L'histoire évolutive des grands vins d'Alsace par Claude Muller à l'Université des Grands Vins
Pour terminer l’année en beauté, l’U.G.V. a choisi de donner une « carte blanche » à Claude Muller qui va nous proposer un petit rappel historique sur l’évolution du vignoble alsacien avant de nous inviter à découvrir 8 grands vins de terroir sélectionnés par ses soins.
Une soirée qui conjugue culture et gourmandise, ça ne se refuse pas…hoppla c’est parti !
Comme toujours, c’est le domaine Rolly-Gassmann qui accueille cet évènement
Les participants commencent à repérer les bouteilles qui vont accompagner le repas de fin de soirée.
Mon espace de « travail » pour la soirée.
La soirée est lancée par le Président qui nous annonce le programme et par Hélène qui nous transmet les dernières informations sur la vie de notre association.
Claude Muller, docteur en histoire, lettres et théologie…et grand spécialiste de l’Alsace et de ses vins.
Avant de lancer la dégustation Claude Muller nous prodigue une petite leçon d’histoire d’une demi-heure sur le thème de l’évolution du vignoble alsacien du Moyen-âge à nos jours…un sacré défi que notre historien va relever avec brio dans un exposé très vivant et riche en anecdotes.
Sur une échelle temporelle qui va du Moyen-âge à nos jours, Claude Muller divise l’histoire du vignoble alsacien en trois grandes périodes :
- une période faste jusqu’au milieu du XVIème siècle avec des vins très réputés dans tout l’empire germanique mais qui s’exportent également vers la Hollande et les pays scandinaves. C’est à cette période qu’on commence à identifier de nombreux lieux-dits qualitatifs dans le vignoble alsacien,
- une descente aux enfers, suite à un climat qui se refroidit à partir de 1550, ce qui fait baisser considérablement et durablement la qualité des vins mais aussi et surtout suite au traité de Westphalie (1648) qui rattache l’Alsace à la France et met en concurrence les vins d’Alsace – de piètre qualité – avec les vins de Bourgogne, Champagne et Bordeaux. Devenue « officiellement » productrice de « petits vins » à l’époque napoléonienne, l’Alsace a pris le coup de grâce à la fin du XIXème siècle avec la crise du phylloxera…si bien que ce vignoble qui couvrait 24 000 hectares durant sa période de gloire ne couvrit plus qu’une superficie de 8 à 9 000 hectares en 1945,
- la renaissance après la deuxième guerre mondiale sous l’influence de quelques grandes familles vigneronnes qui ont œuvré pour sortir la production vinique alsacienne de la médiocrité en mettant en valeur les grands terroirs reconnus depuis longtemps par des pratiques viticoles qualitatives et vertueuses.
Grâce à cette évolution « nous avons la chance d’être les contemporains d’une période où on peut boire de très grands vins d’Alsace »…et pour nous permettre de vérifier cette allégation notre historien a sélectionné 8 bouteilles que nous allons avoir le plaisir de déguster ce soir.
Les vins sont servis à l’aveugle et dégustés dans des verres noirs.
Hélas, une petite rhinite hivernale (bien mal tombée) me prive d’une bonne partie de mes sensations olfactives…je vais donc devoir me concentrer sur les saveurs et les textures des différentes vins présentés et m’inspirer des commentaires de mes voisins de table pour vous décrire toutes ces belles cuvées que nous avons eu la chance de goûter ce soir.
Alsace Grand Cru Riesling Schlossberg 2021 – Domaine P. Blanck à Kientzheim : nez ouvert et expressif avec des notes d’agrumes et de zestes sur un fond légèrement fumé, bouche ample et juteuse avec un joli gras structurée par une minéralité vibrante, finale bien salivante, étirée par une long sillage citronné.
Servie en magnum, cette superbe cuvée de riesling issue d’une année relativement compliquée en Alsace, a étonné l’assemblé par sa pureté et son énergie.
Voilà un vin qui nous prouve que le terroir du Schlossberg servi par de grands vignerons est capable de générer des vins d’anthologie à chaque millésime.
Philippe Blanck
Alsace Grand Cru Muscat Altenberg de Wolxheim 2020 – Domaine Lissner à Wolxheim : nez expressif et évolutif qui s’ouvre sur de belles notes florales (rose et jasmin) avant de revenir vers des arômes de fruits blancs, bouche puissante qui développe un jus concentré et très salin avec une texture soyeuse, finale très sapide avec des amers nobles et une longue persistance fruitée et poivrée.
Provenant d’une vigne plantée en haute densité au cœur du Grand Cru, ce muscat a été pressé longuement (7 à 8 heures), vinifié et élevé sans intrants et mis en bouteille sans filtration. C’est un vin qui a dérouté les dégustateurs par sa force expressive et par l’intensité de sa présence en bouche…voilà un muscat qui interprète magistralement ce grand terroir qu’est l’Altenberg de Wolxheim.
Bruno Schloegel
Alsace Grand Cru Riesling Kastelberg 2011 – Domaine Kreydenweiss à Andlau : nez assez timide qui laisse deviner une palette lactée/torréfiée accompagnée par des notes de pierre à fusiln bouche droite et dense, légèrement granuleuse et avec une salinité bien sensible, finale très sapide avec des amers minéraux bien salivants et une longue perssitance sur la piere et le fumé.
