Le Kaefferkopf selon Jean-Léon Schoech

LE KAEFFERKOPF…

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Les 5 coteaux du Kaefferkopf sous le soleil matinal


Je poursuis pas à pas ma longue quête à la découverte des secrets des grands terroirs viticoles alsaciens en m’arrêtant à Ammerschwihr, l’un des villages les plus connus de notre vignoble grâce notamment à son coteau du Kaefferkopf, un terroir qui pourtant n’a pu intégrer la famille des Grands Crus qu’en 2007.
Cette histoire un peu paradoxale n’a pas manqué d’attiser ma curiosité et c’est donc avec une grande soif d’apprendre et de comprendre que je vais aborder la 31ème étude d’un Grand Cru d’Alsace en compagnie de Jean-Léon Schoech, un vigneron d’Ammerschwihr qui a accepté de me recevoir dans son domaine familial pour m’aider à percer les mystères du Kaefferkopf.

Bien des choses ont déjà été écrites sur ces terroirs et un angle d’approche original et intéressant est à priori difficile à définir…mais je vais quand même essayer de relever le défi.
Je vous propose de me suivre dans mes ballades personnelles avec un peu de théorie (le socle nécessaire à une bonne compréhension), des documents photographiques et surtout des rencontres avec les vignerons qui travaillent dans ces parcelles classées.
Bon, ça je l’avais déjà dit…mais c’est pour les nouveaux.

Le Grand Cru Kaefferkopf se trouve sur le ban communal d’Ammerschwihr, une commune de 1761 habitants (recensement de 2019), située à l’entrée de la vallée de Kaysersberg entre Kientzheim au nord et Katzenthal au sud.

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Ammerschwihr, vu du Kaefferkopf en février 2023

La théorie la plus largement répandue sur l’origine du nom de ce village – validée par l’historien Michel-Paul Urban (« Dictionnaire étymologique des noms de lieux en Alsace ») y – nous explique que ce toponyme doit son nom à l'anthroponyme germanique « Amalrik » qui précède le suffixe « villare » pour former le nom « Amalrici Villare » repéré pour la première fois dans des écrits qui datent de 869.
Par la suite, le toponyme a évolué en fonction de la langue parlée par la population qui occupait le lieu : c’est ainsi qu’on a pu repérer le nom « Amelrichswilere » en 977. « Amilrichiswilre » en 1149 ou « Amalrichovilla » en 1128.

La découverte d’armes datant de l’âge de bronze (haches, pointes de lance), témoignent du fait que le site d’Ammerschwihr était déjà occupé à cette époque.
Au Xème siècle, « Amalrici Villare » n’est encore qu'une ferme royale et c'est grâce à l’unification de trois villages voisins (Ammerschwihr, Meywihr et Katzenbach) au cours du XIVème siècle, qu’Ammerschwihr obtient le statut de ville.

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La base du Donjon du château de Meywihr au milieu d’une parcelle de vignes…

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…et la chapelle du Meywihr qui datent tous deux du XIIIème siècle

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La chapelle Saint Wendelin qui était entourée par le hameau de Katzenbach au XIIIème siècle

Suite à cette unification, Ammerschwihr était soumise à trois juridictions différentes avec trois seigneurs qui se partageaient le ban communal et ses revenus : l'avocat impérial de Kaysersberg qui représentait le Saint-Empire romain germanique, le seigneur de Ribeaupierre et le seigneur du Holandsberg qui relevaient tous deux de la Maison d’Autriche. Chaque seigneur qui avait la garde de l'une des trois portes de la ville, nommait un prévôt et percevait sur ses sujets une contribution en argent et en vin.
A l’heure actuelle, on peut encore voir la porte haute à la sortie ouest de la ville, les autres ont été détruites.

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Un mur de fortification encore visible à la sortie ouest de la ville…

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…et la porte haute, l’« Obertor ».

Par la suite, les bourgeois d’Ammerschwihr développent le commerce du vin, une activité qui restera la grande ressource du village à travers les âges.
Au XVIème  siècle, cette cité viticole connaît une période de grande prospérité qui verra la construction de magnifiques bâtiments et édifices dont quelques-uns sont encore visibles de nos jours : la tour des Bourgeois, la tour des Fripons et l’église agrandie entre 1564 et 1585.

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La Tour des Bourgeois (XVIème siècle)

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La tour des Fripons (XVIIème siècle)

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L’église Saint Martin (XVIème siècle)

C’est également au XVIème siècle qu’Ammerschwihr crée son blason. Il s'agit d’un blason avec 3 bruants, des passereaux dont le nom germanique est « Ammer » : c’est un blason dit « à armes parlantes » puisque sa composition picturale fait référence directement au nom de la ville.

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Le blason de la ville et ses 3 bruants qui rappellent la division territoriale de la commune jusqu'à la Révolution (initialement il n’y avait qu’un seul oiseau sur le blason)

Comme beaucoup de villages alsaciens, Ammerschwihr et ses habitants subissent conflits et invasions avec leurs lots de malheurs et de destructions au cours des XVIème et XVIIème siècles, notamment lors de la Guerre de Trente Ans (1618 – 1648).
Durant les siècles suivants, Ammerschwihr profite d’une période plus calme pour se reconstruire et se développer…toujours grâce à la viticulture.

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Le presbytère de style architectural Louis Philippe date de la fin du XIXème siècle

En 1944, les bombardements alliés lors de la bataille de la Poche de Colmar détruisent la ville à 85% en faisant 16 victimes civiles. Le patrimoine architectural et artistique est durement frappé mais de 1948 à 1956, les habitants soutenus par leurs élus et par l'architecte Charles Gustave Stosskopf, reconstruisent leur ville en lui redonnant un nouveau cachet même si certains stigmates de la guerre restent encore visibles aujourd’hui.

