Pique-nique chez le vigneron au domaine Paul Blanck à Kientzheim

Malgré un emploi du temps vinique déjà bien chargé et un nombre très inquiétant de comptes-rendus à mettre au propre avant publication, je n’ai pas hésité une seconde lorsque Stéphane Wasser m’a annoncé qu’il allait retourner au domaine Paul Blanck pour participer au « Pique-nique chez le vigneron »…une rencontre avec un homme généreux et passionné comme Philippe Blanck ça ne se refuse pas !

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Une salade, une tranche de pain de campagne, un pot de rillettes et c’est parti pour une journée gourmande à Kientzheim !

 

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La place centrale de Kientzheim…

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…et la rue principale sous le soleil de mai.

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La cour du domaine Blanck avec les participants au pique-nique qui se pressent autour du bar…

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…où Philippe Blanck et son équipe servent l’apéritif.

En guise de mise en condition, nous commençons par déguster quelques vins jeunes :

Muscat 2016 : ouvert, charmeur avec une belle palette florale, matière longiligne, finale appétante avec des amers qualitatifs.

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Muscat 2017 : nez plus discret, notes amyliques très agréables, matière ample et charnue en bouche, finale vive et saline.

Cette cuvée est réalisée à partir d’un assemblage à parts égales de muscats ottonel nés sur des parcelles du Schlossberg, du Fustentum et de l’Altenbourg et de muscats nés sur des parcelles autour de Colmar.
Le 2016 est léger et frivole à souhait alors que le 2017 (mis en bouteille il y à 1 mois) montre un caractère plus dense et plus minéral.
Ne me demandez pas de choisir…je prends le premier pour les asperges de ce printemps et le second pour accompagner le saumon fumé de Noël !


Riesling Patergarten 2016 : nez vif et stimulant, notes pierreuses et citronnées, matière étirée en bouche, belle tension acide, salinité très pointue en finale.

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Le terroir de cailloux et de graves du lieu-dit Patergarten a généré comme toujours un riesling droit et élancé qui brille par une expression minérale déjà très aboutie.
MIAM !


Après ce petit tour de chauffe qui a mis nos papilles en éveil, Philippe Blanck part en direction de la cave pour remonter une série de bouteilles prélevées dans l’œnothèque du domaine : « On va voir comment se portent les vins de 1988 ».

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Les bouteilles de l’Oenthèque Blanck sont protégées par un film plastique.


Gewurztraminer Altenbourg 1988 : nez fin et d’une fraîcheur réjouissante, notes de chlorophylle sur un fond délicatement épicé, attaque souple, milieu de bouche très droit structuré par acidité mature et une fine présence tannique, amers nobles et sillage réglissé en finale.

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Ce gewurztraminer 88 d’une pureté absolue et d’une fraîcheur impeccable commence cette série de cuvées trentenaires de la plus belle manière qui soit…vivement la suite !


Sylvaner Réserve Spéciale 1988 : expression aromatique complexe avec des notes végétales raffinées sur un fond minéral bien défini, matière ample, équilibre très sec, belle salinité en finale.

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Après une première bouteille bouchonnée, le second sylvaner trentenaire sorti de la réserve du domaine nous étonne par sa personnalité complexe et son énergie communicative…la vieille vigne située sur un terroir marneux dans le secteur du Grand Cru Furstentum a produit une cuvée vraiment remarquable en 1988.


Pinot blanc 1988 (en demi-bouteille) : nez pur et frais sur les agrumes avec une petite touche grillée, matière large, belle densité, finale salivante avec de belles notes de céréales torréfiées

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Pinot blanc Kientzheim 1988 (en bouteille) : expression aromatique superbe, fruité frais soutenu par une touche balsamique racée (résine, cire d’abeille), matière ample et soyeuse en bouche, gras très sensuel, finale éclatante de jeunesse…Waouhhhh !

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Pinot blanc Barrique 1988 : nez discret et raffiné, notes de pain grillé et de pierre à fusil, matière très suave et parfaitement équilibrée en bouche, texture douce avec un gras sensible, finale fraîche, tendue et bien minérale.

