Le Schoenenbourg selon Pascal Batot

LE SCHOENENBOURG…

 
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Le coteau du Schoenenbourg au début du printemps


Ma dernière contribution sur le Praelatenberg a marqué la fin de mon périple dans les terroirs classés bas-rhinois mais avec plus 25 Grands Crus à visiter dans le Haut-Rhin ma longue quête est loin d’être achevée…en tous cas je vais tout faire pour y arriver !

Afin de célébrer comme il se doit mon retour dans le vignoble haut-rhinois, j’ai décidé de m’attaquer à un cru mythique situé dans un haut lieu touristique alsacien : direction la cité médiévale de Riquewihr pour essayer de comprendre les mystères du Grand Cru Schoenenbourg en compagnie de Pascal Batot, œnologue et maître de chai du domaine Dopff au Moulin.

Hoppla, c’est reparti !

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Le coteau du Schoenenbourg en été

Bien des choses ont déjà été écrites sur ces terroirs et un angle d’approche original et intéressant est à priori difficile à définir…mais je vais quand même essayer de relever le défi.
Je vous propose de me suivre dans mes ballades personnelles avec un peu de théorie (le socle nécessaire à une bonne compréhension), des documents photographiques et surtout des rencontres avec les vignerons qui travaillent dans ces parcelles classées.
Bon, ça je l’avais déjà dit…mais c’est pour les nouveaux.


La majeure partie du Grand Cru Schoenenbourg  se trouve sur le ban communal de Riquewihr, une cité viticole de 1109 habitants (recensement de 2014) classée officiellement parmi les « Plus Beaux Villages de France ».

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L’entrée est de Riquewihr…
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…et une vue à partir du Schoenenbourg

Situé au pied du massif vosgien, ce village qui surplombe légèrement la plaine d’Alsace offre au visiteur une vue imprenable sur la Vallée du Rhin, la Forêt Noire et parfois même le massif alpin (les sommets de l’Oberland bernois notamment).

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Zellenberg, la plaine du Rhin et la Forêt Noire vus des hauteurs de Riquewihr

L’origine du nom de ce village est encore incertaine aujourd’hui puisque plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce toponyme. La première fait référence à l’histoire et affirme que Riquewihr doit sont nom à un riche propriétaire franc nommé Richo qui vécu au VI° siècle et à qui les successeurs de Clovis ont octroyé des terres en récompense de sa fidélité. Le domaine s’est appelé « Richovilla » avant de devenir « Richovillare » à l’époque carolingienne.
Les suivantes sont proposées par notre grand spécialiste déjà cité à maintes reprises, M.P. Urban, l’auteur de « La Grande Encyclopédie des lieux d’Alsace », un ouvrage de référence sur le sujet. Il défend l’hypothèse que le nom de Riquewihr serait constitué par un « suffixe gallo-roman VILLA précédé de la racine paléo-européenne RIK désignant un terrain sec, dur, rocheux » mais le « rapport avec le germanique RIK (« puissant, riche » ou « empire, royaume ») ou le gaulois RIX, RIGO (« roi ») n’est pas à exclure »…pas simple tout ça !!!

Avec le temps, le nom de ce village a évolué : des documents datant du XII° siècle parlent de « Richovillare » et « Richenwilre » puis le nom s’est germanisé pour devenir Reichenweier, Reichenweiher ou Reichenweyer.
En alsacien, Reichenweier s’est transformé en Richawihr avant de devenir Riquewihr.

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Les armoiries de Riquewihr : trois ramures de cerf et une étoile à 6 branches.

Les origines de Riquewihr remontent à l’époque romaine : des vestiges datant de ces temps anciens laissent supposer l’existence d’une sorte de « relais » placé sur la route qui traversait les Vosges mais l’existence d’une vraie localité n’est avérée que vers la fin du VIII° siècle grâce à la découverte dans les environs de tombeaux datant de cette période.
Vers l’an 1000, le village et son château ont appartenu successivement aux grandes familles nobles de la région comme les ducs d’Alsace ou les comtes d’Eguisheim-Dabo.
Au XIII° siècle, le domaine tomba dans les mains des Reichenstein, une famille noble affublée d’une triste renommée – on les appelait les « seigneurs brigands » – et en 1269, Rodolphe de Habsbourg, le futur empereur d’Allemagne, assiégea la cité pour éliminer les Reichenstein. En 1291, Riquewihr devint la propriété des sires de Horbourg qui procédèrent à la fortification du village qui fut protégé par un large fossé, des murailles et deux tours de guet dont le fameux « Dolder » qu’on peut encore voir aujourd’hui.

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Les fortifications côté nord…

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…et côté ouest de Riquewihr

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L’entrée ouest de Riquewihr…

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…avec la tour du Dolder datant du XIII° siècle…

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…et l« Obertor » (porte haute) construite en 1500 pour renforcer le système défensif de la ville

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La tour des voleurs fut érigée à la fin du XIII° siècle avec ses cachots et sa chambre de torture

En 1320, Riquewihr obtint le statut de « ville ».
En 1324, les sires de Horbourg, restés sans postérité, ont vendu leurs terres à Ulrich X de Wurtemberg. Cette famille et leurs descendants ont assuré la prospérité de ce village jusqu’à la Guerre de Trente ans (1618 – 1648).

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Le château des comtes de Wurtemberg-Montbéliard avec son pignon crénelé caractéristique de l’art rhénan du XVI° siècle.