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Une plaque mémorielle qui rappelle la destruction du village par un bombardement le 18 décembre 1944.

Malgré ces destructions, Ammerschwihr possède encore quelques édifices remarquables qui raviront les amateurs d’histoire et d’architecture : la Porte Haute (XIVème siècle), la Tour des Bourgeois (XVIème siècle) ou la Tour des Fripons (XVIIème siècle) qui sont restées intactes, l’Eglise Saint Martin (XVIème siècle) ou la Chapelle Saint Wendelin (XIIIème siècle) qui ont été restaurées au XXème siècle, la façade de l’ancien Hôtel de Ville (XVIème siècle) restée debout après les bombardements mais aussi quelques maisons vigneronnes anciennes.

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L’Eglise Saint Martin : une simple chapelle au Xème siècle, agrandie au cours des siècles suivants avec un chœur qui date XVème siècle et une nef gotique qui date du XVIème siècle. La nef fut encore agrandie et le clocher reconstruit au début du XXème siècle.

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A l’intérieur de l’église on peut admirer de nombreuses sculptures ainsi qu’un magnifique orgue Rinckenbach (1912 environ) installé dans un imposant buffet baroque.

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La façade de l’ancien Hôtel de Ville détruit par le bombardement du 18 juin 1944

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Il reste également de très belles maisons vigneronnes qui bordent les rues pavées de la vieille ville.

Profitant de sa situation privilégiée au pied du massif vosgien, Ammerschwihr offre aux visiteurs plus sportifs, la possibilité de pratiquer de multiples activités comme la randonnée, le VTT, le cyclotourisme ou le golf.

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Un plan détaillé qui présente les circuits de randonnée et de VTT

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Le départ du trou N°17 du golf d’Ammerschwihr

L’amateur de bonnes choses pourra aller s’attabler dans l’un des restaurants du village – notamment chez Julien Binz, une étoile au Michelin – ou rendre visite à l’un des nombreux vignerons qui vous accueillera avec plaisir dans son caveau.

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Le restaurant étoilé de Julien Binz avec une des nombreuses fontaines du village

Pour les visiteurs qui ont besoin de calme et de spiritualité, ils pourront se rendre dans la petite station d’altitude des Trois Epis, qui est à la fois une « station climatique » et le plus célèbre lieu de pèlerinage alsacien dédié à la Vierge.
Les 26 décembre de chaque année, les vignerons D’Ammerschwihr, de Turkheim et de Niedermorschwihr organisent une procession jusqu’au Sanctuaire de Notre Dame des Trois Epis pour demander à la Vierge de protéger leur récolte à venir.

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Les Trois Epis et son église moderne « Notre Dame de l’Annonciation » (Photo Wikipedia)

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La procession des vignerons du 26 décembre 2014


Le Grand Cru Kaefferkopf occupe une superficie de 71,65 hectares sur 5 collines du piémont vosgien qui dominent le village d’Ammerschwihr.

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Malgré des limites qui suivent un tracé très complexe, l’intégralité de la superficie du Kaefferkopf fait partie du ban viticole d’Ammerschwihr.
Le Grand Cru est divisé en 4 secteurs séparés par 3 vallons est/ouest et le ruisseau du Walbach qui crée une frontière liquide entre les 2 secteurs au nord du village et les 2 secteurs au sud du village.

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Les différents secteurs du Kaefferkopf et le ruisseau du Walbach qui traverse le Grand Cru et le village.

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Le tracé détaillé des limites du Kaefferkopf réalisé par le CIVA.

Les parcelles de vignes sont plantées sur les versants est, sud-est et sud de ces différentes collines à une altitude entre 230 et 350 mètres.

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Les 2 coteaux au nord du village, vers Kaysersberg

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Les 3 coteaux au sud du village, vers Katzenthal

Les pentes fortes dans les parties hautes des différents coteaux (35%) deviennent plus faibles lorsqu’on s’approche de la plaine (5%).

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Des coteaux en forte pente sur le coteau sud…

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…et dans le secteur central sur le lieu-dit « Pfulben » où le domaine Schoech possède des parcelles de vigne.

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Une vigne située à la limite basse du Grand Cru.

Comme souvent, le nom de ce Grand Cru est d’origine germanique : en allemand « scarabée » se dit « Käfer » et le premier nom de ce terroir qui était « Kefersberg » pouvait se traduire par « montagne du scarabée » avant de se transformer en « Kaefferkopf » qui se traduit par « tête de scarabée ».
Mais on ne sait toujours pas si cette référence au scarabée est due à la forme particulière de ce massif sous-vosgien ou, comme le pense A. Scherlen, c’est la présence de ce coléoptère dans ces collines, qui a inspiré les vignerons pour baptiser leur terroir. En effet, dans son livre de 1914 qui évoque l’histoire d’Ammerschwihr, cet auteur colmarien écrit « Käferkopf = Bergspitze, auf der die Käfer wohl sich mit Vorliebe aufhalten »   ce qui peut se traduire par « la pointe de montagne où les scarabées préfèrent séjourner ».

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Un petit trésor littéraire sorti de la bibliothèque de la famille Schoech

Protégé des vents frais et humides provenant de l’Atlantique par les sommets des Vosges qui culminent ici à 1300m d’altitude, le Kaefferkopf bénéficie d’un microclimat très sec (600 mm de précipitations par an en moyenne)
Les vignes du Kaefferkopf profitent également de la protection des collines sous-vosgiennes situées au nord qui les préservent des vents froids.