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Qui aurait pensé que des pinots blancs alsaciens peuvent atteindre un tel niveau de qualité après 3 décennies de vieillissement ?
La cuvée tradition est une merveille d’équilibre et de raffinement : la demi-bouteille est un peu plus évoluée mais développe encore une belle énergie alors que la même cuvée en 75 cl brille par sa pureté et par la noblesse de sa présence en bouche…voilà une bouteille qui m’a vraiment mis sur le c… !
La cuvée « Barriques » a complètement digéré son élevage et se présente à nous avec un style qui évoque un grand vin de la Côte de Beaune…rien que ça !


Tokay pinot gris 1988 : olfaction un peu évoluée avec une palette qui évoque le sous-bois (et peut-être une légère déviation liégeuse…), bouche impeccable qui allie richesse et fraîcheur, finale salivante, long sillage aromatique sur la menthe et la pierre chaude.

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Réalisé à partir d’un assemblage de raisins provenant de 2 parcelles très différentes – une parcelle de graves sur Kientzheim et une parcelle granitique sur Saint Hippolyte – ce pinot gris est un poil marqué par l’âge au niveau de l’expression olfactive mais sa présence en bouche d’une classe folle nous fait vite oublier ce petit défaut.

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La série suivante tout juste sortie de l’oenothèque Blanck.

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Pour déboucher des vins trentenaires il faut laisser faire le spécialiste.


Riesling Furstentum 1988 : olfaction fraîche et séduisante, nuances terpéniques à l’ouverture puis notes florales très élégantes, matière étirée, équilibre droit mais expression aromatique très suave, finale fraiche et citronnée.

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Robe parfaite pour ce riesling trentenaire.

Riesling Réserve Spéciale 1988 : nez délicat et raffiné, notes de miel floral et de menthe fraîche, bouche élancée, équilibre frais et petite présence tannique salivante, finale très alerte avec un beau sillage minéral.

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Avec son expression aromatique complexe et son équilibre très fringant en bouche ce riesling issu d’une jeune vigne située sur le Furstentum a remarquablement tenu dans le temps et ne montre encore aucun signe de fatigue aujourd’hui.
Réalisée par un assemblage de rieslings provenant de plusieurs terroirs différents – le Patergarten, le bas du Schlossberg et des parcelles sur Sigolsheim et Kientzheim – la cuvée Réserve Spéciale qui semble un peu plus évoluée que la précédent révèle une présence en bouche marquée par une belle salinité.
Ces deux trentenaires d’une jeunesse insolente sont vraiment impressionnants. Waouh !


Gewurztraminer 1988 : belles notes de menthe poivrée et de fleurs séchées à l’ouverture, nuances minérales discrètes qui apparaissent à l’aération, matière généreuse en bouche, finale nette et très sapide.

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Cette bouteille de gewurztraminer de la gamme « classique » s’exprime avec une fraîcheur et une complexité vraiment inattendues…il y a du bonheur dans ce verre !


Riesling Riquewihr 1988 : olfaction pure et fraîche, notes de fruits à chair blanche et de poivre blanc, bouche svelte avec une acidité assez souple, finale qui se tend progressivement, sillage acidulé très désaltérant.

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Riesling Schlossberg V.T. 1988 : nez pur et très complexe, bouche assez fluette avec une sucrosité très discrète, finale sapide.

Réalisée à partir d’une V.T. sur une jeune vigne du Schlossberg cette cuvée « expérimentale » a été mise en demi-bouteilles et n’a pas été commercialisée (je crois). Après 30 ans de vieillissement, le vin se tient encore debout mais la fatigue se fait quand même sentir…ceci dit, cette petite friandise reste très agréable à siroter.
Le premier riesling de cette doublette joue visiblement dans une autre catégorie : ce vin né sur le terroir du Rosenbourg possède encore beaucoup d’éclat et affiche une énergie très stimulante. MIAM !

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Et deux nouvelles bouteilles de 1988 à déguster !


Tokay Pinot Gris Altenbourg 1988 : olfaction discrète qui laisse deviner une belle présence minérale, matière svelte très élégante, équilibre frais, finale longue et bien sapide avec une présence saline salivante.

