Après un début de printemps dédié au vignoble alsacien, mon programme d’échappées œnophiles se poursuit par le traditionnel périple sudiste qui va me faire voyager entre Languedoc et Vallée du Rhône pour rendre visite à quelques vignerons bien connus mais aussi pour découvrir de nouvelles adresses…histoire d’allonger encore un peu la liste de mes étapes viniques incontournables dans cette belle région.
Pour une fois, mon voyage aller vers Port Camargue sera direct – je ne vais quand même pas déranger des vignerons le dimanche ! – et mon programme vinique débutera le lundi par une visite dans les Costières de Nîmes au Château Mourgues du Grès.
La seconde journée sera languedocienne avec un déjeuner chez Olivier Bontemps à Béziers – un endroit idéal pour commencer une belle journée gourmande – et un après-midi qui me permettra de faire la connaissance de Julien Peyras, un vigneron de Paulhan qui produit des vins « zéro intrants » pour terminer, par une nouvelle rencontre avec les Supply-Royer à Arboras…étape évidemment indispensable !
Après une petite journée de transition pour récupérer un peu et rejoindre l’ami Cyril à Vallon Pont d’Arc, le dernier jour de mon périple me fera voyager une fois de plus autour des Dentelles de Montmirail en compagnie de mon guide préféré qui a prévu de visiter 5 domaines : Marcel Richaud, Elodie Balme, La Monardière, La Ferme Saint Martin et La Roche Buissière.
Hoppla, c’est parti !
Château Mourgues du Grès à Beaucaire
J’ai fait une première visite au Château Mourgues du Grès dans les années 90, l’aventure de la famille Collard venait de commencer mais leurs vins avaient déjà été repérés par la presse…un article dans « Le Point », me semble-t-il.
Ce domaine situé à quelques kilomètres de notre villégiature estivale à Port Camargue a donc été l’une des premières destinations ciblées lors de mes sorties à la découverte des Costières de Nîmes. C’était il y a plus de 20 ans, j’étais encore « jeune et beau » mais je n’avais pas encore pris l’habitude de partager ma passion oenophile sur la toile…il était grand temps que je retourne du côté de Beaucaire pour vous présenter le Château Mourgues du Grès.
Après une matinée à tâter le rocher de la via ferrata de Cavaillon, je me retrouve dans cette belle garrigue beaucairoise pour faire quelques pas sur les parcours balisés dans les vignes du Château Mourgues du Grès à la découverte de la nature environnante et des différentes parcelles cultivées par ce domaine.
La falaise de Cavaillon le matin…
…et la garrigue de Beaucaire l’après-midi.
L’entrée de la cave du château Mourgues du Grès
Le nouveau chai en pierre du Pont du Gard
Muni de ma petite carte de promenade fournie par le domaine, je pars sur le parcours « Nature et Paysages » jalonné de bornes thématiques pour nous aider à comprendre le territoire viticole et l’environnement du château Mourgues du Grès.
Une parcelle de syrah près de la cave…
…avec une terre plus riche en argiles.
Une borne thématique consacrée aux « galets » encore appelés « grès » dans cette région.
Une jeune vigne de cinsault près du château…
…sur un sol où les galets abondent.
Les fondations d’un cénotaphe datant probablement de l’époque romaine qui ont été mises à jour lors des travaux de replantation de cette vigne.
Près de la cave, une parcelle de viogniers bordée par des bosquets.
Le Château Mourgues du Grès est implanté dans un environnement riche et varié entre vergers, garrigues, bosquets et vignes.
Sa surface viticole actuelle compte 65 hectares de vignes plantées sur ce terroir de Terre d’Argence où on trouve 70% de galets et 30% de terre sableuse riche en oxyde de fer : « c’est une géologie proche de celle de Châteauneuf du Pape ».
Le climat est solaire et venteux – avec le mistral et les brises marines – mais la présence d’argiles dans les couches plus profondes des sols assurent un apport hydrique régulier à la vigne « qui ne souffre que rarement de la sécheresse sur le domaine ».
Une petite coupe géologique très « parlante » qu’on découvre au cours de la promenade
Ce terroir complexe permet la culture de nombreux cépages sudistes, en blanc (roussanne, grenache blanc, viognier, vermentino, petit manseng) comme en rouge (grenache, syrah, mourvèdre, carignan, marsellan).