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Les reliefs qui assurent la protection nord du Kaefferkopf avec la grande colline du Schlossberg…

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…prolongée par le coteau du Fustentum et du Mambourg.

De part sa situation, le vignoble d'Ammerschwihr bénéficie également d’un important effet de foehn qui maintient les hautes pressions, surtout durant les saisons printanières et automnales.

Sur le plan géologique, tout le monde s’accorde à dire que le Kaefferkopf se caractérise par la complexité de ses sols qui associent notamment des granites, des calcaires mais aussi des grès, des argiles et des alluvions.
En étudiant quelques documents déjà publiés sur la géologie du Kaefferkopf, on peut schématiser le profil de ce Grand Cru en le divisant en 4 zones :

- une zone granitique qui se situe dans les parties hautes des coteaux avec du granit de Kaysersberg au nord (granit phorphyroblastique) et du granit de Turkheim au sud (granit à deux micas)

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Un pied de vigne sur un sol d’arènes granitiques dans le secteur nord sur le lieu-dit « Gries »…

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…et un pied de vigne sur un sol d’arènes granitiques dans le secteur sud du Grand Cru.

- une partie médiane située à l’est du champ de faille orienté nord/sud avec du grès des Vosges (grès rose et grès bigarré du Buntsandstein), du calcaire coquillier, des argiles du Keuper, des marnes calcaires et des dolomies (dans une zone étroite au sud d’Ammerschwihr)

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Une vigne de gewurztraminer du domaine Schoech plantée en 1935 sur le lieu-dit « Hahnen », une parcelle avec un sol de sable granitique et gréseux.

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Un pied de vigne sur une parcelle plus calcaire située à la limite sud du Grand Cru

- la partie en bas de coteau avec des colluvions composées d'arènes et de sables limoneux, des éléments minéraux qui font la liaison avec les alluvions caillouteuses des terrasses supérieures de la plaine d'Alsace.

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Un pied de vigne sur un sol de bas de coteau avec des sables limoneux et des cailloux

- la partie au pied du coteau où dominent les sols de loess et de limons qui recouvrent les différentes roches mères.

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Situé dans la partie basse du Kaefferkopf le clos de Meywihr est le plus petit clos viticole d’Alsace.

Au niveau physique, le terroir du Kaefferkopf se distingue par des sols bruns, assez lourds et souvent profonds avec un taux d’éléments fins élevé (argiles et limons) et une saturation en calcium et en magnésium.
Cette dernière caractéristique est généralement reconnue comme l’un des marqueurs essentiels de ce Grand Cru.

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Une pierre granitique trouvée dans les vignes du Kaefferkopf avec la surface de sa section recouverte d’une couche de poudre calcique.

Sur le plan historique, Ammerschwihr fait partie du secteur identifié comme étant le berceau de la viticulture en Alsace et le terroir du Kaefferkopf a été cité une première fois en 1328 dans le cadastre de l’Abbaye de Pairis sous la dénomination « Zem Kefersberg ».
Par la suite, les parcelles de vignes sur ce coteau ont toujours été convoitées par les vignerons locaux et la bonne réputation des vins qui y naissaient n’a jamais été démentie.
Même si Médard Barth – une référence absolue dans l’histoire du vignoble alsacien – ne parle que très peu du Kaefferkopf dans son livre « Der Rebbau des Elsass », il y a eu un bon nombre d’écrits qui ont vanté les qualités de ce terroir comme cette enquête agricole de 1866 qui nous apprend que « le Kaefferkopf produisait les meilleurs vins, très recherchés sur le marché » ou comme les textes publiés par Jules Frick (1911), Georges Spetz (1914) ou Paul Brunet (1932).
En 1931, les propriétaires de vignes de la commune d'Ammerschwihr, forts de la qualité et du succès commercial de leurs vins, demandent à protéger l'usage du nom Kaefferkopf auprès du Tribunal de Grande Instance de Colmar. C'est ainsi que 40 ans avant l'apparition de l'appellation AOC Alsace Grand Cru, le Kaefferkopf devient le premier lieu-dit à être reconnu par une délimitation judiciaire en 1932.

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En sombre la délimitation du Kaefferkopf en 1932 (source : article de Suzie Guth dans le n°52 de la « Revue des Sciences Sociales »)

Depuis, l’ensemble des vignerons qui possédaient des vignes sur le Kaefferkopf se sont engagés dans un respect du terroir, de la tradition viticole et de la qualité des vins.
A l’heure actuelle ce Grand Cru compte plus de 600 parcelles de vignes cultivées par une centaine de vignerons, originaires d'Ammerschwihr, de Katzenthal et de communes proches…une situation qui pourrait expliquer pourquoi ce terroir unanimement reconnu n’a pas pu intégrer la famille des Grands Crus en 1983 ou en 1992. L’histoire compliquée de l’accession du Kaefferkopf au statut de Grand Cru a été étudiée en détail par Suzie Guth, professeur émérite de l’Université de Strasbourg et relatée un article publié en 2014 dans le N°52 de la « Revue des Sciences Sociales » :
« L’obtention de cette appellation de prestige a cependant divisé le village en engendrant un conflit durable entre ceux qui avaient perdu leur appartenance dans le périmètre de l’AOC, alors qu’ils avaient dans le passé produit du vin Kaefferkopf, et ceux qui ont conservé leur patrimoine ou qui ont pu bénéficier d’une nouvelle parcelle dans le périmètre. »
(N.B. cet article passionnant est accessible gratuitement en ligne : CLIC)

Ce n’est donc qu’après ces nombreuses tergiversations que le Kaefferkopf est officiellement reconnu comme Grand Cru d’Alsace par le décret du 12 janvier 2007.

