Périple sudiste 2019 - Visite au domaine de Clovallon

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Vue du haut de la montagne de Liausson : le lac du Salagou, le mont Baudile et la pointe du Pic Saint Loup au loin…c’est beau le Languedoc !

Malgré cette météo de printemps qui m’inviterait plutôt à programmer un séjour de ski qu’une escapade vers les terres du sud, j’ai quand même décidé de repartir en direction du littoral méditerranéen pour avoir le plaisir de découvrir quelques nouvelles adresses viniques mais aussi – et surtout – de retrouver des amis chers avec qui je partage depuis de longues années le goût des bonnes choses de la vie.

Après ma descente nord-sud « tout schuss » de 2018, je vais reprendre mes bonnes habitudes en prévoyant une petite halte intermédiaire dans le vignoble des Côtes du Rhône septentrionales…et cette année ce sera à La Roche de Glun pour une première visite chez Christelle Betton.
Avant mes sorties languedociennes où je retrouverai mes amis Eric et Marie-Ange Supply ainsi que l’étonnant Julien Peyras, je vais passer une journée entre les Alpilles et la Sainte Victoire pour découvrir les vins du domaine Villa Minna.
Pour terminer en beauté ce nouveau périple sudiste, j’ai laissé « carte blanche » à l’ami Dany Jaffuel qui, après m’avoir appris à aimer les vins de Saint Chinian, a décidé de m’initier aux charmes des crus de Faugères en m’emmenant à la découverte de 3 domaines : le Château de La Liquière et les deux domaine de la famille Roque, Clovallon et Mas d’Alezon.
Hoppla c’est parti !


Domaine de Clovallon à Bédarieux

Après cette superbe matinée à La Liquière, Dany a programmé une visite chez Alix et Catherine Roque pour découvrir le domaine de Clovallon qui exploite des terroirs d’altitude sur le finage de Bédarieux pour donner naissance à une série de cuvées étonnantes et originales mais dont l’impeccable qualité fait l’unanimité parmi les amateurs de vins languedociens.
C’est parti pour une après-midi qui, j’en suis certain, va nous réserver quelques très belles surprises !

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Bienvenue à Clovallon.

Après avoir passé le tunnel sous le col du Buis, nous arrivons dans la vallée de l’Orb où se trouve notre destination du jour située sur le ban communal de Bédarieux.
Bédarieux est un village de près de 6000 habitants qui ne compte plus que 2 vignerons indépendants à l’heure actuelle : le domaine de la Grange de Philip et le domaine de Clovallon.

C’est Alix Roque qui nous accueille sur place pour nous présenter cette exploitation viticole crée en 1989 par sa mère Catherine Roque et dont elle assure aujourd’hui la gestion.
Ce domaine qui cultive 10 hectares de vignes en biodynamie sur des parcelles calcaires situées en altitude (400 m) : « Ce sont des terroirs frais et parfois gélifs où on relève de fortes amplitudes thermiques entre le jour te la nuit ».
Ces caractéristiques particulières ont poussé Catherine Roque a choisir de travailler des cépages propres aux vignobles septentrionaux comme le pinot noir et le riesling.

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Les pinots noirs plantés au pied de la grande falaise calcaire qui surplombe les bâtiments de Clovallon

La majeure partie des vignes du domaine (9 hectares) se trouve dans un grand amphithéâtre exposé au nord et dominé par des falaises de calcaire dolomitique. C’est un terroir qui convient bien aux pinots noirs ou aux rieslings : « ces parcelles situées sous les falaises calcaires profitent d’un véritable ruissellement minéral lorsqu’il pleut ».

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Une parcelle de viogniers du domaine, située au bord du chemin qui mène au village.

Nous faisons une visite très rapide des différentes parcelles sous les falaises– ainsi qu’une parcelle de plantes aromatiques destinées à la fabrication d’huiles essentielles bio – avant de nous rendre sur la petite colline au dessus de Bédarieux où se trouve une vigne pluri-centenaire acquise récemment par Alix et Catherine Roque : « c’est une parcelle-musée de 1 hectare avec des plants de vigne francs de pied ».

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Vue sur notre destination du jour (au centre de l’image, au second plan), juste devant la silhouette du Carroux à l’horizon.

Cette vigne dont les premiers pieds ont été plantés vers 1840 est travaillée essentiellement à la main car le muret qui entoure cette propriété ne permet pas le passage de machines agricoles (sauf un motoculteur).
Fort heureusement, Alix peut compter sur une bande de copains qui viennent l’aider durant 4 ou 5 week-ends dans l’année et qu’elle appelle affectueusement « mes indigènes », en référence aux différents cépages qui peuplent cette fameuse parcelle et dont certains sont encore en cours d’identification par les spécialistes de l’INRA.

