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Avec ou sans sulfites, joie ou souffrance ?
Hier j’ai souvent dit que c’était une joie puis c’est parfois devenu une souffrance. Au début des années 2000, et pendant près de 10 ans, je suis allé beaucoup dans le Roussillon ou, grâce à Edgar Lefort et Nathalie Herre notamment, j’ai été initié aux vins dits « natures » et notamment aux vins sans soufre ajouté. Une nouvelle porte s’est ouverte à moi sur le chemin de ma passion du vin. Que de soirées mémorables à la vinaigrerie de la Guinelle à goûter les vins de Pierre Overnoy, à partager de longues soirée avec Alain Castex, à découvrir de nouveaux domaines comme Duchêne, Lafite, Morin etc etc… Une belle période ! Puis j’ai eu de plus en plus de déceptions, notamment sur de nouveaux domaines qui arrivaient avec des vins aux réductions tenaces, des Bretts, des volatiles très hautes…avec à la clé pas mal de bouteilles passées à l’évier et des prix qui augmentaient dans des proportions parfois démesurées. J’ai donc eu l’idée de cette dégustation croisée entre cuvées sans soufre ajouté ou non, parfois sur la même cuvée voire le même millésime afin d’étalonner mon palais et ne pas rester sur de mauvaise expériences. Ce sont tous des domaines que je connais et dont j’avais déjà gouté ces mêmes bouteilles.
Elles ont été goûtées par paire, à l’aveugle, (sauf pour les 2 rieslings que je savais trop reconnaissables) et le tout espacé sur une quinzaine de jours afin de boire les vins notamment en mangeant ce qui change souvent la perception que l’on en a.
Alors en avant pour l’expérience !
Riesling 2010 :
Riesling 0 de Bernard Bohn : j’avais déjà goûté par deux fois ce vin. La couleur est d’un jaune doré très soutenu. A l’ouverture le vin est assez mutique, puis des notes de citrons confits et de miel se dévoilent. La bouche est très sèche, marquée par le minéral, avec beaucoup de droiture. La puissance augmente quand le vin se réchauffe un peu et la finale s’allonge pour se terminer sur une touche saline. Une belle bouteille.
24 après : le vin est oxydé avec une couleur quasi brunâtre !
Riesling G.C. Schlossberg de JM Bernhard : un joli doré, brillant, un nez très expressif, fruits exotiques, miel et une touche minérale. On a un joli toucher de bouche, une sensation d’un petit reste de sucres résiduels très légers qui donne de la gourmandise au vin. Au bout d’un moment dans le verre, le vin se tend un peu plus avec un côté citronné qui lui donne du pep’s sur la finale.
24h après : ce riesling reste plutôt sur les agrumes et n’a guère évolué.
Pour commencer, 2 vins qui n’ont que le millésime et le cépage de semblables mais l’intérêt de la chose était d’avoir une approche sur le vin blanc en général car j’ai passé à l’évier pas mal de blancs sans sulfites ajoutés ces dernières années ! Une entrée en matière qui me réconcilie un peu…
Baumes de Venise 2014 Terres Jaunes de la Ferme St Martin :
Version avec soufre : un petit côté réducteur qui s’avère tenace même après plusieurs minutes d’aération. Le sud s’annonce avec du laurier, du thym, puis des fruits rouges et une pointe de réglisse qui amène de la fraicheur. On retrouve les mêmes sensations en bouche qui reste un peu rêche.
24h après : plus aucune trace de réduction, le vin a gagné de la rondeur, du gras mais reste un peu ferme encore en finale.
Version sans sulfites ajoutés : tout de suite très expressif, d’un « sudisme » sans retenue, herbes aromatiques, ciste, fruits noirs. Le vin est très savoureux, tonique, délié et cette fois des tanins assez doux.
24h après : on a la sensation qu’il a gagné encore un peu en volume avec les mêmes caractéristiques tant au nez qu’ne bouche.
