Périple sudiste 2013 - Dupéré-Barrera
PERIPLE SUDISTE 2013
C’est toujours avec le même plaisir que je m’engage dans la troisième édition de mon périple annuel dans les vignobles du sud car, en plus du retour prochain de l’été et des beaux jours, il annonce toujours des rencontres humaines enrichissantes et de belles découvertes viniques.
Le programme 2013 est particulièrement dense puisque, en 5 journées je vais me promener tour à tour près de la colline de l’Hermitage, dans le Roussillon, dans le Languedoc, en Provence et en Ardèche…qui m’aime me suive !
Etape provençale
Domaine Dupéré-Barrera à Carnoules
Après ma dernière rencontre avec Laurent Barrera en 2011, je m’étais fait la promesse que lors de ma prochaine escapade dans les vignobles du sud j’essaierai d’aller visiter la cave de Carnoules, dont je n’avais vu que les plans en 2007 et quelques photos par la suite…toujours cet impérieux besoin d’aller respirer l’ambiance des lieux où se créent les vins que j’aime !
Coup de chance, cette année, nos emplois du temps respectifs ont assez bien concordé et j’ai enfin pu découvrir in-situ le fameux Clos de la Procure en compagnie de Laurent Barrera.
Après une courte nuit à Port Camargue, je mets le cap vers l’est, direction le Var…on the road again !
Le Clos de la Procure et la cave du domaine.
Le Clos de la Procure est un petit ilot de vignes entouré d’arbres, tout près de la bretelle d’accès à l’autoroute qui mène vers Toulon.
Vue Google Earth du Clos…avant la construction de la cave.
Laurent Barrera est à pied d’œuvre en compagnie de Karl, son collaborateur attaché presque exclusivement au suivi des vignes du Clos de la Procure.
Nous partons pour un petit tour dans la propriété et nous commençons par aller voir les différentes parcelles : « Le Clos de la Procure est implanté sur une vallée perchée avec une nappe phréatique à moins de 7 mètres de profondeur, qui offre aux vignes un régime hydrique très favorable ».
La partie « émergée » de la cave enterrée aux trois-quarts, au dessus de la jeune parcelle de syrah du domaine.
La jeune vigne de syrah : les fruits de cette parcelle plantée par les Dupéré-Barrera commencent à rentrer dans la grande cuvée de la Procure.
Les grenaches du clos : le cœur de la grande cuvée de la Procure
La parcelle de vieux cinsaults.
Mourvèdres au premier plan, ugnis blancs plus loin et, derrière les oliviers, le toit du Mas Saint Michel, résidence des anciens propriétaires des vignes du clos de la Procure.
Retour vers la cave.
Après cette petite promenade entre ces vignes superbement entretenues, nous entrons dans la cave où s’élaborent les une partie des vins commercialisés par les Dupéré-Barrera.
L’ugni blanc est vinifié et élevé en barriques durant 12 mois (sur lies fines sans bâtonnage), c’est le seul cépage qui rentre dans la cuvée du Clos de la Procure blanc.
La dégustation de la cuvée d’ugni blanc 2012 (soutiré et sulfité à 2g pour la première fois il y a 2 jours) révèle une olfaction discrète et citronnée, une bouche légère et assez pointue avec une finale bine vive rehaussée par une fine amertume.
Pour la cuvée Clos de la Procure rouge, c’est plus complexe : les différentes parcelles sont vinifiées séparément en barriques et, après une première dégustation des jus, plusieurs pré-assemblages sont crées et transférés dans des cuves inox.
Une partie de la vendange 2012 en barriques…
…et 3 petites cuves contenant des pré-assemblages
Ces pré-assemblages sont regoûtés après quelques temps avant de rentrer (ou non) dans l’assemblage définitif qui sera remis en barriques avant la mise.
L’assemblage 2011 de la cuvée rouge du Clos de la Procure
Avant de déguster un premier assemblage 2011 du Clos, Laurent me propose de goûter deux cuvées de syrah-mourvèdre 2012 : la première cuvée montre un côté très guilleret avec un fruité net (fruits rouges mûrs) et une structure légère et très déliée, la seconde cuvée possède un nez plus discret mais très « fruits noirs » avec une bouche concentrée mais bien fraîche qui soutient longuement un joli sillage fruité
La seconde cuvée plus dense mais moins expressive que la première provient d’une parcelle qui a pris la grêle au moment de la fleur, ce qui a considérablement diminué le rendement en concentrant les jus. Aujourd’hui on se retrouve avec deux cuvées très différentes qui nous montrent l’influence déterminante des rendements sur la nature des vins.
Le Clos de la Procure 2011 (premier assemblage) : le nez est discret mais d’une grande finesse sur les fruits rouges et les fleurs, la bouche est déjà superbement équilibrée entre une chair gourmande, une acidité mûre mais présente et une trame tannique très fine, la longue finale revient sur d’élégantes notes florales.