Au niveau de la viticulture, les vignerons d’Ammerschwihr se sont dotés très tôt d’une charte de qualité très exigeante : l'élaboration d’un vin qui revendique l’appellation Kaefferkopf exige le suivi d'un cahier des charges très détaillé qui couvre l’ensemble des aspects de la viticulture.
Grâce à une charte qui impose des pratiques viticoles respectueuses de l'environnement on trouve actuellement de plus en plus de vignerons engagés en viticulture biologique ou biodynamique sur le Kaefferkopf.

Ma longue promenade hivernale sur les pentes du Grand Cru m’a permis de vérifier que ce vignoble était travaillé avec un vrai sens du respect de l’environnement : enherbement quasi généralisé, beaucoup d’arbres et de haies, des sols labourés et des zones pentues structurées en terrasse…bref, un beau vignoble tout simplement !

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Le grand coteau au nord d’Ammerschwihr totalement enherbé…

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…et une parcelle du coteau sud (près de Katzenthal) qui attend d’être taillée

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Des haies et des arbres dans les vignes du secteur central.

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Un des nombreux arbres nouvellement plantés sur le Kaefferkopf.

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Des terrasses anciennes dans le secteur sud…

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…et des terrasses en construction sur le premier coteau au nord

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Une jeune vigne labourée un rang sur deux…

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…et une parcelle de vieux gewurztraminers du domaine Schoech, travaillée au cheval sur un coteau très pentu du lieu-dit « Gries »

Au niveau de l’encépagement, le gewurztraminer occupe près de 70% de la superficie du Kaefferkopf, le riesling se trouve loin derrière avec environ 20%, les 10% restants sont dédiés au pinot gis (6%), au muscat (2%) et aux autres cépages.

Les vins du Kaefferkopf sont puissants, complexes et denses, avec une finale marquée par une acidité mûre et une légère astringence tannique. Ils sont profondément vineux et présentent des équilibres très aboutis entre opulence et structure. Leurs finales sont toujours marqués par la fraîcheur même si les jus ne sont que rarement secs sur le plan analytique.

Les rieslings expriment de délicats arômes de fleurs blanches dans leur jeunesse avant de développer des notes d’agrumes frais avec l’âge. En bouche, ils se distinguent « par une attaque fraîche, ample, une charpente impériale et des saveurs subtiles de minéralité » (Romain Iltis)
Le gewurztraminer règne en maître incontesté sur ce Grand Cru et Romain Iltis y trouve régulièrement « une expression épicée sans exubérance, évoquant la coriandre et le girofle ». En bouche, les gewurztraminers du Kaefferkopf séduisent par leur équilibre parfait entre onctuosité et minéralité.
Les pinots gris développent une palette assez classique sur les fruits à chair blanche mûrs ou confits mais en bouche on retrouve toujours cet équilibre subtil entre richesse et minéralité.
Le muscat  ne peut plus être vinifié seul sur le Kaefferkopf mais entre pour une faible proportion dans les fameuses cuvées d’assemblage.
Suite à la prise en compte d’une tradition ancestrale, les cuvées d’assemblage ont été exceptionnellement acceptées sur le Kaefferkopf : elles doivent associer au moins 2 cépages dont obligatoirement du gewurztraminer à hauteur de 60% minimum. Le restant est au choix du viticulteur mais en général c’est le riesling (10 à 40%) qui prend la seconde place dans la composition suivi par le pinot gris (moins de 30%) et le muscat (moins de 10%).
Combinant la force aromatique du gewurztraminer (et à moindre titre du muscat), la générosité du pinot gris et la fraîcheur d'agrumes du riesling les vins d’assemblage du Kaefferkopf associent tension et tendresse dans un rapport très équilibré pour laisser persister une sensation de finesse et d’élégance en finale.
Le Kaefferkopf est un terroir qui engendre de grands vins de garde mais comme nous le dit le sommelier Romain Iltis, ils peuvent être appréciés également dans leurs jeunes années : « les vins du Kaefferkpof s'expriment assez rapidement. Après 3 ou 4 ans de garde, ils sont prêts à être dégustés ».

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Un « abrégé » du Kaefferkopf visible sur un muret dans les vignes du Grand Cru.


…SELON JEAN-LEON SCHOECH

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Mon guide du jour devant la « Porte du Kaefferkopf » installée par Bernard Ruhlmann.

Je connais et j’apprécie la production vinique de la famille Schoech depuis bien des années et pourtant je n’avais encore jamais eu l’occasion de visiter ce domaine d’Ammerschwihr jusqu’à ce jour.
C’est ainsi que lorsqu’il a fallu choisir un guide pour m’aider à comprendre ce Grand Cru parmi cette pléthore de bons vignerons qui travaillent sur les coteaux du Kaefferkopf, le nom de Jean-Léon Schoech s’est imposé à moi tout naturellement.
Jean-Léon et Sébastien Schoech dirigent aujourd’hui, ce domaine familial de 18 hectares : « ma famille travaille dans le vin depuis le XVIIème siècle mais c’est notre grand-père, courtier en vin et vigneron, qui a crée ce domaine ».

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Vue de la cour du domaine Schoech, la maison du grand-père (en blanc) rénovée par Jean-Léon.

Maurice Schoech, le père de Jean-Léon et Sébastien, était également courtier en vin et vigneron mais il a commencé à acheter des parcelles de vignes autour d’Ammerschwihr pour développer la production de vins au domaine.
En 1973, il a fait construire la maison et les premiers bâtiments professionnels et en 1981 il a crée un caveau de dégustation pour accueillir les clients.

