Le Winzenberg selon Hubert Metz
LE WINZENBERG…
La fin de ma trajectoire bas-rhinoise à la découverte des Grands Crus d’Alsace approche : si je compte bien, après cette étape à Blienschwiller il ne me restera plus que deux terroirs classés à étudier dans ce département…ça avance mais il reste encore du chemin à faire !
Blienschwiller au pied du coteau du Winzenberg et la sombre silhouette de l’Ungersberg à l’horizon.
Blienschwiller fait partie des villages viticoles que je connais assez bien et depuis fort longtemps mais je dois avouer que je ne sais quasiment rien de son Grand Cru, même si j’ai eu l’occasion de déguster quelques cuvées provenant du Winzenberg à l’occasion du fameux « Double rendez-vous des saveurs » que j’ai évoqué sur ce site ICI et LA.
Autant dire que pour un « voyage en terre (presque) inconnue » le choix du guide sera primordial, mais comme il m’a été « soufflé » par une DiVINe d’Alsace je vais pouvoir partir sereinement à la découverte de ce nouveau terroir.
En effet, après avoir eu vent de mon projet d’étude des Grands Crus alsaciens, Céline Metz (Domaine Hubert Metz à Blienschwiller), m’a proposé de me mettre en relation avec son père « un vigneron qui a œuvré pour le classement du Winzenberg »…que demander de plus !
Hoppla, c’est reparti !
Bien des choses ont déjà été écrites sur ces terroirs et un angle d’approche original et intéressant est à priori difficile à définir…mais je vais quand même essayer de relever le défi.
Je vous propose de me suivre dans mes ballades personnelles avec un peu de théorie (le socle nécessaire à une bonne compréhension), des documents photographiques et surtout des rencontres avec les vignerons qui travaillent dans ces parcelles classées.
Bon, ça je l’avais déjà dit…mais c’est pour les nouveaux.
Le Grand Cru Winzenberg se trouve sur le ban communal de Blienschwiller, un charmant petit village viticole situé sur la Route des Vins d’Alsace entre Nothalten et Dambach.
La première mention écrite de Blienschwiller, sous le nom de « Plianungonvillare », date de l’an 823 et mentionne un échange de terres (surement des vignes) entre l’Evêque de Strasbourg et le Duc d’Alsace de l’époque. Mais l’histoire de ce village est plus ancienne et plus complexe, si bien que l’on ne connaît pas avec certitude, l’origine de son toponyme.
Blienschwiller et la plaine d’Alsace.
Même l’historien M.P. Urban dans « La Grande Encyclopédie des lieux d’Alsace », nous propose 3 hypothèses explicatives de l’origine du nom de ce village :
- Plianungovillare, composé à partir d’un radical paléo-européen « pl-in » ou « bl-in » utilisé pour évoquer « un renflement, un vallonnement » associé au suffixe « villare » qui date de l’époque gallo-romaine et qui peut se traduire par « domaine » ou « partie de domaine ».
- Bléonviller, dont le nom évoque un château construit en 750 par Bléon, un membre de la puissante famille des Etichonides et neveu de Sainte Odile
- un nom composé d’un « étymon Belenincum formé sur Belenos, nom du dieu gaulois du soleil » et complété par le suffixe « villare ».
Si au début du IX° siècle Blienschwiller porte encore deux noms, Bodolesvillare et Plianungovillare, à la fin du IX° siècle on ne trouve plus que le nom de Plianungovillare dans les écrits archivés et ce nom évoluera au fil des années jusqu’à donner Blienswilre au XII° siècle.
Le blason de Blienschwiller, un design très sobre : d’azur à la bande d’or
En tous cas, ce dont on est sûr c’est que Blienschwiller est un village très ancien, probablement fondé par des princes mérovingiens sur l’emplacement d’une ancienne villa romaine comme le prouvent les vestiges archéologiques datant de l’époque romaine découverts au XIX° siècle
Autre témoignage de ce passé romain, la Chapelle Saint Erasme située à l’entrée du village aurait été construite sur le site d’un ancien temple (fanulum) édifié pour honorer la déesse de la Fécondité.
La chapelle Saint Erasme
Au Moyen-âge, Blienschwiller est partagé entre 4 coseigneurs : l’Evêque de Strasbourg, les seigneurs de Villé, la famille d’Andlau et la famille de Hohenstein. En 1493, une poignée d’hommes déterminés se sont regroupés pour contester cet ordre établi et ont lancé une insurrection depuis la forêt de l’Ungersberg. Réprimé avec une grande cruauté ce mouvement de révolte se propagea néanmoins dans les régions d’Allemagne et provoqua la « Guerre des Rustauds ». Le Bundschuh, la chaussure à lacets portée par ces villageois qui ont osé défier l’ordre établi symbolise aujourd’hui encore le caractère un peu rebelle des citoyens de Blienschwiller : la récente marche (décembre 2014) contre la fusion des régions s’est faite dans le village sous l’égide du Bundschuh.