Riquewihr fut assiégée et investie en 1635 par les troupes françaises qui commirent de nombreuses exactions envers les villageois…et comme un malheur n’arrive jamais seul, cette période de guerre fut suivie par des vagues d’épidémies de peste, de choléra et de typhus qui décimèrent une grande partie de la population locale.
En 1680, Riquewihr devint propriété française mais resta soumise à l’autorité des comtes de Wurtemberg jusqu’en 1786, date à laquelle cette cité viticole fut définitivement rattachée à la France.
Riquewihr reprit ses activité vigneronnes et le village se développa et se peupla considérablement durant le XIX° siècle : le recensement de 1836 relève un total de 1949, un chiffre qui n’a jamais été dépassé jusqu’ici.
Riquewihr à échappé aux destructions lors des conflits mondiaux du XX° siècle – contrairement aux autres villages du secteur (Mittelwihr, Bennwihr ou Sigolsheim) qui furent presque totalement anéantis en 1945 – ce qui
a permis à cette cité fortifiée de conserver son magnifique patrimoine architectural.

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Le « gratte-ciel », qui avec ses 5 étages est l’une des plus hautes maisons à colombages d’Alsace, a été édifié au XVI° siècle et est toujours intact aujourd’hui.

Il est fort probable que ces coteaux au pied des Vosges aient été exploités dès l’époque romaine, il faut remonter jusqu’à la fin du XI° siècle pour trouver une trace écrite d’une production viticole grâce à un texte qui fait référence à des vignes appartenant à l’abbaye de Sainte Croix en Plaine.
En revanche, dès le XVI° siècle, les vins de Riquewihr sont reconnus et appréciés dans tout l’Empire allemand ainsi que dans les pays hanséatiques. D’après Médard Barth (Der Rebbau des Elsass - 1958) au cours du XVII° et du XVII° siècle ces vins gagnent de plus en plus de marchés en s’exportant de plus en plus loin vers la Belgique, la Grande Bretagne ou l’Italie.

Médard Barth nous apprend également qu’à cette époque, le grand Voltaire – qui résidait alors à Colmar – a pu bénéficier d’une rente sur des vignes à Riquewihr en compensation d’un prêt que le philosophe avait concédé au comte de Wurtemberg.

Cette période faste a vu la construction de certaines demeures remarquables qu’on peut encore admirer de nos jours grâce notamment à la Société d’Archéologie de Riquewihr, une association née en 1898 qui défend, restaure et embellit le patrimoine de cette cité.

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La maison Dissler datant de début du XVII° siècle constitue un exemple caractéristique de l’art de la Renaissance Rhénane

Aujourd’hui, Riquewihr qui arbore le titre de « Perle du vignoble alsacien » attire un grand nombre de touristes désireux de franchir les portes de cette cité médiévale pour plonger dans la mémoire alsacienne et admirer un grand nombre de constructions chargées d’histoire et remarquablement préservées.

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L’Hôtel de Ville de style néo-classique a été construit en 1809 à la place de la porte basse.

Le type de la maison alsacienne atteint à Riquewihr son expression la plus aboutie en offrant toutes les déclinaisons possibles de colombages sculptés et d’oriels…si bien que de nombreuse constructions datant des XVI° et XVII° siècles ont été inscrites à l’inventaire des Monuments Historiques.

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La rue principale de Riquewihr au début du printemps

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Une maison vigneronne transformée en restaurant.

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La cour des Nobles de Berckheim qui abrite un bâtiment du XVI° siècle.

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Des ruelles pavées étroites désertes…

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…et la rue principale très fréquentée même au mois de mars

Les amoureux de vin et de bonne chère seront aussi à la fête puisque derrière les murs d’enceinte de ce village se cachent quelques grands noms du vignoble alsacien ainsi que quelques belles adresses gourmandes.

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La grande maison Dopff au Moulin…

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…l’incontournable domaine Hugel installé au cœur de la cité…

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…et l’indispensable boutique VINI où on trouve les plus belles pépites du vignoble alsacien. 

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En été les rues et les terrasses appartiennent aux touristes…

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…venus du monde entier pour se promener dans les rues de cette belle cité vigneronne…

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…et acquérir quelques souvenirs d’Alsace comme ces jolis verres, hélas toujours à la mode dans bien des winstub et des restaurants de notre région…mais ça c’est une autre histoire !


Comme tout village viticole qui se respecte, Riquewihr possède son sentier viticole qui conduit le promeneur sur ses deux terroirs classés, Schoenenbourg et Sporen.

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Le sentier viticole avec un panneau « historique » mentionnant l’ancien nom du Grand Cru.

Mais Riquewihr fait également partie des 11 villages qui disposent d’un sentier géologique baptisé « GéoVino »où l’œnophile pourra découvrir la multiplicité des terroirs alsaciens : à Riquewihr le thème choisi est « Les roches et les sols du pays de Ribeauvillé »…un parcours initiatique indispensable pour tout amateur de vin d’Alsace.

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Sur le sentier « GéoVini » qui parcourt le coteau du Schoenenbourg...

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…et où on trouve des planches informatives très intéressantes sur la formation des terroirs alsaciens.

 

Le Grand Cru Schoenenbourg s’étend sur une superficie de 53,40 hectares sur un large coteau exposé sud/sud-est.

