Le Steinert selon Jean-Claude Rieflé

LE STEINERT…

 

C’est en me promenant parmi les stands des vignerons invités à Strasbourg pour la « Présentation des Grands Crus 2009 » que j’ai croisé Jean-Claude Rieflé et que j’ai pu apprécier quelques uns de ses vins dont un superbe riesling issu d’un terroir que je n’avais que très peu goûté jusque là…
La huitième étape de mon tour d’horizon des grands crus alsaciens était toute trouvée : ce sera Pfaffenheim et son fameux Steinert.

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Pas de doute… c’est bien là !

Bien des choses ont déjà été écrites sur ces terroirs et un angle d’approche original et intéressant est à priori difficile à définir…mais je vais quand même essayer de relever le défi.
Je vous propose de me suivre dans mes ballades personnelles avec un peu de théorie (le socle nécessaire à une bonne compréhension), des documents photographiques et surtout des rencontres avec les vignerons qui travaillent dans ces parcelles classées.
Bon, ça je l’avais déjà dit…mais c’est pour les nouveaux.

 

La plus grande partie de ce Grand Cru se trouve sur le ban communal de Pfaffenheim, un beau petit bourg viticole (1300 habitants) situé à quelques kilomètres au sud de Colmar, au bord de la RN 83 qui traverse l’Alsace du nord au sud.

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Comme très souvent en Alsace, ce village d’apparence si paisible a pourtant une longue histoire intimement liée à deux éléments fondamentaux : la religion et la vigne.

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Vue sur Pfaffenheim à partir des pentes du Steinert.

La Table des Druides, un dolmen situé à proximité du village est un vestige dont la présence accrédite les thèses actuelles qui attribuent des origines celtes à Pfaffenheim.

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La table des druides

Pfaffenheim doit son nom, Papanheim, puis Pfaphinheim en 1186, Phaffinheim en 1264 ou encore Pfaffinheim en 1278, à cette présence permanente de religieux et d’institutions ecclésiastiques dans son environnement proche : même si l’orthographe change le préfixe Pfaffe est d’origine allemande et signifie prêtre.

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Taillé dans le grès de la fontaine du centre village, le blason de Pfaffenheim : une croix latine sur une demi-sphère, symbole de l’omniprésence de la religion dans l’histoire de cette commune.

A partir du haut Moyen-âge de nombreuses terres et propriétés de Pfaffenheim sont détenues par des institutions religieuses comme le couvent Unterlinden de Colmar, le monastère de Murbach ou l’évêché de Bâle. Par la suite c’est le Haut-Mundat (le Mandat Haut) de l’évêché de Strasbourg qui s’octroie la gestion de ce village en nommant un bailli chargé d’en administrer les biens.
Durant le moyen-âge, bien que fortifiée, cette citée prospère fut mise à sac à plusieurs reprises : qui dit richesse, dit convoitise et Pfaffenheim a payé chèrement cette prodigalité de la nature. Le village fut détruit à quatre reprises entre le XIV° et le XVII° siècle, si bien que, malgré la richesse de son histoire, Pfaffenheim ne dispose que de très peut de vestiges de son passé : les 3 châteaux qu’il y avait dans le village au XV° siècle ont tous disparus sans laisser de traces.
A la fin du XVII° siècle Vauban fit creuser un canal entre Pfaffenheim et Neuf-Brisach pour acheminer les matériaux nécessaires à la fortification de cette cité : le calcaire pour la pierre de taille et la chaux, le grès et même le bois qui ont servi à transformer Neuf-Brisach en place forte imprenable provenaient en grande partie des environs de Pfaffenheim, notamment de la montagne de Hohenberg.

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Sur le Hohenberg, les anciennes carrières de grès où la nature a repris ses droits.

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La carrière de calcaire du Schiffweier, où débutait le canal vers Neuf-Brisach

Mais la richesse première de Pfaffenheim a de tous temps été liée à la vigne, qui occupe aujourd’hui encore la plus grande partie des terres de la région et qui constitue l’activité principale de plus d’un tiers des habitants de ce village.

