Petites étapes viniques entre Strasbourg et Paris - Visite au château de Vaux

 

Comme l’année passée à la même période, j’ai été sollicité par le fiston pour l’aider à effectuer son déménagement de Paris vers Strasbourg et, comme l’année passée, je n’ai pas résisté au plaisir de planifier quelques escapades œnophiles sur la route entre l’Alsace et la capitale…on ne se refait pas !

La première halte se fera sur les bords de la Moselle à quelques kilomètres de Metz pour découvrir les vins du Château de Vaux et la suite de mon petit périple me conduira en terre champenoise dans un secteur situé entre la Côte des Blancs et le Sézannais avec deux visites inédites : le domaine Yveline Prat à Vert-Toulon et le domaine Yves Jacques à Baye.
Hoppla, c’est parti !

 

Visite au Château de Vaux à Vaux

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Le Proviseur qui dirige notre lycée à l’heure actuelle est un amateur de bonnes bouteilles – surtout des blancs d’ailleurs – et lorsque nous nous croisons dans les couloirs de l’établissement nous ne manquons jamais d’échanger quelques mots pour évoquer notre passion commune.
C’est au cours de l’une de ces discussions que j’ai entendu parler pour la première fois des vins de la Moselle française et du Château de Vaux, le domaine porte-drapeau de ce vignoble renaissant.
Malgré plus de trois décennies de vadrouille dans les régions viticoles françaises, j’ai pu me rendre compte que ma culture vinique était encore très incomplète…et qu’il fallait réagir d’urgence pour combler cette lacune mise en évidence par mon boss.
Allez, c’est parti en direction de Metz pour une première visite dans le vignoble mosellan !

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L’église de Vaux

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L’entrée du Château de Vaux

Situé au centre d’un village qui borde un méandre de la Moselle à une dizaine de kilomètres de Metz, le Château de Vaux est une grande bâtisse datant du XIII°siècle qui abrite les caves de ce domaine viticole dirigé depuis 1999 par Marie-Geneviève et Norbert Molozay.
Cette œnologue de formation et ce « flying vinemaker » ont décidé de s’installer dans ces lieux historiques pour faire revivre cette appellation et remettre en lumière ce terroir dont ils ont très vite identifié le potentiel.

C’est madame Molozay qui m’accueille dans la grande cour du Château de Vaux et qui m’invite à faire une petite visite de la propriété tout en me fournissant de précieuses informations sur l’histoire de son domaine et de l’appellation « Moselle ».

Le vignoble le plus septentrional de France a connu ses heures de gloire sous l’Empire allemand et sa superficie totale a atteint 34000 hectares au XIX° siècle.
Victime des guerres qui ont endeuillé la région au cours du XX° siècle mais aussi du développement industriel qui a largement monopolisé la main-d’œuvre, ce vignoble a décliné pour ne compter plus que 10 hectares de vignes en mesure de produire dans les années 80.
Lorsque le couple Molozay s’est installé au Château de Vaux (en 1999), le vignoble mosellan s’étendait sur une quarantaine d’hectares et leur domaine en exploitait 5,5. En 2006 cette appellation (AOVDQS depuis 1951) occupait 54 hectares mais ce n’est qu’en 2011 que l’A.O.C. (A.O.P.) « Moselle » fut reconnue officiellement.

Ce vignoble se divise en 3 secteurs principaux, le Pays Messin, le Val de Seille et le Val de Sierck et le cahier de charge de l’appellation autorise 8 cépages :
- en blanc, l’auxerrois, le müller-thurgau et le pinot gris peuvent être utilisés pour des cuvées mono-cépage. Dans les cuvées d’assemblage l’auxerrois et le pinot gris doivent rester dominants et peuvent être complétés par le müller-thurgau, le pinot blanc, le gewurztraminer et le riesling.
– en rouge c’est plus simple puisque la loi autorise 2 cépages, le pinot noir qui peut être vinifié seul ou assemblé à du gamay (mais le pinot noir doit rester majoritaire).

A l’heure actuelle, l’appellation « Moselle » représente « 70 hectares de vignes en production et 18 vignerons dont seuls 12 sont professionnels ».