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Vue de la partie centrale du Schoenenbourg avec le village de Zellenberg à l’est

Ce Grand Cru est délimité sur des pentes souvent très raides à une altitude qui se situe entre 265 et 380 mètres.

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Des pentes assez abruptes qui plongent vers le village.

Cité une première fois en 1301 dans un acte de donation d’un bourgeois de Riquewihr en faveur du couvent Sainte Catherine d’Ammerschwihr, ce lieu-dit portait alors le nom de « Schönenberg »…ce qu’on peut traduire très simplement par « belle colline ».
Aujourd’hui le nom officiel de ce Grand Cru est « Schoenenbourg » mais il y a encore de nombreux habitants de Riquewihr qui continuent de parler du « Schönenberg » pour désigner ce coteau qui domine leur village.

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Ce coteau qui domine Riquewihr est vraiment « schön »…non !

Même si le Schoenenbourg est situé principalement sur le ban viticole de Riquewihr, le village de Zellenberg est en droit de revendiquer une petite quinzaine d’hectares de ce Grand Cru sur un secteur versant au sud-est sur le lieu-dit Kronenbourg.

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Le Schoenenbourg un coteau classé entre Riquewihr et Zelleberg.

Le coteau du Schoenenbourg se distingue par une topographie particulière avec une situation en fond de vallée, très proche du massif vosgien et des pentes assez sévères largement exposées au sud.
Les parcelles bénéficient d’une bonne exposition aux rayons du soleil ainsi que d’une protection naturelle contre les masses nuageuses venues de l’ouest et contre les vents froids venus du nord.

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La partie ouest du coteau du Schoenenbourg tout près de la forêt vosgienne.

Sur le plan géologique ce Grand Cru est classé par Serge Dubs (Les Grands Crus d’Alsace - 2002) dans la famille des terroirs argilo-marneux et dans le document de référence du CIVA (Les unités de paysage et les sols du vignoble alsacien), le terroir du Schoenenbourg est décrit de la manière suivante : ce sont des « sols bruns calcaires argileux sur marnes du Keuper avec un recouvrement de cailloutis siliceux ».
Les nombreuses veines de gypse qu’on trouve dans le sous-sol de ce Grand Cru constituent un élément important pour caractériser l’identité de ce terroir : même si Jean-Michel Deiss est convaincu que ce sont les marnes du Keuper qui marquent profondément les vins du Schoenenbourg, d’autres vignerons pensent que c’est le gypse qui imprime fortement la personnalité de ce Grand Cru.
Les marnes gypseuses du Schoenenbourg sont recouvertes de sables et de cailloutis gréseux vers le haut du coteau et de cailloutis calcaires du Muschelkalk dans les secteurs bas.
La partie est du coteau qui appartient au finage de Zellenberg – le lieu-dit Kronenbourg – présente des affleurements de marnes du Lias.

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Un pied de vigne dans la partie centrale du Schoenenbourg…

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…un pied de vigne dans la partie haute du Schoenenbourg…

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…et une jeune parcelle dans le secteur du Kronenbourg.

Au niveau physique, les sols du Schoenenbourg sont profonds, fertiles et dotés d’une bonne aptitude à retenir l’eau.
Cette qualité du sol peut faire penser que le Schoenenbourg est un terroir « facile » mais il est évident que tout vigneron qui veut y produire un grand vin devra veiller à contrôler strictement les rendements, soit en laissant à la vigne le temps de trouver son équilibre dans son terroir – une bonne quinzaine d’années en général – soit en procédant à une taille hivernale très sévère.

Sur le plan historique, Médard Barth (Der Rebbau des Elsass - 1958) nous apprend que l’origine précise des vins d’Alsace a été prise en compte dès la fin du XIV° siècle et que les crus de certains villages comme Ribeauvillé, Thann, Turkheim, Kaysersberg, Guebwiller et Riquewihr étaient déjà particulièrement recherchés.
Réputés depuis le Haut Moyen Age grâce à quelques abbayes (Pairis, Munster, Erstein…) qui ont déjà fait reconnaître bien d’autres grands terroirs alsaciens, les vins du Schoenenbourg sont devenus célèbres dans tous les pays d’Europe du nord dès le XVI° siècle.
Les comtes de Wurtemberg ont largement contribué à faire connaître les vins de Riquewihr dans le Saint Empire Romain Germanique et durant les XVI° et XVII° siècles leur renommée s’étendit jusqu’en Angleterre, en Scandinavie et dans tous les pays hanséatiques.
Le succès des vins du Schoenenbourg était du à leur grande qualité mais aussi – et peut-être avant tout – à leur aptitude à voyager en se bonifiant.
Conscients de la valeur de ce coteau viticole, les bourgeois et dignitaires de l’Ancien Régime se sont fait une gloire de posséder quelques arpents sur ce Schoenenbourg que le cartographe suisse Merian n’a pas hésité à qualifier comme étant le lieu « où pousse le vin le plus noble et le plus généreux de ce pays » (Topographia Alsatiae – 1644).
Ces vins recherchés qui se vendaient plus chers qu’ailleurs ont permis aux vignerons de prospérer et de faire construire de riches demeures dont la plupart sont encore visibles aujourd’hui.

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Les belles maisons de Riquewihr qui témoignent de la prospérité des vignerons de ce village.

Classé officiellement comme Grand Cru d’Alsace par le décret du 17 décembre 1992, le coteau du Schoenenbourg est actuellement mis en valeur par plus de 40 metteurs en marché installés à Riquewihr et à Zellenberg…voilà une situation qui permet d’envisager l’avenir de ce grand terroir avec sérénité !

