Visite au domaine François Schmitt à Orschwihr

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Même si je débouche très régulièrement des bouteilles de ce domaine (l’une des dernières ICI), je me suis rendu compte que cela fait bien trop longtemps que je n’ai pas rendu visite à Myriam et Frédéric Schmitt pour discuter vin tout et déguster quelques belles cuvées produites sur les terroirs du Bollenberg et du Pfingstberg.

C’est le début des vacances d’été, il fait beau et Frédéric a bloqué son après-midi pour « s’occuper » de moi…je crois qu’il est temps de me remettre en route pour aller voir si on fait toujours de beaux vins à Orschwihr.
Hoppla c’est parti !


Dans le caveau moderne et accueillant – pour moi c’est l’un des plus beaux de la région – Myriam s’occupe d’un groupe de clients d’Europe de l’est (des polonais, je crois) alors que Fred m’invite à le suivre dans la cave pour voir comment se portent les vins du millésime 2016.

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L’entrée du caveau du domaine Schmitt

2016 sera, plus que tout autre,un millésime de vigneron – « il y aura des différences qualitatives énormes » – et c’est « la maîtrise des rendements qui a été l’élément-clé pour réussir des vins de qualité »
Au domaine Schmitt, les rendements sont restés dans la moyenne habituelle « les vignes travaillées en bio ou en biodynamie se sont régulées par elles-mêmes » et les vins du millésime 2016 sont extrêmement prometteurs « ils se distingueront par leur côté svelte et très élégant ».

Bon, ce n’est pas tout de parler…il va falloir vérifier tout ça le verre en main !


Nous commençons la dégustation par les cuvées de rouges du domaine :

Pinot Noir Cœur de Bollenberg 2016 : nez très séduisant, notes lactées à l’ouverture puis très belle palette fruitée (cerise croquante), matière longiligne, équilibre frais et gourmand, finale lissante mais retour aromatique d’une grande longueur.
Pinot Noir Cœur de Bollenberg 2015 : nez plus discret, notes de fruits rouges bien mûrs et fine touche fumée, charnu et assez musculeux en bouche mais l’équilibre reste bien frais avec une expression fruitée qui s’intensifie (cerise, orange sanguine), finale digeste avec des amers nobles et un long sillage sur les fruits rouges et la résine.
Avec son élevage en barriques parfaitement maîtrisé, son jus fruité d’une grande pureté et son fond minéral très noble, cette cuvée de pinot noir confirme sa place dans la famille des grands vins rouges alsaciens.
Le 2015 réalisé à partir de 90% de raisins entiers est déjà en bouteilles (et en vente) et s’exprime avec une certaine retenue tout en affirmant un très beau potentiel de garde.
Vinifié à partir de 50% de vendange entière, le 2016 encore en cours d’élevage (en masse dans une cuve inox) se montre plus accessible avec une silhouette très élégante et matière fruitée d’une gourmandise irrésistible. MIAM !

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Selon Frédéric, l’utilisation de vendange entière pour élaborer ce pinot noir permet « une meilleure intégration de l’élevage en barriques » mais le pourcentage de raisins entiers dépend du millésime « c’est la maturité des rafles qui va être déterminante pour établir la quantité de raisins entiers ».
Le domaine projette également d’augmenter la superficie de ses vignes de pinot noir sur le Bollenberg par la plantation d’une nouvelle parcelle.
« J’aimerai pouvoir disposer d’un volume de jus suffisant pour travailler avec 6 pièces » (actuellement il y n’y a que 3 ou 4 pièces de cette cuvée). Ce volume supplémentaire permettra de répondre à la demande croissante qui pèse sur cette cuvée mais aussi « de favoriser une meilleure intégration de l’élevage sous bois ».


Pour continuer ce tour d’horizon 2016 nous dégustons une longue série de blancs :

Sylvaner Bollenberg 2016 : notes végétales fraîches et agréables au nez, équilibre sec, matière légère et très digeste, amers salivants en finale.
Né sur le versant sud du Bollenberg, ce sylvaner frais et glissant constitue une parfaite mise en bouche pour nous donner envie de découvrir la suite de la gamme.
Pinot Blanc La Croix du Sud 2016 : nez très élégant, fruité gourmand et élevage très bien intégré (presque imperceptible), acidité bien en place, équilibre impeccable avec un gras très « bourguignon ».
Avec son caractère noble et classieux cette très belle cuvée pinot blanc fera parler d’elle sur ce millésime. MIAM !
Petite info : il y en a que 4 pièces (soit à peu près 1200 bouteilles)…je crois qu’il va falloir se dépêcher !

Riesling 2016 : nez fringant et finement zesté, sec et léger en bouche, finale tonique.
Réalisée à partir de raisins achetés mais issus d’une parcelle sur le Bollenberg, cette cuvée s’exprime dans un style simple et classique avec une belle expression variétale du cépage.
Riesling Bollenberg 2016 : expression aromatique mûre et séduisante sur les agrumes, ample et charnu en bouche, finale vive avec une belle présence saline.
Plus dense et plus imprégné par le terroir, ce très beau riesling prouve une fois encore qu’une vigne plantée sur un grand terroir et travaillée en bio génère des vins de haute tenue. MIAM !