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Pfaffenheim…île perdue dans une mer de vignes.

Pfaffenheim possède plusieurs monuments et sites historiques remarquables :

- l’église Saint Martin dont le chœur datant du XII° siècle constitue une référence architecturale de la transition roman-gothique en Alsace.

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L’église Saint Martin et son chœur du XII° siècle.

- le pèlerinage du Schauenberg, une chapelle fondée au XV° siècle sur un des nombreux haut-lieux vibratoires du massif vosgien, qui fut restaurée à partir de 1860 et qui accueille de plus en plus de visiteurs et de pèlerins.

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La chapelle du Schauenberg au loin, dans la forêt au dessus du vignoble.

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A proximité de la Chapelle de N.D. du Schauenberg : la montée est sévère mais la vue sur la plaine d’Alsace est belle (les initiés auront reconnu le coteau du Hatschbourg au loin).


Dans le village, le promeneur curieux pourra admirer les nombreuses maisons typiques de vignerons, dont certaines datent de la Renaissance.

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Anciennes maisons vigneronnes, au centre du village.

Aux alentours, le promeneur plus sportif pourra se faire plaisir en arpentant les multiples sentiers balisés par le Club Vosgien.

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Sur le sentier des calvaires, des écoliers nullement impressionnés par le « Teufelstein », un rocher où le diable aurait laissé des traces de griffes…

Le promeneur oenophile aura la possibilité de découvrir le vignoble de Pfaffenheim en empruntant son sentier viticole (autour du Grand Cru) et en se rendant dans l’un des nombreux caveaux de dégustation tenus par des vignerons indépendants ou dans la belle Cave Coopérative qui a longuement œuvré pour la défense des vins de cette région.

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Le sentier viticole en haut du Steinert.

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Exemplaire et incontournable, la cave coopérative.

 

Le Grand Cru Steinert se situe sur les flancs du Schauenberg au milieu d’un paysage viticole où les lieux-dits réputés rivalisent de qualité.
Situées au sud du ban communal de Pfaffenheim les vignes du Steinert couvrent une surface totale de 38,9 hectares entre 245 et 348 mètres d’altitude.

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Les parcelles sont orientées sud/sud-est et sont les plus abruptes du vignoble de cette commune. Elles s’organisent en paliers successifs en suivant les saillies calcaires de cette pente escarpée et très pierreuse. Le nom du grand cru fait directement référence à cette présence de pierres dans le sol : Steinert vient de l’allemand Stein qui se traduit par pierre.

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Des parcelles dans la partie basse du Steinert

Sur le plan géologique ce Grand Cru fait partie de la famille des terroirs calcaires, avec des sols secs, filtrants et très homogènes. La roche mère est composée de calcaire jaune oolithique du Dogger. Une matrice argileuse recouverte d’éboulis pierreux, dont l’épaisseur varie en fonction de la situation des parcelles, constitue la couche superficielle du Grand Cru : le calcaire affleure à certains endroits en haut du Steinert alors qu’on trouve plus d’agile et plus de pierres dans les parcelles en bas du coteau.
Serge Dubs identifie le Steinert comme « l’un des terroirs alsaciens le plus proche des grands terroirs à blanc de Bourgogne ».

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Un pied de vigne sur une parcelle du bas du Steinert : beaucoup de cailloux et de l’argile

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Un pied de vigne sur en haut du Steinert : la roche mère dégradée en fragments de calcaire.

La vigne pousse sur des sols raides et caillouteux mais bien exposés : orientées vers l’est les parcelles Steinert profitent des premiers rayons du soleil matinal et la chaleur accumulée dans les éboulis pierreux assure ensuite une maturation homogène des raisins jusqu’à la tombée du jour.

