L'Altenberg de Wolxheim selon Bruno Schloegel

L'ALTENBERG DE WOLXHEIM...

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La troisième étape de notre voyage sur la route des vins d’Alsace nous ramène dans le Bas-Rhin, aux portes de Strasbourg, à la découverte d’un Grand Cru injustement méconnu l’Altenberg de Wolxheim.

Bien des choses ont déjà été écrites sur ces terroirs et un angle d’approche original et intéressant est à priori difficile à définir…mais je vais quand même essayer de relever le défi.
Je vous propose de me suivre dans mes ballades personnelles avec un peu de théorie (le socle nécessaire à une bonne compréhension), des documents photographiques et surtout des rencontres avec les vignerons qui travaillent dans ces parcelles classées.
Bon, ça je l’avais déjà dit…mais c’est pour les nouveaux.

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Wolxheim, paisible cité entre vignes et collines sous-vosgiennes.

C’est vrai que le consommateur lambda a toujours du mal à s’imaginer qu’on puisse trouver des grands vins à moins de 20 kilomètres de la capitale alsacienne.
Pour tout vous dire, au début de ma déjà très longue carrière de boit-sans-soif, j’étais convaincu que la route des vins d’Alsace s’arrêtait aux environs d’Obernai…LA HONTE !
Heureusement que, grâce à des rencontres avec quelques amateurs éclairés, j’ai franchi cette frontière imaginaire et je suis remonté vers le nord pour découvrir de réelles pépites chez des vignerons sympathiques, accueillants et surtout désireux de mettre en valeur et de faire reconnaître leurs beaux terroirs.
Ceci dit, en écoutant ce qui peut se raconter autour de moi sur cette partie du vignoble alsacien, je vois qu’il reste encore bien du chemin à parcourir…
Et pourtant, comme nous aurons l’occasion de le constater, la longue histoire de ce vignoble et la qualité des vins qu’on peut y trouver aujourd’hui, sont des éléments à même de justifier un retour au premier plan de ce village et de son Grand Cru.

 

Comme son nom l’indique, le Grand Cru Altenberg de Wolxheim se trouve sur le ban communal de Wolxheim, une petite bourgade d’environ 800 habitants, qui fait partie du vignoble de la Couronne d’Or.

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La Couronne d’Or  regroupe 19 communes viticoles situées au pied des Vosges à une petite vingtaine de kilomètres à l’ouest de Strasbourg.

Cité dès l’année 742 sous le nom de Folcolfersheim, ce village changera maintes fois de nom durant le moyen-âge et c’est en 1453, qu’on lui attribuera le nom de Wolxheim.
L’origine de ce nom est incertaine mais on suppose qu’il se réfère aux loups (Wolf en allemand ou en alsacien), comme l’atteste le blason de Wolxheim qui représente un double crochet à loup utilisé jadis comme un piège. Les forêts vosgiennes de cette époque devaient être bien moins paisibles qu’aujourd’hui !

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Le blason de Wolxheim : pas de Zorro à l’époque…mais des loups qu’il fallait chasser.

En observant sa situation et son histoire on constate que Wolxheim a toujours été en relation privilégiée avec Strasbourg.
Grâce à l’ancien chemin des Celtes entre Strasbourg et le Donon, passant par Wolxheim, cette modeste commune a constitué durant de longues années un important cellier de la capitale alsacienne.
Dès le moyen-âge, l’Evêché et l’Hôpital de Strasbourg possédaient une grande partie du vignoble de Wolxheim.
Au XVII° siècle, Vauban fit construire le canal de la Bruche pour permettre l’acheminement des matériaux (le grès notamment) vers les chantiers de fortification de Strasbourg.

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Le canal de la Bruche et son chemin de halage : un paradis pour cyclistes.

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Le canal de la Bruche et au second plan, la colline du Horn.

Cette voie fluviale a permis aux vignerons locaux d’amener facilement leurs vins vers le port de Strasbourg, d’où ils pouvaient être exportés dans toute l’Europe.