Née dans un millésime difficile sur ce sol unique en Alsace – un sol de schiste de Steige ou cornéenne – qui recouvre ce coteau pentu dominant le village d’Andlau, cette cuvée a imposé le silence autour de la table : c’est un monolithe minéral avec une austérité presque cistercienne, un grand vin de pierre et de temps, qui n’a probablement pas encore atteint son optimum de maturité.
Alsace Grand Cru Tokay Rangen-Clos Saint Urbain 1980 – Domaine Zind-Humbrecht à Turkheim : nez discret qui s’ouvre sur des notes de pomme fraîche et de pamplemousse avant de développer une palette plus austère sur la cendre et la pierre à fusil, bouche large et consistante avec un équilibre très droit, finale très sapide marquée par des amers minéraux persistants.
Comme nous l’a expliqué Olivier Humbrecht, ce vin a été le second millésime vinifié par son père Léonard sur le Rangen.
C’est un vin étonnamment riche pour cette année (14° quand même !) mais qui garde encore un certain mystère à l’heure actuelle tout en laissant deviner une force minérale peu commune…rien de tel qu’un « petit » millésime pour permettre à un terroir de montrer tout son potentiel.
Olivier Humbrecht
Alsace Grand Cru Gewurztraminer Mambourg V.T. 2001 – Domaine M. Tempé à Zellenberg : nez ouvert et charmeur avec des notes de fruits blancs bien mûrs, de vanille et de pain d’épices, bouche très généreuse avec un jus concentré et consistant porté par une acidité puissante et rafraîchi par un léger perlant, finale longue et digeste avec une belle persistance fruitée et épcée
Avec ses 23 ans bien sonnés, cette cuvée a parfaitement intégré les 74 grammes de sucres résiduels mesurés à sa naissance pour nous proposer une version opulente mais parfaitement digeste d’un grand gewurztraminer du Mambourg…c’est un vin magnifique dégusté dans sa phase de plénitude mais qu’on sent capable de se tenir durant de longues années à ce niveau.
Marc Tempé
Alsace Gewurztraminer V.T. 1985 – Domaine Hugel à Riquewihr : nez ouvert et très complexe avec des notes d’agrumes mûrs, de mélisse et de menthe fraîche, bouche puissante, ample et dense avec une texture épaisse et soyeuse, finale bien tonique avec un long sillage sur les épices douces et les herbes méridionales.
Produite par l’un des domaines qui a joué un rôle majeur dans le renouveau du vignoble alsacien, cette cuvée de gewurztraminer issue du Sporen et servie en magnum, nous a totalement conquis par son expressivité, son énergie et sa fringance.
Ce vin de près de 40 ans s’est présenté à nous sans une ride et prêt à affronter les prochaines décennies sans faillir…une rencontre magique !
Alsace Grand Cru Schoenenbourg 1994 – Domaine Deiss à Bergheim : nez complexe et raffiné avec des notes de fruits blancs confits, de caramel et de craie humide sur un fond légèrement torréfié, bouche très puissante qui développe un jus dense avec une mâche épaisse, porté par une acidité mûre et large, finale très loingue et d’une belle fraîcheur avec de la salinité et un léger grip tannique.
Même si son concepteur estime « qu’il est encore sur sa réserve », ce Schoenenbourg nous a époustouflés par sa force et sa profondeur.
C’est un vin inclassable qui ne laissera personne indifférent, un vin de lieu conçu pour célébrer ce grand terroir de Riquewihr. J’adore !
Jean-Michel Deiss
Alsace Gewurztraminer Stegreben de Rorschwihr-Cuvée Anne-Marie S.G.N. 1994 – Domaine Rolly-Gassmann à Rorschwihr : nez très expressif qui développe une palette exotique (ananas, litchi, fruit de la passion) et épicée, bouche riche mais très harmonieuse avec un jus très dense qui enrobe une acidité mûre et large, finale intense qui prolonge de beaux arômes de fruits secs et d’épices douces.
Avec ses 110 g de sucres résiduels parfaitement intégrés après 30 ans de garde, cette Sélection de Grains Nobles, produite par un domaine qui maîtrise parfaitement ce style de vin, a caressé nos papilles par son jus riche, expressif mais très digeste…un gewurztraminer d’anthologie qui mis un point final apothéotique à cette dégustation vraiment exceptionnelle.
Après l’effort, le réconfort avec un joli menu concocté par le restaurant « Animus » de Bergheim.
Nous avons dégusté notamment un superbe « Mijoté de cochon d’Alsace » préparé à la mode asiatique et comme mon nez s’est un peu réveillé pour l’occasion, j’ai même pu regoûter la plupart des vins de la soirée (et compléter un peu mes notes de dégustation)…Alleluia !!!
Comme toujours, cette soirée proposée par l’U.G.V. nous a permis de compléter notre culture vinique grâce à Claude Muller qui nous a invités à le suivre dans un petit voyage historique en Alsace avant de nous proposer quelques cuvées « coup de cœur » sélectionnées pour nous montrer que notre vignoble était capable de produire de très grands vins.
Après une conférence sur plus de 1000 ans d’histoire, nous avons eu le plaisir de participer à une dégustation qui a couvert près de 40 ans de production alsacienne grâce à ces 8 magnifiques flacons tirés de l’œnothèque de quelques grands domaines alsaciens.
Bref, ce fut encore une soirée mémorable qui a permis à une centaine de « privilégiés » de constater que le vignoble alsacien est vraiment unique.
Bravo et merci à tous ceux qui ont œuvré pour nous permettre de vivre ces beaux moments de culture et de gourmandise.
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