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Une parcelle dans le haut du secteur sud du Grand Cru

Sur le plan historique, la qualité du Steinert est repérée et reconnue dès le XII° siècle : à croire que les puissantes forces telluriques ressenties sur la montagne du Schauenberg et l’énergie mystérieuse de ces pierres du Steinert ont constitué un pôle d’attraction pour les vignerons de cette époque. Par la suite, les abbayes de Lautenbach, de Colmar, ou de Bâle, les chevaliers teutoniques de Rouffach et les princes évêques de Strasbourg y ont revendiqué des possessions et s’enorgueillissaient  de pouvoir servir à leur table les vins puissants et capiteux produits sur ce coteau.   
Depuis ce temps  jusqu’à nos jours, la viticulture s’est toujours maintenue comme activité principale à Pfaffenheim, si bien qu’avec ses 300 hectares de vignes cultivées, ce village figure aujourd’hui parmi le peloton de tête des communes viticoles alsaciennes. Une belle leçon de persévérance !

Au niveau de la viticulture, le Steinert est d’abord renommé pour sa capacité à produire des vins de grande qualité avec une régularité surprenante. La géologie et le microclimat particulier  de ce Grand Cru offrent aux vignerons consciencieux, la possibilité de réussir leurs vins dans chaque millésime.
Le gewurztraminer et le pinot gris sont encore dominants sur le Steinert mais le riesling gagne de la surface depuis quelques années : ce cépage que les anciens déconseillaient sur ce terroir a montré durant ces dernières décennies qu’il pouvait générer des vins de dentelle, à la pureté cristalline capables de se hisser à la hauteur des plus grands.
Les pratiques culturales semblent relativement homogènes, l’enherbement est généralisé mais le travail du sol est encore très différent d’une parcelle à l’autre.

  
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L’herbe est présente partout mais le travail du sol varie d’une parcelle à l’autre

Pour optimiser l’équilibre hydrique de la plante et permettre l’assimilation des substances minérales sur ce terroir chaud et très pauvre, les vignerons ont choisi de privilégier des porte-greffe peu vigoureux et peu productifs, résistants au calcaire actif et à la sècheresse. Comme pour tout grand vin, la réussite passe d’abord par des choix judicieux de pratiques viticoles et par un contrôle sévère des rendements. Les maturités doivent être dosées avec justesse car comme l’affirme Michaël Moltes « il faut éviter que le sucre se concentre et gomme la minéralité dans le gras et la puissance accumulée dans la pulpe ».
Pour les vignerons du Steinert la position est claire : dans un Grand Cru, la fidélité au terroir implique la conception de vins de pierre plutôt que de vins de fruits.

Les vins du Steinert jouent souvent sur le registre de la finesse et demandent quelques années de garde pour dompter quelque peu l’énergie de leur jeunesse souvent tumultueuse.
Les rieslings sont frais et floraux, les gewurztraminer ont une palette aromatique complexe et les pinots gris ont une structure dense et grasse qui peut faire penser à celle d’un grand blanc de Bourgogne, surtout après quelques années de vieillissement.

Est-ce ici que je vais me rabibocher avec les vins de ce cépage ???

 

…SELON JEAN CLAUDE RIEFLE

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La famille Rieflé est très profondément enracinée en Alsace : la maison de vigneron datant de 1609 et située au centre de Pfaffenheim est encore habitée par les parents de Jean Claude Rieflé.
La tradition viticole établie depuis 1850 s’est poursuivie jusqu’à nos jours pour aboutir à cette structure moderne et performante située à l’extrême sud du village, au pied du Grand Cru Steinert.

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Le domaine Rieflé au pied du coteau du Steinert

Jean Claude me reçoit dans le magnifique caveau de dégustation du domaine et se prête avec franchise et pertinence au jeu des questions-réponses sur le sujet du jour.

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Le caveau du domaine Rieflé, chaleur et convivialité.


Comment définir ce terroir ?

« Le Steinert est un terroir très chaud, très sec, solaire », exposé de façon très homogène à l’est et protégé des phénomènes aérologiques par le double verrou du Schauenberg et du massif vosgien. La roche mère est constituée de calcaire oolithique très dur et la couche arable argileuse est mélangée à de nombreux fragments calcaires, d’où le nom « Steinert » qu’on peut traduire par « pierrier ».


Quels sont les cépages les mieux adaptés ?

