Le Bruderthal selon Gérard Neumeyer

LE BRUDERTHAL...
 

Déjà la cinquième étape de mon yoyo nord-sud pour découvrir les Grands Crus alsaciens et nous voilà de retour dans le Bas-Rhin, à Molsheim, pour tenter de nous initier aux mystères des vins du Bruderthal.

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Bien des choses ont déjà été écrites sur ces terroirs et un angle d’approche original et intéressant est à priori difficile à définir…mais je vais quand même essayer de relever le défi.
Je vous propose de me suivre dans mes ballades personnelles avec un peu de théorie (le socle nécessaire à une bonne compréhension), des documents photographiques et surtout des rencontres avec les vignerons qui travaillent dans ces parcelles classées.
Bon, ça je l’avais déjà dit…mais c’est pour les nouveaux.

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Molsheim vu du Molsheimer Berg

Molsheim est une petite ville (9335 habitants au dernier recensement) située sur la route des vins à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Strasbourg.
Comme de nombreuses localités du piémont vosgien ses origines remontent aux premiers siècles de notre ère : des sépultures mérovingiennes datant du VI° siècle ont été mises à jour en 1935 au nord de Molsheim.
Il n’y a pas de certitude absolue sur la provenance du nom de cette cité mais la toponymie la plus plausible nous emmène du côté de la culture celtique : « mol » (coteau) et « lios » (demeure) constituent la racine de Mollesheim, un nom qui apparaît pour la première fois en 820 dans un acte écrit de donation de vignes.
C’est à cette époque que cette ville entre vraiment dans l’histoire en se plaçant au centre d’un conflit qui oppose les princes-évêques de Strasbourg aux empereurs germaniques. Cette lutte prend fin au début du XIV° siècle en faveur des évêques qui transformeront Molsheim en ville fortifiée avec un mur d’enceinte et un château fort.

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La tour des forgerons...

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...et les  fortifications autour de la vieille ville

A la charnière du XVI° et du XVII siècle cette cité accueillera l’évêché de Strasbourg, chassé de son siège séculaire par la Réforme. Dès lors, Molsheim devient un centre culturel d'une grande vitalité. La ville accueille les jésuites en 1580, puis les chartreux dont le couvent de Koenigshoffen avait été détruit.

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Le blason de Molsheim : le martyre de Saint Georges, un chevalier romain chrétien supplicié sur la roue, symbole de l’importance de la religion et des origines romaines de la ville.

Ces différentes congrégations feront régner un véritable bouillonnement spirituel et intellectuel sur ces lieux : théâtre, méthodes pédagogiques nouvelles, fondation d'une académie, d'une université, construction de 1615 à 1617 d'une église, dont l'élégance des formes continue de nous charmer.

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L’Eglise des Jésuites

Ce prestige spirituel rejaillira bien au-delà des contrées environnantes et attirera bon nombre de personnages illustres séduits par les activités littéraires et artistiques de ce pôle culturel : Louis XIV séjourna au Collège des Jésuites et Goethe au Couvent des Chartreux.

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L’entrée de l’ancien Couvent des Chartreux transformé en musée.

Molsheim conserva ce statut de ville de savoir et de culture durant près de 2 siècles, jusqu’à la Révolution Française qui mit fin à la société d’Ancien Régime et transforma peu à peu cette cité en important centre industriel et artisanal.
Les fans de belles voitures anciennes connaissent surement Molsheim pour les ateliers qu’Ettore Bugatti y installa au début du XX° siècle (1911). Les anciens se rappellent encore ces voitures légendaires qui firent leurs premiers tours de roues dans la ville pavée et sur les chemins alentours.

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Aujourd'hui, Molsheim est une cité prospère, dotée d’un riche patrimoine historique et architectural. Elle constitue bien évidemment une étape de plus en plus prisée sur la Route des Vins d’Alsace.

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Beaucoup de maisons traditionnelles et de zones pavées au centre de cette paisible cité alsacienne.

 

Le Grand Cru Bruderthal se situe sur le Molsheimer Berg dans un petit vallon au centre du vignoble de Molsheim. Les rangs de vigne sont blottis entre les parois d’une dépression géologique et une forêt luxuriante qui délimite la partie supérieure du vignoble.

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Une vue plongeante sur le Bruderthal

Les parcelles classées occupent une superficie totale de 18,40 hectares, disposées en paliers entre 230 et 300 mètres et exposées sud-est.

