Vins et vignerons du sud de l'Ardèche
Depuis quelques années déjà, notre secteur du sud Ardèche produit des vins de qualité. Une nouvelle génération est arrivée, sortie de sa zone de confort et de ses frontières, elle s’est confrontée à d’autres vins venus d’autres horizons et donc s’est étalonnée pour progresser. Les 10 dernières années ont vu arriver pas mal de vignerons dans une optique différente, tournée vers le bio pour ne pas dire les « vins naturels ». Nous sommes sur un secteur assez sensible à la nature, l’environnement c’est notre plus grande richesse assurément. La viticulture commence donc à amorcer un virage important en ce sens et c’est tant mieux même si bien évidemment il reste des plaines entières de merlot et autre cabernet bombardés de produits chimiques, labourés à grand coup de tracteur et récoltés à la machine… mais nous n’en parlerons pas ici.
Je pourrai parler de vins du bas Vivarais, ce qui correspond en fait à ce secteur d’un point de vue géographique et historique, mais l’appellation officielle qui en découle n’a franchement à mon sens aucun intérêt et ipso facto élimine beaucoup de vins parmi les plus intéressants. On sort donc des cases et c’est un petit tour de notre pays fait de dégustations éclectiques avec un à plusieurs vins par domaine goûtés sur ces derniers mois que je vous propose :
Mas de L’Escarrida à Sanilhac : mon coup de cœur des derniers millésimes découvert grâce à Christian de la cave « Vin sur Vans » Son fai virar rosé est une bombe atomique avec un nez d’une complexité telle qu’il rappelle les vins de Reynaud. Les agrumes, les fleurs, les épices. C’es juteux, hyper sensuel. On boit çà comme une belle grenadine bien fraîche ! Son viognier lui, issu d’un terroir à l’altitude assez élevée, est frais, plutôt citronné, atypique. Il régalera les récalcitrants du cépage. Il est clair que désormais, je ne peux plus laisser passer un seul millésime !
La Ferme des Roumanes à Lussas : je vous avais déjà fait part de mon goût pour ce tout petit domaine de Lussas. Béatrice a réalisé deux très belles cuvées sur le millésime 2018. Tout d’abord son superbe Chardonnay qui pour moi, alors que je ne suis pas fan de ce cépage chez nous, est très joliment fait, avec une petite macération pelliculaire, une couleur aux reflets dorés, une pointe grillée, des épices, un peu de miel et du ressort incarné par une sensation saline sur la langue qui dynamise l’ensemble. A noter en 2018 sa cuvée de grenache dénommée « Solo » une bombe sudiste qui exhale des parfums d’olive noire, de petits fruits noirs, d’épices souligné par une pointe florale. On navigue entre force et délicatesse. Les vins ont quelque chose de leur génitrice….
Domaine des Deux Terres à Villeneuve de Berg : là encore c’est un domaine que je suis depuis longtemps, 10 ans environ. J’ai beaucoup aimé leur primeur dit « Jaja » le bien nommé tant il est glou glou, sans chichi, sur le fruit. Le vin nu 2018 était un peu chaffoin même si ressortait un joli côté fruit frais acidulé. Zig Zag est souvent ma cuvée préférée en rouge, d’un naturel d’une franchise sans égal. Le viognier « l’Adret » est un des mieux réussi de notre secteur et le chardonnay « Paulatim » aussi. Tous les ans, je trouve toujours mon bonheur dans la gamme !
Les vins du Mouton Noir à Chassiers : j’avais déjà goûté par deux fois le Chatus sans être convaincu (il faut dire que ce cépage m’en touche une sans réveiller l’autre !) j’ai étendu ma découverte au blanc 2018 à base de grenache blanc. Assez aromatique, pêche blanche, miel, il est puissant, assez glycériné avec l’élevage et l’alcool qui ressortent un peu trop à mon goût. J’ai bu aussi le rosé « la vie en rose » 2018 fait de grenache et chatus. J’ai beaucoup aimé ses parfums de petits fruits rouges, de fleur sucrée, avec une bouche dans cette veine, séduisante sans sucres trainants. Très agréable. Un domaine à suivre…
Jérôme Jourret Villeneuve de Berg : je ne passe pas une année sans boire plusieurs bouteilles du domaine. Tout d’abord dans un des mes restaurants préférés, le Banshomo ou nous prenons les cuvée Ibie ou Amouriers avec un plaisir renouvelé ce qui n’est pas une mince affaire pour quelqu’un qui n’aime pas particulièrement le merlot. Et puis cette cuvée « En avant doute » qui est ma préférée avec cette expression florale du grenache que j’adore, sans compter la Syrah « coulée douce » dans la même veine. Les vins sont pleins de vie, droits et souvent très séduisants. Là encore, une valeur sûre.
Domaine du Grangeon à Balbiac Rosières : j’avais suivi les débuts de Christophe Reynouard puis l’ai perdu un peu de vue… Il a accentué sa production sur le Chatus…je passe. C’est sur les blancs que je reviens vers lui avec tout d’abord un Chardonnay 2015 de toute beauté, juste un trait d’élevage qui souligne et accompagne, des fruits mûrs, poire william. C’est très juteux, hyper gourmand avec un léger trait salin sur la finale qui lui donne du pep’s. Très bon ! Le 2018 est de très belle qualité également. De même son viognier 2018 qui lui pour le coup reste dans la veine du cépage mais sans ses travers et donne un vin très séduisant. Il faut que je re-goûte les rouges.