Au niveau de la viticulture, la fertilité des sols du Schoenenbourg exige une conduite des vignes qui assure une maîtrise drastique des rendements.
Ceci dit, lorsqu’on se promène sur ce vaste coteau on ne peut que constater une très grande diversité des modes de culture mis en œuvre par les vignerons qui exploitent des parcelles sur le Schoenenbourg.

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L’herbe est très présente sur le Schoenenbourg comme ici sur une parcelle dans la partie centrale du Grand Cru (mais le cavaillon est désherbé).

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Une autre parcelle avec un sol travaillé et un cavaillon enherbé…

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…et une autre qui a subi un désherbage chimique intégral.

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On trouve beaucoup de haies et d’arbres entre les parcelles du Schoenenbourg

Le riesling est sans conteste le cépage roi sur le Schoenenbourg : exception faite de quelques parcelles de muscat et de pinot gris la partie du Grand Cru qui appartient au ban viticole de Riquewihr est presque entièrement dédiée à ce cépage.
Le gewurztraminer est davantage planté sur le versant exposé sud-est du lieu dit Kronenbourg qui appartient au finage de Zellenberg.

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La limite supérieure du Grand Cru avec une vue sur la grande faille vosgienne entre le coteau du Furstentum et celui du Schlossberg dont ont voit les versants nord non classés.

Les vins du Schoenenbourg sont réputés avant tout pour leur grande capacité à se tenir dans le temps : leur potentiel de garde qui se situe entre 25 et 40 ans selon les millésimes a fait dire à Victor Canales qu’il y a dans les vins du Schoenenbourg « la possibilité de se transformer en valeur d’éternité ».
Dans leur jeunesse, les crus du Schoenenbourg peuvent se montrer très capricieux en alternant des phases d’ouverture et de fermeture : c’est d’ailleurs ce que certains vignerons de Riquewihr appellent aujourd’hui encore la « maladie du Schoenenbourg ».
Ce Grand Cru dispose d’une puissance naturelle capable de tempérer l’expression des cépages : ce sont des vins corpulents soutenus par une charpente acide très puissante. Dans les millésimes précoces leur registre aromatique sera plutôt exotique avec une présence minérale évoquant la pierre chaude. Dans les millésimes tardifs ce seront des notes fleuries et une minéralité « poudre à canon » qui marqueront leur palette.
Les rieslings du Schoenenbourg sont très vigoureux avec une matière concentrée et une tension acide/saline particulièrement puissante. Fruités et floraux (violette, guimauve) dans leurs jeunes années, ils développent progressivement une palette complexe et raffinée sur les épices, l’iode, la truffe blanche et les hydrocarbures.
Comme tous les Grands Crus – et peut-être plus que la plupart d’entre eux – les vins du Schoenenbourg exigent de la patience : même s’ils peuvent se montrer très charmeurs dans leur jeunesse, ce n’est qu’après 5 à 7 ans de garde qu’ils commenceront à exprimer leur potentiel.

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Le bas du coteau du Schoenenbourg au début du printemps

 

 

…SELON PASCAL BATOT

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Pour cette 25ème étude d’un Grand Cru alsacien, j’ai suivi les conseils avisés de Jérôme Mader – le vigneron de Hunawihr qui m’a servi de guide sur le Rosacker – qui m’a orienté vers le domaine Dopff au Moulin et son œnologue-maître de chai Pascal Batot.
Même si jusqu’ici je n’avais travaillé qu’avec des vignerons pour aborder cette partie de mon étude d’un Grand Cru, je ne suis pas mécontent de pouvoir découvrir ce grand domaine viticole de Riquewihr et rencontrer cet œnologue que l’ami Jérôme a présenté comme l’un des meilleurs connaisseurs du terroir du Schoenenbourg.

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Les bâtiments principaux du domaine Dopff au Moulin.

Il est 9h30, Pascal Batot est dans son labo où il a déjà préparé notre dégustation à venir mais comme il y a une petite éclaircie sur Riquewihr, il me propose de commencer notre entretien in-situ en faisant une petite promenade sur le coteau du Schoenenbourg.
Nous nous rendons sur une parcelle plantée en 1988 mais qui va être arrachée : « arracher cette vigne qui n’a que 30 ans a été une décision difficile à prendre mais nous avons estimé que le matériel végétal actuel n’était pas assez noble pour ce Grand Cru et que la densité de plantation de 4000 pieds par hectare était bien trop faible ».

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Une parcelle du domaine Dopff située dans le secteur bas du coteau du Schoenenbourg...

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…avec des ceps complètement « tondus » prêts à être arrachés.

La replantation va être effectuée avec des plants qualitatifs issus d’une sélection massale et avec une densité entre 5500 et 6000 pieds à l’hectare mais pour l’heure cette parcelle nous offre la possibilité de bien voir l’aspect du sol du Schoenenbourg.
Voilà un endroit idéal pour poser mes premières questions à Pascal Batot.

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Fréderic Wenson, chef de culture et Pascal Batot, maître de chai du domaine Dopff au Moulin sur les pentes du Schoenenbourg.


Comment définiriez-vous ce terroir ?