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Sur le plan géologique ce Grand Cru fait partie de la famille des calcaires, à tendance marno-calcaire : une couche marno-calcaire très homogène repose sur un substrat de calcaires et de dolomies du Muschelkalk supérieur et de la Lettenkohle. C’est un sol pauvre, presque squelettique qui devient de plus en plus caillouteux au fur et à mesure qu’on s’élève dans la pente.

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Des pieds de vigne sur des parcelles du bas...

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...et du haut : des cailloux, encore des cailloux !

Cette terre ingrate oblige la vigne à insinuer se racines dans les entrailles de la roche mère, pour puiser une eau naturellement enrichie de multiples substances minérales.
Pente, exposition et nature caillouteuse du sol constituent des éléments dont la conjugaison va favoriser la concentration de matière dans les baies : comme le dit Gérard Neumeyer, président du syndicat viticole de Molsheim «  La notion de rendement est ici écartée par la nature elle-même ».

Sur le plan historique, ce terroir de tous temps convoité a été mis en valeur  (une fois n’est pas coutume)  par les moines cisterciens qui l’ont délimité, cultivé et qui lui ont donné son nom actuel : Bruderthal, le « val des frères » (Bruder = frère et Thal = val).
En 1316, le Bruderthal est cité comme faisant partie des possessions viticoles de l’Evêché de Strasbourg (ça aussi on commence à en avoir l’habitude… !).
En ces temps anciens où cette région était profondément meurtrie par d’incessantes guerres, le vin de Molsheim était un élément central de la vie sociale et politique. L’historien Roland Oberlé écrit « L’importance du vin est telle, que les conflits armés s’arrêtent au moment des vendanges ». C’est autour du vin que se font les réconciliations et les alliances, que l’on traite toutes les affaires relatives à la paix et à la guerre.
Un enthousiasme pour ce divin breuvage que même la rigueur luthérienne n’arrivera pas à refroidir et qui reste encore très vivace de nos jours.
Ceci dit, avec le développement urbain de cette ville, la pression immobilière sur les parcelles classées se fait de plus en plus forte et la capacité de résistance des vignerons est souvent mise à rude épreuve par d’alléchantes offres émanant des bétonneurs locaux.

Au niveau de la viticulture, l’encépagement est largement dominé par le riesling et le gewurztraminer même si pinot gris et muscat réussissent également remarquablement sur ce coteau.
Les vins du Bruderthal ne se laissent pas approcher facilement, ils ne jouent pas sur un registre démonstratif mais se caractérisent par une structure remarquablement charpentée.
La plupart des vignerons locaux sont conscients que dans la deuxième moitié du siècle dernier certaines aberrations ont été commises avec l’utilisation abusive d’engrais ou de pesticides. Aujourd’hui, l’heure est à la raison et au pragmatisme avec des méthodes de travail de plus en plus homogènes soutenues par la conscience aigüe que l’avenir appartient à ceux qui recherchent la qualité.

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Enherbement et labour…

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...une viticulture qui s’harmonise sur le Bruderthal

C’est la seule réponse viable à l’évolution de la demande mais également la seule position qui permet de résister à la pression des prédateurs immobiliers : il faut que le Bruderthal produise des vins qui justifient la défense de ces parcelles classées Grand Cru.

 

…SELON GERARD NEUMEYER

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Le domaine Neumeyer se situe dans le quartier ouest de la ville au pied du Molsheimer Berg, tout près des vignes du Grand Cru. C’est une exploitation familiale relativement jeune puisque c’est le grand-père, venu s’installer à Molsheim pour travailler chez Bugatti, qui a taillé les premiers pieds de vigne du domaine. A cette époque il n’était pas rare de posséder quelques arpents de terre et d’y pratiquer la viticulture, en plus de son activité professionnelle.
Peu à peu, la passion pour le métier de vigneron prit le dessus et la famille Neumeyer choisit de se consacrer exclusivement à la production de vin.
Héritier de deux générations de vignerons, Gérard Neumeyer est aujourd’hui a la tête d’un beau domaine de 16 hectares, avec de très belles parcelles sur le Grand Cru Bruderthal.

Gérard me reçoit dans le magnifique caveau de dégustation du domaine et se prête avec beaucoup de patience et d’à-propos au jeu des questions-réponses sur le sujet du jour.

