Dîner à la Taverne Alsacienne autour des grands vins issus des millésimes en 9

Comme chaque année, Thierry Meyer a organisé un dîner spécial « Oenothèque Alsace » au restaurant « La Taverne Alsacienne » à Ingersheim et en cette fin d’automne 2019, il a choisi de mettre en lumière les vins des millésimes en « 9 »...histoire de vérifier comment se portent nos grands crus alsaciens après 10, 20, 30, 40 et même 60 ans !
Avec des bouteilles sélectionnées par l’un des plus éminents spécialistes des vins d’Alsace et des plats préparés par un chef qui les connait et les aime, les ingrédients essentiels pour un dîner pleinement réussi sont réunis…il n’y a plus à hésiter, hoppla c’est parti !

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La douzaine de convives qui vont avoir le privilège de déguster les plats préparés par la famille Guggenbuhl et les vins sélectionnés par Thierry Meyer

Pour l’apéritif :

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Verrine aux champignons, verrine foie gras sur figue et petites bouchées au poisson.

Sylvaner Rosenberg-Vieilles Vignes 2009 – Domaine Barmès-Buecher : nez discret mais bien complexe sur les fruits blancs frais, le citrons et les fleurs des prés, bouche ample et charnue, finale tendue et appétante.

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Muscat Grande Réserve 1959 – Domaine Gustave Lorentz : nez expressif et envoûtant, notes de chlorophylle et de noisette grillée, bouche très suave, équilibre aérien, finale persistante rafraîchie par une délicate amertume.

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Avec un sylvaner magnifique qui a développé un jus riche et consistant tout en restant sapide et digeste et un muscat de 60 ans, dont la beauté m’a presque tiré une larme, cette soirée gourmande commence de la plus belle façon qui soit…je crois qu’on va se régaler !

En termes d’accords ce fut un peu plus compliqué pour ces vénérables flacons :
- les bouchées au poisson n’ont inspiré ni le sylvaner ni le muscat,
- la verrine très onctueuse à base de foie gras a un peu écrasé le muscat mais le sylvaner, plus jeune et plus généreux, a bien aimé cette rencontre toute en douceur,
- le velouté aux arômes forestiers a permis une rencontre pleine d’harmonie et de suavité aussi bien avec le sylvaner qu’avec le muscat.


Petit intermède vinique :

Riesling Les Murailles 1979 – Domaine du Château de Riquewihr – Dopff & Irion : nez sur le miel et la poudre à canon sur un fond végétal, vif et droit en bouche mais la matière semble très légère, finale fraîche avec un retour aromatique sur l’allumette craquée.

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Malgré une expression aromatique encore assez fraîche, ce riesling semble avoir bien entamé sa phase de déclin et déçoit un peu par son manque de fond…une bouteille « pédagogique » proposées par Thierry pour nous rappeler que tous les vins ne vivent pas forcément le grand âge de la même façon.


Premier plat : le cabillaud de Bretagne, ail noir, coulis de potimarron et jambon séché.

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Riesling Grand Cru Osterberg 2009 – Domaine Louis Sipp : expression aromatique très suave, notes de fruits blancs mûrs et de miel de châtaigne, jus assez corsé en bouche mais équilibre très droit, acidité large, salinité marquée et léger grip tannique qui donne de l’allonge et de la sapidité à la finale.

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Riesling Hengst-Vendanges du 28 novembre 1979 – Domaine Josmeyer : olfaction discrète mais raffinée, notes d’herbes à tisane (verveine, mélisse) et de citronnelle, bouche longiligne, structure puissante mais équilibre bien frais, finale assez pointue, présence saline sensible et fines touches grillées.

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Après 10 ans de garde, le riesling de l’Osterberg semble être entré dans sa phase de plénitude et donne une belle impression d’harmonie entre la richesse issue du millésime et la force expressive de ce terroir marno-calcaro-gréseux de Ribeauvillé.
Avec 30 ans de bouteille en plus, la cuvée du domaine Josmeyer vendangée très tard mais vinifiée en sec – c’est l’ancêtre de la cuvée « Samain » – a métamorphosé sa fougue initiale en force tranquille pour inspirer l’admiration et le respect.