Si Blienschwiller a été victime de destructions et de pillages lors de la Guerre des Paysans au XVI° siècle, le village n’a pas trop souffert durant la Guerre de Trente Ans qui causé bien des malheurs en Alsace au cours du siècle suivant.
Au XVIII° siècle le village, toujours partagé entre 4 seigneuries, connaît une période assez prospère : aujourd’hui encore on peut admirer de belles maisons vigneronnes à colombages que les habitants du village ont construites à cette époque.
Le haut du village de Blienschwiller.
Au XIX° siècle, Blienschwiller a connu une forte croissance démographique et a vu sa population dépasser le millier d’âmes vers 1830.
Par la suite le village a connu des heures sombres faites d’épidémies (la variole notamment) et de guerres avant de se relever grâce en particulier au travail des vignerons qui se sont organisés en syndicat pour revaloriser leurs coteaux viticoles et gagner la reconnaissance du Winzenberg au statut de Grand Cru.
Avec des familles vigneronnes qui ont traversé les siècles – certaines sont citées depuis le XV° siècle – le village de Blienschwiller est aujourd’hui l’une des étapes très prisées de la Route des Vins d’Alsace.
Des maisons de vigneron généreusement fleuries…pour le plaisir des yeux !
Dans ce village qui n’a jamais renié sa vocation vigneronne, il fait bon flâner dans les rues, admirer les maisons traditionnelles à colombages datant du XVIII° siècle, s’arrêter sur la placette de la fontaine où monter sur le petit épaulement où se trouve l’église des Saints Innocents.
La placette de la Fontaine
L’église des Saints Innocents
Les marcheurs plus aguerris trouveront leur bonheur sur les sentiers thématiques proposés autour du village : un sentier viticole baptisé « Du cep au verre » et un sentier des poètes, le « Dichterwaj » qui a vu le jour en 2010 et qui propose une promenade dans les vignes à la découverte de quelques grands poètes alsaciens.
Un poème de Germain Muller sur le Dichterwaj de Blienschwiller.
Bien évidemment, les randonneurs chevronnés pourront profiter des itinéraires balisés par le Club Vosgien qui partent du village où de ses environs : le GR5 et le Chemin de Saint Jacques de Compostelle passent tous deux par Blienschwiller.
De nombreux parcours de randonnée et de circuits VTT sont tracés autour de Blienschwiller
Les amateurs du bien manger et du bien boire sont spécialement choyés à Blienschwiller notamment lors de la journée du « Double Rendez-Vous des Saveurs » évoqué plus haut mais aussi au quotidien puisqu’ils trouveront dans ce village quelques belles tables et un grand nombre de caveau de dégustation où les vignerons locaux leur présenteront leurs vins…et il y a le choix puisqu’on ne dénombre pas moins de 30 exploitations viticoles dans ce village de 338 habitants (INSEE – 2011).
Le Pressoir de Bacchus…l’une des belles adresses gastronomiques de Blienschwiller.
Blienschwiller vu du ciel…en bas les parcelles de la limite sud du WInzenberg
Le Grand Cru Winzenberg s’étend sur une superficie de 19,20 hectares sur les versants exposés au sud et au sud-est d’une colline adossée au massif des Vosges.
Les parcelles de ce Grand Cru se situent à une altitude comprise entre 240 et 320 mètres et la totalité de leur superficie est incluse dans le ban viticole de Blienschwiller qui compte 230 hectares de vignes à l’heure actuelle.
Le Winzenberg vu des hauteurs de Blienschwiller
Le nom Winzenberg est composé par l’association du préfixe « Winzen », qui vient de l’allemand « Winzer » (vigneron) et de l’habituel suffixe « Berg » qui se traduit par « montagne » « colline » ou « coteau »…au choix !
Contrairement à d’autres toponymes rencontrés lors de nos précédentes étapes, ce coteau sur lequel les vignerons pensent qu’il a toujours eu de la vigne porte un nom sans équivoque : c’est la « Colline du vigneron ».
La partie centrale du coteau sud du Wintzenberg
Au niveau du relief, le Winzenberg est composé de deux coteaux assez pentus séparés par une dépression exposée au nord et exclue de l’appellation Grand Cru.