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Les carrières royales reconverties en vignoble…

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dont une parcelle porte le nom de « Clos Philippe Grass » en hommage au célèbre sculpteur originaire de Wolxheim (la statue de Kléber sur la place du même nom à Strasbourg, c’est lui)

Malheureusement, le début du XX° siècle marqua la fin de la prospérité du vignoble de Wolxheim. La politique de production quantitative qui a fini par dénaturer les vins, les ravages du phylloxéra et le drame de la Première Guerre Mondiale ont constitué autant d’éléments négatifs qui, en se conjuguant, ont provoqué la ruine de la plupart des vignerons du village. Ces tristes circonstances ont poussé les villageois à pratiquer la polyculture ou a quitter les exploitations familiales pour travailler en ville. La proximité avec Strasbourg, si bénéfique au cours des siècles précédents, s’est peu à peu transformée en menace pour la survie de la viticulture à Wolxheim.
Heureusement que les lois sur les Grands Crus, qui ont intégré l’Altenberg de Wolxheim parmi les terroirs élus, ont tiré les vignerons du village de leur torpeur et les ont remis sur le chemin des pratiques viticoles recherchant la qualité.


Le coteau de l’Altenberg de Wolxheim s’étend sur une superficie de 31,20 hectares sur les flancs de la colline dominée par le rocher du Horn (la corne).

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L’Altenberg avec au fond le fameux rocher du Horn.

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Le Rocher et sa statue du Sacré Cœur érigée en 1912, pour veiller sur le Grand Cru ?

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Le village de Wolxheim vu de l’Altenberg.

Les parcelles assez peu pentues sont situées entre 175 et 200 mètres d’altitude et bénéficient d’une exposition sud-ouest, sud et sud-est.

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Sur le plan géologique l’Altenberg de Wolxheim fait partie des terroirs Grands Crus à dominante calcaire, implantés sur les collines sous-vosgiennes.
Il est situé dans le champ de fracture de Saverne et possède un sous-sol de Lias et de Dogger (du Jurassique pour faire simple…) de nature marno-calcaire, riche en cailloutis mais aussi en limons et en argiles.
Les sols sont plus argileux et plus profonds en bas de pente et plus squelettiques et riches en cailloutis oolithiques sur les versants. En allant vers l’ouest le terroir devient marno-calcaro-gréseux.

La particularité de ce terroir peur se comprendre en considérant l’influence de plusieurs facteurs :
-    une exposition large, en particulier sur des orientations sud-ouest assez rares pour des Grands Crus.
-    une richesse en argiles, qui lui donne un tempérament productif que les vignerons doivent absolument maîtriser.
-    un micro-climat, très doux et très sec, que Serge Dubs n’a pas hésité à qualifier de « méditerranéen »

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Des pieds de vignes sur la partie supérieure de l’Altenberg : calcaire et argiles.


Sur le plan historique, on trouve de nombreux documents d’archives médiévales qui révèlent l’intérêt des congrégations religieuses pour le vignoble de Wolxheim.

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La chapelle Saint Denis au pied de l’Altenberg : elle date du XIV° siècle mais la légende dit qu’elle serait édifiée sur l’emplacement d’un temple dédié à Bacchus à l’époque romaine.

La plupart des parcelles très convoitées de la fameuse colline du Horn sont la propriété de l’Eglise : le couvent du Hohenbourg (aujourd’hui c’est le couvent du Mont Sainte Odile), l’abbaye Saint Etienne de Strasbourg et surtout l’Evêché de Strasbourg se partageaient la plus grande partie de ces vignes.
On apprend également que, dès le XVI° siècle, les vins de ce vignoble étaient réputés pour leur aptitude au vieillissement : des chroniques de l’époque relatent le fait que le vin nouveau de Wolxheim se vendait 25 florins le foudre alors que 10 ans plus tard ce vin pouvait se négocier à plus de 120 florins le foudre.
C’est aussi à cette période que les cépages nobles sont sélectionnés pour être plantés sur les pentes de la colline du Horn : on y recommandait particulièrement le « Gentil aromatique, vulgairement appelé Riesling » et le « Muscateller » (le muscat).
Cette prospérité a atteint son apogée dans la deuxième moitié du XIX° siècle. Les crus de Wolxheim se retrouvent sur les tables des grands d’Europe : Napoléon III se fait livrer régulièrement du vin de l’Altenberg, Guillaume II en fera servir pour l’inauguration du Palais Impérial à Strasbourg (Palais du Rhin aujourd’hui).
En 1865, l’historien Jacques Baquol écrit : « à Wolxheim on trouve les meilleurs vins du Bas-Rhin » que dire de plus…
Hélas, comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, la conjoncture du début du XX° siècle est extrêmement défavorable à la viticulture dans cette région. A la veille de 1914 , l’Altenberg est dépouillé de ses vignes pour recevoir les batteries de l’artillerie allemande (eh oui, Wolxheim était en Allemagne à cette époque !). A la fin de la guerre, on retrouve une viticulture complètement sinistrée qui se reconstruit petit à petit, avec des producteurs qui vendent leurs récoltes en vrac au négoce.
Il faudra attendre les années 80 et les lois sur les Grands Crus d’Alsace pour que les vignerons locaux reprennent conscience des vertus de ce noble terroir et de la richesse des vins qu’il peut engendrer.
Aujourd’hui, l’Altenberg de Wolxheim semble bel et bien reparti sur le chemin de l’excellence, à la reconquête de sa renommée d’antan.