Pour Pascal Batot, la caractéristique principale du terroir du Schoenenbourg « c’est son sol de marnes, des marnes du Keuper sur les coteaux qui dominent Riquewihr et des marnes du Lias dans les secteurs proches de Zellenberg ».
Les sols marneux du Schoenenbourg gardent bien l’humidité et produisent « un effet tampon qui évite tout stress hydrique lors de millésimes secs » et malgré une exposition dominante au sud, le Schoenenbourg reste un terroir « tardif où les raisins mûrissent assez lentement mais où les degrés montent facilement ».
Sur le Schoenenbourg, « les vignes trouvent leur équilibre optimal avec des rendements autour de 40 à 50 hectolitres par hectare ».
Ces sols marneux très riches en éléments minéraux et en oxyde de fer offrent une palette de couleurs très variée : « Le panel de couleurs qu’on observe sur ces marnes est surtout du au niveau d’oxydation des éléments ferrugineux qui entrent dans leur composition ».

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Les couleurs vraiment incroyables des marnes du Schoenenbourg photographiées sur une parcelle du domaine Dopf.

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La carte géologique du Schoenenbourg…une vraie « bataille de la marne »

Autour du cœur du Grand Cru où se trouvent la majeure partie des parcelles du domaine Dopff et la célèbre vigne du « Schoelhammer » de la maison Hugel, on peut identifier quelques secteurs géologiquement différents :

- dans les parties hautes on trouve « un sol plus léger avec davantage de grès sableux et de galets de quartz ».

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Un poudinge de grès avec des galets de quartz sur le sol en haut du Schoenenbourg.

- dans les parties basses où il y a une couche de terre arable plus épaisse – « de la terre à jardins » – mais où le socle marneux reste bien présent.
« Ce sont des parcelles où la vigne aura besoin d’un peu plus de temps pour profiter de l’effet terroir du Schoenenbourg ».

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Une vigne dans la partie basse du Schoenenbourg…et le grand vendangeoir du domaine Dopff.

- sur le coteau du Kronenbourg où il y a un autre type de marnes avec une présence accrue de calcaire actif : « un élément qu’on ne trouve pratiquement pas dans les autres secteurs du Schoenenbourg ».

Pour ce qui est du gypse Pascal Batot ne considère pas que cet élément minéral soit un marqueur fort de ce Grand Cru « même s’il y a eu une carrière de gypse sur ce coteau et qu’on en trouve un peu partout dans les sols du secteur central du Schoenenbourg ».

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Une autre coupe du sol du Schoenenbourg où on trouve de fines veines de gypse…

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…mais mes chaussures confirment que ce sont bien les marnes argileuses qui font le sol du Schoenenbourg !


Quels sont les cépages les mieux adaptés ?

« Le riesling du Schoenenbourg est réputé depuis le moyen-âge et sa présence dominante sur ce terroir n’a jamais été remise en question depuis lors…c’est indiscutablement le cépage roi sur ce terroir » mais dans les secteurs hauts, « les sols gréseux plus légers peuvent très bien convenir au muscat ».

En ce qui concerne l’extension du Grand Cru vers Zellenberg sur le coteau du Kronenbourg, plus calcaire, moins pentu et exposé à l’est, Pascal Batot estime que cette délimitation est pertinente mais ces secteurs doivent être réservés aux gewurztraminers et aux pinots gris : « ces sols plus froids et plus lourds sont très proches de ceux du Grand Cru Sporen et conviennent très bien aux gewurztraminers et aux pinots gris ».
Le domaine Dopff qui possédait plusieurs parcelles de gewurztraminers sur ce coteau, y a produit une très belle cuvée de Grand Cru jusqu’en 1995 mais suite à une opération de remembrement, le parcellaire a été redessiné et aujourd’hui le domaine dispose d’une grande vigne de pinot gris plantée en 1999 qui lui permet de proposer un pinot gris Grand Cru Schoenenbourg depuis le millésime 2007.

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Le parcellaire du domaine Dopff sur le coteau du Schoenenbourg


Quels caractères spécifiques ce terroir transmet-il aux vins ?

Selon Pascal Batot, les vins du Schoenenbourg se caractérisent par des « matières volumineuses », des « textures denses » et des « acidités très larges qui ne deviennent jamais pointues mais qui se prolongent en étirant les finales ».
Le Schoenenbourg est un terroir puissant qui impose une présence saline/acide remarquable de constance : « dans les 3 derniers millésimes, les jus du Schoenenbourg ont présenté des PH sensiblement égaux autour de 3,20 ».

Sur le plan aromatique ces vins sont « fermés dans les premières années » et expriment les caractères variétaux des différents cépages.
Après quelques années (au moins 5 ans), le terroir commence à se faire sentir et les vins révèlent « des présences salines très intenses » ainsi que des notes épicées assez prononcées « surtout le poivre ».


Y-a-t’il dans votre mémoire de dégustateur des vins qui vous ont aidé à vous faire une image de ce que devait être ce Grand Cru ?

Pour expliquer la genèse de la représentation idéale d’un grand du vin, Pascal Batot évoque rapidement sur sa trajectoire professionnelle et les différentes rencontres qui l’on particulièrement marqué. Après un cursus universitaire en chimie, il a entrepris une formation viti-oeno à Montpellier où il a pu assister à des les cours du professeur Crespy, connu pour ses travaux de recherche sur le fonctionnement des terroirs.

Avec un père amateur de vin « mais très ouvert à la production des autres vignobles » et ses stages dans le Languedoc et les Côtes du Rhône, Pascal Batot a acquis une culture vinique très large et finalement peu centrée sur les vins d’Alsace.