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La maison et le bâtiment professionnel attenant…

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…et l’entrée du caveau de dégustation.

Le domaine s’est encore agrandi en 2000 avec la construction d’une cave pour les pressoirs et les cuves de débourbage et en 2015 avec la création d’une cave souterraine pour le stockage des bouteilles.

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La cave de stockage, creusée sous la cour et climatisée par un système de puits canadien.

Notre entrevue commence par une promenade sur le coteau du Kaefferkopf durant laquelle Jean-Léon me fait découvrir quelques-unes de leurs parcelles de vignes situées sur les différents secteurs de ce Grand Cru ainsi que le lieu-dit cadastral « Kaefferkopf », qui a donné son nom au Grand Cru. C’est un coteau granitique d’une superficie de 2 hectares situé dans la partie sud du Kaefferkopf.

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Le lieu-dit « Kaefferkopf »

Après cette visite au grand air, nous repartons vers le village pour nous installer dans le caveau de dégustation pour poursuivre notre entretien.

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Retour au caveau…il est temps de se mettre au travail

Comment définiriez-vous ce terroir ?

Pour Jean-Léon Schoech, le Kaefferkopf se distingue avant tout par son histoire : « une longue histoire d’une renommée construite grâce au travail des générations de vignerons du village, soutenus par les négociants locaux ».
Des négociants comme ceux de la maison «Jux-Jacobert » (aujourd’hui disparue) qui envoyait un représentant dans chaque région française pour y faire la promotion des vins du Kaefferkopf.
« Les winstub strasbourgeoises ont également joué un rôle capital dans la renommée des vins du Kaefferkopf ».
Ce travail de communication a porté ses fruits et « la mention Kaefferkopf sur une bouteille est devenue un puissant argument de vente ».
Forts de ce succès, les vignerons d’Ammerschwihr ont été les premiers à délimiter juridiquement un terroir dans le vignoble alsacien en 1932.

« Les vignerons et les négociants se sont également accordés pour promouvoir la pratique de l’assemblage sur le Kaefferkopf », une tradition qui perdure jusqu’à nos jours puisque c’est l’un des deux Grands Crus où cette pratique est acceptée dans le cahier de charges (le second étant l’Altenberg de Bergheim)

Cette situation particulière permet d’expliquer l’entrée très tardive du Kaefferkopf dans la famille des Grands Crus d’Alsace : d’un côté il y avait les problèmes posés par le nouveau tracé des limites de la surface classée qui a un peu chamboulé la délimitation initiale de 1932 et de l’autre « il y a eu le combat pour faire reconnaître les cuvées d’assemblage dans la charte du Grand Cru »…de quoi créer des polémiques et des tensions qui sur le point de se résorber à l’heure actuelle.

Au niveau morphologique, la particularité du Kaefferkopf réside dans « son découpage en 5 coteaux différents, exposés sud-sud/est »…c’est le Grand Cru avec le tracé le plus compliqué de tous les Grands Crus d’Alsace.

Au niveau géologique, même si l’étude pédologique de Jean-Paul Party a révélé l’existence d’un très grand nombre de types de sols sur le Kaefferkopf, Jean-Léon Schoech est convaincu que « la base granitique reste quand même très influente et peut être considérée comme la signature principale de ce terroir ».
Cette étude a également révélé une saturation en calcium et en magnésium des sols du Kaefferkopf, ce qui limite leur niveau d’acidité « par exemple sur le coteau du Gries, le sol est composé d’arènes granitiques mais son PH est neutre ».

Au niveau climatique, le Kaefferkopf se trouve dans un environnement très protégé : « très peu de pluie, peu de vent, du soleil le matin et de l’ombre qui arrive assez tôt dans l’après-midi ».

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Ambiance hivernale sur le coteau nord avec les premiers secteurs ombragés en milieu d’après-midi.


Quels sont les cépages les mieux adaptés ?

Le gewurztraminer est « le cépage historique sur Le Kaefferkopf » puisqu’il constituait la base des cuvées d’assemblage vendues sous cette appellation et que la nature du sol convenait parfaitement à ce cépage.
Après la seconde guerre mondiale, les vignerons du village qui ont décidé de développer la vente de vin en bouteille se sont vus contraints de « diversifier leur gamme » et ont commencé à planter du riesling « dans les parties hautes des coteaux du Kaeferkopf ».
Le pinot gris « a réellement commencé à être planté au début des années 80 » pour répondre à la demande d’une clientèle adepte de vins très opulents…mais cette tendance s’est nettement affaiblie depuis quelques années.

Avec sa mosaïque de sols différents, le Kaefferkopf permet au vigneron qui connait parfaitement son terroir de trouver des secteurs propices à chaque cépage.


Quels caractères spécifiques ce terroir transmet-il aux vins ?

Pour Jean-Léon Schoech les vins du Kaefferkopf se distinguent surtout par leur équilibre particulier en bouche « le granit apporte beaucoup de vivacité aux vins du Kaefferkopf » ce qui fait qu’ils montrent toujours « beaucoup de finesse et d’élégance ».
Quel que soit le millésime, les vins sont toujours assez généreux sans pour autant  développer des richesses excessives si bien que « les cuvées de vendanges tardives ou de sélection de grains nobles sont très rares sur le Kaefferkopf ».

Pour ce qui concerne les marqueurs aromatiques, Jean Léon trouve que dans ses vins du Kaefferkopf « les arômes qui ressortent régulièrement sont la rose pour le gewurztraminer, le fumé pour le riesling et le litchi pour les assemblages ».