Un espace de repos aménagé au sommet du coteau sud.
Au premier plan la dépression non classée et une partie du coteau nord du Winzenberg.
Au niveau climatique, la pluviométrie est faible : les vents d’ouest dominants qui perdent leur humidité sur le versant occidental des Vosges arrivent en Alsace sous forme de foehn. Les pentes orientées au sud et au sud-est favorisent une durée d’ensoleillement exceptionnellement longue et permettent aux raisins de mûrir parfaitement jusqu’à la fin de l’automne.
Les aires nord et sud du Winzenberg.
Sur le plan géologique Serge Dubs (« Les Grands Crus d’Alsace » - 2002) et le C.I.V.A. (Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace) placent le Winzenberg dans la famille des terroirs granitiques. C’est un terroir rare dans le Bas-Rhin puisqu’on ne compte que 3 Grands Crus granitiques dans ce département.
Un pied de vigne en haut du coteau de l’aire nord du Winzenberg.
Le granit à deux micas qui compose la roche dominante du socle vosgien se fractionne et se désagrège en sable d’arènes granitiques pour constituer la couche superficielle du sol de ce Grand Cru.
Le document du CIVA (« Les unités de paysage et les sols du vignoble alsacien ») définit plus précisément le sol du Winzenberg : ce sont des « sols bruns acides peu épais et reposant sur un granite peu ou pas altéré ».
Une coupe géologique naturelle dans le bas du coteau sud du Winzenberg
Au niveau physique, les sols du Winzenberg sont de nature sablonneuse : légers et drainants leur richesse en quartz leur confère une bonne aptitude à se réchauffer très rapidement. Cependant, grâce aux nombreuses sources naturelles qu’on retrouve sur ce Grand Cru, l’équilibre hydrique des végétaux n’est que rarement menacé.
Un jeune pied de vigne dans les cailloux et sables granitiques avec une roche mère qui affleure.
Comme nous l’avons vu plus haut, l’histoire de Blienschwiller est intimement liée à son vignoble et à ses vignerons. Les coteaux viticoles de ce village sont convoités dès le Moyen-âge : la noblesse et le clergé se partagent les meilleures parcelles comme l’attestent quelques écrits datant de cette époque. En effet, on sait par exemple, qu’en 1195 le pape Célestin III a confirmé des possessions de « vineas in blierswirle » aux moines cisterciens de l’abbaye de Baumgarten ou qu’en 1282 l’empereur Rodolphe de Habsbourg a attribué la propriété de vignes du village à l’abbaye de Niedermunster. Les riches familles patriciennes de Strasbourg se sont également approprié des parcelles sur les coteaux de Blienschwiller durant le Moyen-âge…on raconte même que certains d’entre eux qui avaient leurs entrées chez les Papes en Avignon ont réussi à placer les crus de Blienschwiller sur la table des souverains pontifes.
Au XV° siècle, les vignerons du village décidèrent d’édicter des textes règlementaires concernant notamment la plantation des vignes et la commercialisation des vins de Blienschwiller. C’est aussi à cette époque qu’apparaissent les premiers « Bangards » pour veiller sur le vignoble.
Blienschwiller au pied du coteau sud du Winzenberg
Exportés à partir des quais de l’Ill à Sélestat, les vins de Blienschwiller sont reconnus et demandés dans les royaumes d’Europe du nord et leur commerce florissant assure la prospérité du village ainsi qu’un accroissement considérable de la surface du vignoble : au début du XVII° siècle il y a 110 hectares de vignes à Blienschwiller et à la fin du XIX° siècle on compte 180 hectares et plus de 480 propriétaires.
Aujourd’hui, il reste 39 exploitations familiales qui se partagent les 230 hectares de vignes du ban communal et la viticulture fait vivre la quasi-totalité de la population locale.
Au niveau de la viticulture, une promenade entre les parcelles du Winzenberg montre une grande diversité des pratiques viticoles : on peut trouver l’explication de cette hétérogénéité culturale dans le fait que les vignerons qui revendiquent leur production en Grand Cru sont encore minoritaires à l’heure actuelle. D’après les chiffres cités dans le « Grand Atlas des Vignobles de France » (B. France – 2008), il n’y a qu’un tiers de la superficie du Winzenberg qui est revendiquée en Grand Cru.
Un enherbement naturel sur une parcelle de l’aire septentrionale exposée au sud-est.
De l’herbe et une pente forte près du village en bas du coteau sud.
