L'Eichberg selon Michel Ginglinger
C’est le stratagème utilisé lors de ma visite andlavienne pour accélérer ma progression sur cette longue route des Grands Crus d’Alsace qui m’a donné l’idée de cette nouvelle halte haut-rhinoise : et pourquoi ne pas revenir à Eguisheim pour étudier le deuxième terroir classé de ce village ?
Dégustateur émérite et oenophile éclairé, Nicolas Scholtus ne manque jamais une occasion de me rendre attentif à la qualité de la production de la maison Paul Ginglinger à Eguisheim et j’ai eu l’occasion très récemment de déguster quelques belles quilles provenant de ce domaine…il ne m’en fallait évidemment pas plus pour que je décide de prendre contact avec Michel Ginglinger et repartir en direction de la cité du pape alsacien pour décrypter les secrets de l’Eichberg.
Hoppla, c’est reparti !
Je vous propose de me suivre dans mes ballades personnelles avec un peu de théorie (le socle nécessaire à une bonne compréhension), des documents photographiques et surtout des rencontres avec les vignerons qui travaillent dans ces parcelles classées.
Bon, ça je l’avais déjà dit…mais c’est pour les nouveaux.
Comme le Pfersigberg, le Grand Cru Eichberg se situe sur les collines sous vosgiennes entre Eguisheim et Husseren les Châteaux. J’ai longuement parlé d’Eguisheim lors de la 14° étape de mon périple sur la Route des Vins d’Alsace : cette belle cité médiévale à l’histoire riche et complexe possède un ban viticole très étendu (339 hectares) qui inclut la totalité de la superficie de l’Eichberg.
Il n’en reste pas moins que le pittoresque petit village de Husseren les Châteaux mérite qu’on s’y arrête un instant.
Le site de l’Abbaye de Marbach : vendue comme bien public à la Révolution et détruite par après, il ne reste aujourd’hui que le transept et quelques bouts de mur.
Situé un peu à l’écart des grands axes touristiques alsaciens, Husseren offre au touriste désireux de se ressourcer, un havre de tranquillité idéalement placé entre vigne et montagne.
Bien évidemment le touriste sportif trouvera ici un point de départ idéal pour les randonnées à pied ou à VTT dans sur les sentiers balisés du massif vosgien et l’oenophile disposera d’un choix conséquent de bonnes adresses vigneronnes avec des caveaux de dégustation accueillants. C’est a Husseren qu’on trouve notamment des domaines comme Kuentz-Bas, Gérard Schueller ou Fernand Stenz…avis aux amateurs !
Le Grand Cru Eichberg s’étend sur une superficie de 57,62 hectares sur deux coteaux aux pentes assez douces exposées sud et sud-est.
Le premier coteau se trouve au sud d’Eguisheim avec des parcelles situées entre 220 et 260 mètres d’altitude, le second se trouve à l’est de Husseren avec des parcelles situées entre 260 et 350 mètres d’altitude.
Au vu du relief et de ses pentes relativement modestes nous traduirons « Eichberg » par « colline au chêne ».
- le coteau est, au sud d’Eguisheim se caractérise par « des sols bruns calcaires caillouteux sur calcaires du Bajocienn conglomérats et marnes de l’Oligocène avec épandages loessiques »
Au niveau physique ce terroir assez riche en argile reste bien drainant grâce à la présence de cailloux calcaires, gréseux et silicieux et de galets roulés. Lorsqu’on arpente les coteaux de l’Eichberg on remarque cependant une grande disparité dans l’orientation des parcelles : est/sud-est dans les secteurs près des villages et plutôt sud dans le secteur central mais avec une structure en vagues qui complexifie encore le relief.
Sur le plan historique, du fait de leur voisinage l’Eichberg et le Pfersigberg partagent un passé commun : après les Romains qui apportèrent la culture de la vigne sur ces coteaux du piémont vosgien ce sont le clergé, les ordres monacaux et la noblesse locale qui se sont approprié ces terres viticoles pour asseoir leur pouvoir.
D’après l’historien Médard Barth (« Der Rebbau des Elsass » 1958), l’Abbaye de Marbach, fondée au XI° siècle, percevait un impôt sur les vignes du lieu-dit « Eissche », un toponyme à l’origine du nom actuel du Grand Cru.
Au XV° siècle, les vins d’Eguisheim partaient de Colmar à Strasbourg par l’Ill puis de Strasbourg vers les cours princières de l’Europe du Nord par le Rhin. A l’époque on disait que le vin s’améliorait dans les barriques lors de leur voyage fluvial et on commençait à parler des crus de l’Eichberg, reconnus pour leur haut niveau qualitatif et leur grande aptitude au vieillissement.
