Après une pause de plus de 3 années – la faute à des horaires incompatibles avec ceux des sessions de l’U.G.V. et aux restrictions dues à la crise sanitaire – j’ai été ravi de pouvoir participer à nouveau à ces rencontres qui nous permettent de mieux comprendre les vins et les terroirs qui les font naître.
Mon escapade savoyarde du mois d’août m’a fait rater la première édition de cette étude des grands terroirs alsaciens consacrée aux terroirs de schistes mais là je suis de retour dans ma région et j’ai bien l’intention de reprendre sérieusement le cours de ces formations toujours très intéressantes en commençant dès aujourd’hui par cette session « spécial granit » organisée au domaine Schoenheitz à Wihr-au-Val.
Hoppla, c’est parti !
L’entrée du domaine Schoenheitz à Wihr-au-Val…
…et les participants qui se rassemblent dans la cours…
…sous le regard d’Adrien Schoenheitz qui va animer la soirée et de Pierre Gassmann, l’actuel président de l’U.G.V.
Comme la session du jour se passe en plein air sur le coteau du Linsenberg, nous avons droit à une petite grimpette dans les vignes avant de nous installer dans un espace aménagé par l’équipe du domaine Schoenheitz.
Début de grimpette avec une vue sur Wihr-au-Val et le coteau du Herrenreben…
…et montée à la queue leu leu…
…avec une petite pause pour souffler et admirer le paysage.
L’espace de dégustation aménagé sur le Linsenberg…
…et l’indispensable carte des terroirs alsaciens réalisée par les jeunes vignerons.
La session commence par une présentation du domaine Schoenheitz et un petit exposé sur l’histoire du vignoble de Wihr-au-Val.
Dans ce vignoble détruit par les batailles de la première guerre mondiale et le phylloxéra et ce village rasé par les bombardements de la seconde guerre mondiale, c’est le grand-père d’Adrien Schoenheitz qui a repris progressivement une activité viticole en tant que coopérateur.
En 1980, Dominique et Henri Schoenheitz, les parents d’Adrien, tous deux formés en viti-oeno à Beaune, décident de se lancer dans la production de vin en bouteille pour mettre en valeur ces grands terroirs granitiques de Wihr-au-Val.
Après plus de 40 ans de travail acharné, cette famille vigneronne a réussi à faire reconnaître la qualité de leur production auprès d’un large public de connaisseurs…une récompense amplement méritée. Chapeau !
Avant de déguster les premiers vins, Adrien Schoenheitz et Pierre Gassmann nous proposent une petite leçon de géologie en nous présentant les différents types de granit qu’on trouve dans le vignoble alsacien ainsi que leurs effets sur la structure et la constitution chimique des sols.
Adrien qui parle le « granit » avec beaucoup d’aisance.
Le granit du Linsenberg
Le granit du Herrenreben et du Val Saint Grégoire
Le granit du Holder
L’exposé sur les granits est riche, précis et solidement étayé par des notions scientifiques un peu ardues pour un public profane mais qui témoignent du haut niveau d’expertise que nos jeunes vignerons ont atteint dans ce domaine.
La roche mère du Linsenberg…
…et un pied de vigne planté dans un sol de pierres granitiques.
Une carte géologique plus détaillée pour repérer les différents terroirs de Wihr-au-Val
Bon, il est temps de passer aux travaux pratiques avec une dégustation commentée par Adrien et Pierre d’une série de vins provenant de différents terroirs granitiques.
Un premier pinot noir pour commencer la dégustation…
…et les commentaires d’Adrien pour nous aider à comprendre ses vins.
Pinot noir Saint Grégoire 2018 – Domaine Schoenheitz : nez délicat et complexe, notes de fruits rouges et de végétal noble sur un fond boisé très raffiné, bouche très élégante avec un jus plein et gourmand qui enrobe une ligne acide bien centrée, finale fraîche et glissante avec un retour aromatique sur les herbes méridionales et le poivre blanc.