Au niveau du comportement des vins du Kaefferkopf dans le temps, Jean-Léon nous dit qu’ils sont « expressifs dès leur jeunesse » mais sont également capables d’évoluer favorablement durant de longues années en cave : « leur potentiel de garde est conséquent, on peut les conserver 10 ans et souvent bien plus… ».

Finalement, je trouve que les vins du Kaefferkopf ne sont pas si compliqués que çà : on peut les ouvrir quand on veut sans risquer de les déranger dans une phase compliquée qui les rendrait difficiles à déguster…avis aux amateurs !


Y-a-t’il dans votre mémoire de dégustateur des vins qui vous ont aidé à vous faire une image de ce que devait être ce Grand Cru ?

Jean-Léon Schoech a été initié à la dégustation des vins d’Alsace par son père « notamment grâce à son activité de courtier » avant de développer ses connaissances au cours des séances de dégustation de la Foire aux Vins d’Ammerschwihr (la plus ancienne Foire aux Vins de la région) organisées par le Syndicat Viticole.
Par la suite, il a pu perfectionner sa formation de dégustateur grâce à son cursus en B.T.S. Commerce des Vins et à sa participation régulière aux sessions du club AOC Barr.

Son goût personnel le porte toujours vers des vins qui se caractérisent par « l’élégance et la finesse », des qualités qu’il recherche sur les vins du Kaefferkopf mais qu’il trouve également sur les grands pinots noirs bourguignons comme « les superbes Corton Bressandes du domaine Tollot-Beaut ».

Lors d’une séance de rebouchage au château de Kientzheim avec la Confrérie Saint Etienne, il a été subjugué par la tenue des cuvèes de muscat Mambourg 1952 produits par la coopérative de Sigolsheim : « une série de 12 bouteilles toutes dans un état de fraîcheur impressionnant ».

Bref, pour Jean-Léon Schoech, un grand vin se reconnait par son élégance, sa finesse et son potentiel de garde…et j’ai bien l’impression que le terroir du Kaefferkopf est tout à fait capable de générer des vins qui possèdent ces qualités.


Comment voyez-vous l’avenir de ce terroir ?

Jean-Léon Schoech pense que le Grand Cru Kaefferkopf a un très bel avenir devant lui, malgré « un petit coup de mou » qui a suivi l’acquisition du statut de Grand Cru : « aujourd’hui on peut dire que les dissensions et conflits entre les différentes parties qui défendaient ce dossier se sont apaisés ».

Depuis, le vignoble d’Ammerschwihr a vu arriver de nouveaux vignerons pleins d’ambition – La Grange de l’Oncle Charles notamment – qui vont compléter la longue liste de domaines réputés qui assurent la notoriété de ce Grand Cru comme les domaines Adam, Freyburger, Meyer-Fonné, Simonis…et beaucoup d’autres.
« Il y a également des vignerons qui mettent en œuvre des pratiques novatrices et qui produisent de nouveaux styles de vins » comme Christian Binner, Anaïs Fanti ou Arnaud Geschickt… « des vignerons dont le travail nous fait réfléchir sur nos propres pratiques ».

En termes d’opérations collectives, les vignerons d’Ammerschwihr vont participer à une journée de formation sur le Kaefferkopf assurée par la géologue Yannick Mignot, « une formation qui va montrer aux vignerons la qualité et la nature de ce grand terroir ».
Il y a également une vingtaine de vignerons du village qui, sous l’impulsion de Jean-Léon Schoech, vont participer à la célébration des 70 ans de la Route des Vins d’Alsace en organisant une manifestation festive dans le vignoble d’Ammerschwihr le 23 juillet 2023…une date que je vous invite à noter sur vos agendas viniques.


Les vins du domaine : quelle conception ?

Le domaine Schoech dispose aujourd’hui d’un patrimoine de 18 hectares de vignes « dont 70% de la superficie se trouve sur des parcelles en coteau et 6 hectares sur des terroirs classés » (Kaefferkopf, Mambourg, Schlossberg, Furstentum et Rangen).

« C’est mon frère Sébastien qui dirige les travaux à la vigne et en cave ».
Les vignes du domaine sont cultivés en BIO depuis 2011 (label « vin biologique » obtenu en 2014) avec une attention très particulière portée à la qualité du matériel végétal dans chaque parcelle : « nous essayons au maximum de conserver nos vieilles vignes en pratiquent le regreffage sur les ceps ».
En cas de nouvelle plantation, elle se fait principalement à partir de plants issus de sélection massale.

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Une jeune vigne (7 ans) replantée sur le coteau nord du Kaefferkopf à partir d’une sélection massale de rieslings.

Les vignes sont taillées en respectant les flux de sève (Taille Poussard) et les différentes parcelles sont travaillées au cheval si les rangs sont trop serrés (1 hectare au total), à la chenillette si la pente est trop forte ou au tracteur…mais toujours avec le souci d’éviter le tassement des sols.

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Une vigne de riesling sur le bas du Sonnenberg travaillée au cheval…

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…et la parcelle de pinot gris dans le haut du Sonnenberg travaillée à la chenillette.

Au domaine Schoech, on attache également beaucoup d’importance à la qualité de l’ébourgeonnage : « un ébourgeonnage précis permet d’aérer le pied de vigne, de faciliter la taille et de contrôler le rendement ».
Les vendanges sont exclusivement manuelles.

En cave, les raisins sont pressés entiers puis les jus son entonnés par gravité pour la phase de débourbage « un débourbage sévère réalisé dans des cuves équipées d’un robinet d’évacuation orientable ».

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La porte d’une cuve de débourbage avec robinet orientable.