La notoriété de ce terroir d’Eguisheim n’a pratiquement jamais été remise en question depuis et c’est tout naturellement que l’Eichberg a fait partie des 24 premiers lieux-dits sélectionnés en 1983 pour entrer dans la prestigieuse famille des Grands Crus d’Alsace.
Mes promenades dans les différents secteurs du Grand Cru m’ont permis de constater quelques éléments significatifs concernant les pratiques viticoles comme la présence de l’herbe sur la majorité des parcelles classées et un travail conséquent des sols sur une grande partie de la superficie de l’Eichberg.
Les gewurztraminers sont finement aromatiques avec le côté épicé du cépage qui se fait particulièrement discret au profit d’une expression fruitée bien mûre où se manifestent des arômes de pomme au four, de pêche, d’abricots ou d’ananas sur un fond d’infusion d’herbes aromatiques. En bouche on sent la générosité mais l’équilibre reste toujours élégant et sans lourdeur.
Les rieslings peuvent être un peu arrogants dans leur jeunesse avec une structure solide et une aromatique assez exubérante sur les agrumes, les herbes sauvages (mélisse, verveine, menthe poivrée, génépi…) et les fleurs de printemps (violette, sureau…).
Les pinots gris dotés d’une belle richesse s’appuient également sur une charpente solide et un support acide souple mais profond pour donner un côté gouleyant et digeste à l’ensemble. Leur aromatique complexe leur confère une très grande polyvalence gastronomique.
Comme de nombreux grands crus les vins de l’Eichberg se révèlent pleinement après quelques années de garde. J.M. Zimmermann, sommelier au restaurant Buerehiesel à Strasbourg, nous recommande vivement de nous montrer patients avec ces bouteilles : « il serait dommage de consommer les vins de l’Eichberg avant cinq ans ».
…MICHEL GINGLINGER
Michel Ginglinger représente la 13° génération de viticulteurs qui travaillent la vigne sur ces coteaux au pied des 3 châteaux depuis 1610.
Après de nombreux atermoiements dus à des emplois du temps difficilement compatibles, nous avons enfin réussi à dégager une demi-journée pour parler ensemble de l’Eichberg.
Nicolas Scholtus (nicolas sur DC), œnophile éclairé, grand connaisseur des terroirs d’Eguisheim et ami proche de Michel Ginglinger a également réussi à se libérer pour partager ces moments de convivialité vinique avec nous.
Pour entrer dans le vif du sujet et profiter de cette météo bien ensoleillée, Michel nous invite à une promenade sur l’Eichberg…commencer notre entretien in-situ, voilà une riche idée !
Malgré leur proximité géographique l’Eichberg et le Pfersigberg sont des terroirs très différents (la partie ouest du premier et la partie sud du second se touchent) : « c’est la richesse en argile qui constitue la caractéristique principale des sols de l’Eichberg, la roche mère est un conglomérat argileux ».
- pour contrôler la vigueur de la vigne les opérations de taille et d’ébourgeonnage sont fondamentales « la taille est particulièrement complexe, il n’y a pas de règle absolue mais il faut bien observer chaque pied, évaluer son potentiel et adapter son intervention pour mettre la plante dans les meilleures conditions possibles ».
- lorsqu’il s’agit de labourer c’est encore plus compliqué « les sols de l’Eichberg sont très collants lorsqu’ils sont humides et durs comme du béton lorsqu’ils sont secs…certains jours, le passage d’une charrue dans les rangs est vraiment impossible ».
« Je pense que l’Eichberg fait partie des terroirs les plus polyvalents du vignoble alsacien ». En effet, ce sol argileux aéré par des galets ou des cailloux gréseux et calcaires permet à tous les cépages nobles de s’exprimer pleinement : le domaine Ginglinger y produit du riesling (25 ares), du pinot gris (50 ares) et du gewurztraminer (30 ares) mais aussi deux vins de pinot noir (70 ares), dont la fameuse cuvée Les Rocailles.
Les vins de l’Eichberg se distinguent de façon assez évidente par leur structure en bouche « amples et volumineux dès l’attaque, longilignes et cristallins en finale ». Nicolas Scholtus pense que cette forme particulière est liée à la nature des sols du Grand Cru « l’argile apporte l’opulence, les cailloux calcaires et gréseux la finesse ».