Au niveau de la viticulture, l’encépagement privilégie largement le riesling : près des 2/3 de la surface du Grand Cru est occupée par ce cépage. Ce choix n’est pas déterminé par des raisons d’ordre économique mais bien parce que c’est avec le riesling que ce terroir exprime le mieux son originalité et sa grande qualité.
Le gewurztraminer vient en deuxième position et occupe environ 8 hectares.
Les pratiques culturales sont encore très hétérogènes : la lutte contre le ver de grappe par confusion sexuelle est généralisée sur le coteau mais pour le reste…

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Les petites capsules brunes sont partout..

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mais au niveau des rangs de vignes, on trouve ça…

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…mais aussi ça…

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…et parfois ça !

En tous cas, pour canaliser la prolixité naturelle de l’Altenberg des vignerons comme Clément Lissner ont vite compris qu’il fallait adapter leur viticulture à ces conditions particulières « on ne fait pas un Grand Cru comme un vin quelconque, il faut conduire la vigne avec sagesse et savoir-faire et ne pas hésiter à tailler court ».
En ce qui concerne la vinification il semble qu’il y ait un certain consensus de la profession pour définir le style de vin à rechercher sur l’Altenberg : ce Grand Cru est propice à la conception de superbes vins de garde.
Robert Muhlberger qui est un peu prophétique lorsqu’il affirme que « les vins blancs qui auront de la notoriété à l’avenir, seront ceux qui présentent une bonne aptitude au vieillissement » ou Auguste. Zoeller, un peu plus réaliste lorsqu’il dit que « la renommée reviendra même si elle se fait attendre…ils ont bien mis 50 ans en Bourgogne pour faire connaître leurs Grands Crus… », comptent parmi les références locales qui ont déterminé la voie à suivre pour leur Grand Cru.
En tous cas, force est de constater que la référence à la prestigieuse histoire de ce terroir constitue une puissante source d’inspiration et de motivation pour tous ces vignerons désireux de redonner à l’Altenberg de Wolxheim la place qu’il mérite dans la hiérarchie alsacienne.
Comme quoi le vin restera toujours une affaire de culture… !

 

…SELON BRUNO SCHLOEGEL

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14h30, j’arrive au domaine comme prévu et Bruno Schloegel m’accueille en m’annonçant qu’il est en train de terminer sa conversation téléphonique avec une journaliste du magazine « Vins et Spiritueux ». Je l’accompagne jusque dans son caveau de dégustation et je patiente quelques minutes dans la fraîcheur ambiante… après 4 heures à cuire sur un stade ça fait vraiment du bien !
L’histoire de ce domaine est intéressante : les Lissner sont des immigrés d’origine polonaise qui se sont installés à Wolxheim vers le début du XIX° siècle : ils sont vignerons, mais aussi un peu artistes, poètes, musiciens, intellectuels…des villageois vraiment atypiques pour l’époque !
En digne héritier de cette tradition, notre interlocuteur du jour a également une trajectoire et un profil particulièrement riches : ingénieur-agronome, expert-comptable, enseignant puis directeur d’un Centre de Gestion Agrée dans le Haut-Rhin…et bien sûr un peu musicien et artiste mais surtout vigneron hors pair.
C’est en 2001 qu’il a commencé à  travailler avec son oncle Clément Lissner et depuis la disparition de ce dernier en 2002, il gère les 8 hectares de vignes du domaine avec sa tante Marianne Lissner.

Nous commençons notre entretien avec les traditionnelles questions relatives au Grand Cru.

Comment définir ce terroir ?