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Tokay Pinot Gris Furstentum 1988 : nez mûr et expressif, matière ample et concentrée, équilibre plus rond, toucher soyeux, amers nobles en finale.

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L’Altenbourg est un lieu-dit situé au bas du Furstentum avec un terroir argileux qui a la réputation de convenir parfaitement au pinot gris…et cette cuvée trentenaire pleine d’énergie minérale nous en apporte une preuve magistrale.
Le vin issu du Grand Cru Fustentum semble plus mûr avec sa trame minérale bien enrobée par un jus très généreux…c’est un vin encore très jeune et très gourmand avec un potentiel de garde impressionnant
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Pinot Noir F 1988 (sans SO2 avant le mise) : fruité jeune et très charmeur au nez, jus équilibré et très sensuel en bouche, tanins souples et finale étirée.

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Pinot Noir F 1988 : olfaction discrète et complexe, matière plus dense et plus serrée en bouche, équilibre tendu, finale longue et bien sapide.

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Je ne suis pas un grand fan des pinots noirs alsaciens de ce millésime, souvent trop austères à mon goût, mais je suis quand même bluffé par la belle prestation de ces 2 cuvées issues du coteau du Furstentum : la version non-sulfitée exprime un fruit d’une remarquable pureté et la cuvée traditionnelle révèle une tenue ultra-classieuse en bouche…deux vins très différents très agréables à siroter.

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Ultime descente dans l’oenothèque Blanck…

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…pour choisir la dernière série de 88.

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On prend celle-ci ?

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Où celle-là ?

Pour terminer cette superbe série, Philippe Blanck revient de son œnothèque avec 3 demi-bouteilles de Sélection de Grains Nobles « mystère » …même pour lui d’ailleurs puisqu’il avoue ne pas avoir pu identifier formellement ces flacons

Bouteille 1 (millésime 1988) : nez raffiné et très complexe, fruits blancs confits, miel, fines touches épicées, liqueur concentrée en bouche, équilibre voluptueux.
Je pense à un Pinot Gris…mais pourquoi pas un gewurztraminer ?

Bouteille 2 (millésime 1988) : nez ouvert et flatteur, notes de mirabelle bien mûre (peut-être même de tarte aux mirabelles) sur un fond légèrement fumé, jus riche et consistant mais structure plus élancée, finale très suave.
Pour cette bouteille je serai un peu plus affirmatif en proposant un pinot gris…mais là aussi, pas de certitude absolue.

Bouteille 3 (millésime 1986) : nez épanoui et racé, fruité bien mûr et épices douces, matière dense et gourmande, structure puissante, finale réglissée relevée par quelques beaux amers.
Les épices au nez et surtout les amers et la réglisse en finale m’ont rapidement orienté vers un gewurztraminer…et je crois que j’ai eu raison.

Ces 3 demi-bouteilles surprise se sont goûtées remarquablement bien tout en suscitant un beau débat sur leur identité…d’autant plus que Philippe Blanck n’a pu lever l’incertitude que sur la dernière bouteille qui était effectivement un Gewurztraminer SGN 1986 « une année où il y a eu pas mal de botrytis, contrairement à 1988 où les concentrations ont été obtenues par passerillage ».

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Les 3 bouteilles « mystère » du jour.


Bon, tous ces « efforts » ont fini par me donner faim…et si nous passions à table !


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Dégorgement en direct d’une bouteille de crémant 86…juste pour se rafraîchir le palais avant le déjeuner.

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Il est grand temps de se restaurer…

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…mais le « bar » du domaine Blanck reste ouvert pendant le déjeuner.

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Allez, une ultime trouvaille remontée de l’oenothèque par Philippe Blanck…on recule d’une décennie pour accompagner notre repas !


Après le pique-nique, Philippe Blanck invite ses visiteurs du jour à une promenade digestive sur le Schlossberg, histoire de découvrir in-situ les grands terroirs de Kientzheim.

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La grande faille vosgienne vue de Kientzheim

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Le coteau du Furstentum…

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…et celui du Schlossberg

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Petite leçon de géologie par Philippe Blanck…on parle de plaques tectoniques !