Au niveau aromatique, les vins de l’Eichberg évoluent très lentement « ce Grand Cru exprime longuement mais avec une grande pureté les arômes des différents cépages. Le marquage minéral est beaucoup plus tardif que sur la plupart des autres terroirs ».
Comme pour tout Grand Cru alsacien, les vins de l’Eichberg s’expriment pleinement après quelques années de garde « quel que soit le cépage, les crus de l’Eichberg demandent un minimum de 4 ans pour commencer à se montrer ».
En revanche, leur durée de vie est extrêmement élevée « ces vins font partie des crus alsaciens qui ont le plus grand potentiel de garde ».
Reconnu comme un dégustateur émérite par ses pairs, Michel reste pourtant perplexe devant cette question : il s’avère que ce vigneron se réfère davantage à ses sensations qu’à sa mémoire pour définir le profil idéal de ses vins.
Avec un sens de l’olfaction particulièrement affuté – « dès son plus jeune âge d’ailleurs » nous confiera sa mère – Michel Ginglinger recherche avant tout la pureté aromatique dans un grand vin « il doit sentir bon et être net au goût »…sûrement plus facile à dire qu’à réaliser !
Comment voyez-vous l’avenir de ce terroir ?
Ce Grand Cru a fait partie des premiers terroirs sélectionnés par le décret de 1983 et pourtant « L’Eichberg est moins connu que le Pfersigberg (classé en 1992)…c’est dû en grande partie au fait que les vins du Pfersigberg se montrent plus flatteurs dans leur jeunesse ». Pour compenser ce petit déficit de notoriété il faut un gros travail de pédagogie auprès des amateurs de vins pour les initier aux subtilités de ce terroir…et la jeune garde vigneronne d’Eguisheim s’y emploie : « Lors de la nuit des Grands Crus organisée dans le cadre de la semaine des vins (en juillet) nous avons pris l’habitude de faire déguster quelques vieux millésimes provenant de l’œnothèque du village ».
Cependant, Michel reconnaît que les dégustations d’agrément montrent encore une certaine hétérogénéité dans la production sur ce Grand Cru « il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour mettre pleinement en valeur ce beau terroir ».
La distinction obtenue par Eguisheim – le plus beau village de France en 2013 – va surement donner une motivation supplémentaire aux vignerons locaux.
En tous cas, avec des défenseurs comme Michel Ginglinger ou Christian Beyer et quelques autres jeunes vignerons enthousiastes du village, il me semble évident que l’Eichberg retrouvera la place qui lui revient parmi l’élite des terroirs classés alsaciens.
Au niveau de la viticulture, Michel Ginglinger sait l’importance fondamentale de la vie dans les sols et met en œuvre des pratiques naturelles destinées à aider la vigne à trouver un équilibre optimal dans son milieu : sols enherbés naturellement et travaillés intégralement, traitements à faibles doses avec des produits respectant le cahier de charges de l’agriculture biologique. « Le vigneron est chargé de guider la vigne dans sa relation au terroir » notamment par un travail des sols qui favorise l’enracinement profond et par une gestion méticuleuse de la vigueur. « Une bonne gestion de la vigueur est la clé pour réussir à produire des fruits sains, mûrs et nourris par leur terroir ».
Les vendanges exclusivement manuelles se font avec une équipe de vendangeurs fidèles et aguerris qui effectuent un tri implacable à la vigne et récoltent une matière première impeccable. Les raisins entiers sont chargés dans un pressoir pneumatique où ils subissent un pressurage doux et long.
Au niveau du travail en cave le principe est simple « un maximum de vigilance et un minimum d’ingérence » : Michel compare le métier de vigneron à celui de sage-femme : il n’est pas là pour faire le vin mais pour accompagner sa naissance.
Les vins s’affinent sur leurs lies dans des foudres séculaires qui occupent la grande cave sous la maison de la famille Ginglinger.
Dans le superbe caveau de dégustation, le domaine Ginglinger accueille de nombreux amateurs de vins mais assez peu de touristes « c’est dû en grande partie à notre implantation en dehors des remparts de la vieille ville (...) Nous avons une clientèle d’habitués très fidèles et nous profitons d’une bonne promotion par le bouche à oreille ».
Et dans le verre ça donne quoi ?
Pour notre mise en train papillaire, Michel nous propose quelques cuvées millésimées de crémant mais comme d’habitude le manque de temps nous oblige à choisir et nous optons pour un Crémant 2001 : le nez très discret délivre des notes de foin et de brioche, en bouche l’équilibre est très droit avec une mousse généreuse et une finale nette et bien nerveuse.
