Périple sudiste 2013 - Supply-Royer
PERIPLE SUDISTE 2013
C’est toujours avec le même plaisir que je m’engage dans la troisième édition de mon périple annuel dans les vignobles du sud car, en plus du retour prochain de l’été et des beaux jours, il annonce toujours des rencontres humaines enrichissantes et de belles découvertes viniques.
Le programme 2013 est particulièrement dense puisque, en 5 journées je vais me promener tour à tour près de la colline de l’Hermitage, dans le Roussillon, dans le Languedoc, en Provence et en Ardèche…qui m’aime me suive !
Parcours traditionnel autour de Gignac
Domaine Supply-Royer à Arboras
A la sortie de la visite du Mas de Daumas Gassac, comme il me reste près de deux heures à tuer avant mon rendez-vous à Arboras chez Eric et Marie-Ange, je décide de remonter un peu dans les gorges de l’Hérault pour une petite promenade à Saint Guilhem le Désert : ce superbe village médiéval et ses ruelles piétonnes étroites qui mènent vers l’Abbaye de Gellone, possède un charme magnétique.
Une rue de Saint Guilhem le Désert
Vue sur Arboras en venant de Montpeyroux…pas mal non plus !
Juste avant de sonner chez les Supply-Royer, je fais un rapide crochet par les vignes au bas du village pour voir leur fameuse parcelle de carignans sur le lieu-dit « Les Intillères ».
Les Intillères…la parcelle pour la cuvée haut de gamme du domaine.
Quelques minutes plus tard, je me retrouve avec Eric et Marie-Ange sous la voûte de leur cave nouvellement agencée.
Nous commençons la dégustation par un tour complet des cuvées de 2012 : « pour nous ce fut un très beau millésime, avec de l’eau juste quand il en fallait… » mais où il ne fallait pas être pressé pour rentrer certains cépages qui ont mis longtemps à atteindre leur maturité physiologique « nous avons attendu début octobre pour rentrer les carignans et les mourvèdres ».
Au niveau des maladies c’est la syrah qui a le plus souffert cette année « après une attaque d’oïdium nous avons été obligés de faire tomber un tiers de nos syrahs sur Pey Cherres ».
Eric Supply qui joue de la pipette pour commencer la dégustation des vins de 2012.
Au niveau hydrique, la vigne n’a que très peu souffert et les raisins avaient plutôt belle allure à la récolte : « des grains assez gros mais des jus bien équilibrés »…J’ai hâte de goûter çette série de 2012 !
La Roussane du Bramaïre : le nez est franc, précis et très délicat sur les fruits jaunes et la vanille, la bouche est charnue, juteuse et bien déliée avec une finale qui flatte longuement les papilles.
Ce vin qui allie richesse et buvabilité est encore très jeune mais montre déjà un caractère gourmand et charmeur très affirmé. C’est parti pour mon premier MIAM !
Le Bourboulenc de Nega Saumas : le nez est discret, un peu fermé mais qui laisse deviner une belle vivacité, la bouche possède une matière ample avec une minéralité bien large et une acidité traçante qui tient solidement une finale finement boisée.
Comme je l’avais déjà ressenti sur la cuvée 2011, ce bourboulenc est en train de prendre un style très bourguignon (venant de moi, ça reste un vrai compliment !) pour s’imposer comme un très grand vin blanc sec : matière élégante, élevage parfaitement intégré, structure acide mûre et puissante…
Maître Eric a frappé un grand coup !
Le Grenache du Badaïre : le nez est expressif et charmeur avec une palette qui évolue entre notes poudrées, chocolatées et notes de fruits rouges bien mûrs (très cerise), la bouche est souple, gouleyante avec un fruité bien croquant et une finale élégante et digeste.
Ce premier vin rouge de la série est étonnant…il ne correspond pas à ce que ‘ai l’habitude de goûter par ici ! Séduisant par son expression aromatique et son côté facile et glissant en bouche ce grenache est un pur bonheur. Je sirote cette petite friandise avec volupté, Marie-Ange également…mais Eric n’a pas l’air content « Je sais que c’est bon, mais ce n’est pas mon style de vin ! »
Décidément ce millésime 2012 réserve bien des surprises.
Le Grenache de Costa : malgré sa discrétion avec ses fines notes épicées, le nez donne une impression immédiate de concentration, la bouche est volumineuse, l’équilibre semble presque moelleux mais le toucher reste très grenu et la finale est puissamment tannique.
Vendangée une semaine avant la parcelle du Badaïre cette cuvée de grenache titre néanmoins une bonne quinzaine de degrés et possède un style méridional musclé qui plaît à Eric…personnellement je suis impressionné par la force qui se dégage de ce vin mais je reste quand même sous le charme du précédent.
Cette nouvelle parcelle située près de Pey Cherres a permis l’élaboration d’un grenache de grande garde qui se situe aux antipodes de la cuvée précédente : deux interprétations bien différenciées de ce cépage qui permettront à l’amateur de grenache de trouver un vin pour chaque occasion.
Le Mourvèdre des Crouzets : le nez est complexe sur un registre « noir » (mûre, cassis, réglisse…) et confit, en bouche on est surpris par l’élégance de cette matière assez opulente qui s’équilibre autour d’une trame tannique soyeuse et d’une pointe acidulée bien fraîche.
Comme chaque année la vigne des Crouzets a souffert et a fait souffrir Eric et Marie-Ange…mais comme chaque année le résultat est exceptionnel : avec un rendement de 13 hl/ha en 2012, cette parcelle a produit 2 pièces d’un vin d’une classe absolue. MIAM !