Avec sa belle matière et son équilibre particulièrement digeste, cette première version du Clos rouge nous annonce une cuvée 2011 très prometteuse…à suivre !
Après ce passage « sous terre », nous remontons vers la terrasse pour nous installer dans un salon-séjour très lumineux autour d’une table où se trouve une belle collection de bouteilles préparées par Laurent pour l’occasion.
Karl et Laurent autour d’une table bien garnie…
Mémoire « Le rosé à l’ancienne de la Procure » - VDT 2012 : le nez est expressif et flatteur sur la fraise bien mûre, la bouche est d’une gourmandise absolue avec une matière douce et fruitée (fruits rouges, grenadine), la finale est vineuse et longuement aromatique.
Issu d’une saignée sur des jus de syrah et de mourvèdre, ce rosé à l’aromatique très séduisante caresse les papilles avec sa texture riche et juteuse.
Déclassé en Vin de Table à cause de sa personnalité un peu atypique (couleur et richesse), c’est un petit bijou qui fera le bonheur de ceux qui ne cherchent pas forcément le conformisme un peu plat des rosés de Provence (ceux qui se boivent « bien glace » comme le « Pinedou » de Chevallier et Laspalès)
Mémoire – Côtes de Provence rosé 2011 : la couleur est également assez prononcée (presque comme le 2012) mais l’olfaction est encore assez marquée par l’élevage (notes lactées, caramel, boisé fin), la bouche est dense et bien charnue avec une finale longue et bien fraîche qui révèle de beaux arômes floraux.
Elaboré, comme le 2012, à partir d’une saignée sur les cuves de syrah et de mourvèdre ce rosé a été élevé durant 18 mois en barriques…une « expérience » tentée par Laurent pour voir les effets d’un élevage long sur un rosé.
Le nez est encore largement imprégné par la marque de son séjour prolongé sous bois mais la bouche est superbe d’équilibre et de finesse aromatique.
Voilà un rosé qui n’a pas oublié pas d’être un vin..MIAM !
Le Clos de la Procure – Côtes de Provence rouge 2010 : le nez est fin et délicat avec un fruité discret et des nuances boisées de grande classe, la bouche est élégante avec une silhouette ovale très longiligne, une trame tannique mûre et soyeuse et une belle finale rafraîchie par un sillage acidulé très agréable.
La grande cuvée du domaine issue d’un assemblage dominé par le grenache et le mourvèdre (complété par cinsault, syrah et carignan) possède un pouvoir de séduction assez ravageur dès son plus jeune âge : tout en finesse et en subtilité dans son aromatique et dans sa structure, ce vin a certes des arguments évidents pour tenir et se bonifier au vieillissement, mais je crains que peu d’amateurs résisteront à son charme actuel…
Nowat – Côtes de Provence rouge 2010 : le nez ouvert et assez « bordelais » dans son expression développe des notes de cabernet mûr relevées par une fine touche boisée, la bouche bien concentrée et finement tannique déploie une aromatique complexe qui persiste longuement en finale.
La cuvée Nowat fait référence à des méthodes de travail en cave excluant l’utilisation du courant électrique : foulage au pied, pigeages manuels, soutirages et mises par gravité…Ces méthodes sont actuellement mises en œuvre pour l’élaboration d’une grande partie des cuvées produites au domaine.
Nowat 2010 est un assemblage de mourvèdres et de cinsaults de la Procure avec des syrahs et des cabernets-sauvignon acheté par l’unité de négoce.
Pour l’heure c’est le cabernet sauvignon qui domine nettement l’expression aromatique, mais la bouche révèle une force et une complexité qui signent le style d’un grand vin de garde.
Très Longue Macération – Côtes de Provence rouge 2010 : le nez est fin et délicat avec une palette riche et évolutive sur les fruits rouges et noirs et sur quelques notes torréfiées, la bouche est généreuse et puissante avec une matière volumineuse soutenue par une structure tannique dense mais bien veloutée, le retour aromatique très long exprime des nuances toujours bien fruitées complétées par une fine touche mentholée.
Elaborée à partir de cabernets-sauvignon et de syrahs (achetés par l’unité de négoce) qui ont effectué une macération de 3 mois en barriques, T.L.M. est le grand vin de garde du domaine Dupéré-Barrera (avec leur Bandol).
J’avoue que jusqu’ici, j’avais un peu de mal à comprendre cette cuvée qui me surprenait à chaque fois par son énergie hors norme qui lui donnait parfois un côté disharmonieux …
Avec ce millésime j’ai l’impression que tout le monde s’est un peu assagi (le vin et peut-être aussi le vigneron !) : la puissance est au rendez-vous mais l’ensemble semble déjà bien plus harmonieux et laisse envisager l’avenir avec confiance.
