Visite au domaine Bohn à Reichsfeld
J’ai rencontré Bernard et Arthur Bohn à de nombreuses reprises au cours de ces dernières années mais en consultant l’historique des articles publiés sur mon site, je me suis rendu compte que cela faisait bien longtemps que je n’avais pas fait de dégustation en compagnie de ces vignerons qui travaillent d’arrache-pied pour mettre en valeur les beaux terroirs de schistes de Reichsfeld.
Bon, le départ pour mon périple vinique dans le grand sud est prévu dans quelques heures et mon tas de notes à mettre au propre –que ma tournée sudiste va encore faire grandir – est déjà plus que conséquent…mais je vais quand même céder à la tentation (comme souvent hélas) pour accompagner mes amis du club AOC qui ont organisé cette rencontre.
Hoppla, c’est parti !
Comme nous avons du pain sur la planche – la gamme actuelle du domaine comporte plus de 30 références – nous partons immédiatement en direction du caveau pour commencer notre dégustation…accrochez-vous, ça va dépoter !!!
On s’installe…
…et on s’équipe pour la dégustation.
Crémant Extra Brut-Nature 2007 : nez complexe et raffiné, bulle très fine fondue dans un jus droit et très vineux, finale bien fraîche avec un long sillage réglissé et épicé.
Crémant Millésimé 2008 : nez fin et élégant sur les fruits blancs et l’amande fraîche, bouche gourmande avec un équilibre très digeste, finale fraîche et saline.
Crémant Brut : nez expressif sur les fruits blancs et les fleurs, matière opulente stimulée par une bulle assez virulente, finale tonique et appétante.
Bernard et Arthur Bohn nous proposent 3 styles de crémant avec des caractères bien marqués : un brut (de 2015) festif à souhait, un 2008 très charmeur avec une matière charnue et structurée en bouche et un 2007 affiné durant 12 ans sur lattes, un peu austère au premier abord mais avec une vinosité et une finesse de bulle dignes d’un très grand champagne.
Alsace En Vrac 2013 : nez discret mais d’une complexité un peu « intrigante », bouche très agréable avec un jus vif et salin, finale bien glissante avec des notes de pamplemousse et des amers salivants.
Cette cuvée originale qui a été réalisée avec un assemblage à parts égales de rieslings et de sylvaners de 2017 et de 2018 (25% de chaque), est une sorte d’edelzwicker « de luxe » qu’on pourra déboucher sans hésiter pour régaler une tablée de copains.
Sylvaner Vieilles Vignes 2018 : aromatique séduisante sur les fruits blancs et la fleur de tilleul, bouche assez légère avec une belle fraîcheur, finale très saline.
Sylvaner 106 2017 : nez discret sur la pierre et les herbes aromatiques, bouche bien droite tenue par une acidité vive, finale longue et minérale.
Sylvaner Indigène 2018 : robe paille, olfaction bien ouverte sur la pomme fraîche et la résine, matière riche et consistante structurée par une belle trame acide/saline, finale légèrement tannique avec un long sillage fruité et iodé.
Voici 3 bouteilles qu’il faut absolument faire découvrir à tous ceux qui pensent que le sylvaner n’est pas capable d’engendrer des vins de caractère.
Née sur des parcelles de plus de 50 ans (100 ans pour la plus ancienne), la cuvée « Vieilles Vignes » est une pure friandise quant à la cuvée parcellaire « 106 » – un chiffre qui représente l’âge des vignes – elle exprime la minéralité de son terroir de schiste avec une grande élégance.
La fameuse cuvée « Indigène » conçue à partir d’une macération de raisins (pour 2/3 entiers) à laquelle on a ajouté 20% de jus frais est une réussite absolue dans le genre…j’adore !!!
Riesling Schieferberg 2013 : nez sur l’orange amère et la pierre à fusil, bouche charnue et solidement structurée, finale minérale, un peu austère.
Riesling Schieferberg-Hors d’Age : assemblage de 8 millésimes (2015 à 2010 + 2000 + 1997) très minéral au nez, bouche ample et consistante avec un gras sensible, finale sapide avec des amers nobles.
Riesling Chapelle Oberhagel 2016 : nez fin et complexe avec des notes de citron frais et de pierre chaude sur un fond légèrement fumé, bouche ample et charnue équilibrée par une acidité qualitative et une intense salinité, finale longue et salivante.
