Dégustation de cuvées "Nature" au domaine Rietsch - automne 2013

Lors de ma récente visite impromptue au domaine Rietsch, Jean-Pierre m’a proposé de participer à une session de dégustation spéciale « Vins Nature » organisée pour un groupe d’amateurs qui effectuait une tournée œnophile en Alsace.
Comme chacun sait, je ne suis pas un inconditionnel de ce type de vin mais bon, la perspective de passer une après-midi de Toussaint autour d’une table garnie de quelques bouteilles m’a rapidement conduit à accepter cette sympathique invitation.

L’après-midi commence par une balade autour de Mittelbergheim en compagnie de Philippe, qui me détaille les limites des différents terroirs de ce village : Stein, Brandluft et Hagel.

dsc-0902-1.jpgLe Brandluft

De retour au domaine nous retrouvons Jean-Pierre, qui nous présente ses jarres qui viennent d’être livrées : 5 pièces de 150 litres (je crois), cuites à 1040°.dsc-0907.jpgdsc-0908.jpg
Pour l’heure elles sont remplies d’eau pour les étanchéifier, après elles serviront à l’élevage d’une des cuvées 2013…peut-être du gewurztraminer.

Avec l’utilisation des jarres en terre cuite Jean-Pierre recherche « un élevage permettant les échanges, comme avec des foudres, mais sans le marquage aromatique et tannique du bois ». J’ai hâte de goûter ça !

dsc-0905.jpgLe caveau est prêt pour la grande dégustation…

dsc-0906.jpg…avec un feu de cheminée bienvenu.

Les amateurs locaux sont là (Jean-Pierre, Philippe Bon, Lucas Rieffel, David Lefebvre et bibi) mais autres convives traînent un peu…finalement, vers 17 heures le groupe est enfin au complet et la dégustation peut commencer. Jean-Pierre Rietsch a préparé avec minutie une série de bouteilles qu’il nous sert en carafe (carafage juste avant le service) et qu’il nous propose de goûter et de commenter à l’aveugle.

Riesling Brandluft 2010 : agrumes mûrs au nez, bouche expressive avec une acidité virevoltante, finale saline, pointue et agrémentée de quelques amers délicats.
Riesling Stein 2010 : discret et finement floral au nez, acidité plus disciplinée et tendue avec une matière dense qui équilibre l’ensemble de façon très harmonieuse, toujours beaucoup de salinité en finale.
Riesling G.C. Wiebelsberg 2010 : citron mûr et miel d’acacia au nez, bouche très ample avec du gras et un toucher très caressant, long et salin en finale, très belle sapidité.
Riesling Nature 2010 : discret, élégant avec des arômes de chair de pomelo, vif, charnu avec une acidité très longue et une finale un peu serrée.

dsc-0910.jpgPour se mettre dans l’ambiance, ce premier carré de rieslings issus du superbe millésime 2010, ne sont pas tous vraiment « Nature » à 100% (30 mg/l de SO2 total pour Brandluft, 80 mg/l de SO2 total pour Stein et autour de 50 mg/l de SO2 total pour le Wiebelsberg) mais leurs personnalités s’expriment avec beaucoup d’aplomb : à côté du Brandluft, véritable « feu follet », le Stein laisse une jolie impression de calme et de plénitude. Nature est plein d’énergie mais se montre un peu bougon en finale, le Wiebelsberg (servi en magnum) s’impose avec beaucoup d’autorité par sa classe et son équilibre.
Ça commence très fort !

Riesling Brandluft 2008 : discret au nez, équilibre vif et tendu avec une acidité présente mais tenue avec élégance, la matière est très bien en place, longue salinité en finale.
Riesling Stein 2008 : délicat et charmeur au nez, puissant, sphérique en bouche, finale fraîche et longuement minérale.dsc-0915.jpgLes rieslings de cette première paire 100% « Nature », étonnants de jeunesse, séduisent par leur belle harmonie et la pureté de leur expression minérale. Même si le Stein paraît  toujours un peu plus sage que le Brandluft, ces deux vins semblent avoir atteint leur phase de plénitude. MIAM !