« Le gewurztraminer et le pinot gris sont les alliés naturels de ce type de terroir, ils dominent aujourd’hui encore sur ce Grand Cru ». Il y a un peu de muscat (« Pierre Frick y cultive une parcelle ») et le riesling se révèle de plus en plus comme un excellent révélateur du Steinert : « la générosité issue du terroir et la trame acide du cépage peuvent s’associer pour construire un grand vin ».
Ceci dit, Jean Claude Rieflé n’hésite pas à le prôner haut et fort : « Le Steinert est avant tout un terroir propice aux assemblages »… un choix revendiqué et assumé par les membres de la Gestion Locale du Grand Cru, qui n’ont pas hésité à proposer cette pratique dans leur document sur la spécificité du Steinert. On y préconise un assemblage sur moût comprenant au minimum 50% de Gewurztraminer ou de pinot gris.


Quels caractères spécifiques ce terroir transmet-il aux vins ?

« Les vins du Steinert sont puissants, massifs, très riches et rarement secs », les raisins botrytisent très peu mais la surmaturité est très fréquente sur ce coteau. L’acidité est moyenne mais le calcaire apporte une belle fraîcheur à tous les cépages. Le profil aromatique est épanoui et complexe avec des notes fruitées, fleuries et légèrement épicées. « Si on devait définir un marqueur, ce serait la présence d’arômes mentholés qui apparaissent très régulièrement sur les rieslings et les gewurztraminers ».


Quelles perspectives pour ce terroir ?

Il y a la Cave Coopérative et 3 domaines (Frick, Moltès et Rieflé) qui se sentent vraiment concernés par la promotion du Grand Cru… c’est peu, mais pas surprenant lorsqu’on sait que plus de la moitié des parcelles du Steinert ne sont pas revendiquées pour l’appellation Alsace Grand Cru.
La Gestion Locale du Steinert (comme le syndicat viticole de Pfaffenheim d’ailleurs) fonctionne grâce à la motivation de ce petit groupe de vignerons convaincus de la qualité de ce terroir. Les caractéristiques spécifiques des vins issus du Grand Cru ont été définies et la nécessité de privilégier les assemblages est clairement évoquée sur le document de synthèse.
« Dans très peu de temps on trouvera sur le marché des rieslings du Languedoc ou d’ailleurs à 1euro50 la bouteille…nous ne pourrons plus communiquer sur le cépage »
« Nos terroirs ne sont pas délocalisables, ce sont les éléments fondamentaux qui nous permettrons d’affirmer l’identité de nos vins à l’avenir ».
Voici une position tranchée qui ne manquera pas d’alimenter la polémique dans le vignoble alsacien !


Les vins du domaine : quelle conception ?

Le domaine Rieflé dispose de 8,5 hectares de vignes en propriété propre mais la surface totale en production est presque triplée lorsqu’on prend en compte une activité de négoce. Pour augmenter son volume et sa gamme de vins Jean Claude Rieflé achète le raisin, pour l’essentiel chez le cousin qui a hérité d’une partie importante du domaine familial lors de la séparation de biens en 2003.
« Je produis des vins issus de parcelles que je connais très bien »
Sur le Steinert le domaine possède 2 ha plantés de 45% de pinot gris, 45% de riesling et 10% de gewurztraminer.

Au niveau des vignes, c’est le fils Thomas, 21 ans, qui assume la responsabilité de chef de culture.
Formé au domaine Schlumberger et sensibilisé aux méthodes biologiques et bio-dynamiques, ce jeune homme est bien décidé à faire évoluer sa viticulture dans ce sens. La récente acquisition d’une machine inter-ceps permettra le passage progressif au travail intégral du sol et la fin de l’utilisation d’herbicides au niveau du cavaillon. Jean Claude Rieflé approuve tout en gardant les pieds sur terre : « le bio est devenu un argument de communication c’est indéniable, mais il faut reconnaître que les vins produits avec ces méthodes sont souvent plus purs et plus proches de leur terroirs ».
« Ceci dit, il ne faut rien précipiter, il y a des méthodes de travail à changer, des coûts en temps et en matériel à assumer et une clientèle à éduquer ».
Pour l’heure, les parcelles sont enherbées et labourées 1 rang sur 2, avec une densité de plantation 4500 pieds/ha. Les vendanges s’étalent sur 5 semaines et se terminent par les parcelles du Grand Cru avec des maturités généralement très fortes. Les raisins arrivent entiers au pressoir et passent si nécessaire sur table de tri « J’ai acheté cet outil après 2006 (étonnant !)…depuis elle n’a servi que pour les pinots noirs »