Riesling Oberhagel 2018 : nez vif et citronné, matière pleine et charnue solidement tendue par une ligne acide très droite, salinité intense en finale.
Riesling Schieferberg 2017 : nez fin et complexe, notes de citron et d’épices avec de petites touches fumées, attaque douce en bouche puis développement d’une matière ample et corsée, finale longue avec un beau sillage minéral et fumé.
Riesling Oberhagel 2009 : nez évolué et complexe sur le camphre, la pierre chaude et un fumé discret, bouche riche et très juteuse, finale longue, tonique et profondément minérale.
Cette série de rieslings de schistes nous offre un petit aperçu des différentes formes d’expression possibles sur ce terroir particulier avec quelques cuvées « classiques » (2016, 2013, 2009) qui dessinent leur profil minéral avec de plus en plus de précision en vieillissant, un 2018 travaillé « nature » bluffant de pureté, un 2017 élevé en fût d’acacia tout en complexité et en élégance et un assemblage de 8 millésimes qui se goûte déjà remarquablement bien aujourd’hui mais qui semble taillé pour une longue garde.
Riesling Grand Cru Muenchberg 2017 : nez discret sur le miel de forêt avec de fines touches balsamiques, bouche longiligne, équilibre très droit, finale bien fraîche sur la cire et les herbes aromatiques.
Riesling Grand Cru Muenchberg 2013 : nez discret avec une palette très complexe sur le citron frais, la résine et les herbes méridionales (romarin, ciste), jus vif et consistant en bouche, finale tonique et minérale.
Riesling Grand Cru Muenchberg 2018 : nez assez ouvert mais toujours bien complexe sur les herbes aromatiques et le bourgeon de sapin, bouche dense et charnue, équilibre très droit, finale longue et minérale.
J’avoue que jusqu’ici je n’avais jamais trop bien goûté les cuvées de Muenchberg de ce domaine – toujours un peu « écrasées » par les belles expressions minérales des Schieferberg – mais ces 3 bouteilles m’ont vraiment agréablement surpris avec un superbe 2017 vinifié « nature », un 2013 qui commence à révéler son potentiel et un 2018 déjà plein de belles promesses malgré une mise récente.
Voilà l’une des bonnes surprises du jour !
Pinot Gris Schieferberg 2018 : nez encore un peu fermé mais d’une belle pureté, bouche ample, équilibre sec avec une petite mâche tannique très stimulante qui donne un caractère très appétant à la finale.
Cette jeune cuvée de pinot gris élevée en barriques d’acacia nous rappelle que ce cépage se plait également sur ces terroirs de schistes…c’est un vin avec un très beau profil gastronomique.
Vin de France Char’Bohnais 2014 : nez discret (noisette, fruits blancs, beurre frais), matière ample avec un gras assez bourguignon, équilibre sec, finale fraîche et subtilement boisée.
Servie à l’aveugle, cette cuvée vinifiée et élevée en barriques en déroutera plus d’un par son style qui rappelle plus un blanc de la Côte de Beaune (ou de « Bohn ») qu’un alsace mais quand c’est bon, tout débat sur l’identité me semble inutile.
Alsace Le Coup de Jus 2018 : nez qui s’ouvre sur une petite réduction vite remplacée par de beaux arômes de fruits rouges frais (groseille, framboise), bouche fraîche et bien juteuse, finale avec un retour fruité intense et un petit grip tannique salivant.
Cette nouvelle cuvée réalisée avec un assemblage d’un jus blanc de pinot gris (45%) et de riesling (10%) infusé avec du pinot noir (45%), travaillé « nature », est un rosé de caractère qui associe avec bonheur la gourmandise d’un fruité expressif et la trame minérale des schistes. MIAM !
Pinot Noir Tradition 2014 : fruité charmeur au nez, léger et souple en bouche, tanins soyeux et finale très gourmande.
Pinot Noir Nature 2018 : nez discret sur les baies noires et les épices, bouche très tonique avec une acidité stimulante et des tanins présents mais bien lisses, finale sapide et gouleyante.
Pinot Noir Par Arthur 2015 : nez charmeurs avec une palette complexe sur les fruits rouges et les épices orientales, jus corsé et très gourmand qui enrobe une trame tannique très qualitative, finale longue et digeste.
Pinot Noir Les Roches Rouges 2015 : nez fin et raffiné sur les fruits rouges et les épices, bouche très élégante avec une silhouette longiligne tenue par une trame tannique bien mûre, finale racée avec un sillage minéral et subtilement boisé.