Muscat Murmure 2009 : intense et pur sur le raisin frais et les fleurs (rose, sureau), bouche aérienne et vive, finale sapide et longue avec de belle notes crayeuses.dsc-0912.jpgElaborée à partir de muscats ottonels issus du Stein et du Zotzenberg et vinifiée « nature » cette cuvée est absolument magnifique : franchise aromatique et gourmandise. C’est une très belle surprise…et pourtant je me souviens, ne pas avoir été emballé lors de ma première rencontre avec ce « Murmure » (en 2011 je crois). J’ai l’impression que ce vin s’est vraiment construit et harmonisé dans le temps tout en gardant une fraîcheur très juvénile. Très bonne surprise !

Riesling Sans doute 2008 : discret au nez avec des notes d’agrumes et de zestes, bouche structurée, verticale et assez massive, presque cylindrique, retour zesté et très salin en finale.dsc-0911.jpgCe riesling réjouira « sans doute » les adeptes de classicisme avec sa matière assez généreuse soutenue par cette belle acidité typique du millésime et marquée par une présence minérale très dense. Encore un bel exemple d’évolution très positive sur une cuvée nature…ça commence à bien faire !

Sylvaner Nature 2011 : fin et délicat au nez avec des arômes d’amande et de menthe fraîche, fruité intense à l’attaque en bouche (ananas frais), structure très élégante et finale bien vive et subtilement minérale.dsc-0917.jpg
Sylvaner Vieilles Vignes Nature 2010 : pur et délicat sur le citron, les fruits blancs et les herbes sèches, droit et très bien balancé en bouche, beaucoup de classe en finale.
Sylvaner Ni Vu ni Connu 2007 : palette assez oxydative au nez (fruits secs, épices…), bouche riche mais un peu dissociée, finale longue et épicée.
dsc-0916.jpgSur cette triplette de sylvaner « nature », les deux premiers vins séduisent par leur richesse et leur complexité que l’on ressent avec force tant dans l’aromatique que dans la structure.
Le troisième, beaucoup plus dans un style OVNI, est un peu plus polémique : les sylvaners du grand cru Zotzenberg élevés en foudres durant 3 ans et 7 mois ont fait naître un vin à très forte personnalité qui ne se trouve pas dans une phase trop agréable en ce moment.
Goûté il y a quelques temps au restaurant « La Source des Sens » ce vin a pourtant montré une belle disponibilité pour des accords gastronomiques.

Auxerrois Entre chien et loup 2012 : notes de fleurs et de sous bois au nez, fin, léger et digeste en bouche.
Cette cuvée 100% auxerrois vinifiée « Nature » est un vin simple, charmeur, glissant…vin de soif par excellence, on le savoure sans se prendre la tête mais avec un réel plaisir.

Klevener de Heiligenstein Nature 2012 : expressif et complexe au nez avec des arômes de fruits secs, d’alcool de poire, de mirabelle bien mûre et une touche de livèche (le « Maggi’ des alsaciens), puissant, volumineux et intensément aromatique en bouche.dsc-0913.jpgKlevener de Heiligenstein Nature 2010 : olfaction plus discrète mais toujours très complexe, gras, tendu et puissant en bouche, finale très longue, salivante et marquée par de fins amers.
Ces deux cuvées de savagnin rose, élevées en foudres sur lies totales durant 10 mois, s’expriment sur un registre assez similaire mais avec une grande différence dans l’intensité : alors que le 2010 distille son message dans un style très élégant, le 2012 se manifeste d’une façon très criarde…un peu provocante il faut le reconnaître !
En tous cas, voilà deux vins fortement typés qui ne laisseront personne indifférent...