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Le pressoir et la table de tri

Les vinifications sont traditionnelles en foudres bois où en cuve inox ; le choix du contenant se fait en fonction du volume « le Grand Cru se retrouve souvent dans les foudres pour des raisons pratiques (les volumes correspondent), car même si personnellement j’aime le bois, je suis persuadé que pour réussir un bon vin, le contenant n’a que peu d’importance, c’est la qualité des raisins qui est déterminante ».

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La cave à foudres du domaine en pleine opération de nettoyage-détartrage.

Les fermentations malo-lactiques se font sur certaines cuvées : « souvent sur les pinots gris du Steinert, mais cela ne pose aucun problème ».
Les vins du Grand Cru et des Côtes de Rouffach sont élevés sur lies fines avec 2 à 3 remontages, jusqu’au mois d’avril : « la présence de SR dans la plupart de nos vins nous imposent des mises assez précoces ».

Le domaine produit 270000 bouteilles par an et exporte plus de 60% de ses vins principalement au Canada, dans les pays nordiques mais également au Japon, aux Etats Unis… c’est d’ailleurs, avec la Cave Coopérative, le plus gros exportateur de Grand Cru Steinert dans le monde. Une belle référence !

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Le Domaine Rieflé, vu du Steinert.


Et dans le verre ça donne quoi ?

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Riesling Steinert 2007 : le nez est pur et très élégant avec des notes de citron et de chlorophylle, en bouche, l’attaque est pointue, l’acidité est franche et très longue avec une matière riche et concentrée. La finale possède une grande salinité et une longueur étonnante.
Une olfaction discrète qui contraste avec une structure très puissante mais très bien équilibrée. Une très belle réussite !

Riesling Steinert 2006 : le nez est ouvert et expressif sur les fruits blancs et le sucre de candi, la bouche est séduisante avec une acidité bien enrobée par une matière riche qui laisse une belle impression de gras, la finale est longue te saline.
Une belle pureté et une structure opulente sur un millésime difficile. Bravo !

Gewurztraminer Steinert 2007 : le nez est suave sur la rose et les épices, la bouche est onctueuse, grasse et opulente et la finale poivrée et mentholée laisse une belle impression de fraîcheur.
Un cépage généreux, un terroir solaire et une année chaude…personne ne sera surpris par la richesse de ce vin mais son équilibre en bluffera plus d’un.

Pinot Gris Steinert 2008 : le nez est aérien et d’une grande pureté avec un fruité délicat, la bouche est opulente avec beaucoup de gras et un fumé qui s’impose progressivement. La finale est longue et puissamment saline.
Un très beau cru dans la force de la jeunesse et avec de très belles perspectives d’avenir. Une quille à mettre en cave pour célébrer la prochaine décennie.

Pinot Gris Steinert 2007 : le nez est ouvert, intense et d’une belle complexité, maturité et fruité livrent des notes de fruits exotiques et de miel, la bouche possède une matière riche (56 g de SR) mais l’équilibre reste tonique grâce à une acidité bien présente (7g) qui s’installe progressivement pour soutenir cette structure puissante jusque vers cette finale très longue que l’extrême salinité rend presque tannique.
Un Steinert archétypique avec sa richesse et sa puissance hors normes. Issu de raisins très mûrs sans botrytis (mais avec un passerillage sur beaucoup de grappes) ce vin impressionne par son équilibre et son énergie. Une belle claque !