Mais il y a aussi des parcelles traitées par des apprentis chimistes…
Ceci dit, la reconnaissance du Winzenberg comme Grand Cru d’Alsace en 1992 a été déterminante dans l’évolution de la viticulture à Blienschwiller et la jeune garde vigneronne abandonne peu à peu les pratiques productivistes de leurs ainés au profit d’une viticulture destinée à préserver l’environnement et à maîtriser les rendements (taille courte, enherbement, enrichissement naturel et mesuré des sols…).
Le riesling est le cépage le plus planté sur le Winzenberg (3 hectares revendiqués) mais le gewurztraminer (2 hectares revendiqués) est également capable de générer quelques cuvées intéressantes. Les pinots gris (moins de 1 hectare revendiqué) et muscats y sont nettement plus rares.
Les vins du Winzenberg ont la réputation d’être très sociables dès leur plus jeune âge : élégants et fins, ils sont structurés par une acidité souple qui les rend facilement accessibles. Lorsqu’ils sont issus de vielles vignes, ils évoluent en se bonifiant pour révéler une « vigueur insoupçonnée au départ » (Serge Dubs « Les Grands Crus d’Alsace » - 2002).
Les rieslings jeunes développent des arômes de fruits blancs et de fraise des bois (parfois). Avec l’âge, leur palette se complexifie en faisant place à de belles évocations florales et leur structure initialement très déliée se solidifie grâce à la minéralité du terroir qui se révèle.
Les gewurztraminers jouent la carte de finesse : sveltes et racés ils sont appréciés pour leurs beaux arômes floraux.
Malgré la renommée séculaire avérée de Blienschwiller et de ses vins, on peut s’étonner de voir à quel point les crus du Winzenberg sont encore largement méconnus du grand public d’aujourd’hui. Avec la rareté des écrits ou des commentaires à leur sujet mon travail documentaire fut particulièrement ardu et mon texte suscitera peut-être quelques commentaires critiques mais en tous cas ma rencontre avec un « vigneron du cru », militant de la première heure pour la reconnaissance de ce terroir dans le classement alsacien, me permettra surement un complément d’information tout à fait intéressant.
Le bas du coteau sud du Winzenberg à la fin de l’automne.
SELON HUBERT METZ
Située au cœur du village de Blienschwiller, la Cave de la Dîme est une grande maison de style « Renaissance » construite en 1728 et dont le nom rappelle que ce fût jusqu’à la Révolution Française, un lieu de collecte de l’impôt de la dîme.
Profitant d’un rayon de soleil hivernal qui éclaire cette froide après-midi de février nous commençons notre visite par une petite promenade sur le Winzenberg en compagnie de Céline Metz qui nous fait découvrir quelques parcelles exploitées par sa famille sur les deux coteaux du Grand Cru.
Une parcelle du domaine Metz en hiver située sur le coteau nord du Grand Cru, avec un mur de pierres sèches récemment reconstruit par le propriétaire.
De retour au domaine, nous enchaînons par une visite des espaces de travail (cave, cuvier…) où nous parlons longuement viticulture, vinifications et élevages.
Les vieux foudres de la cave du domaine (photo A. Diaz)
Nous finissons le tour du propriétaire en passant par le caveau de dégustation pour nous rendre à l’étage où nous nous installons au chaud autour d’une table bien garnie pour commencer notre entretien au sujet du Grand Cru Winzenberg avec Hubert Metz.
Le caveau de dégustation du domaine Metz.
Tout est en place pour une séance de question-réponses illustrée par quelques belles bouteilles (photo A. Diaz).
Comment définiriez-vous ce terroir ?
« Le Winzenberg m’a toujours intrigué…je voyais que la vigne n’y souffrait jamais, même dans les années extrêmement sèches et j’ai eu très tôt envie de comprendre pourquoi ». Voilà en quelques mots comment Hubert Metz nous explique le lien très particulier qu’il entretient avec ce terroir depuis de longues années. Poussé par le désir d’en apprendre un peu plus, il a commencé à s’intéresser au fonctionnement des sols de son vignoble en de référant aux travaux et aux conseils de Yves Herody, géologue et initiateur du projet « Vignes Vivantes ».
« Le Winzenberg possède un certain nombre de caractéristiques que l’on retrouve dans tous les grands crus : une exposition sud/sud-est, une pente parfois assez importante et une identité géologique définie ».
Un secteur bien pentu du coteau nord du Winzenberg.
Le granit est le substrat basique de ce terroir mais « il est tellement désagrégé que les racines des vignes peuvent plonger à des profondeurs impressionnantes pour trouver de l’eau »…ce qui explique la bonne tenue des vignes du Winzenberg dans les années sèches d’autant plus que « l’eau est omniprésente dans le sous-sol de ces collines…elle descend de l’Ungersberg et, par le phénomène des vases communicants, vient enrichir le sous-sol du Winzenberg ».