Les vignes du domaine sont conduites en « vignes hautes » (taille Guyot) et la viticulture est certifiée Demeter depuis 2013…une caractéristique qui n’a pas manqué de m’interpeler vu la situation géographique de ce vignoble.
La lutte contre les maladies ne pose pas trop de problèmes mais « il faut suivre la vigne de près pour être très réactif lorsqu’il faut traiter ».
Les difficultés viennent plutôt de la nécessité de gérer l’enherbement « cela demande beaucoup de travail dans les vignes » et le morcellement du patrimoine viticole du domaine ne simplifie pas la chose : « nous avons des parcelles de vignes sur 7 villages ».

Petite visite des installations du domaine :

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L’entrée du caveau

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Le cuvage inox

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La cave à barriques dans une partie « historique » du château…

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…où on trouve les demi-muids en chêne lorrain.

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Un autre chai avec des plafonds plus récents (datant probablement de l’époque allemande du XIX° siècle).

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Le caveau de dégustation

La gamme du domaine compte une bonne quinzaine de références avec des blancs secs, moelleux et effervescents, deux rouges et un rosé…bref, une offre vinique très complète. Allez on goûte !!!

AOC Moselle Les Gryphées 2017 : expression aromatique complexe et séduisante, palette sur les fruits blancs et les fleurs des prés, structure oblongue, équilibre sec, finale ciselée et bien sapide.
(30% auxerrois + 30% pinot gris + 30% müller-thurgau + 10% gewurztraminer – élevage : cuves).

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Les Gryphées est un assemblage de 4 cépages qui révèle une structure bien balancée avec un joli fond vineux et minéral. Ce joli vin qui vient d’être mis en bouteilles s’est montré particulièrement charmeur et gouleyant ce matin et m’a donné une furieuse envie de goûter la suite de la série. MIAM !

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Une parcelle d’auxerrois du Château de Vaux


AOC Moselle Septentrion 2016 : nez très élégant, palette raffinée et complexe, notes de fruits jaunes, d’amande fraîche sur un fond délicatement boisé/vanillé, matière ample, toucher bien gras et équilibre rond, finale tonique avec un sillage minéral et citronné sur un fond un boisé d’une grande finesse.
(60% pinot gris + 20% auxerrois + 20% müller-thurgau – élevage : 100% barriques avec 30% de bois neuf).

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Cette cuvée qui intègre les 3 cépages phares de l’appellation m’a impressionné par la richesse de son jus qui a réussi à assumer un élevage assez ambitieux : le boisé se fond parfaitement dans le fruit pour nous donner une belle impression de plénitude et d’harmonie.


AOC Moselle Maddalena 2015 : nez ouvert et complexe avec des notes fruitées relevées par une fine pointe épicée, matière très gourmande structurée par une ligne acide bien souple, arômes d’abricot frais et de pêche blanche, finale assez riche avec une belle persistance fruitée et épicée.
(100% müller-thurgau – élevage : 100% demi-muids)

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Issu du croisement entre riesling et madeleine royale (un raisin de table), le müller-thurgau est un cépage qui n’est pas forcément réputé pour son aptitude à produire des vins de qualité mais au château de Vaux on oublie très vite cette idée reçue lorsqu’on déguste cette cuvée Maddalena qui brille par sa générosité et sa gourmandise pratiquement irrésistible. MIAM !

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Une parcelle de müller-thurgau du château de Vaux


AOC Moselle Pylae-Pinot Gris 2015 : nez discret, palette complexe avec des notes de noisette fraîche et de fleurs blanches soutenues par quelques nuances anisées et boisées, matière ample et bien vineuse en bouche, acidité fine et bien rectiligne, finale fraîche et longue tenue par une présence saline intense.
(100% pinot gris – élevage : 100% demi-muids neufs en bois de chêne provenant de la forêt de Vaux).