(terroir : migmatitite de Kaysersberg, sol sablonneux en surface avec argiles à feuillets en profondeur – élevage : 12 mois en barriques de 5 ans et plus).
Pinot noir Herrenreben 2018 – Domaine Schoenheitz : nez plus discret, notes de fruits noirs (mûre, cassis) et d’épices sur un fond légèrement fumé, bouche puissante avec une attaque vive et franche, un jus bien concentré qui enrobe une colonne acide très droite, finale tonique et sapide avec un retour aromatique intense sur le poivre et la noix de muscade.
(terroir : migmatitite de Kaysersberg, sol sablonneux en surface avec argiles à feuillets en profondeur – élevage : 12 mois en barriques avec 20% de bois neuf).
Pinot noir Linsenberg 2018 – Domaine Schoenheitz : expression aromatique assez retenue, palette complexe sur les fruits rouges frais et les épices douces, bouche élancée avec un jus consistant et une structure un peu plus anguleuse, finale très saline avec une présence tannique plus sensible mais très qualitative.
(terroir : granit clair de Gunsbach, sol pauvre et caillouteux sur une roche mère fracturée à fleur – élevage : 12 mois en barriques avec 50% de bois neuf).
Les Schoenheitz font partie des vignerons qui mesurent pleinement la capacité des grands terroirs alsaciens à produire des pinots noirs d’exception et ce ne sont pas ces trois belles cuvées proposées ce soir qui vont les faire douter.
Les deux premiers vins séduisent par leur chair gourmande et leur belle buvabilité alors que le Linsenberg impressionne par la profondeur de son empreinte minérale…mais qui peut encore affirmer que le pinot noir n’aime pas le granit ?
Le pinot noir du Linsenberg dans son milieu naturel
Pinot noir Rittersberg-Grande Réserve 2017 – domaine Jean-Paul Schmitt : nez ouvert et séduisant avec une palette très complexe qui développe de belle notes fruitées et florales, bouche bien gourmande avec un jus consistant structuré par une maille tannique très mûre, texture veloutée, finale qui s’étire, s’affine et se tend progressivement pour laisser une belle impression de fraîcheur.
(terroir : granit clair, sol caillouteux en surface avec une terre fine en profondeur – élevage : 13 mois en demi-muids).
Après une première rencontre très convaincante avec ce vin lors d’un dîner-dégustation à l’Auberge Ramstein, ce pinot noir élaboré par Jean-Paul Schmitt confirme son niveau en nous régalant par sa complexité aromatique et son équilibre très abouti entre richesse et minéralité.
Pinot noir Rouge de Saint Hippolyte 2019 – Domaine Muller-Koeberlé : nez qui s’ouvre sur des notes lactées avant de laisser s’exprimer des arômes de fruits rouges frais sur un fond végétal assez marqué, bouche concentrée avec une acidité bien enrobée et un grain tannique très fin, finale tonique mais un peu serrée, dominée par des nuances végétales un peu rustique (rafle, écorce, marc).
(terroir : granit gris de Thannenkirch, sol léger et sableux)
Ce pinot noir travaillé « nature » et vinifié en grappes entières, développe une matière puissante et solidement charpentée, bien représentative de ce beau millésime qui a donné naissance à de beaux vins de garde.
Ceci dit, je trouve qu’à l’heure actuelle, il reste trop marqué par ce type de vinification qui lui donne un côté dur et asséchant que quelques années de garde arriveront probablement à lisser. Patience…
La dégustation se poursuit avec un changement de couleur et notre série s’ouvre avec un vin du domaine Moritz présenté par Jelmer Witkamp, l’actuel gérant de ce domaine établi à Andlau.
Jelmer qui nous présente son vin né sur le terroir granitique du Rebbuhl
Riesling Rebbuhl 2017 – Domaine Moritz : nez expressif avec une palette miellée et florale accompagnée par de belles nuances pierreuses, bouche longiligne tenue par une ligne acide bien droite et une présence saline sensible, finale légère et appétante stimulée par un léger grain tannique.