C’est un terroir très précoce. Il se trouve dans une sorte de cuvette qui concentre la chaleur et qui fait mûrir les raisins beaucoup plus rapidement qu’ailleurs. « Ici, la vigne a souvent 10 jours d’avance par rapport aux villages voisins ».
C’est un terroir très riche. La vigne ne connaît pratiquement jamais de stress hydrique : la présence d’argile fixe l’eau et la structure karstique du sol permet aux racines de plonger très profondément.
C’est un terroir « facile » sur le plan sanitaire. La pression au niveau des maladies est très faible sur le coteau de l’Altenberg. Même le botrytis ne s’y développe que très peu : les V.T. et S.G.N. sur le Grand Cru sont obtenus dans la plupart des cas avec des baies passerillées par la surmaturité.
C’est un sous-sol à dominante calcaire mais lorsqu’on en approfondit un peu son étude on constate une grande complexité géologique : c’est une véritable mosaïque de terroirs où lse mélangent des marnes, des argiles, du calcaire oolithique, du calcaire coquiller, du grès…
C’est un terroir avec un passé historique d’une grande richesse. Comme nous l’avons déjà vu plus haut, les Celtes, les Romains, l’Eglise, l’Hôpital de Strasbourg avaient développé une relation privilégiées avec cette colline. Cependant, comme le souligne Bruno Schloegel, l’histoire oublie souvent que les armées (françaises ou allemandes) ont, elles aussi, largement contribué à la renommée de l’Altenberg. Ce lien qui s’est crée avec la construction du Canal de la Bruche et des fortifications de Strasbourg (au XVII° siècle) a été un puissant vecteur de communication pour la renommée de ce cru. Cela explique aussi comment Napoléon III et Guillaume II ont pu connaître et apprécier l’Altenberg.
Il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, Clément Lissner recevait encore des consommateurs locaux qui venaient acheter le fameux « riesling Napoléon »

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L’aigle napoléonien ou l’Adler allemand ? L’histoire jusque sur les étiquettes…


Quels sont les cépages les mieux adaptés ?

La richesse et la précocité de terroir les rendent particulièrement favorable au riesling qui y mûrit très facilement. L’Altenberg également des atouts intéressants pour la réussite de beaux gewurztraminers.
Au domaine Lissner, la proportion est de 60% de riesling pour 40% de gewurztraminer.
Cependant, la référence à l’histoire (ENCORE !!!) et une belle parcelle plein sud sur ce terroir précoce a conduit Bruno Schloegel à replanter une parcelle avec du muscat d’Alsace (le Muskateller des temps anciens)… sûrement une belle cuvée en vue !


Quels caractères spécifiques ce terroir transmet-il aux vins ?

Au nez, on trouve des marqueurs aromatiques assez surprenants que Bruno Schloegel qualifie de « méditerranéens », avec beaucoup d’épices (poivre blanc notamment), des herbes provençales (thym, marjolaine, menthe, basilic) et des agrumes mûrs ou confits.
En bouche, les vins de l’Altenberg se reconnaissent par leur structure large, ample et très ouverte de l’attaque jusqu’à la fin. Ce sont des vins volumineux, avec des acidités profondes et des salinités très puissantes qui envahissent le palais sans partage.
En ce qui concerne les possibilités de vieillissement, Bruno Schloegel n’a pas encore un recul énorme par rapport à ses vins, mais il affirme avec prudence et réalisme : « Les vins de l’Altenberg peuvent très bien vieillir mais leur potentiel de garde est conditionnée par la qualité de la vendange. Les raisins doivent être rentrés mûrs, sains et non oxydés sinon le vin ne résistera pas au temps ».


Quelles perspectives pour ce terroir ?

Bruno Schoegel est résolument optimiste quant à l’avenir de ce Grand Cru.
Il est intimement convaincu de la grande qualité intrinsèque du terroir de l’Altenberg de Wolxheim, même si de nombreux vignerons s’interrogent encore : 31,4 hectares sont classés Grand Cru alors qu’à l’heure actuelle, seuls 14 hectares sont revendiqués. Fausse modestie ou peur de se remettre en question ?
Ceci dit, l’interprofession fonctionne plutôt bien : pour le Grand Cru, les vignerons s’accordent sur la date des vendanges et sur l’interdiction de chaptaliser. Les pratiques culturales commencent à s’homogénéiser doucement : la lutte contre le ver de la grappe par confusion sexuelle, l’enherbement qui se généralise peu à peu… mais il reste encore du chemin à parcourir notamment en ce qui concerne la maîtrise des rendements.
Au niveau de la communication collective, il y a pratiquement tout à faire, mais avec un site doté d’une histoire aussi dense, un terroir aussi riche, un magnifique sentier viticole…et surtout des vignerons de la trempe de Bruno Schloegel, on peut être résolument optimiste. L’Altenberg de Wolxheim est presque condamné à prospérer !