C’est dans le sud et en compagnie de Laurent Vaillé – l’actuel propriétaire de la Grange des Pères qui faisait partie de sa promotion – qu’il a compris la notion de « Vin de paysage » chère à Aimé Guibert : « ce sont des vins qui expriment leur environnement (…) des vins où il y a une telle profondeur et une telle trame saline que l’expression du cépage est dépassée par celle du terroir ».
D’ailleurs, c’est lors de cette formation dans les vignobles méridionaux que Pascal Batot a connu sa première grande émotion face à un vin d’Alsace : « c’était lors d’un repas en compagnie de Laurent Vaillé, qui était en stage au domaine de Trévallon, et d’Eloi Durbach que nous avons goûté un Gewurztraminer Quintessence de Grains Nobles 1983 du domaine Weinbach ».
Cette « révélation par une SGN » a montré à Pascal Batot qu’on pouvait produire des vins exceptionnels en Alsace…et lui a donné envie de venir travailler dans cette région.
Dès sa première année au domaine Dopff, son riesling Schoenenbourg 1990 a obtenu un coup de cœur au Guide Hachette…une reconnaissance qui lui a prouvé que son choix de revenir travailler en Alsace était le bon.

Mais ce n’est pas pour autant qu’il a arrêté de s’intéresser aux vins des autres régions, notamment à ceux du Jura, un vignoble que Pascal Batot apprécie particulièrement « pour ses terroirs de marnes » mais surtout pour ses vignerons exemplaires (Ganevat, Rijkaert…) « qui magnifient leurs terroirs en mettant en œuvre une viticulture vertueuse et en limitant les intrants œnologiques en cave ».
Le val de Loire est également une région où notre œnologue-dégustateur trouve des vins qui correspondent à sa philosophie et à son goût : « j’adore les chenins sur schistes vinifiés par Tessa Laroche du domaine de la Roche au Moines…de véritables jus de schistes ! ».

A ses heures perdues, Pascal Batot anime un club de dégustation dans son village de Labaroche, histoire de partager sa passion avec d’autres amateurs de vin tout en continuant à développer une culture œnophile qu’il juge primordiale dans son travail : « je suis convaincu que pour arriver à faire un grand vin, il faut être un grand dégustateur »…je crois que maître Thierry – l’initiateur de cette question – va être content de lire ça !


Comment voyez-vous l’avenir de ce terroir ?

Le Schoenenbourg est un terroir exceptionnel reconnu depuis le Moyen-âge « mais il y a encore trop de vignerons qui ne croient pas assez dans ce Grand Cru ».
La superficie des parcelles revendiquées en appellation Grand Cru sur le Schoenenbourg est relativement faible au vu de la renommée et de la qualité de ce terroir : « il y a un vrai manque d’ambition de la profession par rapport à ce grand terroir » regrette Pascal Batot.

Mais avec l’arrivée d’une jeune garde vigneronne, des projets intéressants commencent à prendre forme : opérations de communication et manifestations centrées sur le Schoenenbourg, création d’une œnothèque, charte commune de conduite de la vigne sur le Grand Cru…
De plus, la grande maison Hugel a décidé de commencer à communiquer sur ses Grands Crus : « il est évident que le soutien de Marc Hugel est un atout précieux pour faire progresser la cause du Schoenenbourg ».

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Le haut de la célèbre parcelle du domaine Hugel…bientôt la mention Grand Cru sur l’étiquette ?


Les vins du domaine : quelle conception ?

Le style de vin recherché par Pascal Batot est né progressivement au gré des rencontres et des dégustations qui ont marqué son parcours dans le monde du vin « pour moi un grand vin doit être pur et fin tout en montrant un côté racé qui porte la signature son terroir d’origine ».

Les vignes sont conduites en lutte raisonnée mais grâce à Frédéric Wenson, le chef de culture arrivé au domaine Dopff en 2012, l’approche biologique est engagée et le projet de conversion est à l’étude…peut-être pour l’année prochaine « mais avec une surface plantée de 65 hectares, cette décision doit être mûrement réfléchie ».

Les vendanges sur le Schoenenbourg sont manuelles et se font presque toujours à la même époque quel que soit le millésime : le 24 septembre en 2015 – « le record de précocité » – le 2 et 3 octobre en 2016, le 4,5 et 6 octobre en 2017, le 2 et 4 octobre en 2018.

En cave, les pressurages sont très longs et chaque parcelle est vinifiée à part – « en 2018 nous avons isolé 7 lots différents sur le Schoenenbourg » – mais seuls les meilleurs jus entreront dans la cuvée Grand Cru, les autres seront utilisés pour la gamme « Riquewihr ».
Pascal Batot privilégie des fermentations lentes durant lesquelles « les levures produisent de l’acide succinique, un élément important pour l’équilibre et la salinité des vins ».
Les élevages se font sur lies totales en foudres ou en cuves et les opérations de filtration sont très légères « pour ne pas dépouiller les jus avant la mise ».


Et dans le verre ça donne quoi ?

 
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Le bureau-laboratoire de Pascal Batot est prêt pour la séquence de dégustation.


Les trois premiers vins issus du millésime 2017 sont prélevés sur différentes cuves où ils terminent leur phase d’élevage avant la mise prévue pour la fin de cette année.