Les fermentations se font sous l’effet de levures indigènes « sauf pour les cuvées d’entrée de gamme qui peuvent être levurées en cas de besoin ». Elles sont suivies attentivement avec un contrôle strict des températures et un souci permanent d’hygiène « comme le disait mon grand-père, pour faire un bon vin, il faut beaucoup d’eau ».
Mis à part une cuvée de pinot gris et les cuvées de pinot noir, les vins du domaine sont élevés dans des cuves inox.
Une grande partie des opérations de cave se font en respectant le calendrier lunaire.

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Le cuvage inox du domaine Schoech…

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…et les cuves de riesling et de gewurztraminer Kaefferkopf du dernier millésime.

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Le petit chai à barrique où sont élevés le pinot gris cuvée Justin et les pinots noirs

Les cuvées classiques sont mises en bouteilles en mars-avril, les cuvées de vins de terroir et les Grands Crus sont mises en bouteilles en juin-juillet.
Les pinots noirs et le pinot gris Justin sont élevés sous bois pendant 12 mois.
Au domaine Schoech, le rendement moyen est plutôt faible : cette limitation se fait naturellement grâce à l’âge des vignes et à leur implantation dominante en coteau (70% de la surface totale) mais avec 100% du volume vendu en bouteilles cette production est très bien valorisée.

40% des vins du domaine Schoech sont vendus à une clientèle particulière, 20% à des cavistes, 20% à des restaurateurs (situés principalement autour d’Ammerschwihr et à Strasbourg) et 20% à l’export (surtout aux USA et dans les pays asiatiques).


Et dans le verre ça donne quoi ?

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C’est parti pour la dégustation…

Alsace Côtes d’Ammerschwihr 2021 : expression olfactive discrète avec des notes de fruits blancs frais sur un fond floral délicat, bouche élancée et bien sapide tenue par une ligne acide assez aiguisée, finale tonique et salivante.
Servie en guise de mise en bouche, cette cuvée a été réalisée à partir d’un assemblage de pinot blanc et de muscat (5%). C’est un vin tonique et appétant, idéal pour préparer les papilles à l’apéritif, il trouvera également sa place à table face à des spécialités alsacienne comme la tarte flambée, la tarte à l’oignon ou une salade mixte.

Alsace Riesling Sonnenberg 2020 : nez très élégant qui développe une palette florale complexe, bouche suave et longiligne étirée par une ligne acide droite mais bien mûre, finale assez pointue avec une présence minérale qui commence à se faire sentir.
Ce riesling d’une grande délicatesse est né sur ce coteau exposé au sud qui jouxte le lieu-dit « Gries » situé sur le Kaefferkopf.
C’est un vin qui se goûte très bien dès aujourd’hui mais que l’amateur plus patient pourra encore garder quelques années en cave pour lui laisser le temps d’affiner son expression minérale propre à ce beau terroir granitique (qui aurait peut-être mérité d’être inclus dans la délimitation du Grand Cru…).

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Alsace Grand Cru Riesling Kaefferkopf 2020
 : nez très raffiné avec de belles notes florales sur un fond fumé délicat, bouche longiligne et gourmande structurée par une arête acide bien centrée, finale sapide avec une longue persistance aromatique sur le citron et la pierre à fusil.
Ce riesling qui associe générosité et rigueur minérale dans un équilibre très abouti, se livre à la dégustation avec une spontanéité tout à fait réjouissante…voilà un premier vin qui nous prouve que les crus du Kaefferkopf sont capables de révéler leur grand potentiel dès leur plus jeune âge.

Alsace Grand Cru Riesling Kaefferkopf 2011 : nez plus évolué mais d’une grande fraîcheur avec des notes citronnées et terpéniques, bouche très suave avec un beau développement aromatique sur l’amande fraîche et les agrumes, finale vibrante avec un long sillage acidulé et minéral.
Avec son aromatique et sa présence en bouche marquées par une belle empreinte minérale, on sent que ce riesling est entré dans une phase où l’expression du terroir commence à se révéler pleinement pour donner à ce vin un très beau potentiel gastronomique.

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Alsace Grand Cru Riesling Furstentum 2021
 : nez discret avec une palette bien complexe qui laisse deviner des nuances exotiques et minérales très prometteuses, bouche ample et bien juteuse avec un joli gras, structurée par une acidité mûre et très large, finale fraîche et salivante avec un long retour minéral.
Récolté dans la partie haute de ce Grand Cru surtout réputé pour ses gewurztraminers, ce riesling Furstentum encore bien jeune s’exprime avec une certaine retenue mais la qualité de sa matière et la précision de son équilibre ne laissent aucun doute sur son potentiel…voilà une petite parenthèse « hors sujet » qui commence bien !
Alsace Harmonie « R » 2020 : nez très discret qui laisse deviner des notes minérales très prometteuses (pierre à fusil, fumée), bouche puissante avec une trame acide/saline enrobée par un jus très généreux, texture légèrement grenue, finale longue et salivante avec des amers minéraux persistants.
Le second « intrus «  de la série nous vient du Rangen où les Schoech exploitent une parcelle complantée (riesling, pinot gris et un peu de gewurztraminer) située dans la partie haute de ce coteau volcanique.
Ce vin encore très jeune porte déjà dans sa structure et sa finale, la marque si particulière de ce grand terroir.