Issu à 100% de chardonnays récoltés sur le lieu dit « Bodenacker » cette cuvée « blanc de blanc » met les sens en éveil par l’élégance de sa palette et la vivacité de sa matière. Dégorgé en 2004, ce vin âgé aujourd’hui de 12 ans se porte comme un charme…désaltérant et stimulant !
2010 : le nez est fin et suave avec des notes d’écorce d’agrumes et d’ananas frais, l’attaque en bouche est très large avec une matière opulente qui se pose avec beaucoup de classe avant de se resserrer un peu pour finir sur une structure plus fine et sur un équilibre frais et aérien.
Ce vin que j’avais déjà dégusté une fois, l’année dernière a gardé cette prestance qui m’avait marqué : raffinement et profondeur aromatique, silhouette noble et racée en bouche…la grande classe !
2008 : le nez est plus expressif avec une palette franche et très pure sur les agrumes frais et la mélisse, en bouche la structure rappelle celle du millésime 2010 avec des formes un peu plus douces, la finale révèle une minéralité plus affirmée en laissant persister de belles nuances salines et une fine sensation tannique.
(13°3 – S.R. : 9 g/l – A.T. : 5,4 g/l)
Après deux ans de garde, ce riesling a conservé un air de famille qui le rapproche du vin précédent mais sa forme a gagné en élégance et son expression minérale s’est définie avec beaucoup plus de précison.
2007 : le nez est volubile et charmeur avec une palette très mûre sur l’ananas frais, les agrumes mûrs et la fraise des bois, après une attaque très douce la matière développe une structure ample et sphérique en bouche, l’équilibre se construit progressivement sur une belle base saline qui donne à la finale un coté très salivant.
(14° – S.R. : 13 g/l – A.T. : 4,6 g/l)
Mûr et épanoui comme beaucoup de vins d’Alsace issus de ce millésime, ce riesling laisse en bouche une belle impression de fraîcheur et de digestibilité grâce à la minéralité particulière de ce terroir qui commence à montrer toute sa force. Comme beaucoup de grands 2007, cet Eichberg entame sa phase de plénitude…j’aime beaucoup !
Un grand terroir servi par un grand vigneron dans un grand millésime…et un résultat imparable : une cuvée exceptionnelle que nous avons pu apprécier dans sa phase da maturité optimale. Grosse claque !
1995 : le nez est complexe et raffiné avec de discrètes notes d’agrumes mûrs suivis par de belles nuances d’herbes aromatiques (mélisse, menthe fraîche, citronnelle), la bouche est large avec un beau gras mais l’équilibre reste bien sec et la finale est soutenue par une puissante salinité.
Voilà un « petit jeune » de 18 ans qui se tient encore bien droit et qui apporte la preuve par les papilles que les vins de l’Eichberg sont très à l’aise face au temps qui passe. Complexité, élégance, minéralité…la classe !
Comme souvent lorsqu’on se trouve en bonne compagnie, le temps passe très vite et nous arrivons à la dégustation des Pinots Gris Eichberg alors que l’heure de terminer notre entrevue approche à grands pas.
Nous proposons à Michel de réduire la série en sélectionnant 3 millésimes :
2010 : le nez est très discret mais on y devine une belle complexité et une grande fraîcheur, la bouche est svelte et très élégante avec une finale fine et tonique.
Très réservé mais d’une pureté absolue ce pinot gris est déjà tout à fait à mon goût aujourd’hui (ah ces PG 2010 !!!) mais ne nous y trompons pas, c’est un vin de temps qui comblera les amateurs patients dans quelques années
2008 : le nez est discret avec de belles notes d’amande et de noisette fraîches sur un fond finement fruité, en bouche la balance richesse/acidité est parfaitement équilibrée et la finale légèrement tannique et très longiligne se montre sapide et appétante.
(14°2 – S.R. : 24,5 g/l – A.T. : 5 g/l)
Avec sa complexité aromatique affirmée, sa silhouette très élégante et sa belle minéralité ce pinot gris entame sa phase de pleine maturité. MIAM !
2001 : le nez est suave et charmeur avec une palette bien mûre sur l’ananas rôti et la brioche, la bouche, généreuse et très gourmande a gardé une finale bien pointue et longuement aromatique.
Quel plaisir de déguster un Grand Cru dans la plénitude de l’âge mûr avec sa palette épanouie et sa silhouette joliment typée Eichberg…Archétypique !