En termes d’accords, l’Osterberg a parfaitement accompagné les arômes marins et fumés de cette superbe assiette de poisson pour terminer en beauté en laissant persister un joli sillage citronné et grillé en finale.
L’expression aromatique du riesling de Josmeyer a gagné en intensité au contact des saveurs complexes de cette préparation mais j’ai moins apprécié la finale marquée par des effluves iodés que je n’arrive toujours pas à aimer...dommage !


Deuxième plat : risotto de homard et cèpes, jus de homard.

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Gewurztraminer Grand Cru Rangen de Thann 1999 – Domaine Zind-Humbrecht : nez expressif et suave avec de belles notes de rose sur un fond grillé/fumé, bouche puissante mais d’une parfaite élégance, finale très longue avec un magnifique sillage torréfié et minéral.

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Riesling Clos Sainte Hune V.T. 1989 – Domaine Trimbach : olfaction intense et mûre, notes de caramel et de miel de fleurs sur un fond légèrement fumé, matière ample et très consistante, équilibre pratiquement sec, belle présence saline, finale sapide avec un retour aromatique très charmeur sur l’orange confite et les épices douces.

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Avec respectivement 20 et 30 ans au compteur, les deux grosses cylindrées de cette soirée sont au niveau attendu avec un gewurztraminer du Rangen dont la finesse de l’expression aromatique et la perfection de l’équilibre, nous rappellent que ce Grand Cru volcanique est un terroir béni pour ce cépage et cette cuvée rare du Clos Sainte Hune qui nous avait déjà subjugués lors d’une précédente dégustation avec l’Oenothèque Alsace et qui me semble encore avoir gagné en classe et en puissance.

Pour donner la réplique à ces deux « stars », le chef de la « Taverne Alsacienne » n’a pas lésiné en nous proposant une association assez « explosive » entre le homard et un jus de cèpes bien corsé sur un risotto moelleux à souhait.
Le gewurztraminer du Rangen accompagne joliment le plat durant quelques instants avant de céder en finale en laissant le monopole aromatique au homard et à sa sauce tout en révélant un petit excès de chaleur alcoolique.
Le riesling du Clos Sainte Hune affirme une fois encore son potentiel gastronomique en se mariant à la perfection avec le plat : il soutient facilement le défi de l’aromatique tout en gagnant en volume et en caractère…un grand plat et un grand vin pour un accord somptueux !

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Sainte Hune à gauche et Rangen à droite…une doublette d’anthologie.


Troisième plat : sélection de fromages de Jacky Quesnot

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Comté vieux, Selles sur Cher, Brebis des Pyrénées et Brie

Pinot Noir Clos Saint Landelin 2009 – Domaine Muré : nez assez évolué, palette dominée par des arômes tertiaires et fumés, notes de fruits rouges mûrs en filigrane, matière dense et charpente bien solide, tannins mordants, finale sèche et austère.

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Riesling Grand Cru Mambourg 1999 – Domaine Marc Tempé : olfaction subtile et raffinée, notes de céréales et de zestes d’agrumes sur un fond légèrement fumé, bouche généreuse, équilibre parfaitement digeste, finale appétante avec un très long sillage fumé/torréfié.

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Né sur l’un des plus grands terroirs à pinot noir du vignoble alsacien (le Vorbourg) et dans un millésime chaud et à priori propice à ce cépage, le vin du domaine Muré ne s’est pas trop bien goûté ce soir : une aromatique un peu fatiguée et une expression austère et serré en bouche...bref, je suis passé à côté de ce vin !
A côté de ce vin rouge très viril, le riesling du Mambourg nous gratifié d’une caresse papillaire absolument magnifique : un grand vin à parfaite maturité avec une expression aromatique classieuse et une présence en bouche alliant profondeur et élégance.

Comme toujours, les fromages affinés à la perfection par maître Quesnot se sont dégustés avec bonheur – même par un  convive déjà presque rassasié par les plats précédents – en revanche je n’ai pas trouvé d’accord vraiment convaincant avec les vins : entre une incompatibilité gustative totale avec le fromage de chèvre ou le brie et mariage sans passion avec le comté, les deux vins ont finalement bien apprécié la présence du fromage de brebis qui a réussi à donner un peu de souplesse et de la gourmandise au pinot noir.