Bon…réduction…c’est le sans soufre ! Ben voyons tonton. A l’aveugle, j’ai inversé les rôles influencé par un poncif de dégustation qui fait que le vin réduit est forcément celui qui est le moins couvert. Raté ! En l’occurrence, à ce jour, la version sans soufre ajoutée se montre au dessus en termes de dégustation et de plaisir. Il est à noter que ce domaine utilise le soufre avec beaucoup de parcimonie.
Cairanne 2014 du domaine Richaud :
Version avec soufre : noir comme de l’encre, fruit à noyau, cendre froide, presque d’un abord austère ce qui n’est pas la caractéristique des vins du domaine ! Il se délie dans le verre, s’ouvrant sur les fruits noirs, le cassis, le thym, la réglisse. Il garde un peu de fermeté avec un côté frais.
24h après : il s’est étoffé, plus rond, avec des parfums de fruits plus affirmés
Version sans sulfites ajoutés : il offre en coulant dans le verre de jolis reflets violacés. Divers parfums jaillissent immédiatement, prune, laurier, thym. C’est un sudiste affirmé, sphérique, gourmand, laissant un pet’ de gaz sur la langue qui lui donne du ressort.
Encore la même origine du vin, là encore un domaine qui utilise le soufre à minima, la version sulfitée étant annoncée à 15mg…Et cette fois j’ai pu repérer à l’aveugle les deux vins (il faut dire que j’avais gouté les deux versions peu de temps avant) La version sans sulfites ajoutés m’avait déjà plus séduit au domaine, je confirme.
Une pensée pour Mme Richaud qui m’a accueilli pendant longtemps au domaine. J’ai gardé une bouteille de 1999 qu’elle m’avait offerte pour la naissance de ma fille, ce geste m’avait beaucoup touché.
Collioure du domaine de la Casa Blanca :
Millésime 2012 avec sulfites : couleur violine, à peine un peu de réduction au départ qui s’estompe bien vite. Très fruits frais, fruits rouges. Très agréable, immédiat, il se boit facilement
24h après : Le vin est monté d’un cran, l’aromatique s’est étoffée ainsi que le volume en bouche. Superbe !
Millésime 2013 sans sulfites ajoutés : noir c’est noir ! Cap au sud avec un panier de senteurs méditerranéennes qui explose dans le verre. La bouche reste assez tannique, ferme et il faut pas mal d’aération pour qu’elle se mette au diapason.
24h après : Tout est en place, le vin est magnifique, entre volupté et équilibre.
J’avais fait la même expérience avec Hervé, le vigneron à Banyuls, cette fois sur le même millésime 2013 car c’était sa 1ère expérience en la matière. Le sans sulfites ajoutés s’était imposé au fil de l’aération. Là, les choses sont un peu différentes, 2012 est un millésime plus facile, 2013 est plus imposant. J’ai donc reconnu assez vite les deux bouteilles. Ce qui s’impose, c’est la qualité de ce domaine dont je bois les bouteilles depuis le millésime 1999 et qui monte en qualité avec la patte de ses nouveaux propriétaires.
J’ai beaucoup aimé cette expérience. La qualité des vins était de bon voire très bon niveau et c’est vrai que pour les rouges du sud, les vins sans sulfites ajoutés se sont montrés très à leur aise notamment avec une très bonne tenue à l’aération sur 24h. Ce sont des vins qui sortaient du domaine pour aller dans ma cave donc qui n’ont pas connu les affres du transport et encore moins de l’exposition dans une boutique. Ceci explique cela ? Peut être. Ce sont des vins jeunes, qu’en sera-t-il à l’épreuve du temps ? A suivre…En tout cas avoir pour la même cuvée, la possibilité de sortir les vins en deux versions me paraît être une très bonne idée pour ces domaines qui ont de toute façon une utilisation très mesurée du soufre. Le plaisir était au rendez vous, je peux donc entamer un processus de réconciliation avec « la nature » !
Cyril Amelin - Mai 2016
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