Riesling Schoenenbourg 1 (parcelle en bas de coteau qui va être arrachée) : nez intense, notes de citron frais et de zestes d’agrumes, jus assez riche étiré par une acidité vive et immédiate, finale bien appétante, long sillage zesté et épicé.
Riesling Schoenenbourg 2 (parcelle très pentue sur un terroir de marnes rouges) bas de coteau qui va être arrachée) : nez riche et bien mûr, notes de fruits exotiques (ananas frais, mangue, kumquat), bouche très puissante avec une matière dense et une acidité large et bien centrée, finale intense et profondément saline.
Riesling Schoenenbourg 3 (parcelle de vieilles vignes sur un terroir de marnes grises) : nez frais et complexe, palette exotique soutenue par quelques nuances poivrées, bouche concentrée et vibrante, minéralité profonde, texture légèrement tannique, finale longue et sapide avec de puissantes nuances saline…on y sent presque de la fleur de sel !

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Ces cuvées issues de 3 parcelles bien distinctes expriment des identités déjà très marquées…à tel point que Pascal Batot envisage la mise sur le marché de 2 rieslings Schoenenbourg 2017 : l’un sur la fraîcheur et l’élégance réalisé à partir de la première cuvée et l’autre plus massif et plus puissant réalisé en assemblant les 2 autres cuvées.
Voilà un choix qui me semble tout à fait intéressant et qui nous permettra de pouvoir profiter de 2 rieslings Grand Cru de très belle facture avec des profils très complémentaires.


Pour la suite de la dégustation, Pascal Batot propose une petite verticale de rieslings Schoenenbourg en bouteilles :

Riesling Schoenenbourg 2016 : aromatique fraîche et engageante, notes de fruits exotiques bien frais et de citron vert, bouche longiligne tenue par une acidité bien droite, finale sapide avec une présence minérale plus sensible et un long sillage fruité et délicatement poivré.
Riesling Schoenenbourg 2015 : nez mûr et exubérant, notes fruitées et grillées, matière très opulente en bouche mais équilibrée par une acidité centrée et très puissante, finale très longue, salinité intense, sillage complexe avec de belles nuances empyreumatiques et épicées (poivre blanc).
Riesling Schoenenbourg 2014 : nez plus complexe et plus mature, notes de fruits blancs et d’agrumes mûrs sur un fond très « pierreux », bouche pleine et harmonieuse, texture légèrement granuleuse, amers nobles et bien salivants en finale.

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Malgré des expressions olfactives encore assez marquées par le fruité caractéristique du riesling, ces 3 vins commencent à révéler des présences en bouche qui laissent deviner la force minérale de leur terroir d’origine : des acidités percutantes et d’une grande longueur, des salinités minérales qui marquent les saveurs et les textures et des finales où on voit poindre les premières nuances épicées…pas de doute on est entré dans l’univers du Schoenenbourg !


Pour continuer nous faisons une petite parenthèse avec 2 rieslings issus d’un autre terroir mais vinifiés et élevés au domaine :

Riesling Vorbourg 2017 : nez pur et élégant, palette florale et citronnée, ligne acide fine et très directe, matière svelte et suave, finale légère, presque aérienne.
Riesling Vorbourg 2016 : expression olfactive proche de celle du vin précédent mais d’une intensité supérieure, acidité fine qui stimule les côtés de la langue, matière longiligne et bien gourmande, finale très salivante.

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Cette parenthèse « hors sujet » nous a permis d’établir un point de comparaison intéressant avec 2 rieslings nés sur un terroir plus léger que le Schoenenbourg et qui s’expriment avec élégance et légèreté sans pour autant donner dans la frivolité.
Très jolie doublette !


Après ce petit intermède « sudiste » nous poursuivons la verticale de rieslings Schoenenbourg :

Riesling Schoenenbourg 2010 : nez suave et raffiné, notes de fruits blancs frais relevé par des effluves poivrées de baies roses, bouche pleine et redoutable de puissance, matière opulente (5g de SR) équilibrée par une acidité vive et droite, finale intense et légèrement tannique, retour épicé persistant.
Riesling Schoenenbourg 2008 : complexité incroyable au nez, palette fruitée, florale et épicée, bouche ample et voluptueuse, texture granuleuse, acidité droite et centrée, finale longue, marquée par une salinité très intense.

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Même si la qualité impeccable des cuvées précédentes m’avait préparé à vivre quelques belles émotions gustatives, j’ai quand même été « retourné » par la classe de ces deux flacons exceptionnels : un 2010 d’une puissance inouïe et un 2008 qui semble entré dans sa phase de plénitude et qui exprime parfaitement la force sereine qui émane de ce grand terroir. MIAM !!!


Riesling Schoenenbourg 2003 : nez riche et séduisant, palette mûre et complexe sur la bergamote et les agrumes confits, matière généreuse avec un milieu de bouche légèrement moelleux, acidité qui se montre progressivement pour rafraîchir une finale longue, sillage épicé avec de petits amers salivants.
Riesling Schoenenbourg 2000 : nez ouvert et très avenant, notes de citron confit et de pierre chaude, attaque franche avec une acidité immédiate qui tient une matière assez opulente sans pour autant réussir compenser totalement la richesse du jus, finale agréable et légèrement moelleuse.
Riesling Schoenenbourg 1999 : nez discret et raffiné, notes de pêche, d’abricot et d’épices douces, matière épanouie, structure sphérique, finale très longue et d’une parfaite digestibilité avec des amers nobles et de belles nuances minérales et épicées.