L’installation de captage d’eau du coteau sud du Winzenberg dans les brumes de l’hiver alsacien (photo A. Diaz).
Hubert Metz différencie 2 secteurs dans ce Grand Cru :
- le versant sud/sud-est du mamelon nord « c’est le Winzenberg cadastral où on trouve des sols de sables granitiques très profonds »,
- le versant sud/sud-est du mamelon sud « ce sont les lieux-dits Oberberg et Mittelberg avec des sols un peu moins profonds ».
« Un moment il a été question de proposer la reconnaissance de 2 Grands Crus sur le ban de Blienschwiller, mais le projet s’avérait vraiment compliqué à défendre ». Par la suite, une étude géologique menée par P. Fluck pour la délimitation du Grand Cru a cependant prouvé que les sols des deux secteurs du Winzenberg présentaient un grand nombre de caractéristiques communes...largement assez pour justifier cette délimitation bipartite.
Quels sont les cépages les mieux adaptés ?
Comme pour tous les terroirs granitiques « c’est le riesling qui reste l’allié naturel du Winzenberg » Pour le gewurztraminer c’est moins évident « la relation de ce cépage avec le granit est plus compliquée mais dans les secteurs où les sols sont plus profonds on obtient chaque année de superbes cuvées ».
Le riesling trouve son terrain d’élection sur le coteau sud attenant au village « il y a pas mal de pente et un sol assez pauvre » : c’est là que naît la cuvée de riesling Grand Cru du domaine Metz. « Cette cuvée est le résultat d’un assemblage de trois parcelles dont l’une en terrasses où on trouve des schistes ». Avant le classement du Winzenberg en Grand Cru, le domaine Metz isolait déjà cette cuvée qui était commercialisée sous le nom de riesling Oberberg.
Les gewurztraminers du domaine Metz proviennent de parcelles situées sur le coteau nord – le Winzenberg cadastral – « situés à mi-coteau où le sol est assez profond ces gewurztraminers nous permettent de réaliser de belles cuvées qui séduisent par leur équilibre et leur élégance ».
Une parcelle de gewurztraminer du domaine Metz sur le Wintzenberg.
Le Winzenberg n’a pas la réputation d’être un grand terroir à pinots gris « mais chaque année on trouve quelques réussites surprenantes lors des séances de dégustation organisées par la gestion locale du Grand Cru ».
Quels caractères spécifiques ce terroir transmet-il aux vins ?
Le Winzenberg propose une expression très particulière d’un terroir granitique : « les vins du Winzenberg sont différents de ceux nés sur les granits autour de Colmar et de ceux qui proviennent du Frankstein voisin ».
La marque du millésime est toujours un peu présente sur les vins du Winzenberg mais « les équilibres restent toujours digestes et élégants ».
Les rieslings peuvent être assez « percutants » dans leur jeunesse avec des acidités matures mais longues et solidement tendues. « Après quelques années de garde, la matière s’affine et la minéralité se révèle avec une belle salinité et des nuances un peu pierreuses en finale ».
Les gewurztraminers ne montrent jamais trop d’exubérance : « leur structure reste aérienne avec un équilibre bien frais et une palette complexe sur un registre plus exotique qu’épicé ».
Y-a-t’il dans votre mémoire de dégustateur des vins qui vous ont aidé à vous faire une image de ce que devait être ce Grand Cru ?
Après un petit instant de perplexité, Hubert Metz me livre quelques anecdotes relatives à des rencontres avec des bouteilles de vin d’Alsace qui l’ont impressionné…surtout par leur tenue face au temps.
La première nous ramène en 1997 « le 19 janvier dans un restaurant d’Erstein pour célébrer les noces d’or de mes parents…c’était un riesling de 1947. Dégusté avec le premier plat (vers 13 heures) il était déjà très bon mais lorsqu’on l’a regoûté le soir vers 19 heures, il était encore meilleur »…une preuve éclatante de ce que Hubert Metz savait déjà : le vin d’Alsace sait vieillir !
La seconde expérience marquante date de 2002 « nous avons ouvert une bouteille de riesling tradition 1982 du domaine le vin était superbe de fraîcheur ». Cette bouteille de 20 ans issue d’un millésime où les rendements furent pléthoriques (plus de 120 hl/ha) s’est révélée d’une jeunesse insolente « ce qui nous a déjà étonnés mais lorsque nous avons fini la bouteille 2 jours plus tard en constatant que le vin n’avait pratiquement pas bougé, nous avons été stupéfaits ».