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Le coin dégustation du domaine Neumeyer


Comment définir ce terroir ?

Comme tout Grand Cru le Bruderthal obéit à la règle classique de la triple unité :
L’unité géologique : le sous-sol de ce Grand Cru est dominé par le calcaire coquillier, le Muschelkalk. Les parcelles regorgent de ces pierres calcaires pleines d’incrustations de fossiles marins.

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Deux cailloux ramassés dans les parcelles du Bruderthal

L’unité géographique : dans le vallon du Bruderthal, seules les parcelles orientées au sud-est ont été retenues pour le classement en Grand Cru.

L’unité historique : comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, ce Grand Cru a une histoire riche et longue, même si durant la première moitié du siècle dernier l’évolution du contexte économique et social a mis en péril l’existence du vignoble de Molsheim. En effet, à cette époque, Molsheim était beaucoup plus réputée pour son dynamisme économique que pour son vignoble : « les habitants délaissaient leurs vignes pour aller gagner leur vie plus facilement et plus surement dans les nombreuses entreprises installées à la périphérie de leur ville ».
Les quelques parcelles qui subsistaient se trouvaient principalement dans les zones fertiles (loess) en bas des coteaux et ce n’est que dans les années 60 que des rangs de vignes ont reconquis leur surface sur les pentes du Molsheimer Berg.
En fait, le Bruderthal est un Grand Cru très jeune « les plus vieilles vignes ont 35 ans » et il a fallu surement déployer beaucoup énergie pour arriver à faire accepter le Bruderthal dans le classement de 1992 « on revient de très loin ! »…mais le chemin parcouru jusqu’ici force le respect.

Au niveau de la vigne, le Bruderthal est un terroir très propice à une bonne maturation des raisins (« ce sont des parcelles à maturité facile ») mais, comme tout terroir calcaire, il procure aussi aux vins qui y naissent une fraîcheur et une salinité remarquables.


Quels sont les cépages les mieux adaptés ?

La question semble difficile et peut-être même incongrue à notre hôte qui considère qu’il est difficile d’établir une hiérarchie entre les cépages sur ce Grand Cru.
Le terroir du Bruderthal est très polyvalent : certes, on y réussit de grand rieslings et de grands pinots gris, mais les muscats et gewurztraminer s’y plaisent également. Ces cépages aromatiques se déclinent dans une version très gastronomique sur la fraîcheur et la finesse.
Gérard Neumeyer ne cache pas son inquiétude face aux nouvelles règlementations qui s’annoncent : pourquoi ne pas laisser au vigneron le soin de choisir le ou les cépages les mieux à même d’exprimer le terroir ?


Quels caractères spécifiques ce terroir transmet-il aux vins ?

C’est au niveau de la structure que le terroir s’exprime le plus fortement : les vins du Bruderthal associent une maturité généralement assez poussée (effet « géographique ») à une grande fraîcheur (effet « géologique »). Ce sont des vins droits, avec un caractère bien trempé, qui nécessitent une garde de quelques années pour se livrer pleinement et qui ont un très grand potentiel de vieillissement.
Les rieslings marqués par le citron et les agrumes mûrs dans leur jeunesse, voient leur bouquet s’affiner et se complexifier avec le temps : des notes de chlorophylle, de basilic, de sauge…complètent la gamme fruitée après quelques années de garde.
Les pinots gris, souvent très opulents dans leur jeunesse, trouvent un bel équilibre gras/fraîcheur après 4 à 5 ans de bouteille. Leur longévité est remarquable : « 20 ans et plus ne leur font pas peur…je me souviens d’un 1976, mon premier millésime au domaine avec mon père, dégusté récemment était d’une jeunesse insolente »
Les cépages aromatiques jouent la carte de l’élégance avec un registre très floral et une structure tendue par un belle acidité, malgré des maturités souvent élevées.


Quelles perspectives pour ce terroir ?