Domaine Gallety à Saint Montant : longtemps le domaine phare du secteur qui a participé grandement à l’évolution qualitative des vins du Sud Ardèche. J’ai goûté quasi tous les millésimes depuis la reprise du domaine par Alain dans les années 80. Je garde encore des 99 avec notamment la toute première cuvée Syrare. Récemment j’ai bu un 2012 assez puissant, très sudiste, thym laurier qui mérite encore 4/5 ans de bouteilles pour s’assagir. Un 2016 plus austère dans son expression mais avec toutes les composantes pour une très belle garde. On ne boit jamais de vin en dessous, j’établis juste des hiérarchies personnelles en fonctions des années. Ce domaine reste une valeur sûre de notre secteur.
Mas du Libian à St Marcel d’Ardèche : pour le coup on est plus dans la vallée du Rhône mais à la fin des gorges. J’ai bu plusieurs fois cette cuvée Khayyâm 2015 : Le vin est solaire et puissant et doit être servi à bonne température au risque de passer à côté. Très oriental dans son expression, il n’est pas dénué de touches de garrigue, d’olive noire et de zan. C’est un vin d’hiver, avec une sensation quelque peu confiturée mais qui ne franchit pas les limites. Ce domaine a plusieurs cuvées intéressantes mais je n’ai jamais ressenti l’envie d’en avoir constamment en cave. Il me manque un je ne sais quoi. Il n’empêche que depuis plusieurs années, j’en goûte toujours un peu à chaque millésime. Le vin de pétanque ou Zan sont toujours de qualité.
Domaine Vigne à Lagorce : c’est un peu une madeleine pour moi qui ai passé mon adolescence juste à côté avec le souvenir des 1ers verres de leur rosé atypique, un peu muscaté. Une nouvelle génération arrive avec un passage en bio et même quelques cuvées sans sulfites ajoutés dont le carignan 2017, concentré avec un fruité mûr, un bel équilibre avec une acidité présente. C’est vraiment bon et assurément il faudra suivre le domaine dans les années qui viennent.
Le domaine des Vigneaux à Valvignières : là aussi, j’ai goûté déjà quelques vins sans être séduit notamment syrah et pinot noir. Leur viognier 2018 est lui bien né ! Un peu trouble au nez pas forcément très typé car assez citronné, on retrouve des marqueurs du cépage en bouche avec de l’abricot, un côté floral mais toujours avec de la tension, de la fraicheur et un petit ressort acide qui tranche avec la production habituelle du viognier en Ardèche. C’est très réussi çà me donne envie de découvrir d’autres vins.
Domaine de la Selve à Grospierres : quasi tout le temps déçu par les vins, j’avais renoncé puis, lors d’un repas au restaurant, passe une bouteille : le serre de Berty 2014. Syrah grenache et cinsault. C’est très joli avec une grande finesse de tanins, sur les fruits rouges, les épices. Du coup, on a repris une bouteille. Preuve s’il en était encore besoin que tout jugement ne serait être définitif surtout dans le monde de la dégustation de vin.
Domaine des Louanes à Balazuc : là aussi il y a longtemps que je goûte les vins et étrangement ce n’est que cet hiver que j’ai visité le domaine. C’était super, une journée fraîche et ensoleillée dans ce hameau ou j’adore randonner le long de la rivière. Encre de Sy 2017 porte bien son nom tant la couleur est sombre. Fidèle à son terroir, garrigue, fruits noirs, et la tapenade expression récurrente des syrahs du sud. La bouche demande encore à se fondre avec une légère amertume sur la finale mais c’est d’ores et déjà un bien joli vin. J’avais goûté en élevage pas mal de vins et 2018 me semble bien né ! Son viognier est souvent de belle facture.
Domaine Salel et Renaud à Faugères : la 1ère fois que j’ai goûté ce domaine c’était sur les Vans, sur une petite table pliante dans le froid de l’hiver lors d’un marché. J’avais bien aimé. J’ai donc suivi et je constate une qualité constante qui grandit au fil du temps. J’ai eu un coup de cœur pour leur viognier 2016 « Qué sa quo » qui est doté d’un superbe équilibre, entre fruité et minéral, entre gourmandise et acidité. Je trouve le chatus « Syramuse » très agréable, sur le fruit, qui ne pète pas plus haut que son cul comme souvent on essaie de le faire avec ce cépage. Les autres cuvées sont également d’un bon niveau et je crois qu’il faut compter sur ce domaine dans les années qui viennent pour devenir lui aussi une valeur sûre, ce qu’il est déjà un peu…
Voilà un petit air du sud Ardèche viticole qui est loin d’être exhaustif car d’autres domaines existent et de qualité mais c’est en tout cas ceux que je connais le mieux pour avoir bu pas mal de vins sur plusieurs millésimes. C’est intéressant de voir cette montée qualitative notamment sur les blancs. Le climat fait que les vignes sises à plus de 300m commencent à être parmi les plus intéressantes et je pense que sur une ligne de crête qui va de Largentière joyeuse et à Les Vans, on pourrait avoir de belles surprises dans les années qui viennent si les vignes sont remises en état, replantées avec des vignerons de qualité comme c’est le cas pour Salel et Fehl déjà. Il ne faut pas oublier tous ceux vers Valvignières et L’ibie, le berceau des « natureux » conduit par les pionniers qu’ont été Gérald Oustric et Gilles Azzoni. J’ai récemment bu un vin de Sylvain Bock qui m’a plu et je vais creuser un peu. J’ai donc encore pas mal de plaisir à récolter chez moi et vous le faire partager
Cyril Amelin - Octobre 2019
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