Quand la terrible rencontre avec un vin d'un autre type engendre un retour à une légende alsacienne

Un petit passage récent dans les Halles du Scilt à Schiltigeim m'avait permis de dénicher un flacon de vin d'Alsace peu conventionnel : vin de macération, trio de grains (riesling, sylvaner, pinot gris), vin biodynamique, sans intrant et sans soufre ajouté. Couleur orange saumonnée pour la somme de 15 euros.
Je le laisse reposer quelques jours, le sers délicatement à 14 degrés et la sentence a été immédiate : nez sans aucun relief, bouche très plate, sans personnalité...
Une énorme déception et une grosse incompréhension pour moi. D'autant plus que ce domaine alsacien (je ne le cite pas, mon but n'étant pas de porter atteinte au travail des vignerons) réalise de belles choses par ailleurs (Pierre peut en témoigner).
Echaudé par cette expérience – d'autant plus que j'avais bu un excellent Arbois Naturé 2016 du domaine Ratte à qui Pierre a dédié un excellent et récent article – un vin remarquable par sa tension, son dynamisme, son côté désaltérant, je suis descendu puiser dans mes maigres fonds de cave.

J'en suis revenu avec un flacon âgé de 14 ans : un Gewurztraminer Grand Cru Furstentum, VT 2005 du domaine Faller.
Bien entendu c'est mon unique bouteille et on se demande comment j'ai fait pour résister aussi longtemps à la tentation !
Flacon des grandes occasions, qui se suffit à lui-même mais est d'une jeunesse étonnante.
Au premier abord, le nez est discret mais se révèle peu à peu. On distingue du citron noble, des parfums de qumkat, des effluves de mirabelles bien mûres.
Ce vin affirme sa noble origine et son terroir.
La bouche est simplement énorme mais maîtrisée ! De jolies notes citronnées répondent au côté floral du cépage et ses nuances de rose. C'est délicatement épicé et très long en bouche.
La largeur de bouche est bien calibrée et malgré sa richesse, ce vin n'écrase pas le palais. On en redemande ! Viennent ensuite de nobles amers pour enrober la finale. Bravo !

Philippe Pister - septembre 2019