Le dessert : torche aux marrons au coulis d’églantine

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Le péché mignon de Maître Thierry

Gewurztraminer Grand Cru Goldert V.T. 1989 – Domaine Zind-Humbrecht : nez flatteur et complexe, notes de raisin de Corinthe, de sous bois et d’épices orientales, jus opulent et suave qui enrobe une acidité bien centrée, finale très sapide avec un équilibre quasiment sec et de belles rémanences poivrées.

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Traminer Grande Réserve Exceptionnelle 1959 – Domaine Léon Beyer : nez assez frais – presque « jeune » – sur le froment, les fleurs séchées et les épices douces, bouche ample, équilibre bien droit, finale fraîche et digeste avec un beau sillage sur les fruits secs et le poivre.

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Voilà deux vins qui montrent qu’un grand gewurztraminer est vraiment capable de se sublimer avec les années.
Certes le vin du domaine Beyer a largement dépassé son pic de forme optimale mais à 60 ans il reste impressionnant de complexité et de fraîcheur.
Avec trente années de moins, le gewurztraminer du Goldert semble se trouver – et probablement pour quelques temps encore – sur son plateau de maturité optimale avec son aromatique très séduisante et son jus opulent qui se goûte pratiquement sec.

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Service en carafe pour l’une des « doyennes » de la soirée.

Ces trois « caresses papillaires » proposées au dessert auraient très bien pu se suffire à elles-mêmes mais ce soir on était là pour tester des accords...et face à ce dessert tout en douceur et en onctuosité, le Goldert a laissé parler sa force expressive tout en gardant la main en finale pour laisser persister une belle impression de fraîcheur alors que le Traminer a réagi de façon assez contrastée : une belle harmonie sur la plan aromatique avec la crème de marrons mais une rencontre problématique en bouche où on retrouve un vin écrasé et durci par la douceur de cette préparation.


Pour mettre un point final à ce repas d’exception Philippe Blanck nous a réservé une petite surprise en débouchant une demi-bouteille de Riesling Grand Cru Furstentum S.G.N.1989 : une aromatique expressive et complexe sur le raisin de Corinthe, le miel de fleurs et les épices douces, une matière ultra-concentrée équilibrée par une acidité bien vive, une finale ciselée, presque pointue, avec un sillage interminable sur les épices.

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Un riesling rentré en cave à 249 Oechslé (selon Philippe Blanck) qui commence sa phase de plénitude et qui m’a vraiment mis à genou par la beauté de son expression aromatique et la tonicité de sa structure en bouche…un MIAM admiratif pour mettre un point final à une superbe expérience gustative !


Une fois encore, l’association entre Thierry Meyer et la famille Guggenbuhl nous a permis de vivre une expérience gastronomique exceptionnelle autour de quelques grandes bouteilles de vins d’Alsace.

Même si depuis 1959, les millésimes alsaciens en 9 sont catégorisés comme des « millésimes chauds », les vins servis ce soir ont prouvé que chaleur ne rimait pas forcément avec richesse excessive.

Certes il fallait choisir des vins bien nés et bien travaillés sans oublier de leur accorder le temps nécessaire pour qu’ils atteignent cette plénitude et cette harmonie qui leur donnent un potentiel gastronomique pratiquement inégalable
Grâce à la virtuosité des Guggenbuhl au piano et à une incroyable série de vins sélectionnés par maître Thierry, ce nouveau repas sous l’égide de l’Oenothèque Alsace nous a offert un magnifique récital gourmand.

Pour faire court : on a bu de grands vins, on a dégusté des mets savoureux et on a pu apprécier de fabuleux mariages gastronomiques

Pour faire encore plus court : on s’est vraiment régalés !

Mille mercis à tous ceux qui ont œuvré pour la réussite de ce dîner.

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Les vedettes de la soirée…un casting mémorable !


Si vous avez envie de poursuivre cette dégustation je vous invite à aller consulter les articles de Thierry ou de Stéphane.

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