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Notre objectif est en vue : le coteau du Kirrenbourg dans la partie nord du Grand Cru Schlossberg.

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La colline du « Bix » dans la partie centrale du Grand Cru, une résurgence de lave granitique dont on retrouve l’origine sur le Gloeckelberg (un coteau classé Grand Cru situé 30 km plus au nord)

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Le coteau du Kirrenbourg vu de plus près…

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…et c’est parti pour la grimpette vers le sommet !

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Les terrasses sur le Kirrenbourg

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Une parcelle du domaine Blanck dans un environnement un peu « sauvage »

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Le sol du Kirrenbourg : du granit détritique particulièrement friable

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Les murets sur le Kirrenbourg dont certains datent du XII° siècle.

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Arrivée à destination nous profitons d’une vue magnifique sur le vignoble…
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…et d’une dernière intervention de Philippe Blanck sur l’histoire de son domaine illustrée par quelques anecdotes personnelles pleines de sensibilité et d’émotion.

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Retour vers Kientzheim…

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…avec une belle vue sur le château qui est à l’origine du nom de ce Grand Cru.

 

Un soleil radieux, une ambiance conviviale, une promenade à la fois belle et instructive, un vigneron dont la générosité m’étonnera toujours et une série de bouteilles impressionnante à tous niveaux…voilà une journée qui fera date dans ma mémoire d’amateur de vins d’Alsace !
Issus d’une lignée de vignerons dont l’origine remonte au début du XVII° siècle, Frédéric et Philippe Blanck dirigent ensemble ce grand domaine de 36 hectares dont plus d’un tiers se trouvent dans des secteurs classés Grand Cru.
Les vignes sont travaillées sans désherbant, ni pesticide ni engrais chimiques et les vins sont vinifiés avec une précision millimétrée pour qu’ils puissent exprimer leur terroir avec un maximum d’authenticité.
Avec Frédéric qui gère la production (vigne et cave) et Philippe qui s’occupe de la vente et de la communication du domaine, le tandem des cousins Blanck perpétue la mémoire de leurs aînés tout en préparant soigneusement le terrain pour leurs successeurs…dont certains sont déjà actifs au domaine.

J’ai déjà croisé Philippe Blanck à de nombreuses reprises mais je suis toujours aussi impressionné face à son enthousiasme et son envie de partager lorsqu’il rencontre des amateurs de vins d’Alsace.
Aujourd’hui encore, ce vigneron nous à gratifié d’une leçon de culture vinique tout à fait exceptionnelle avec notamment une incroyable série de flacons de 1988 sortis pour l’occasion de la réserve du domaine.

La gamme signée Blanck compte une trentaine de références déclinées en 3 grandes catégories :
- les « vins de fruits » qui expriment l’identité des cépages alsaciens avec une grande finesse
- les « vins de pierre » conçus pour transmettre le message minéral des grands terroirs alsaciens. Le domaine Blanck produit des vins sur 3 lieux-dits (Rosenbourg, Patergarten et Altenbourg) et sur 5 Grands Crus (Sommerberg, Wineck-Schlossberg, Schlossberg, Furstentum et Mambourg).
- les « nectars » où on trouve actuellement 2 cuvées de Vendanges Tardives et 2 cuvées de Sélection de Grains Nobles.

Les vins de ce domaine se reconnaissent par leur profondeur et leur belle tension acide/minérale, deux qualités majeures qui leur confèrent de vraies aptitudes pour la garde…aptitudes confirmées de belle manière par cette remarquable série de vins trentenaires que nous avons eu le plaisir de déguster aujourd’hui !

Mes coups de cœur iront tout d’abord aux 3 cuvées de pinot blanc 88 dont l’élégance et la jeunesse m’ont laissé pantois, mais aussi à l’étonnant gewurztraminer 1988, superbe de raffinement et de gourmandise et au sublime riesling Furstentum 1988…peut-être le plus grand vin de cette série de très haut niveau !

Mille mercis à Philippe Blanck et tous ceux qui ont œuvré pour nous permettre de passer cette magnifique journée.


NB : si vous voulez lire les commentaires de Stéphane : CLIC.

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