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La petite maison vigneronne du clos des « Indigènes »…

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…avec des cuves, un pressoir et des outils vignerons qui montrent que l’ancien propriétaire des lieux faisait bien du vin.

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Les rangs de vigne des Indigènes…

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...entourés d’une végétation très diversifiée.

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Un « indigène » au printemps 2019 avec ses premières feuilles…

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… et une pierre calcaire qui nous rappelle la nature du sous-sol de cette parcelle.

Dans cette vigne conduite en viticulture conventionnelle puis laissée à l’abandon durant des années, Alix et ses « indigènes » ont travaillé dur pour arriver à remettre cette parcelle en état de produire…et la dégustation de la cuvée 2017 prouvera que leur efforts n’ont pas été vains. Chapeau !

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Dany, David et Alix en grande discussion

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Biodiversité impressionnante dans ce clos.

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Dernière vue sur les rangs du clos des Indigènes et les falaises qui dominent les autres parcelles de Clovallon au loin.

Après cette visite aussi étonnante qu’instructive dans cette parcelle historique, nous repartons en direction de Faugères pour une dégustation dans la cave du Mas d’Alezon, un domaine que Catherine Roque a acquis en 1997.

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La cour du Mas d’Alezon.

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Le pressoir et les cuves inox.

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Le chai d’affinage avec des contenants diversifiés : barriques, demi-muids, petits foudres et œufs béton.

En cave Alix et Catherine Roque accompagnent leurs vins en limitant les interventions œnologiques et en choisissant des protocoles d’élevage qui permettent à chaque cuvée d’exprimer au mieux leur terroir d’origine. Alix a décidé d’expérimenter des processus de macération sur certaines cuvées, ce qui na pas manqué de générer quelques discussions entre la mère et la fille mais au bout du compte les résultats ont été plutôt convaincants comme le prouvera la superbe cuvée « Les Aurièges » 2016.

Allez, on s’installe à table, on prend un « Zalto » et on goûte !

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Catherine Roque venue nous saluer dans la cave du Mas d’Alezon…

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…et Alix qui nous sert le premier vin d’une belle série.

Alix nous a préparé une petite sélection de bouteilles piochées dans la gamme des 2 domaines et nous propose de commencer la dégustation par quelques cuvées de rouge.

Vin de Pays de l’Hérault Pinot Noir-Les Pomarèdes 2017 : nez pur et séduisant, notes de fruits rouges sur un fond floral très élégant, bouche bien en place avec une chair souple et gourmande, tenue par une ligne acide fraîche et centrée, tanins poudrés, finale sapide et longuement aromatique.
(100% pinot noir – élevage : barriques anciennes).
Travaillée en vendange entière cette cuvée de pinot noir aussi classieuse que gourmande apporte une preuve éclatante de la pertinence du choix de Catherine Roque lorsqu’elle a décidé de planter ce cépage septentrional sur ces terroirs d’altitude de la vallée de l’Orb…quelle belle bouteille mes amis !

Vin de Pays de l’Hérault Les Indigènes 2017 : nez complexe et évolutif, on y sent tour à tour des fruits noirs, des épices, des herbes aromatiques, de la résine…, jus épais et concentré en bouche, tanins soyeux mais structure bien tendue, finale droite et sapide.
(élevage : barriques anciennes et demi-muid en châtaignier).
2017 n’est que le second millésime produit par Alix sur cette fameuse parcelle des « Indigènes » mais ce vin plein d’énergie et de spontanéité est déjà très impressionnant.
C’est une bouteille qu’on pourra surement oublier quelques années en cave…mais je crois qu’il sera difficile de résister à l’envie de profiter de sa belle gourmandise actuelle. MIAM !

 
Faugères Monfalette 2017 : nez ouvert et intense, notes florales complexes sur un fond d’herbes de garrigue (romarin, thym), matière dense mais équilibre bien frais, finale tendue et minérale, sillage long sur la pierre chaude et la violette.
(mourvèdre dominant + syrah + grenache – élevage : œuf béton + barriques en châtaignier).
La série de rouges se termine par une cuvée de Faugères du Mas d’Alezon, un vin qui allie à merveille force et élégance, complexité et sociabilité tout en laissant s’exprimer son terroir de schiste avec une belle lisibilité. Magnifique !

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Vin de France En Noir et Blanc 2018 : nez fin et complexe, notes de fruits blancs frais sur un fond légèrement balsamique, belles nuances florales qui se montrent après aération, jus très tonique en bouche, équilibre bien droit, finale vive et très salivante.
(95% pinot noir vinifié en blanc + 5% riesling).
Le premier blanc présenté par Alix a toutes les caractéristiques d’un O.V.N.I. – un Objet Vinique Non Identifié qui pourra facilement faire perdre leurs repères à bon nombre de dégustateurs chevronnés – toutefois, lorsqu’on goûte ce vin sans préjugés et en ne se focalisant que sur le plaisir qu’il nous procure, on ne peut qu’être conquis.
C’est une cuvée hors norme qui distille quelques sensations inattendues mais qui se goûte remarquablement bien.

