez légèrement torréfié qui évolue vers des notes de résine et de pierre chaude, la bouche possède une ossature tannique puissante qui équilibre parfaitement le gras et la richesse.
Un riesling complexe et profondément minéral qui se goûte sec… c’est étrange pour le millésime mais c’est réussi !
Riesling Altenberg de Bergbieten 1993 : un nez d’une complexité inouïe, des fruits frais (mandarine, rhubarbe…) et des évocations florales très subtiles, la bouche possède une classe et une race incomparables, le fruit est toujours aussi pur, l’acidité est longue et précise et la finale s’enrichit de notes de gingembre et de poivre.
Le dernier vin de Roland…le témoignage ultime d’un grand vigneron disparu bien trop tôt.
Plus de 16 ans et une tenue d’aristocrate, inoubliable, une sacrée claque !
La vigne de riesling du domaine Schmitt sur le Birkel, dans le secteur ouest du Grand Cru.
Pinot Gris Altenberg de Bergbieten 2008 : un nez pur et classique où on reconnaît les fruits mûrs et le beurre frais, la bouche offre une richesse perceptible mais reste digeste grâce à une trame acide longue et fine.
Un pinot gris jeune et riche qui a su garder une belle fraîcheur et qui possède un joli potentiel de garde.
Gewurztraminer Altenberg de Bergbieten 2008 : le nez est marqué par le fruit très mûr et quelques notes grillées, la bouche est riche et moelleuse (50g de SR), la puissante acidité, la salinité et la présence tannique se conjuguent pour donner un joli relief à la structure et laisser une belle impression de fraîcheur en finale.
Une matière généreuse, un terroir qui s’exprime déjà très fort et un cépage vraiment unique, un vin qui porte au plus haut une certaine idée de la typicité alsacienne... incomparable gewurztraminer !
Gewurztraminer Altenberg de Bergbieten 1996 : le premier nez fugace, légèrement truffé laisse rapidement la place à de puissants arômes de litchis, la bouche est opulente mais bien équilibrée, la persistance aromatique fruitée est très longue.
Du litchi partout, même le lendemain : 14 ans ont passé, il semblerait que le cépage ait repris la main…mais ce n’est pas pour me déplaire, quelle gourmandise !
Quelques Altenberg de la collection particulière de la famille Schmitt.
Pour conclure, un petit bilan sur cette neuvième expérience de visite approfondie d’un terroir Grand Cru (attention je risque de me répéter…) :
- Une fois de plus, j’ai pu vérifier que la convivialité et la disponibilité des vignerons alsaciens ne sont pas une légende. Encore mille mercis à Julien pour son accueil.
- J’ ai renforcé ma conviction qu’une bonne compréhension d’un vin passe évidemment par la dégustation mais s’enrichit considérablement si on fait la démarche d’aller sur place, sentir l’énergie des terroirs où il naît et rencontrer les gens qui le conçoivent…je ne boirai plus jamais des Altenberg de Bergbieten comme avant !
- L’Altenberg de Bergbieten est un terroir magnifique : ne vous laissez pas tromper par la discrétion de ce petit village ni par l’aspect serein et calme de ce coteau, les crus qui y naissent sont pleins d’énergie positive et de fougue.
Si vous cherchez la salinité dans un vin, ce Grand Cru vous comblera, si vous pensez que seuls les rouges peuvent être tanniques, ce Grand Cru vous prouvera le contraire, si vous voulez encaver des bouteilles pour le mariage de votre dernier-né, ce Grand Cru vous livrera des vins qui vieilliront admirablement.
Même si aujourd’hui les vins de l’Altenberg se laissent approcher facilement dès leur plus jeune âge, ils restent par essence des vins pour esthètes patients : charmeurs dans leur jeunesse ils deviennent vraiment très grands avec l’âge.
- Julien Schmitt est un vigneron cultivé, généreux et perfectionniste qui partage volontiers ses connaissances et ses convictions avec les oenophiles de passage. Chargé depuis 1999 de la production du vin au domaine Schmitt, il conçoit ses cuvées en recherchant l’expression la plus pure et la plus naturelle de leurs terroirs respectifs. Le haut niveau de qualité des vins que nous avons goûtés ensemble tend à prouver que les choix effectués sont judicieux.
Ce domaine que je fréquente maintenant depuis plus de 10 ans est une référence absolue sur ce Grand Cru et une adresse incontournable (une de plus) pour tout amateur de vin d’Alsace.!
Le coteau de l’Altenberg vu des hauteurs de Dangolsheim
Première publication de cet article : 2010
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Commentaires
1 Gilbert Le 29/11/2018
Petite remarque historique en passant : "au XV° siècle durant la Guerre de Trente Ans"... la guerre de Trente éclata en 1618 pour finir en 1648. On est donc au XVIIè siècle !
pierre_radmacher Le 30/12/2018