La jeune vigne de cinsault replantée récemment près du château va enrichir cette collection déjà très complète – « c’est le cépage méditerranéen par excellence ».
Les vignes sont travaillées en viticulture biologique (certifiée depuis le millésime 2014) avec des labours superficiels pour « traiter l’herbe en surface sans trop malmener les sols ».
En hiver le domaine accueille un troupeau de 500 moutons qui va participer à l’entretien de l’ensemble de la superficie viticole du château.
La parcelle où naissent les grandes cuvées du château Mourgues du Grès avec des grenaches sur le haut et des syrahs sur le bas.
Un pied de grenache impressionnant…le truc vert c’est mon stylo, histoire de pouvoir vous faire une idée de la taille du « monstre ».
La capitelle qui donne son nom à la cuvée prestigieuse du domaine.
En cave, la démarche des vignerons est en cohérence avec leur philosophie particulièrement respectueuse de la nature : un suivi attentif des vins mais un minimum d’interventions.
Depuis le millésime 2015 les vinifications se font sans SO2. Ils subissent une filtration légère et un sulfitage très léger à la mise « des opérations indispensables pour protéger nos vins qui voyagent beaucoup ».
Les visiteurs du château Mourgues du Grès sont accueillis dans de superbes espaces de dégustation aménagés dans ce qui fut autrefois un couvent habité par des nonnes qui ont donné le nom au domaine : « mourgues » signifie « nonnes » en provençal.
Allez, il est grand temps de goûter quelques vins !
L’entrée du domaine…
…et sous les voûtes de l’ancien couvent, le grand espace dégustation destiné à l’accueil des groupes.
Le caveau de dégustation pour visiteurs de passage.
La gamme complète du château Mourgues du Grès.
L’offre vinique complète du château Mourgues du Grès comporte une douzaine de références : 3 vins blancs, 3 vins rosés et 6 vins rouges.
Je choisis de déguster les blancs et les rouges dans les 3 gammes emblématiques du domaine :
Costières de Nîmes Galets Dorés 2017 : nez engageant, floral et citronné, silhouette gracile équilibre bien vif, finale très sapide avec un beau sillage fruité rehaussé par une touche de pierre à fusil.
(grenache blanc + roussanne + vermentino – élevage : cuve inox)
Avec son aromatique très séduisante et son jus frais et digeste, ce premier vin qui ouvre la gamme des blancs du domaine joue avec bonheur la carte de la gourmandise et de la buvabilité. MIAM !
I.G.P. Pont du Gard Terre d’Argence 2016 : nez frais et complexe, notes de fruits jaunes juteux et fines touches d’élevage, matière longiligne très élégante en bouche, finale tonique avec une présence minérale salivante.
(roussanne + petit manseng + viognier – élevage : 12 mois avec 2/3 en cuves inox et 1/3 en demi-muids).
Cette cuvée exclue de l’appellation Costières à cause de la présence du petit manseng dans son assemblage n’en reste pas moins un vin blanc complexe et racé qui trouvera facilement sa place à table avec des Saint Jacques snackées et peut-être même sur des asperges, un légume printanier que le viognier apprécie particulièrement.
Costières de Nîmes Capitelles 2015 : nez raffiné sur le citron confit et les fleurs blanches, notes boisées subtiles en fond, matière consistante en bouche, équilibre très vif, finale tendu, sillage minéral et délicatement épicé.
(grenache blanc + roussanne + viognier – élevage : 12 mois en demi-muids)
La cuvée haut de gamme du domaine assume son statut en développant une matière concentrée et structurée mise en valeur par un élevage parfaitement dosé.
C’est un vin blanc qui pourra se bonifier encore quelques années en cave mais qui fera merveille dès maintenant en compagnie d’une belle volaille ou d’un rôti de veau forestière.
Costières de Nîmes Galets Rouges 2016 : fruité délicat au nez, notes de cerise et de noyau, chair assez dodue mais équilibre très frais, grain tannique très soyeux, finale digeste avec un sillage très agréable sur la violette.
(syrah dominante + grenache + marselan – élevage : 12 mois en cuves béton).
La série de vins rouges du domaine commence par une petite friandise tout à fait irrésistible avec une cuvée très accessible qui affirme un caractère sudiste bien trempé…un équilibre pas toujours facile à trouver mais quand c’est réussi je suis comblé.
La saison des grillades au barbecue approche…il est urgent de garnir quelques rayons de sa cave avec ce joli vin. MIAM !