Plus récemment, en 2011, Hubert Metz a sorti de sa cave un riesling de 1962 pour faire plaisir à un ami de passage « une bouteille de 49 ans sans aucune altération avec une fraîcheur presque juvénile »...encore une belle surprise avec un vin d’Alsace d’âge vénérable !
Comment voyez-vous l’avenir de ce terroir ?
Malgré la réputation ancestrale de ces coteaux viticoles de Blienschwiller, le dossier du Winzenberg n’a pas été simple à défendre : « on savait depuis longtemps que ce terroir était capable de produire des vins de belle qualité mais les vignerons du village ont mis du temps à se lancer dans le projet ». Hubert Metz a bataillé ferme pour convaincre les vignerons du village de l’intérêt économique d’un classement du Winzenberg mais aujourd’hui on compte une douzaine de producteurs sur le Grand Cru.
La gestion locale du Winzenberg fonctionne plutôt bien : les vignerons se retrouvent régulièrement pour des dégustations d’agrément et des sorties dans les vignes où ils étudient les moyens d’améliorer leurs pratiques culturales.
Pour promouvoir leurs vins, les vignerons de Blienschwiller peuvent s’appuyer sur un certain nombre de manifestations gastronomiques et culturelles organisées dans le village comme « Le double rendez-vous des saveurs » qui a lieu tous les 8 mai.
Malgré tout, le déficit d’image de ce Grand Cru est indéniable : en cause, la frilosité des vignerons qui hésitent à s’engager pour promouvoir ce terroir mais peut-être aussi manque de vraie « locomotive » dont le nom porte au-delà de notre région.
En tous cas, si le Winzenberg fait partie des 51 terroirs reconnus pour représenter l’excellence alsacienne, ce n’est vraiment pas le fait du hasard mais il est vrai que bien trop peu de gens le savent…Dommage !
Les vins du domaine : quelle conception ?
Le domaine Hubert Metz exploite une cinquantaine de parcelles de vignes situées entre Itterswiller et Dambach la Ville.
Fondateur de l’association Tyflo, que nous avons déjà évoqué avec Jean-Daniel Hering, Hubert Metz est un fervent adepte d’une viticulture raisonnée qui respecte l’environnement et la biodiversité. Aujourd’hui disparu le label Tyflo a été remplacé par le label Terra Vitis mais le cahier de charges est resté identique.
Les principes qui guident le travail à la vigne de Hubert Metz sont très clairement énoncés : « le vigneron est chargé de faire fonctionner les sols pour que les raisins se sentent le plus heureux possible ».
Après des vendanges manuelles les raisins sont pressés et les jus sont mis à débourber dans des cuves inox. Les fermentations s’effectuent en foudres où en cuves inox selon le volume de la cuvée « les cuvées de Winzenberg ont des volumes trop petits pour nos foudres, elles séjournent exclusivement en cuves inox ».
Le cuvier du domaine Hubert Metz.
En cave, Hubert et Céline Metz bichonnent leurs cuvées avec une grande attention avec comme souci majeur de limiter leurs interventions : « en cave c’est la douceur qui est importante ».
Les barriques sont utilisées pour l’élevage de certaines cuvées particulières comme le Pinot Noir Barriques et le Pinot Blanc Pierre de Lune réalisé à partir d’un assemblage de vin élevé en barriques (2 barriques) et de vin élevé dans un foudre.
Pinots noirs et pinots blancs en barriques.
Avec des vignes enherbées et une taille sévère les rendements moyens se situent aux alentours de 70 hl/ha, « mais sur le Winzenberg on reste habituellement sous les 50 hl/ha ».
Disposant d’espaces de stockage assez volumineux, la famille Metz peut s’offrir le luxe de laisser s’affiner certaines cuvées au domaine avant de les commercialiser.
Une partie de l’espace de stockage du domaine Metz (photo A. Diaz)
Le domaine Hubert Metz commercialise une large de gamme de vins d’Alsace qui propose des cuvées traditionnelles sur les 7 cépages, des Grands Crus Winzenberg sur 3 cépages (riesling, pinot gris, gewurztraminer), 2 vendanges tardives (riesling, gewurztraminer) et 3 cuvées spéciale créées en l’honneur des petits enfants du vigneron : Alegretto pour Elise (pinot gris moelleux), Concerto pour Valentin (muscat doux) et Pierre de Lune (pinot blanc vieille vigne élevé en barriques).
Cette production est vendue essentiellement à une clientèle particulière, au caveau de Blienschwiller ou à l’occasion de l’un des nombreux salons de vignerons auxquels le domaine Metz participe (la liste se trouve sur le site du domaine).