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Frédéric dans son cuvage…prélèvement de riesling en cours.

Riesling Grand Cru Pfingstberg 2016 : nez très élégant, complexité aromatique naissante, charnu mais bien étiré en bouche, finale longue avec une présence minérale intense.
Riesling Grand Cru Pfingstberg-Le Paradis 2016 : nez très discret, notes de zestes et de poudre de craie, acidité mûre mais massive équilibrée par un joli gras, structure qui s’allonge et s’affine progressivement, salinité persistante en finale.
Voilà deux Grands Crus remarquables qui n’auront pas besoin de beaucoup de temps pour nous donner une lecture très explicite de leur terroir. Née sur une parcelle gréseuse la cuvée Pfingsteberg brille par sa délicatesse de sa matière et par sa finesse aromatique. La cuvée du Paradis est davantage marquée par une présence calcaire (le sol de cette parcelle est calcaro-gréseux) : plus épais et plus profond, c’est un grand riesling de garde. Double MIAM !

Pinot Gris Le Maréchal 2016 (goûtée avant assemblage sur 5 barriques) : expressions aromatiques très différentes d’une barrique à l’autre, matière opulente, équilibre assez rond mais belles ossatures acides/minérales qui tiennent les structures.
Les pinots gris de la cuvée « Le Maréchal » ont été vendangés en deux fois – et avec une semaine d’intervalle – et sont actuellement en cours d’élevage dans des barriques d’âge différent…autant dire que cette dégustation ne m’a pas forcément donné une image précise du vin qui nous sera proposé dans quelques mois…
Ceci dit, la richesse des jus et la qualité des charpentes minérales permettent d’envisager l’avenir de cette cuvée avec beaucoup d’optimisme.

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Une barrique de pinot gris 2016


Gewurztraminer Cuvée Marie-France 2016 : aromatique intense au nez, matière riche et suave (35 g de SR), finale longue avec un beau sillage épicé.
Issu d’un assemblage de plusieurs parcelles sur le Bollenberg, ce gewurztraminer expressif et concentré n’aura pas besoin de beaucoup de temps pour révéler son potentiel de séduction. MIAM !

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La Cuvée Marie-France 2016 avec sa nouvelle étiquette…et son bord grisé où on peut trouver quelques informations bien utiles.

Gewurztraminer Grand Cru Pfingstberg 2016 : nez qui s’ouvre doucement avec des notes d’agrumes mûrs et d’épices, matière puissante et tonique, silhouette longiligne, texture bien grasse, finale épicée avec de beaux amers minéraux.
Voilà encore un gewurztraminer qui prouve que ce cépage est capable d’engendrer de très beaux vins sur le Pfingstberg : il y a une aromatique classieuse, un jus intense étiré par une trame acide/minérale très solide.
Bref, c’est un vin goûteux et digeste avec un beau potentiel de garde…que demander de plus !


Après avoir dégusté presque tous les 2016 en cours d’élevage, nous repartons vers le caveau pour déboucher quelques 2015 et 2014 en vente actuellement au domaine.

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De retour au caveau…

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…avec une belle ligne de bouteilles qui nous attend.


Pinot Blanc La Croix du Sud 2015 : nez discret et complexe, notes de foin et de fruits blancs sur un fond délicatement boisé/épicé, matière généreuse avec un joli gras, ligne acide fine et stimulante, finale riche et gourmande avec une petite pointe de chaleur
Ce pinot blanc concentré et flatteur n’aura pas besoin de beaucoup de temps pour intégrer parfaitement son élevage mais je pense que quelques mois de repos supplémentaires lui permettront de patiner un peu la richesse de sa matière.
Ceci dit, je le trouve déjà bien en place aujourd’hui…pas sûr que je sois capable d’attendre !

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Sylvaner Bollenberg 2015 : nez ample et d’une belle vivacité, notes de citron mûr et fines touches grillées, matière charnue mais avec des amers nobles qui donnent un caractère appétant à la finale.
Dans la série des vins qu’on n’a pas l’habitude de faire vieillir mais qui le mériteraient, je vous présente le sylvaner Bollenberg : un vin plein et large qui se goûte facilement à l’heure actuelle mais qu’il faudrait oublier durant 4 à 5 ans en cave pour lui permettre de révéler sa vraie nature...d’ailleurs, j’en ai caché une !

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Muscat 2016 : nez résolument variétal, raisin frais et buis sur un fond musqué assez intense, matière légère, équilibre frais et aérien, finale fruitée et relevée par une délicate amertume.
Réalisé à partir de raisin achetés mais provenant exclusivement du Pfingstberg, ce muscat frais et guilleret s’exprime avec simplicité et franchise…mais Frédéric rêve de prendre en charge cette parcelle pour y réaliser un vrai Grand Cru : «  je suis sûr que ce terroir est en mesure d’engendrer un grand muscat »…affaire à suivre.