« Laissons du temps au temps » : le chemin parcouru depuis le début des années 60 est énorme mais il reste encore bien des défis à relever pour les vignerons du Bruderthal. Gérard Neumeyer ne croit pas trop à l’excès de communication sur un cru, sur un vigneron et même sur certaines pratiques (le bio par exemple) : avec une société qui a tendance à tout peopleliser, il est le premier à savoir que si on rentre dans cette logique «  on redescend souvent plus vite qu’on est monté ».
Pour ce vigneron le verdict des dégustations à l’aveugle fait office de référence : « c’est une épreuve de vérité d’où nos crus s’en sortent régulièrement avec les honneurs ».
Un Salon des Vins se tient chaque année le 1° mai, en même temps que le grand marché aux puces de Molsheim. Cette manifestation qui rassemble une vingtaine de producteurs offre une belle occasion pour découvrir les crus de cette région. Ceci dit, il faut se rendre à l’évidence « Même si elle se retrouve sur le Route des Vins d’Alsace, Molsheim reste avant tout une cité industrielle, avant d’être un village viticole » et, comme le regrette Gérard Neumeyer, la politique de la ville en faveur de ses vignerons manque un peu de tonus…
Par contre, en ce qui concerne les pressions immobilières au niveau du Molsheimer Berg, la tendance actuelle est plutôt orientée vers une politique de sauvegarde du vignoble : une zone de friches et de vergers à été délimitée en bas des parcelles classées, pour créer « un espace-tampon entre les habitations et le vignoble et une niche écologique pour offrir un lieu de vie aux amis naturels de la vigne ».

En fait, le Bruderthal est un Grand Cru avec un réel potentiel, mais finalement encore très jeune… patience, confiance et réalisme sont de mise : « laissons du temps au temps ».


Les vins du domaine : quelle conception ?

Pour Gérard Neumeyer le travail du vigneron se fonde essentiellement sur le pragmatisme et l’empirisme « on fait tous un peu pareil…on observe et on essaye de s’adapter ».
Au niveau de la viticulture, le domaine est en conversion bio « ce n’est pas de la com… c’est un cheminement naturel pour obtenir une meilleure qualité tout en respectant la nature ». Cette conscience écologique ne date pas d’hier « C’est une démarche de plus de 20 ans durant lesquels nous avons essayé de limiter les traitements (validation Tyflo)…à titre d’exemple nous n’utilisons plus d’anti-botrytis depuis 1982… »
Sur le Grand Cru Gérard Neumeyer a adopté une taille très courte avec de petites arcures : « chaque année notre rendement se situe à 20% en dessous du seuil autorisé ».
Les vinifications sont classiques et traditionnelles avec des foudres en bois pour les Grands Crus et des cuves inox pour le reste de la production.

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Le chai du domaine avec les foudres, les cuves inox et les pupitres pour les crémants.

Le domaine vend 25% de sa production à l’export : Gérard Neumeyer est fier d’avoir décroché un marché en Italie « un pays où il y a une grande culture du vin », pour le reste c’est les Etats-Unis, l’Europe du Nord… et même une première commande pour l’Angola.


Et dans le verre ça donne quoi ?

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La gamme classique du domaine Neumeyer

Auxerrois Les Marnes 2007 : franc et élégant avec des notes d’amandes et de fleurs, la bouche est mûre, avec du gras, de la fraîcheur et une pointe de CO2.
Un auxerrois classique et flatteur, pour le plaisir !

Riesling Les Pinsons 2007 : un nez fringant et tonique avec des notes de citron et de craie humide, la bouche est droite, la finale est vive et délicatement citronnée
Un riesling très pur récolté sur le coteau du Finkenberg (d’où le nom de la cuvée : « Finke » se traduit par « pinson »). Ce coteau calcaire était déjà exploité par les Chartreux, qui vendaient ce vin à la Cour Royale d’Angleterre.

Pinot Gris Le Berger 2008 : un nez frais et pur sur les fruits jaunes frais, la bouche est droite avec une tension acide bien marquée et une belle longueur finale.
Un pinot gris récolté sur le Schäfferstein (d’où le nom de la cuvée : « Schäffer » se traduit par « berger ») fringant et digeste, en un mot, « hüpsig » (sautillant) comme le décrit son concepteur.

Pinot Gris Les Chartreux 2008 : un nez franc et direct sur des fruits jaunes bien mûrs, la bouche révèle une maturité forte (14° et 24 g de SR) mais l’ensemble reste équilibré avec un équilibre digeste et une finale longue.
Un coteau calcaire et pentu pour ce pinot gris très mûr mais profondément minéral.

Gewurztraminer Les deux M 2007 : un nez très délicat sur un registre floral ( rose, guimauve…), la bouche est ample et bien équilibrée, la belle finale révèle des notes épicées (poivre blanc) et réglissées.
Un terroir calcaire (sur Molsheim) et gréseux (vers Mutzig) qui entrent en synergie pour livrer un beau gewurztraminer de gastronomie.
 