Et dans le verre ça donne quoi ?
Riesling Winzenberg 2012 : nez superbe avec une palette typique sur le citron, les zestes d’agrumes et la pierre chaude, très belle tenue en bouche, matière élégante qui enrobe une acidité qui file droit, finale vive et saline.
Riesling Winzenberg 2011 : nez confit, palette complexe sur les fruits blancs et jaunes bien mûrs et quelques notes de poivre blanc, matière assez dodue en bouche mais équilibre très tonique, salinité intense, finale longue délicatement fruitée et soutenue par une belle acidité.
Riesling Winzenberg 2010 : nez qui commence à se patiner, belle pureté olfactive, notes d’agrumes très agréables (mandarine, bergamote), attaque très vive en bouche, matière un peu anguleuse, salinité longue et puissante en finale.
Riesling Winzenberg 2009 : nez discret sur un registre fruité (agrumes frais) et minéral (pierre, silex), matière carrée, équilibre droit, finale tendue mais un poil trop serrée à mon goût.
Riesling Winzenberg 2008 : olfaction très épurée, expression fruitée très retenue et des notes minérales envahissantes (pierre à feu, fumée), matière longiligne en bouche, puissante arête minérale et finale saline avec des amers nobles.
Cette petite verticale qui nous fait découvrir 5 rieslings Winzenberg, nous fait entrer de façon très directe dans l’esthétique des vins issus de ce Grand Cru : d’une part on sent que les millésimes marquent les équilibres avec netteté mais sans exagération, d’autre part on sent de belles lignes acides et des présences minérales qui structurent les matières avec une grande fermeté.
Voilà une quintette qui joue une partition tout à fait à mon goût…vivement la suite !
Riesling Winzenberg 2002 : nez évolué mais bien frais, notes de miel et de fleur d’acacia, matière assez rondouillarde avec une ligne acide qui louvoie un peu mais belle salinité en finale.
Riesling Oberberg 1990 : nez évolué avec des notes d’agrumes très mûrs mais sans laisser une impression de lourdeur, matière épurée en bouche avec une acidité droite sans concession, expression fruitée très nette qui tient longuement en finale.
Ces 2 rieslings plus âgés étonnent par la jeunesse de leurs expressions aromatiques mais en terme de présence en bouche il faut reconnaître que c’est quand même le millésime qui se pose en juge de paix : malgré une olfaction qui peut faire illusion, le 2002 semble en partance pour le déclin alors que le 1990 (qui porte le nom du lieu-dit intégré au Grand Cru en 1992) est encore fièrement dressé sur sa bas acide/minérale…bien malin qui pourra dire quand le « bougre » commencera à courber l’échine !
La série de rieslings Winzenberg
Gewurztraminer Winzenberg 2013 : nez frais, très élégant avec des notes de fruits exotiques et une touche de cône de houblon que j’apprécie particulièrement, matière svelte et élégante en bouche, finale saline avec une fine amertume.
Gewurztraminer Winzenberg 2012 : nez qui s’ouvre avec une petite touche de réduction avant de développer une palette délicate et complexe, belle silhouette oblongue en bouche, expression aromatique toujours retenue, finement florale, finale longue et délicatement réglissée.
Gewurztraminer Winzenberg 2011 : nez épanoui avec de belles notes d’ananas frais, bouche opulente, charnue soutenue par une acidité mûre mais très puissante, finale longue, gourmande mais qui laisse une petite impression de chaleur.
Gewurztraminer Winzenberg 2010 : registre olfactif proche de celui du Winzenberg 2013, matière généreuse mais sans laisser une impression de lourdeur, finale équilibrée, longue et délicatement poivrée.
Cette verticale de 4 vins nous apporte la preuve que sur le Winzenberg les gewurztraminers ne fanfaronnent pas en développant des expressions aromatiques exubérantes et un peu racoleuses qu’on trouve parfois (pour ne pas dire souvent…) sur les crus issus de ce cépage. Les matières sont élégantes avec une vraie profondeur dans la structure et, bien que très jeunes (2013 et 2012 ne sont pas encore au tarif), ces cuvées laissent déjà apparaître des évocations minérales qui signent la noblesse de leur origine.
Voilà un joli quatuor qui trouvera facilement sa place à table en compagnie de plats un peu relevés. MIAM !
Le maître des lieux en plein travail (photo A. Diaz).