Riesling Bollenberg 2015 : expression aromatique pure et discrète, matière ample et pleine tenue par une acidité vive qui étire progressivement la structure, finale citronnée avec de beaux amers minéraux.
La force du millésime écrase encore un peu ce riesling dont on ne fait qu’entrevoir la nature profonde : mais lorsque ses éléments constitutifs entreront en résonnance, ce vin fera surement des étincelles.

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Riesling Grand Cru Pfingstberg 2015 : nez riche et confit, matière imposante, concentrée et mûre (12 g de SR), trame minérale puissante, finale longue mais perturbée par une pointe de volatile.
Ce vin charmeur et opulent aura besoin d’un peu de temps pour s’affiner et définir son identité minérale mais ce sera l’unique riesling Grand Cru produit par le domaine en 2015 : « La cuvée Paradis ne correspondait vraiment pas au style Pfingstberg »…voilà une belle preuve de respect du terroir et du client. Chapeau !

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Riesling Grand Cru Pfingstberg-Le Paradis 2014 : nez pur et raffiné, notes de citron vert et de zestes d’agrumes sur un fond de pierre chaude et de craie, matière ample et dense, acidité intense qui met tout en place, finale puissante avec une minéralité vibrante qui donne une belle impression de longueur.
Avec son expression aromatique racée, son énergie et sa silhouette d’une élégance rare, ce riesling plein d’énergie m’a fait une très forte impression aujourd’hui : voilà un vin qui fera surement parler de lui dans les années à venir…MIAM !

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Riesling Grand Cru Pfingstberg V.T. 2014 : nez magnifique avec une palette mûre et intense sur l’ananas frais et les épices orientales, jus suave épais et gourmand, acidité large qui donne de l’ampleur à la structure et qui stimule les bords de la langue, minéralité imposante en finale.
Réalisée à partir de 4 tries sur le Pfingstberg, cette VT étincelante montre la puissance du terroir de ce Grand Cru : même si sa matière fruitée est particulièrement riche, ce riesling nous régale par l’élégance de sa structure et par la belle expression minérale qui confère une belle sapidité à la finale.
Conscient d’avoir atteint les limites de ma résistance papillaire, j’avais demandé à Frédéric de me proposer une dernière bouteille et c’est sans hésité qu’il m’a versé cette petite merveille qu’il aurait été vraiment dommage de rater aujourd’hui. Merci !

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Les bouteilles du jour.


Vigneron ambitieux et passionné, Frédéric Schmitt s’investit sans compter pour défendre les grands terroirs qui entourent son village.
Sur le Pfingstberg, ses rieslings et ses gewurztraminers font partie des vins emblématiques de ce Grand Cru et sur le Bollenberg, il réussit à produire chaque année des cuvées de pinots (noir et blanc) de très haut vol.

A l’heure actuelle, les vignerons d’Orschwihr sont en train de se concerter pour délimiter les secteurs qui vont constituer les premiers crus du Bollenberg : « la colline du Bollenberg étant trop vaste pour présenter une homogénéité suffisante, les vignerons ont décidé de différencier trois secteurs distincts » :
- sur le versant sud du Bollenberg, il y aura le 1° Cru « Effenberg » pour le sylvaner et le riesling
- sur le versant est du Bollenberg, il y aura le 1° Cru « Neuberg » pour le pinot noir, le gewurztraminer, le pinot gris et le riesling
- sur le versant ouest du Bollenberg, il y aura le 1° Cru « Luft » pour le pinot noir, le pinot gris et le gewurztraminer.
C’est un projet logique et cohérent…mais qui ne va pas forcément faciliter la compréhension du vignoble alsacien !

J’ai été impressionné par la qualité des vins du millésime 2016 : si on excepte le pinot gris Le Maréchal dont je n’ai pas pu me faire une idée précise, toutes les cuvées goûtées ont montré des expressions aromatiques très pures, des structures longilignes très élégantes et des trames minérales très prometteuses…bref, malgré tout ce qu’on a pu entendre par ci par là, 2016 est un vrai beau millésime au domaine Schmitt.

Avec son caractère noble et racé, le pinot noir Cœur de Bollenberg 2015 révèle une matière profonde et serrée, qui me ferait presque penser à un vin de Nuits Saint Georges…c’est mon coup de cœur absolu de cette série.
Les vins blancs de ce millésime sont des friandises qu’on pourra siroter sur le fruit pour se faire plaisir ou qu’on pourra laisser dormir en cave pour leur laisser le temps de s’affiner…en ce qui me concerne c’est déjà décidé, les bouchons vont sauter très vite !

Sur 2014, nous n’avons dégusté 2 rieslings somptueux issus du Pfingsberg : une VT littéralement « paradisiaque » et un Grand Cru d’une pureté exceptionnelle…double coup de cœur !

Mille mercis à Frédéric et Myriam pour leur disponibilité et leur gentillesse.

 
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Autre grande cuvée du domaine, le crémant « Blanc de Noirs » qu’on n’a pas dégusté aujourd’hui, mais dont je charge toujours un carton dans mon coffre de voiture…en toute confiance !

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