(terroir : granit gris, sol aride avec une roche mère à fleur).
J’ai découvert cette cuvée lors du pique-nique vigneron organisé au domaine Moritz en 2017 (c’était un Rebbuhl 2015) et j’ai été ravi de pouvoir regoûter ce riesling tout en élégance et en suavité, qui se laisse boire avec plaisir et facilité.
Riesling Linsenberg 2018 – Domaine Schoenheitz : nez ouvert et flatteur sur le citron confit et les fruits exotiques, bouche bien construite avec une attaque assez vive, un centre très dense et légèrement moelleux, une finale très saline qui se resserre et s’étire pour laisser une belle impression de fraicheur.
(terroir : granit clair de Gunsbach, sol pauvre et caillouteux sur une roche mère fracturée à fleur).
Riesling Herrenreben 2018 – Domaine Schoenheitz : nez un peu plus austère avec des arômes de citron frais et de pierre à fusil sur un fond légèrement terpénique, bouche très droite avec une acidité filante et véloce qui se manifeste dès l’attaque et qui étire un jus assez concentré où on sent une fine présence tannique, salinité vibrante et amers nobles en finale.
(terroir : migmatitite de Kaysersberg, sol sablonneux en surface avec argiles à feuillets en profondeur).
Riesling Holder 2018 – Domaine Schoenheitz : nez fin et complexe avec une très belle palette florale et anisée, bouche plus ronde avec une attaque douce et suave, jus ample et gourmand qui s’affine progressivement, finale longue et sapide avec une belle présence saline.
(terroir : migmatitite de Kaysersberg, sol caillouteux en surface, argileux en profondeur, riche en fer et avec des veines d’argile rouge).
Avec un Linsenberg expressif et charmeur, un Herrenreben plus austère et profondément minéral et un Holder tout en générosité, les trois rieslings du domaine donnent une interprétation bien lisible de leurs terroirs respectifs mais tous portent la signature du granit avec une des structures qui s’étirent en finale, des salinités perceptibles très tôt et des lignes acide fines, bien centrées et d’une grande vivacité.
Le riesling du Linsenberg servi dans son milieu naturel
La soirée se termine par un petit repas convivial sous la voûte céleste étoilée : des petits burgers garnis et une jolie portion de gâteau au chocolat…le tout accompagné par une belle sélection de bouteilles sorties de l’œnothèque du domaine Schoenheitz.
Ma boîte remplie de petites gourmandises…
…et l’une des belle bouteilles qui a accompagné ce pique-nique nocturne.
Fin du dîner sous les étoiles
Après cette longue pause, j’ai été ravi de retrouver cette ambiance à la fois studieuse et conviviale qui fait des soirées de l’U.G.V. un rendez-vous indispensable pour tout amateur de grands vins.
Avec une météo idéale – et au vu de ce qui s’est passé durant cet été 2021, ce n’était pas gagné ! – des intervenants compétents et pédagogues et une série de vins de très belle facture, cette session de l’U.G.V. sur les pentes du Linsenberg fut une très belle réussite.
En ce qui concerne les vins, j’ai goûté avec grand plaisir une partie de la production vinique du domaine Schoenheitz avec notamment de très belles cuvées de pinot noir qui représentent pour moi ce qui peut se faire de mieux en rouge sur granit dans notre région.
Parmi les « guest stars », j’ai été ravi de retrouver la grande cuvée de pinot noir élaborée par Jean-Paul Schmitt, déjà en pleine forme mais avec un caractère affirmé de grand vin de garde ainsi que l’étonnant riesling Rebbuhl produit par le domaine Moritz.
Merci à tous ceux qui ont œuvré pour nous permettre de vivre ces beaux moments dans les vignes de Wihr-au-Val
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