Gewurztraminer Winzenberg 2000 : nez discret qui propose une palette étonnante mais très « classieuse », notes de bâton de réglisse et touche finement iodée, matière sphérique mais équilibre très digeste, finale longue et fraîche avec un sillage sur le pamplemousse, le poivre blanc et la réglisse.
Gewurztraminer Winzenberg 1982 : nez impressionnante de complexité, fruité délicat et frais, touche vanillée et finement épicée sur un fond légèrement torréfié, ample et puissant en bouche, équilibre très sec, longueur exceptionnelle en finale, sillage aromatique sur la réglisse, les épices et la fumée.
Issus de 2 millésimes réputés comme étant assez « moyens » en Alsace, ces gewurztraminers brillent par leur complexité aromatique et leur jeunesse en bouche : les palettes ont évolué en reléguant le fruité au second plan pour laisser place à des arômes tertiaires et minéraux de grande classe mais l’impression de jeunesse laissée par leurs présences en bouche m’a vraiment étonnée.
Voilà deux bouteilles d’âge respectable (14 ans pour l’une et 32 ans pour l’autre) qui apportent une preuve éclatante du potentiel de garde des gewurztraminers du Winzenberg.
Quintette de gewurztraminers Winzenberg.
Pour conclure, un petit bilan sur cette nouvelle expérience de visite approfondie d’un terroir Grand Cru (attention je risque de me répéter…) :
- J’ai renforcé ma conviction qu’une bonne compréhension d’un vin passe évidemment par la dégustation mais s’enrichit considérablement si on fait la démarche d’aller sur place, sentir l’énergie des terroirs où il naît et rencontrer les gens qui le conçoivent…je ne boirai plus jamais des Winzenberg comme avant !
- Grâce au « Double Rendez-Vous des Saveurs » – cette superbe journée consacrée à la gastronomie et aux vins, organisée tous les 8 mai – j’ai appris à mieux connaître ce charmant village situé au pied du massif vosgien sur notre belle route des vins. Malgré ceci, mes connaissances sur le Grand Cru de Blienschwiller sont restées extrêmement modestes mais il faut dire que la communication autour des crus du Winzenberg est encore vraiment discrète…
J’ai donc abordé cette nouvelle étape avec curiosité et gourmandise et j’espère que je j’ai su retranscrire de façon intéressante le fruit de mes recherches pour vous donner envie de partir vous dégourdir les mollets sur les sentiers qui sillonnent le Winzenberg avant d’aller vous réhydrater chez l’un des vignerons du village.
Les pentes du Winzenberg ceinturant de près le village.
- Les vins de ce Grand Cru peuvent bousculer un peu les idées reçues sur le style des crus granitiques : moins expansifs et plus sages que les vins du Sommerberg ou du Schlossberg, les vins du Winzenberg jouent leur partition aromatique dans la délicatesse et la retenue tout en révélant des matières élégantes mais solidement structurées. La présence saline se dévoile dès les premières années pour se dessiner de façon de plus en plus précise avec le temps et les acidités fines et longues tiennent l’équilibre sans aucune faiblesse.
- J’ai été heureux de pouvoir rencontrer Hubert Metz, vigneron cultivé et passionné qui a dépensé une énergie considérable pour faire accéder le Winzenberg au statut de Grand Cru : son témoignage illustré par une belle série de vins a été un moment rare et précieux pour avancer dans ma quête pout comprendre davantage les terroirs alsaciens.
Hubert Metz a compris que la connaissance parfaite des sols permet de conduire la vigne de telle façon qu’elle produise une matière première de grande qualité « Pour bien travailler, un vigneron doit comprendre ses sols : le sol, c’est le garde-manger de la vigne…si on le connaît bien on sait comment adapter nos interventions pour réguler nos apports alimentaires ».
Il est également convaincu que seul un raisin de qualité parfaite peut produire un grand vin « un beau raisin fera un très beau vin mais le vigneron devra le traiter avec beaucoup de douceur en cave ». Bon sens et sagesse !
Céline, la fille du couple Metz, a rejoint l’équipe du domaine pour seconder ses parents et poursuivre cette belle aventure vinique : membre très active des « DiVINes d’Alsace », sa jeunesse et son énergie seront précieuses pour poursuivre l’œuvre des ses ainés pour donner au Winzenberg la place qu’il mérite parmi les grands terroirs de notre région.
- Mille mercis à Hubert et à Céline pour cette belle après-midi passée en leur compagnie.
En primeur, le nouveau design des étiquettes du domaine H. Metz.
Première publication de cet article : 2015
Commentaires
-
- 1. Jaffuel Dany Le 14/03/2015
Toujours aussi agréable... et précis
Dany
Ajouter un commentaire