Salon "Millésime Alsace 2018" - Une conférence avec trois grands vignerons pour décrypter les terroirs alsaciens
- Par pierre_radmacher
- Le 05/07/2018
- Dans Actualités
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Organisée dans le cadre du salon « Millésime Alsace » 2018, cette conférence réunit trois vignerons emblématiques pour qu’ils partagent avec nous leurs conceptions et leurs convictions au sujet des grands terroirs alsaciens.
Comme je savais que mes papilles allaient avoir besoin d’une petite pause entre deux dégustations, j’ai décidé de m’inscrire à cette « Masterclass » et je crois que j’ai eu raison : ces personnalités incontournables du vignoble alsacien, nous ont donné une belle leçon de culture vinique !
André Ostertag, Olivier Humbrecht et Maurice Barthelmé…un trio de choix pour parler terroir.
La salle de conférence du Parc des Expositions de Colmar bien remplie…
…par un public très international qui profite d’une traduction simultanée.
C’est Thierry Fritsch, œnologue du CIVA, qui se charge de la modération des débats et qui introduit cette Masterclass en nous présentant les 3 axes qui ont été choisis pour orienter la communication sur les vins d’Alsace :
Axe 1
La diversité des terroirs alsaciens : « Sur les 15500 hectares du vignoble alsacien on trouve tous les terroirs viticoles existant dans le monde ».
Axe 2
La centration de la production alsacienne sur les grands vins blancs.
Axe 3
La mise en avant des valeurs humaines et de la tradition d’hospitalité en Alsace : la qualité de l’accueil au domaine doit rester un point fort dans le vignoble alsacien.
Thierry Fritsch enchaîne en présentant les 3 intervenants et le thème que chacun d’eux va développer : Maurice Barthelmé nous parlera du « Visible », Olivier Humbrecht du « Tangible » et André Ostertag de l’« Invisible ».
Le « visible » ou la naissance d’un paysage selon Maurice Barthelmé
Quelques idées marquantes
Sur une bande de terre de 120 km de long sur 8 km de large, notre vignoble dispose d’une « richesse de terroirs inégalée »…et pour respecter cette diversité les patrimoines viticoles des domaines alsaciens sont souvent très morcelés « au domaine Albert Mann nous cultivons environ 150 parcelles de vignes ».
Pour bien faire son travail et produire de grands vins le vigneron doit avant tout « écouter et comprendre ses sols ». C’est une connaissance précieuse qui se construit avec l’expérience et par la transmission du savoir des anciens.
« Chaque fois que je perds un cheveu, je suis content…ça veut dire que j’ai gagné un millésime d’expérience supplémentaire ».
« Le vignoble alsacien, c’est de l’histoire, de la complexité, de l’énergie, de la rigueur et de la générosité » des qualités précieuses qu’il faut cultiver à tout prix « ce sont les atouts majeurs de notre région et de notre vignoble ».
Le problème du réchauffement climatique n’est pas un problème de température moyenne car « nous disposons d’assez de connaissances et de techniques pour adapter notre viticulture à ce phénomène » mais ce qui inquiète le vigneron à l’heure actuelle ce sont « la brutalité des phénomènes climatiques » et « les cycles végétatifs de plus en plus précoces qui augmentent considérablement les risques liés au gel »…des conséquences indirectes du réchauffement qui posent encore beaucoup de questions aux viticulteurs à l’heure actuelle.
Le « tangible » ou la gestion et la valorisation de la diversité des appellations selon Olivier Humbrecht
Quelques idées marquantes
Le tarif actuel domaine Zind-Humbrecht comporte actuellement plus de 90 références : c’est une offre très impressionnante qui peut s’avérer déroutante pour la clientèle mais « il y a dans les gènes du vigneron alsacien, cette envie de chercher ce qui marche le mieux dans chaque endroit »…et « on ne peut pas mélanger des vins qui sont produits dans des lieux aussi différents que ceux qu’on rencontre dans notre vignoble ».
En clair, avec le nombre de terroirs présents dans le vignoble alsacien cette pléthore de bouteilles est inévitable.
La mission du vigneron consiste à « mettre dans une bouteille la magie des grands terroirs alsaciens » et ces grands terroirs sont rares car « le vignoble alsacien situé entre la plaine du Rhin à l’est et le massif vosgien à l’ouest n’est pas extensible ».
Une bouteille de vin d’Alsace nous transmet « l’histoire d’un lieu et il est indispensable que le nom de ce lieu figure sur chaque étiquette »…et un grand vin de terroir ne se comprend bien que lorsqu’on a « visité le lieu où il est né ».
La valorisation des grands terroirs alsaciens se poursuit et l’intégration du pinot noir dans les cépages autorisés sur certains Grands Crus est en bonne voie « avec une limite de rendement à 40 hl/ha, plus sévère que pour les Grands Crus bourguignons ».
Les terroirs sélectionnés pour l’instant sont le Vorbourg, le Hengst et le Kirchberg de Barr mais cette liste n’est pas encore définitive…
L’« invisible » ou la dimension impalpable des grands terroirs alsaciens selon André Ostertag
Quelques idées marquantes :
Il y a des vins qui sont de « purs produits de consommation » et des « vins qui parlent d’un lieu…ce sont ces vins qui nous touchent au plus profond de nous-mêmes ».
Cette « rencontre irrationnelle » n’est pas due au hasard car « un grand terroir est un lieu où se concentrent des énergies » ce sont des « haut lieux vibratoires que les moines cisterciens avaient repéré il y a bien longtemps ».
Le grand terroir a une identité forte et une longue histoire…qui remonte bien au-delà de l’apparition de l’homme sur terre.
« L’homme n’invente pas le grand terroir, l’homme n’est que son révélateur (…) et la vigne joue le rôle de médiateur entre un lieu et un vin »
Face à un grand terroir André Ostertag est persuadé que le millésime a une importance limitée…métaphores artistiques choisies : « le terroir c’est la couleur le millésime apporte la nuance de couleur » ou encore « le millésime c’est la mise en musique d’une histoire dont les paroles sont écrites par le terroir ».
« Un grand vin touche l’être dans sa profondeur et sa présence dépasse les sensations descriptibles. Il se crée une relation intime et irrationnelle…on entre dans le monde de l’invisible ».
Une belle conclusion, non ?
Quel plaisir de terminer cette édition 2018 de « Millésime Alsace » en compagnie de 3 grands vignerons qui ont partagé avec nous leur passion pour notre beau vignoble alsacien !
C’est avec beaucoup de simplicité et de sincérité qu’ils nous ont parlé de leur histoire, de leur métier et des défis qui les attendent dans les années à venir pour que leurs grands vins soient reconnus à leur juste valeur.
Changer en profondeur l’image des vins d’Alsace en mettant en avant la richesse et la complexité de ce vignoble aux terroirs multiples, la tâche est ardue mais nos vignerons ont de la ressource…ça va le faire !!!
Merci à Thierry, Maurice, OIivier et André pour ces beaux moments de culture et d’émotion.
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