Les pinots noirs du domaine Bohn m’ont toujours fait très bonne impression et ce ne sont pas ces 4 superbes cuvées qui vont me faire changer d’avis : à côté d’un 2014 vinifié pour être parfaitement « glou » (macération de 3 à 4 jours) et des vins conçus par Arthur, sans intrants mais d’une tenue parfaite, la cuvée des « Roches Rouges » montre une fois encore une plénitude et une classe qui la place au niveau d’un cru bourguignon. MIAM !
Alsace Schiefferberg Zéro 2017 : nez ouvert et agréable sur les agrumes frais et les herbes aromatiques, bouche puissante avec une présence saline très marquée, finale légèrement tannique avec un beau sillage minéral.
Réalisée à partir d’un assemblage de pinot gris et de riesling sur terroir de schistes, macérés durant un mois, cette cuvée « nature » est un vin pur et minéral, qui nous prouve que les Bohn maîtrisent vraiment les processus d’élaboration de ces vins particuliers.
Alsace L’Orange Volcanique 2018 : nez complexe et séduisant sur la bergamote, l’écorce pilée et les herbes à tisane, bouche dense et solidement charpentée, finale très digeste avec une légère tannicité et une très longue persistance aromatique.
(pinot gris + muscat + gewurztraminer + riesling + sylvaner – terroir : gréso-volcanique autour du Grand Cru Muenchberg – égrappage et macération durant 1 an)
Alsace L’Orange Romain 2017 : nez complexe et précis avec de belles notes de rose, delitchi et de poivre blanc, bouche droite et concentrée, finale corsée et bien tonique avec un long sillage épicé.
(gewurztraminer – macération en raisins entiers – élevage : 300 l en fût d’acacia et 150 l en amphores)
Avec leurs palettes aromatiques originales mais très agréables et leurs présences en bouche pleines d’énergie, ces deux vins orange ont fait une très belle impression aujourd’hui en créant une quasi unanimité parmi les dégustateurs…il y a de la texture, de l’équilibre et de la complexité, bref c’est MIAM !
Riesling Schieferberg 1998 : nez complexe et raffiné sur les fruits jaunes, l’orange amère et le camphre, bouche vive et solidement tendue, belle présence saline, finale droite et sapide.
Cette bouteille sortie de la réserve personnelle du domaine, nous montre comment, après plus de 20 années de garde, l’empreinte saline et minérale des schistes se définit et imprègne le vin…magnifique !
Et pour finir, une cuvée sous voile prélevée sur fût : un concentré de fruits secs et d’épices, une matière ample et très saline en bouche…ça promet !
Pour conclure :
Depuis ma première visite en 2012, c’est toujours avec le même plaisir que je vais me promener du côté de Reichsfeld pour saluer l’ami Bernard et son fiston et goûter les dernières créations de ces vignerons qui ont pris la bonne habitude de produire quelques cuvées qui bousculent les codes classiques de l’esthétique alsacienne.
On est toujours aussi bien dans ce caveau !
La dégustation du jour nous a permis de découvrir de très belles cuvées de crémant, des sylvaners de caractère, des rieslings de schistes profonds et minéraux, des rieslings du Muenchberg qui m’ont très agréablement surpris et des pinots noirs de grande classe.
Et à côté des ces vins « classiques » (mais pas trop quand même !), ces vignerons nous proposent une série de cuvées originales que j’ai trouvées particulièrement réussies comme ces vins orange vinifiés avec une grande maîtrise ou ce « Coup de Jus » redoutablement efficace.
Dans cette série d’une homogénéité qualitative exemplaire, je vais quand même isoler quelques coups de cœur du jour avec notamment un pinot noir Roches Rouges 2015, une superbe bouteille capable de faire de l’ombre à pas mal de belles étiquettes bourguignonnes et un riesling Chapelle Oberhagel 2016, déjà empreint d’une profonde minéralité et promis à un avenir radieux.
Bien évidemment, je ne terminerai pas sans citer la cuvée sylvaner Indigène 2018, une bouteille qui magnifie le cépage que j’aime beaucoup tout en montrant que les Bohn maîtrisent de plus en plus l’art subtil de la macération et de la vinification sans intrants…chapeau !
Mille mercis à Arthur et Bernard Bohn pour leur accueil toujours aussi sympathique.
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