Vin de Pays d’Oc Les Aires 2018 : olfaction très discrète, notes de caramel à l’ouverture puis superbe palette florale après oxygénation, bouche très élégante avec une matière longiligne et une finale très aérienne relevée par un petit grip tannique stimulant et de beaux amers minéraux.
(100% viognier, vendange éraflée et macération de 5 jours – élevage : 1 barrique neuve + 3 barriques anciennes).
Malgré une mise récente (15 jours avant cette dégustation) qui a un peu serré son expression aromatique, cette cuvée de viognier étonne par sa texture qui lui donne un vrai profil de vin de terroir et de gastronomie : je le testerai bien en accompagnement d’un plat d’asperges vertes assaisonnées à l’huile d’olive et aux zestes d’orange (spécialité de l’ami Dany). MIAM !

Faugères Cabretta 2017 : nez charmeur, d’une grande finesse, palette florale très complexe, chair assez ferme mais silhouette svelte et élégante en bouche, finale longue et minérale avec une présence saline bien marquée et un très beau sillage floral.
(grenache gris + grenache blanc + clairette + roussanne – élevage : foudre et œuf béton).
Dans cette vigne sur schistes plantée il y a 25 ans et située au dessus de « Montfalette » sur un coteau autrefois réservé aux chèvres – d’où le nom « Cabretta »  – Catherine Roque produit un vin blanc d’une fraîcheur et d’une profondeur très rares en Languedoc. MIAM !

Vin de Pays d’Oc Les Aurièges 2016 : nez très complexe, palette séduisante et évolutive, notes d’agrumes et de fruits blancs frais sur un fond balsamique (résine, cire…), chair consistante en bouche avec une mâche bien gourmande, finale nette et digeste relevée par des amers nobles et une profonde salinité.
(petit manseng + petite arvine + viognier + riesling + roussanne + clairette, vendange éraflée et macération de 11 mois – élevage : 6 mois en barriques anciennes).
Avec son assemblage tout à fait inédit et son processus d’élaboration un peu hors norme, cette cuvée créée par Alix est une vraie caresse pour nos papilles : l’aromatique est d’une complexité inouïe et la présence en bouche révèle un jus texturé et parfaitement équilibré…c’est un vin qui sort des sentiers battus mais qui se laisse déguster avec une facilité déconcertante.
Voilà surement l’un des meilleurs blancs de macération qu’il m’a été donne de boire jusqu’à aujourd’hui !

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En 1989, Catherine Roque, architecte de formation, décide de changer de vie en faisant l’acquisition d’un domaine de 3 hectares situé à Bédarieux sur des terroirs un peu délaissés par les vignerons locaux.
Très rapidement, elle se rend compte que sur ces parcelles d’altitude exposées au nord, les cépages sudistes traditionnels ne peuvent pas produire de grands vins et décide de planter des cépages septentrionaux comme la syrah, le pinot noir et même le riesling…un choix payant, puisque ses vins ont été très rapidement reconnus par la critique œnophile nationale et internationale.
Depuis l’année 2012, la destinée de Clovallon est entre les mains de sa fille Alix, une jeune vigneronne enthousiaste et compétente qui nous a accueillis aujourd’hui et qui nous a présenté une série de vins tout à fait exceptionnelle.

Certes, pour apprécier pleinement une visite à Clovallon, il faut laisser un bon nombre de convictions et d’idées reçues à l’entrée du tunnel qui mène de Faugères à Bédarieux, mais je suis sûr que personne ne restera insensible au charme de ces vignes hors des conventions et de ces vins absolument irrésistibles que Catherine et Alix Roque ont réussi à mettre en lumière.

Les vins de Clovallon bousculent un peu les codes traditionnels mais ils sont diablement bons comme ce rouge des « Indigènes » qui n’a probablement pas d’équivalent dans le vignoble français mais qui se livre avec une spontanéité et une sincérité tout à fait exceptionnelles ou cette sublime cuvée de macération des Aurièges qu’Alix Roque a imaginé pour s’ouvrir de nouveaux horizons viniques.
Nous avons également eu le plaisir de goûter les deux très beaux Faugères du Mas d’Alezon , des vins expressifs et équilibrés qui méritent amplement leur place dans la cave de tout amateur de grands vins du Languedoc.

Mille mercis à Alix Roque pour cette belle après-midi…et à l’ami Dany qui m’a encore permis de vivre une journée mémorable dans les vignobles du sud.


 

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