Les vins du domaine : quelle conception ?

Bruno Schloegel est très attaché à son village, il a choisi dès l’âge de 25 ans de s’y installer en rachetant la maison de sa grand-mère. A la tête du domaine Lissner depuis 2002, il reconnaît volontiers l’influence de son oncle dans sa conception du métier de vigneron et lui rend un hommage posthume en concrétisant son projet de grande cave, qui verra le jour dans les prochains mois.
Clément Lissner était un pépiniériste de formation « il portait un regard presque clinique sur a vigne, un peu comme un médecin observe son patient ». Tous les vignerons locaux venaient lui demander des conseils en cas de problème. Il n’est pas étonnant qu’avec une formation en agronomie et un mentor amoureux des plantes, Bruno Schloegel soit devenu un expert en botanique. Bien évidemment ces connaissances et ces convictions se retrouvent dans sa conception de la viticulture.
Les vignes sont enherbées complètement avec la recherche d’une biodiversité maximale dans chaque parcelle : il y a plus de 15 variétés de légumineuses qui prolifèrent dans les vignes du domaine Lissner.

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Une touffe de trèfle en fleurs dans une parcelle de jeunes vignes de riesling

La roto-herse est utilisée pour travailler le cavaillon et l’intervalle entre les rangs si la vigne le demande : si la vigne est jeune ou fatiguée (après quelques années de V.T. par exemple) Bruno Schloegel traite un rang sur 2.

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Une parcelle de gewurztraminer un peu fatiguée par 3 millésimes de V.T. est stimulée par des rangs travaillés à la roto-herse.

Bruno Schloegel entretient et développe cette saine émulation naturelle entre plantes dont les cycles végétatifs sont décalés dans le temps.
Il pratique une taille très courte, ne rogne que très peu et refuse les vendanges en vert. « Je mets la plante dans les meilleures conditions possibles et je récolte ce qu’elle me donne ».
Au domaine Lissner, le rendement moyen se situe aux environs de 40 à 50hl/ha et sur le Grand Cru c’est plutôt de l’ordre de 30 à 40hl/ha. Bruno Schloegel projette d’augmenter sensiblement la densité de plantation sur ses parcelles classées pour diminuer naturellement la charge par pied de raisin tout en montant le rendement à 45hl/ha.
Les vinifications se font le plus naturellement possible : les moûts sortent du pressoir pneumatique et fermentent sans aucun intrant, ni levures, tannins, acides, sucres, pas de collage, pas de bentonite et un sulfitage minimal.
Les élevages se font en foudres sur lies pour les Grands Crus, les rieslings du Rothstein et les pinots gris. Les barriques de chêne sont mises à contribution pour certaines cuvées de pinot noir et le reste de la production est élevée dans des cuves inox.
Bruno Schloegel attend avec impatience la loi sur les vins biologiques prévue en 2009 pour revendiquer la certification « vin biologique » dès le millésime 2010.
Le domaine Lissner vend 60 à 70% de sa production en direct (salons des vins et passage au domaine), 15% à des cavistes et le reste au négoce.


Et dans le verre ça donne quoi ?

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La gamme terroir du domaine Lissner

Riesling G.C. Altenberg de Wolxheim 2008 : un vin sec (S.R. 4g) doté d’un nez gourmand sur des fruits jaunes et des épices douces, une bouche ample, large avec des arômes de bergamote et une finale profondément saline

Riesling G.C. Altenberg de Wolxheim 2007 : un nez marqué par les épices et une puissante minéralité (craie, silex), une bouche avenante (7g de S.R.) mais avec une belle ampleur et une finale saline et richement aromatique (poivre, bergamote)

Riesling G.C. Altenberg de Wolxheim 2005 : un nez naphté, minéral avec des arômes d’écorce d’orange et de basilic, un vin sec (2g de S.R.) doté d’une grande profondeur et d’une très belle longueur.

Riesling G.C. Altenberg de Wolxheim 2004 : un nez un peu surprenant de pain (trop) grillé mais une bouche pleine de rondeur malgré une acidité puissante et longue (2g de S.R.).

Riesling G.C. Altenberg de Wolxheim 2002 : un nez riche et complexe avec des arômes d’agrumes très mûrs, la bouche est agréable et riche malgré une acidité un peu moins mure. La finale est longue avec de subtiles notes d’aspérule odorante.