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Après cette doublette « magique », les 3 bouteilles suivantes ont eu du mal à se faire remarquer sans démériter pour autant…mais on s’habitue très vite à l’excellence ! Entre un 2003 riche mais équilibré par une profonde minéralité et un 1999 parfaitement harmonieux, le 2000 se montre un peu décevant – et somme toute assez atypique – avec une matière souple et dodue qui domine une présence acide/minérale manquant cruellement d’énergie.


Riesling Schoenenbourg-Vieilles Vignes 2004 : nez très avenant, notes de pamplemousse sur un fond végétal très discret, matière ample, équilibre riche, texture épaisse avec une fine présence tannique, finale sapide, sillage aromatique complexe sur les agrumes et le poivre vert.
Riesling Schoenenbourg V.T. 1998 : nez loquace et séducteur, notes de fruits jaunes bien mûrs et de sésame grillé sur un fond floral très élégant, matière volumineuse, structure puissante, « finale spectaculaire » mais très appétante avec des amers minéraux, une légère tannicité  et une salinité pénétrante.

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La dégustation se termine par 2 rieslings exceptionnels tant au niveau de leur qualité qu’au niveau de leur caractère : une cuvée 2004 pure, gourmande (18g de SR) et très rare puisque qu’elle n’est produite que sur certains millésimes, et un 1998 qui nous régale par sa complexité et sa minéralité épanouie et parfaitement intégrée. Double MIAM pour finir !

Après cet entretien et cette superbe série de bouteilles, j’ai eu envie de terminer mon passage au domaine Dopff au Moulin par une courte visite au caveau de dégustation…histoire de rapporter quelques « souvenirs » liquides à Strasbourg.

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Le caveau de dégustation du domaine…

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…esthétique, chaleureux et bien achalandé.

 

Pour conclure, un petit bilan sur cette nouvelle expérience de visite approfondie d’un terroir Grand Cru (attention je vais encore me répéter…)

J’ai renforcé ma conviction qu’une bonne compréhension d’un vin passe évidemment par la dégustation mais s’enrichit considérablement si on fait la démarche d’aller sur place, sentir l’énergie des terroirs où il naît et rencontrer les gens qui le conçoivent…je ne boirai plus jamais des Schoenenbourg comme avant !

Ma première rencontre avec ce Grand Cru me fait remonter très loin dans mon histoire de picoleur compulsif puisque c’est un riesling Schoenenbourg 1983 du domaine Baumann qui m’a procuré l’une de mes plus belles émotions gustatives face à un vin d’Alsace.

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L’étiquette de ce fameux riesling conservée dans mon carnet de souvenirs viniques.

Depuis ce temps j’ai eu l’occasion de croiser à maintes reprises des vins provenant de ce terroir et je les ai toujours dégustés avec un certain respect  teinté de nostalgie.

Passées ces considérations personnelles forcément très subjectives, cette étude m’a permis de comprendre un peu les raisons qui ont fait du Schoenenbourg l’un des terroirs les plus réputés du vignoble alsacien.
Dans leur prime jeunesse les vins du Schoenenbourg sont assez expansifs et peuvent exprimer leur identité variétale avec une certaine véhémence mais après une garde conséquente, ils sont capables de nous emmener dans des univers minéraux d’une beauté et d’une complexité incomparables.
Grâce à l’énergie qu’ils puisent dans ce terroir marneux, les Schoenenbourg sont probablement les plus grands vins de garde du vignoble alsacien.

Pascal Batot a été un guide parfait avec qui j’ai partagé des instants précieux autour d’une passion commune pour la chose vinique et cette matinée en sa compagnie m’a vraiment aidé à comprendre la nature profonde de ce grand terroir de Riquewihr.
Cette rencontre m’a aussi permis de faire évoluer l’idée (pas toujours reluisante) que je me faisait de ces grandes structures alsaciennes : le domaine Dopff au Moulin met sur le marché un très grand nombre de bouteilles mais avec des personnalités comme Pascal Batot en cave ou Frédéric Wenson à la vigne, je suis sûr que l’exigence qualitative et le respect des terroirs seront toujours des principes essentiels pour l’élaboration de chaque vin.
Bien évidemment, après quelques heures passées au domaine Dopff au Moulin, je ne peux qu’avoir une vision très partielle de cette grande maison mais il n’est pas impossible que j’y retourne très prochainement pour parler « crémant » avec Pascal Batot…affaire à suivre !!!

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1,2 million de bouteilles de crémant sont en stock dans la réserve de la maison Dopff au Moulin…la famille pionnière du crémant d’Alsace reste fidèle à son histoire.

Bon, j’avoue que je ne suis pas mécontent d’avoir terminé cet article pour lequel j’ai été obligé de sortir un peu de ma zone de confort, en premier lieu  parce que je me suis attaqué à un Grand Cru qui m’impressionnait depuis toujours mais surtout parce que j’ai décidé de faire cette étude en compagnie d’un maître de chai-œnologue employé par l’une des plus grandes maisons du vignoble alsacien.
Mais comme toujours, mon travail sur ce Grand Cru fut une expérience agréable et enrichissante qui m’a donné envie de poursuivre cette longue quête qui me permet de comprendre de mieux en mieux la complexité et la richesse du vignoble alsacien.

Mille mercis à Pascal Batot pour cette matinée instructive et gourmande.

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Riquewihr en hiver vue du coteau du Schoenenbourg

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