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L'étiquette Grand Cru


Riesling Grand Cru 2000 : le nez très racé est marqué par l’eucalyptus et la chlorophylle avec quelques notes grillées, la bouche est gourmande avec une rondeur avenante et une belle longueur.
Un Bruderthal évolué bien typé, mûr mais doté d’une belle salinité en bouche.

Riesling Grand Cru 2005 : un nez un peu fermé où on décèle des notes de citron frais et de zestes, la bouche est soutenue par une acidité profonde et une salinité puissante. La finale est très longue.
Un riesling où le cépage et le terroir se disputent l’hégémonie, le potentiel est là, soyons patient, ces deux finiront bien par s’associer et nous offrir un superbe Grand cru.

Muscat Grand Cru 2005 : un nez subtil et élégant avec des notes florales et légèrement fumées, la bouche est d’une rondeur avenante, mais l’ensemble manque un peu de tonus.
Ottonel et muscat d’Alsace sur un grand cru, le registre aromatique est très beau mais le vin manque de structure acide pour le tenir.

Muscat Grand Cru 2007 : un nez agréable, franc et précis de raisin confit et de fleurs, la surmaturité perceptible à l’olfaction se confirme en bouche (densité de niveau VT) mais le terroir avec ses notes salines et son acidité rectiligne est bien présent.
Un grand muscat sans conteste, avec des éléments constitutifs très puissants…il est taillé pour défier le temps !

Pinot Gris Grand Cru 2004 : un nez fin et délicat avec des arômes de miel, de beurre, de brioche… (très murisaltien en fait), la bouche est équilibrée et gourmande avec une forte maturité (60g de SR) et une finale longue marquée par de classiques notes fumées.
Une palette très bourguignonne mais une bouche qui ne peut plus trahir ses origines…un très beau pinot gris !

Pinot Gris Grand Cru 2005 : un nez pur et bien expressif de fruits jaunes et de fumée, une bouche avec une maturité énorme (95g de SR) contrebalancée par une acidité fine et longue.
A sa sortie ce vin a obtenu un « Coup de Cœur Hachette » mais, à mon goût, la bouche est encore un peu dissociée, il faut encore lui laisser un peu de temps pour que cette matière imposante s’harmonise.

Gewurztraminer Grand Cru 2007 : un nez frais et discret avec des notes d’agrumes mûrs et de craie, l’attaque en bouche est délicate mais le vin s’épanouit et prend de l’ampleur en bouche. Il faut attendre la finale longue et pleine de vivacité pour reconnaître la signature épicée du cépage.
Un vin de gastronomie ou une friandise… les deux versions me semblent correspondre, pourquoi choisir !


Pour conclure, un petit bilan sur cette cinquième expérience de visite approfondie d’un terroir Grand Cru (attention je risque de me répéter…) :
-    Une fois de plus, j’ai pu vérifier que la convivialité et la disponibilité des vignerons alsaciens ne sont pas une légende. Encore mille mercis à Gérard pour son accueil.
-    J’ ai renforcé ma conviction qu’une bonne compréhension d’un vin passe évidemment par la dégustation mais s’enrichit considérablement si on fait la démarche d’aller sur place, sentir l’énergie des terroirs où il naît et rencontrer les gens qui le conçoivent…je ne boirai plus jamais des Bruderthal comme avant !
-    Le Bruderthal est un terroir riche et complexe qui transmet à ses vins des éléments constitutifs souvent très puissants. Dans leur jeunesse ces crus peuvent se montrer timides et très réservés ou alors s’exprimer haut et fort mais de façon un peu décousue.
En tous cas, 5 ans de garde semblent être le minimum requis pour que les vins du Bruderthal trouvent cette harmonie qui magnifie leur terroir.
-    Gérard Neumeyer est un vigneron conscient des réalités mais convaincu de la valeur de son terroir et de ses vins. Il connaît le chemin parcouru et sait ce qui reste à faire pour valoriser pleinement les crus de Molsheim. Il reçoit une nombreuse clientèle de passage dans son beau caveau de dégustation… c’est sans conteste une étape à noter dans ce beau vignoble de la Couronne d’Or.

 

Première publication de cet article : 2010

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