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Alsace Grand Cru Kaefferkopf-Contemplation 2019 
: nez très charmeur avec des notes de litchi et d’épices douces, bouche longiligne avec une expression aromatique d’une grande suavité, finale très digeste avec une longue persistance exotique et épicée.
(70% gewurztraminer + 25% riesling + 5% pinot gris)
On revient sur notre Grand Cru avec une cuvée de Kaefferkopf réalisée à partir d’un assemblage de raisins provenant de 2 parcelles complantées : une vigne de 2005 sur les granits du lieu-dit « Pfulben » et une jeune vigne de 2015 située en bas de coteau sur des sols plus argileux.
C’est un vin expressif mais d’une grande buvabilité, une vraie petite friandise, « un vin qui colle à l’évolution du palais des consommateurs »

Alsace Grand Cru Kaefferkopf 2011 : nez très complexe avec des notes fruitées bien mûres sur un fond épicé et minéral très racé, bouche souple et suave avec un développement aromatique très séduisant, finale légère et sapide.
(70% gewurztraminer + 30% riesling)
Les Schoech ont été les premiers à produire du Kaefferkopf à partit d’une vigne complantée – les Kaefferkopf traditionnels sont faits à partir d’un assemblage de jus – et la qualité de cette cuvée issue de la parcelle plantée en 2005 nous prouve que l’idée était bonne.
Après une douzaine d’année de garde, ce vin se goute remarquablement bien en nous régalant par sa belle complexité aromatique et sa finesse en bouche.

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Alsace Grand Cru Gewurztraminer Kaefferkopf 2021
 : nez encore un peu discret mais qui laisse deviner une très belle complexité aromatique, bouche longiligne et très suave avec une présence saline déjà bien sensible, finale longue et digeste.
Cette cuvée est réalisée à partir d’un assemblage de raisins provenant de 3 parcelles situées sur des lieux-dits du Kaefferkopf avec des sols assez différents : granitique sur « Gries », gréseux et granitiques sur « Meywihr » et calcaire sur le coteau sud, proche de Katzenthal.
C’est un vin encore un peu fermé à l’heure actuelle mais sa complexité naissante et son équilibre très précis nous laissent envisager son avenir avec confiance.

Alsace Grand Cru Gewurztraminer Kaefferkopf « H » 2018 : nez délicat et très complexe, bouche assez ronde mais d’une grande élégance avec un jus concentré stimulé par léger grip tannique et tendu par une acidité longue et bien mûre, finale très sapide avec un sillage épicé et minéral.
Cette cuvée de gewurztraminer est issue d’une parcelle de vieilles vignes plantées en 1935 sur le lieu-dit « Hahnen ». Elle a été vinifiée à part depuis le millésime 2015 et l’intégralité de la production est réservée à un caviste (« Le Millésime »).
Après quelques années de garde, ce vin révèle parfaitement l’âme du Kaefferkopf avec son caractère généreux tempéré par une belle trame acide et minérale…c’est diablement bon !

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Et un petit bonus dégusté au restaurant « 3 Amsel » à Ammerschwihr : un riesling du Kaefferkopf qui porte sa trentaine bien frappée avec beaucoup d’élégance.

Pour conclure, un petit bilan sur cette nouvelle expérience de visite approfondie d’un terroir Grand Cru (attention je vais encore me répéter…)
J’ai renforcé ma conviction qu’une bonne compréhension d’un vin passe évidemment par la dégustation mais s’enrichit considérablement si on fait la démarche d’aller sur place, sentir l’énergie des terroirs où il naît et rencontrer les gens qui le conçoivent…je ne boirai plus jamais des Kaefferkopf comme avant !

Avec sa géologie complexe et son histoire riche en rebondissements, le Grand Cru Kaefferkopf occupe une place à part dans le vignoble alsacien.
L’étude détaillée de ce terroir, aussi passionnante qu’étonnante, m’a permis de comprendre un peu mieux les éléments qui font la singularité de grand terroir alsacien…et j’ai l’impression qu’ici plus qu’ailleurs le facteur humain y tient une place prépondérante.
Bref, le Kaefferkopf nous rappelle que le savoir-faire et l’expérience des vignerons font partie intégrante des éléments qui définissent un terroir.

Les crus du Kaefferkopf profitent de la nature très particulière de leur sous-sol et de leur sol qui se caractérisent par une base granitique, parfois enrichie par des grès ou des calcaires, recouverte d’un sol souvent assez profond.
Cette combinaison génère des vins très avenants dès leur plus jeune âge mais avec une structure minérale qui leur donne une grande capacité de garde.
Les Kaefferkopf allient suavité et tension dans un rapport qui évolue avec les années : quand on les boit jeunes on tombe facilement sous le charme de leur gourmandise mais après 10 ans ou plus c’est leur caractère minéral qui prend le dessus pour en faire de grands vins de gastronomie…ou de méditation.
Jean-Léon Schoech est un vigneron cultivé et passionné par son métier. Il sait la valeur des terroirs que sa famille cultive depuis plusieurs générations et met tout en œuvre pour perpétuer une tradition d’excellence instaurée par ses parents et ses grands-parents. Il a été un guide très précieux sur ce terroir unique.

Les vins du domaine se caractérisent par une grande élégance avec un équilibre parfait entre richesse et structure : des expressions aromatiques très suaves sans jamais devenir trop exubérantes, des jus concentrés mais digestes, des caractères très sociables mais avec de réelles potentialités de garde…bref, les bouteilles signées Schoech méritent une belle place dans la cave de tout amateur de grands vins alsaciens !

Comme toujours, mon travail sur ce Grand Cru fut une expérience agréable et enrichissante qui m’a donné envie de poursuivre ce grand voyage initiatique à travers les grands terroirs alsaciens.

Mille mercis à Jean-Léon Schoech d’avoir accepté de partager sa passion et son savoir avec moi.

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Un petit texte sur la porte du Kaefferkopf…un conseil à suivre par les temps qui courent.

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