Riesling G.C. Altenberg de Wolxheim Vendange Tardive 2007 : un nez discret et très fin avec de délicates notes épicées . La bouche est ample et large avec une attaque marquée par des S.R. mais une superbe finale saline et poivrée.

Gewurztraminer G.C. Altenberg de Wolxheim 2007 : un nez fin et subtil avec des notes de fruits jaunes et d’épices douces, le vin est pratiquement sec, gras et équilibré avec une finale longue et poivrée.

Gewurztraminer G.C. Altenberg de Wolxheim 2005 : un nez déjà profondément marqué par le terroir avec des notes d’herbes aromatiques provençales (thym, origan, basilic) et une bouche puissante, équilibrée avec une finale longue et poivrée.

Gewurztraminer G.C. Altenberg de Wolxheim 1999 : un nez très délicat avec des notes de bergamote et de menthe, la bouche est un peu diluée mais joue sur le registre de la suavité avec de beaux arômes d’agrumes.

Gewurztraminer G.C. Altenberg de Wolxheim 1985 : un nez complexe avec des arômes de cire, d’encens et de menthe. La bouche est légère mais agréable avec une belle finale épicée et réglissée.

Gewurztraminer Vendange Tardive 2002 : un nez riche et séduisant avec des arômes de pain d’épice, de cannelle, d’écorce d’orange confite. La bouche est ample avec une acidité très large qui équilibre la suavité des S.R.

Riesling Rothstein 2007 : aérien et floral avec une acidité fine et une minéralité délicate. Un vin équilibré, digeste et plein de charme, une belle expression de la subtilité d’un riesling sur terroir gréseux.
 
Riesling Wolxheim 2007 : un riesling sec classique avec un nez d’écorce d’agrume et de naphte et une bouche bien structurée dotée d’une acidité verticale et profonde. Un archétype sur terroir calcaire pour adeptes de rieslings sans concession.

Pinot Noir Les sommelières 2007 : des arômes de boisé fin et de fruits rouges gourmands, une bouche juteuse et riche avec une longue finale encore un peu monopolisée par l’élevage.
Un pinot noir vendangé en surmaturité et élevé 12 mois en barriques : frais et équilibré malgré ses 13,5 degrés d’alcool mais ce vin a encore besoin de temps pour s’harmoniser et digérer son bois.

Certains vins dégustés ont été sortis pour l’occasion de la réserve personnelle de Bruno Schloegel et ne sont plus en vente aujourd’hui, mais la carte actuelle est riche d’une trentaine de références, proposant un rapport qualité/prix exceptionnel.

Vous trouverez plein d’informations complémentaires (dont un tarif régulièrement actualisé) sur le site du domaine.

Pour conclure, un petit bilan sur cette troisième expérience de visite approfondie d’un terroir Grand Cru (attention je risque encore de me répéter…) :
-    Je suis plus que jamais convaincu qu’une bonne compréhension d’un vin passe évidemment par la dégustation mais s’enrichit considérablement si on fait la démarche d’aller sur place, sentir l’énergie des terroirs où il naît et rencontrer les gens qui le conçoivent…je ne boirai plus jamais de l’Altenberg de Wolxheim comme avant !
-    L’Altenberg de Wolxheim est un terroir d’une puissance incroyable : il marque profondément les vins dans leur structure et dans leur registre aromatique. Lorsqu’il est servi par des vignerons comme Bruno Schloegel, qui savent l’écouter et le faire parler, ce Grand Cru peut se hisser sans coup férir au sommet de la hiérarchie alsacienne.
-    Wolxheim est à 18 kilomètres de Strasbourg (20 minutes chrono en voiture, en respectant toutes les limitations de vitesse…) avec des vignerons qui proposent des vins extraordinaires…qu’attendez-vous pour les dévaliser ? Si ça se trouve, ils vous recevront avec le sourire et vous laisseront faire.

-    Enfin, je tiens à remercier chaleureusement mon hôte pour la qualité de son accueil : j’ai passé 3 heures de pur plaisir face à un interlocuteur cultivé et passionnant, profondément amoureux de son métier et de ses vignes.
C’est comme ça et pour ça que j’aime l’univers du vin !

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Wolxheim vue de l’Altenberg (une parcelle de Bruno, d’après les fleurs)

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Strasbourg et sa cathédrale vue de l’Altenberg


Première publication de cet article : 2009

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