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Née sur un coteau très calcaire situé sur les hauteurs de Vaux – « derrière l’église » t – cette cuvée haut de gamme nous fait entrer dans l’univers des grands vins : une expression aromatique classieuse, un équilibre idéal et une empreinte minérale particulièrement racée.
Je suis impressionné et sous le charme…

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Les vignes de pinot gris de la cuvée Pylae, situées sur un coteau calcaire près du village.


Vin de France Hors Piste – Rixe-Ling 2016 : nez plein de finesse et de fraîcheur, notes de fruits blancs sur un fond légèrement citronné, matière pleine tenue par une acidité très large, finale minérale et bien salivante.
(100% riesling)

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Même s’il fait des merveilles en Moselle allemande, le riesling n’est pas autorisé dans l’appellation « Moselle » française…et pourtant cette belle bouteille de la ligne « Hors Piste » (il y en a 2 autres que je n’ai pas goûtés) nous livre une interprétation originale et très réussie de ce cépage…et dieu sait que je suis assez difficile sur le sujet !!!


AOC Moselle Les Hautes Bassières 2015 : ouvert et séduisant, notes de fruits rouges frais (cerise croquante), de fleurs et d’épices douces, jus très gourmand en bouche, tanins souples et finale bien glissante.
(100% pinot noir – élevage : 100% barriques avec 30% de bois neuf)

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Malgré son élevage très soigné ce pinot noir est une petite bombinette de fruit qui va ravir tout amateur de vin très bien travaillé et facile à aimer : le jus est d’une incroyable gouleyance avec un équilibre frais et tonique qui le rend quasiment irrésistible. MIAM


AOC Moselle Pylae-Pinot Noir 2015 : nez profond et racé, palette empyreumatique (café) et délicatement épicée (vanille, girofle), matière séveuse, trame tannique dense mais soyeuse, sillage long et complexe en finale, violette, épices et nuances minérales (terre humide).
(100% pinot noir – élevage : 100% demi-muids neufs en bois de chêne provenant de la forêt de Vaux).

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A l’instar de la version blanche de cette cuvée, le pinot noir Pylae est issu d’une sélection parcellaire et a été bénéficié d’un élevage de 19 mois en demi-muids.
Ce vin résolument conçu pour une garde conséquente est encore un peu marqué par son séjour sous bois mais la qualité de la matière fruitée ne laisse aucun doute sur son potentiel…patience !

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Une parcelle de pinot noir du château de Vaux


Cette première visite mosellane fut une vraie bonne surprise : hormis le fait que je n’aurai jamais pensé trouver des vignes à quelques kilomètres de Metz, j’ai été vraiment impressionné par la qualité des vins produits par ce domaine.
Ces vignerons ont fait le pari osé de redonner vie à un grand terroir viticole tombé dans l’oubli au cours du siècle dernier et après ce premier passage du côté de Vaux j’ai vraiment l’impression qu’ils ont eu raison d’y croire.
Avec des pratiques viticoles vertueuses – bio puis biodynamie depuis quelques millésimes – avec un contrôle serré des rendements – « 50 hl/ha en moyenne » – et avec un suivi méticuleux des vins en cave, les Molozay parviennent à élaborer une série de cuvées de très belle facture.

J’ai été surpris par la générosité de ces vins nés dans le vignoble le plus septentrional de France…de vraies friandises qui se livrent sans chichis dès leur plus jeune âge tout en laissant deviner de vrais potentiels de garde.
J’ai également apprécié la parfaite maîtrise des élevages sous bois qui interviennent dans l’élaboration de la plupart des cuvées du château de Vaux : c’est un travail d’une grande subtilité et d’une pertinence absolue qui apporte systématiquement une dimension supplémentaire à chaque cuvée…Bravo !

Dans cette gamme très homogène et de haut niveau qualitatif, je relèverai quand même deux bouteilles « coup de cœur » : la cuvée « Les Gryphées » pour son caractère sociable et son exceptionnel rapport Q/P et la cuvée « Pylae » (en blanc) qui nous prouve que le pinot gris peut engendrer de très grands vins sous ces latitudes « nordiques »…avis aux vignerons alsaciens !!!

Merci à Marie-Geneviève Molozay pour son accueil.

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Le Château de Vaux vu des vignes.

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