Bon, là plus moyen de tergiverser, l’heure de rentrer au bercail a largement sonné et en plus Michel vient d’être sollicité au caveau par un groupe d’amateurs asiatiques…les gewurztraminers attendront !
Pour vous donner une petite idée de la qualité de ce cépage sur ce Grand Cru je vous parlerai simplement du Gewurztraminer Eichberg 2011 dégusté lors de ma dernière visite au domaine : le nez est flatteur et complexe avec des notes de fruits exotiques (banane, papaye) complétées par des nuances florales et une pointe de gingembre, la bouche est riche avec une matière large mais concentrée qui s’allonge et s’affine en finale pour laisser une belle impression de sapidité.
(13°5 – S.R. : 56 g/l – A.T. : 2,7 g/l)
Cette cuvée est issue d’une vieille vigne sur l’Eichberg qui produit de très petits raisins – ce qui limite considérablement son rendement (environ 30hl/ha) – mais dont la qualité des fruits est presque toujours exceptionnelle.
Ce vin équilibré et généreux qui s’exprime déjà avec beaucoup de classe malgré son jeune âge est un pur bonheur…je refuse de recracher, double MIAM !
n peu hors sujet, mais tout à fait indispensable pour sentir la différence entre les deux grands crus d’Eguisheim je finirai en vous décrivant le Gewurztraminer Pfersigberg 2011 : le nez est ouvert sur un registre exotique bien mûr, la bouche est très élégante avec sa structure fuselée et sa finale salivante qui prolonge des arômes de fruits mûrs complétés par une pointe crayeuse et une touche de poivre blanc.
(13°4 – S.R. : 63 g/l – A.T. : 2,9 g/l)
Assez proche de l’Eichberg par son expression aromatique mais possédant une présence en bouche beaucoup plus longiligne, ce gewurztraminer lumineux, d’une gourmandise absolue, permet d’illustrer de façon très parlante la différence entre les deux Grands Crus d’Eguisheim.
Pour conclure, un petit bilan sur cette seizième expérience de visite approfondie d’un terroir Grand Cru (attention je risque de me répéter…) :
- J’ai renforcé ma conviction qu’une bonne compréhension d’un vin passe évidemment par la dégustation mais s’enrichit considérablement si on fait la démarche d’aller sur place, sentir l’énergie des terroirs où il naît et rencontrer les gens qui le conçoivent…je ne boirai plus jamais des Eichberg comme avant !
- Avec sa base très riche en argile l’Eichberg est un Grand Cru un peu particulier dans le vignoble alsacien.
Situé dans un environnement bucolique ce terroir est particulièrement exigeant. Avec ses sols fertiles mais très difficiles à travailler, l’Eichberg demande beaucoup de présence et d’efforts à tout vigneron désireux d’y produire un grand vin : ici plus qu’ailleurs un suivi précis et attentif de chaque parcelle est indispensable pour gérer de façon optimale la vigueur de la vigne. C’est la condition sine qua none pour obtenir les fruits concentrés et équilibrés nécessaires à l’élaboration de cuvées d’exception.
- Au niveau des vins, l’Eichberg est remarquable par sa polyvalence face aux cépages alsaciens mais aussi par sa capacité à imposer une identité morphologique à tous les vins qui y naissent : en bouche, ils se montrent tout d’abord amples et sphériques avant de s’effiler progressivement pour finir tout en finesse et en longueur. Ce Grand Cru n’imprègne pas forcément une marque aromatique sur ses vins – si ce n’est celle de magnifier les expressions variétales des cépages – mais en revanche, son terroir argileux leur dessine des silhouettes bien reconnaissables.
- Discret mais très ouvert au dialogue, Michel Ginglinger est un vigneron particulièrement attaché à sa terre : lorsqu’on l’accompagne dans ses parcelles sur les coteaux d’Eguisheim on se rend très vite compte du lien particulier qu’il a établi avec ses sols et ses plants de vigne…on pourrait presque parler d’un dialogue entre l’homme et la nature.
Lorsqu’il arrive en cave, il abandonne très vite son côté un peu poète pour laisser place à la rigueur et à la précision. Attentif et méticuleux il accompagne ses cuvées à chaque instant pour les aider à se réaliser. Cette véritable maïeutique œnologique lui permet de nous proposer des vins d’une pureté et d’une distinction rares possédant de puissants pouvoirs addictogènes.
Je vous aurai prévenu…pour moi c’est déjà trop tard !
- Mille mercis à Michel et à Nicolas, deux guides précieux qui m’ont permis d’entrer dans l’univers de ce Grand Cru.
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