Costières de Nîmes Terre d’Argence 2015 : nez riche et épanoui, notes de fruits noirs, d’épices et de bâton de réglisse, matière juteuse assez dense, texture plus épaisse, trame acide/tannique solide mais soyeuse, finale très sapide, sillage très agréable sur les herbes de garrigue et l’encens.
(dominante syrah + grenache + mourvèdre – élevage : 18 à 24 mois avec 1/3 en barriques et foudres et 2/3 en cuve béton).
Voilà une cuvée vraiment magnifique qui révèle une extraction d’une grande justesse et une parfaite maîtrise de l’élevage…que dire de plus sinon que cette Terre d’Argence monte immédiatement sur la plus haute marche de mon podium du jour.
Coup de cœur inconditionnel pour cette bouteille qui a encore de belles années devant elle mais qui fera déjà merveille sur des recettes de viandes mijotées. MIAM !
Costières de Nîmes Capitelles 2015 : nez intense et flatteur, notes de cassis, de violette et de poivre sur un fond bois/résine discret, matière très opulente, texture épaisse mais équilibre digeste, long sillage aromatique sur la réglisse et les épices.
(dominante syrah + grenache + carignan – élevage : 18 mois en fûts).
« Capitelles » qui est l’une des cuvées haut de gamme du domaine, assume pleinement sa position en développant un jus puissant, structuré par une trame acide/tannique très complexe.
C’est un grand vin de gastronomie qu’il faudra oublier encore quelques années en cave avant de le servir en compagnie d’une daube provençale ou d’une belle pièce de gibier.
Costières de Nîmes Terre de Feu 2015 : nez intense sur les fruits rouges et noirs sur un fond de cacao amer et d’épices, matière souple et gourmande avec un équilibre assez rond et une finale bien fraîche, délicatement mentholée.
(dominante grenache + mourvèdre + carignan – élevage : 50% en fûts et 50% en cuve béton).
Produite essentiellement à partir des vieux grenaches situés sur le haut de la grande parcelle de la « Capitelle », cette cuvée nous offre une interprétation pure et séduisante de ce grand cépage rhodanien.
Déjà bien en place à l’heure actuelle, ce vin fera merveille sur des recettes douces et épicées qu’on pourra trouver dans la gastronomie orientale par exemple.
Les rangs de vieux grenaches de « Terre de Feu ».
Cette visite dans ce très beau domaine des Costières de Nîmes m’a vraiment comblé : une promenade balisée dans les vignes pour se mettre dans l’ambiance, une belle dégustation de vins et un entretien fort sympathique avec le maître des lieux…il y avait tout ce qu’il fallait pour comprendre l’esprit de Mourgues du Grès !
J’ai beaucoup apprécié l’esprit de cohérence de cette maison qui met en œuvre des pratiques viti-vinicoles particulièrement vertueuses pour respecter des convictions éco-responsables profondément ancrées dans leur philosophie de vie…Chapeau bas !
Comme j’ai pu trouver certaines cuvées du château Mourgues du Grès à la Maison des Vins de l’Espiguette et chez un caviste strasbourgeois (Vino Strada), j’ai pu suivre la production de ce domaine durant les années qui ont suivi ma première visite sur place mais cette nouvelle visite m’a permis de porter un regard neuf – et très admiratif – sur cette belle gamme de vins élaborés par la famille Collard.
Les blancs comme les rouges affirment leur origine sudiste par leurs expressions aromatiques mûres et complexes sans pour autant montrer de richesse excessive en bouche : les matières sont concentrées mais des extractions et des élevages dosés avec une grande pertinence permettent à ces vins de garder un côté parfaitement digeste en laissant s’exprimer la minéralité de ces beaux terroirs entre Rhône et Camargue.
Les coups de cœur du jour iront à la cuvée « Galets Dorés », irrésistible d’expressivité et de fraîcheur, et à la cuvée « Terre d’Argence » rouge, un vin charmeur et très complet qu’on pourra déguster dès aujourd’hui ou garder encore quelques années en cave.
Pour être complet, il faut aussi noter l’exceptionnel rapport qualité/prix offert par l’ensemble de la gamme du château Mourgues du Grès…à bon entendeur !
Merci à François Collard et à l’équipe du domaine pour leur accueil.
Dernière vue sur le château Mourgues du Grès
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