Pinot Gris Steinert 2005 : le nez est très gourmand avec des arômes de fruits jaunes (abricot frais notamment), la matière est d’une rondeur bonhomme, la palette suave et élégante flatte le palais et la finale fumée et très minérale nous rappelle le cépage et la race du terroir.
Un Steinert qui a atteint sa vitesse de croisière, comme le suggère J.C. Rieflé, après la fougue peu commune du 2007, voici un cru apaisé plein de classe et de race.

Cuvée S 2008 : le nez est subtil et complexe avec des notes florales et légèrement citronnées, la bouche possède une matière généreuse et charnue, peut-être encore un peu déstructurée, la finale est belle, tendue et fraîche, elle possède une longueur aromatique qui révèle la noblesse de l’extraction.
45% de pinot gris, 45% de riesling et 10% de gewurztraminer issus du Grand Cru et assemblés sur moût pour ce vin en devenir (mieux goûté l’automne dernier à Strasbourg) dont les caractéristiques révèlent le potentiel d’un très grand vin. Une sorte d’acte fondateur et militant de J.C. Rieflé pour la typicité du Steinert..

Côte de Rouffach 2008 : le nez est subtil, sur un registre floral, la bouche est tendue avec un caractère très viril, la finale est belle et révèle des notes de citron et un fumé délicat.
Un assemblage de 45% de pinot gris, 35% de riesling et 20% de gewurztraminer vendangés sur des parcelles situées sous le Grand Cru, révélant un très beau potentiel : la belle acidité caractéristique de ce millésime et la matière riche issue du terroir… tout ce qui faut pour réaliser un grand vin.

Pinot Noir Côte de Rouffach 2008 : le nez séduit d’emblée avec de belles notes de fruits rouges et un léger fumé, la bouche est superbement structurée avec toujours beaucoup de fruit, des tannins fins et serrés et une finale très fraîche.
Issu d’un coteau calcaire et caillouteux entre Pfaffenheim et Rouffach, dans le prolongement du Steinert mais orienté au nord, ce pinot noir,repéré récemment par la RVF, est simplement splendide.

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Pour conclure, un petit bilan sur cette huitième expérience de visite approfondie d’un terroir Grand Cru (attention je risque de me répéter…) :
-    Une fois de plus, j’ai pu vérifier que la convivialité et la disponibilité des vignerons alsaciens ne sont pas une légende.
Encore mille mercis à Jean Claude Rieflé pour son accueil.
-    J’ ai renforcé ma conviction qu’une bonne compréhension d’un vin passe évidemment par la dégustation mais s’enrichit considérablement si on fait la démarche d’aller sur place, sentir l’énergie des terroirs où il naît et rencontrer les gens qui le conçoivent…je ne boirai plus jamais des Steinert comme avant !
-    Le Steinert est un terroir qui génère des vins extrêmement puissants : la matière première est souvent d’une grande richesse mais la minéralité de ce sol calcaire s’exprime toujours assez fort pour ne pas nous faire oublier que nous évoluons dans la cour des grands. Sur les pentes du Steinert, le gewurztraminer se trouve dans sont milieu naturel et peut laisser libre cours à sa nature fantasque, le riesling n’est encore qu’un jeune pensionnaire mais il commence à justifier pleinement sa place. Le pinot gris qui, je le reconnais volontiers, ne m’intéresse plus trop depuis quelques temps, trouve sur ce Grand Cru un éclat et une complexité que je ne rencontre que très rarement.
-    Jean Claude Rieflé est un vigneron accueillant et volubile qui aime et connaît bien son Grand Cru et qui ne ménage pas ses efforts pour communiquer sur les qualités exceptionnelles du Steinert. Il aime parler de son travail et de ses vins et se pose en ambassadeur de luxe pour Pfaffenheim et son terroir classé.
Cette belle entreprise familiale ancrée dans une longue tradition vigneronne mais recherchant sans cesse le progrès dans leurs méthodes de travail et dans l’élaboration de leurs cuvées fera dorénavant partie de ma (longue) liste de très bonnes adresses alsaciennes.
A bientôt pour le N° 9 !

 

Première publication de cet article : 2010

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