Très belle bouteille !
Le trio emblématique du domaine.
Cuvée Noïa – Châteauneuf du Pape 2011 : le nez est expressif avec un fruité mûr et complexe, la bouche est très avenante, matière ample et riche, trame tannique solide mais très soyeuse, finale sapide et longuement aromatique avec des notes de fruits à noyau et d’épices douces.
Ce Châteauneuf est un vin de « pur négoce » puisqu’il provient du domaine d’André Brunel et a été vinifié suivant les conseils de Philippe Cambie. Laurent tenait absolument à me faire découvrir cette cuvée…j’ai vite compris pourquoi !
Alliant un charme direct et immédiat et une très belle profondeur ce vin caresse les papilles avec le velours de sa texture et envahit le palais par son volume et sa puissante expression aromatique…superbe !
Nowat – Côtes de Provence blanc 2010 : le nez est ouvert et complexe avec des notes florales complétées par une nuance d’ambre et une fine touche exotique, la bouche possède une structure ovale très élégante, l’équilibre est assez vif et la finale développe une palette déjà bien minérale et délicatement boisée.
Cet assemblage d’ugni blanc du clos de la Procure, de rolle et de sémillon provenant d’un terroir d’argile et de schistes du massif des Maures, vinifé et élevé en barriques, est toujours aussi séduisant avec son expressivité flamboyante et sa personnalité franche et bien affirmée. Voilà un vin qui assume parfaitement son originalité…MIAM !
Le Clos de la Procure – Côtes de Provence blanc 2011 : le nez est tout en retenue, presque un peu renfrogné, mais la bouche révèle une très belle puissance, avec sa chair opulente et sa structure acide et minéralité qui tend l’ensemble en soutenant une finale longuement aromatique.
Les vieilles vignes d’ugni blanc du Clos ont encore généré un petit « miracle »... un vin puissant mais digeste qui aura encore besoin d’un peu de temps pour libérer son expression olfactive et montrer tout l’étendue de sa classe…RE-MIAM !
- Il aurait été dommage de finir ce périple sudiste 2013 sans faire étape à Carnoules pour visiter ce Clos plein de charme, d’où se dégage un vrai sentiment de paix et d’harmonie. Dans cet espace préservé, tout est mis en œuvre pour que le travail des vignerons puisse se faire en respectant la nature : la vigne est travaillée en viticulture biologique et les bâtiments on été conçus pour être fonctionnels tout en consommant le moins d’énergie possible…Exemplaire !
- La plupart des vins de la gamme du domaine Dupéré-Barrera sont réalisés selon le principe « No Watt » : vendanges manuelles, foulage au pied, pressurage avec un pressoir vertical manuel, fermentation et élevage sans intrants, soutirages et mises par gravité…
Comme en 2011, j’ai pu déguster des jus purs et concentrés qui donnaient l’impression d’avoir gagné en finesse et en digestibilité sur ces derniers millésimes.
Même si Procure 2011 se montre étonnamment discret en ce moment, les blancs élaborés par les Dupéré-Barrera me bouleversent à chaque rencontre par l’originalité de leur palette aromatique et la beauté flamboyante de leur structure en bouche…et c’est un picoleur compulsif de crus blancs d’Alsace ou de Bourgogne qui vous le dit !
Les cuvés rouges assument leur silhouette toujours assez athlétique mais qui se fait de plus en plus féline : les raisins sont récoltés un peu plus tôt, avec des niveaux de maturité un peu moins « explosifs » et le travail en cave se fait de plus en plus précis et adapté à la nature profonde de chaque cuvée.
De l’étonnant « Vignes de Saint Saux » dont je parlerai prochainement jusqu’à à la majestueuse cuvée TLM, les crus du domaine s’offrent à nous dès leur plus jeune âge avec un côté gourmand et abordable, qui nous ferait presque oublier qu’avec leurs matières denses et équilibrées, ils sont aussi de très beaux vins de garde.
- Après cette troisième rencontre avec Laurent Barrera dans cet espace qu’il a conçu pour lui permettre de mettre en cohérence ses convictions et ses actes, je ne peux que confirmer ce que j’ai déjà ressenti lors de mes précédentes visite : malgré un côté « trublion », toujours à la recherche d’une nouvelle expérience à tenter sur ses cuvées, il reste un vigneron intransigeant sur la qualité de ses pratiques viticoles et particulièrement méticuleux dans l’élaboration de ses vins.
Je ne conclurai pas cet article sans relever une fois de plus la qualité de l’accueil dont j’ai bénéficié : simplicité, authenticité et générosité…
Merci Laurent…et à la prochaine !
Pour construire la maison du Clos de la Procure sans abattre le chêne, la terrasse a été construite autour de lui…tout un symbole !
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