La Syrah de Pey Cherres : le nez offre une palette complexe avec un boisé subtil, des notes poudrées et épicées qui dominent encore un peu la discrète expression fruitée, la bouche est déjà bien en place avec une acidité large et une trame tannique d’une grande finesse qui équilibrent parfaitement la générosité de la matière, la finale est nette, digeste et longuement aromatique.
Souvent virulente dans son expression de jeunesse cette cuvée de syrah 2012 semble être née un peu plus sage : son énergie juvénile mais déjà si accessible aujourd’hui, nous ferait presque oublier que Pey Cherres est le grand vin de garde du domaine.
Voilà une des très grandes réussites de la gamme 2012 !
Le Carignan des Intillères : le nez est discret et raffiné sur les fruits noirs très mûrs (myrtille, mûre, cassis confits), en bouche on est immédiatement frappé par la qualité exceptionnelle du grain tannique qui donne au toucher un côté caressant vraiment irrésistible, la matière est mûre mais très élégante et la finale fraîche et précise étire un sillage aromatique très long où pointent des nuances minérales de très belle facture.
Pas besoin de rajouter grand-chose…cette cuvée « haut de gamme » assume pleinement son statut. Un vin magnifique !
Après cette série plus que prometteuse, nous continuons notre dégustation par quelques vins en bouteille du millésime 2011
Le Grenache du Badaïre : le nez est mûr et intense sur le chocolat noir et la cerise confite à l’eau de vie (un peu « Mon Chéri »), la bouche est puissante, presque violente, la finale est longue, bien aromatique mais un peu trop chaude à mon goût.
Cette cuvée qui se révèle bien plus fougueuse que sur le millésime 2012 bouscule mes papilles peu familiarisées avec ce type d’équilibre.
Ce grenache va certainement avoir besoin de beaucoup de temps pour trouver une personnalité plus sereine. Peut-être encore plus « vin de garde » que la syrah…
La Syrah de Pey Cherres : le nez est très discret avec un peu de réglisse et une touche boisée et épicée, en bouche le vin s’exprime nettement plus, les arômes se précisent et la matière puissante et concentrée se pose et s’impose, la finale ne faiblit pas longue et charpentée.
Ce vin tout en retenue au plan aromatique n’hésite pas à montrer sa musculature en bouche…cette syrah est un vin de très longue garde qui ne montrera sa vraie nature qu’après une longue garde. D’ailleurs, l’un des rêves d’Eric serait de pouvoir stocker cette cuvée durant quelques années avant de la proposer à sa clientèle : « beaucoup trop de gens pensent qu’un vin pas trop cher n’est pas fait pour vieillir…la plupart de mes clients boivent Pey-Cherres beaucoup trop tôt ».
En ce qui me concerne, c’est noté !
Le Carignan des Intillères : le nez est discret mais très raffiné avec une palette riche et complexe, en bouche le vin dessine une sphère parfaite, l’équilibre est optimal, les arômes s’épanouissent et se prolongent dans une finale vraiment éblouissante.
Je crois que je tiens ma plus belle quille rencontrée lors de ce périple 2013. Avec ce jus d’une beauté absolue qui a intégré parfaitement un élevage pourtant très ambitieux (100% bois neuf), ce vin de grande classe se livre avec simplicité et gourmandise tout en chuchotant des promesses de plaisir encore bien plus grand…Sublime !
La Roussane du Bramaïre : le nez est ouvert et charmeur avec une belle palette florale complétée par des notes de cire et de fruits jaunes mûrs, la bouche est puissante avec une texture très caressante et une matière généreuse mais sans lourdeur, la finale laisse persister longuement un beau retour aromatique très floral.
Malgré une vendange très précoce (fin août) cette roussanne avait atteint un potentiel de VT. Eric a choisi de la laisser fermenter jusqu’au bout (durant 10 mois) pour obtenir un vin sec mais d’une force peu commune (15°4 au compteur).
A la dégustation on est très vite séduit par la richesse de son bouquet et on s’étonne de la facilité avec laquelle ce vin riche et dense glisse en bouche sans laisser une sensation de pesanteur excessive. MIAM !!!
- Depuis l’année 2008 (déjà !), la visite annuelle chez Eric et Marie-Ange fait partie des étapes que je ne raterai sous aucun prétexte : ce couple de vignerons dont je ne me lasserai pas de vanter les qualités humaines, nous régale, millésime après millésime, de vins qui ont l’accent du pays tout en montrant, de plus en plus, une vraie nature de grands crus languedociens.
Bien sûr, depuis le temps, notre relation a un peu dépassé le cadre du rapport strictement « commercial » et mes commentaires sont surement empreints d’une subjectivité que je revendique complètement, il n’en reste pas moins vrai que la production très confidentielle de ce petit domaine atteint des sommets qualitatifs sur de nombreuses cuvées…Goûtez et dites moi si je me trompe !
- Si on excepte les 2 ou 3 « ovnis » comme le Grenache de Costa 2012 ou la Roussanne du Bramaïre 2011, on constate que ces deux derniers millésimes ont permis à Eric de réaliser des vins parfaitement aboutis avec des équilibres élégants et racés. Les syrahs sont d’une profonde beauté, les bourboulencs ont gagné en densité et en tension et la nouvelle cuvée de carignan est grandiose tout simplement : Les Intillères 11 et 12 font partie des plus beaux vins croisés durant mon périple 2013…mais je crois que je radote !
- Mille merci a Eric et Marie-Ange pour ces beaux moments partagés…et à l’année prochaine !
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