Pinot Noir Nature 2010 : réduction tenace au nez, matière assez généreuse avec un équilibre encore très austère, finale fraîche mais un peu serrée.
Pinot Noir Nature 2007 : aromatique complexe et séduisante, joli fruit et notes réglissées, texture gourmande et rondeur agréable en bouche.dsc-0920.jpgLa présentation de ce couple de pinots noirs est une sorte de mise en scène pédagogique pour nous aider à comprendre comment les vins « nature » peuvent se comporter dans le temps : revêches et anguleux dans leur jeunesse, ils se détendent avec l’âge pour devenir flatteurs et gouleyants…certes, ce 2007 n’arrive pas au niveau des grands pinots noirs bourguignons mais il marque les esprits par son aromatique raffinée et sa texture très classieuse.

Pas sage 2007 : intensité et complexité inouïe au nez, fruits secs, épices, petits fruits rouges très mûrs, touche rancio…, bouche riche et concentrée construite autour d’une acidité très vive, finale longue et épicée.dsc-0914.jpgCette cuvée à l’esthétique assez baroque est issue d’une vendange de pinots noirs, récoltés en surmaturité et vinifiés en blanc ; elle a été élevée durant près de 2 ans dans un milieu oxydatif…tout un programme !
J’ai été conquis par ce vin, dès ma première rencontre et quelques années plus tard je ne reste pas insensible à son charme…même s’il nous emmène dans un univers sensoriel très particulier.
« Passage » en un seul mot pour marquer une étape importante dans la trajectoire de ce vigneron ou « Pas Sage » en deux mots pour qualifier son tempérament novateur…sûrement un peu des deux !

Gewurztraminer Vilain petit Canard 2012 : peu expressif au nez, matière puissante, belle concentration et légère tannicité, équilibre sec avec une finale un peu serrée.dsc-0918.jpgCette cuvée est élaborée à partir de gewurztraminers provenant de deux parcelles situées sur le grand cru Zotzenberg mais j’ai l’impression que pour l’instant, le mode de vinification très particulier (macération semi-carbonique en grappe entière durant 16 jours) de ce vin a fait passer l’expression du cépage au second plan.
Peu convaincant en l’état actuel ce « Vilain Petit Canard » porte bien son nom…mais il n’est pas impossible qu’il connaisse la même destinée que le volatile du conte d’Andersen.
Laissons-lui le temps de devenir adulte et on en reparle !


- Préparée avec beaucoup de soin par Jean-Pierre Rietsch cette dégustation de vins « particuliers » a été une vraie réussite. Le comportement dans le temps de ces vins soit disant peu protégés contre des altérations oxydatives a été vraiment étonnant. Je ne suis pas (et ne serai peut-être jamais) un défenseur inconditionnel de vins « nature » et j’avoue avoir effectué une dégustation « à charge » de chaque cuvée, en traquant le moindre signe d’oxydation prématurée…mais, à part les deux cuvées ouvertement annoncées comme « oxydatives » (« Ni vu ni connu » et « Pas Sage »), les autres vins ont montré des palettes aromatiques et des structures d’une netteté absolue.

- J’ai particulièrement apprécié la force saline des différents rieslings et j’ai été agréablement surpris par les expressions polymorphes des différents sylvaners. Il y a bien sur aussi eu les Kleveners de Heiligenstein qui ont affirmé leurs belles personnalités et leur grand potentiel gastronomique mais je crois bien que ce sera le petit « Murmure » de muscat qui m’aura fait la plus belle impression cette après-midi…

- Merci à Jean-Pierre de m’avoir convié à cette expérience sensorielle fort intéressante qui m’a permis de me faire une idée sur le comportement dans le temps de ces vins qu’il conçoit et défend avec passion.

dsc-0909.jpgJean-Pierre Rietsch et Lucas Rieffel face à une assemblée d’amateurs éclairés comme Eva Robineau, Olif ou Patrick Böttcher (quelques internautes dont les pseudos se sont incarnés).

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