Journée de rebouchage de vieux flacons au domaine Schmitt à Orschwihr - Partie 3

Que ce soit pour une visite classique, une journée de vendanges ou une session AOC délocalisée, le domaine François Schmitt d’Orschwihr est devenu depuis quelques années, l’une de mes adresses fétiches du vignoble alsacien.

Frédéric et Myriam Schmitt sont toujours prêts à ouvrir leurs portes pour accueillir des œnophiles désireux de partager avec eux leur passion pour la chose vinique…et c’est ainsi qu’en ce dernier jour de vacances d’hiver, ce couple de vigneron a décidé d’inviter quelques amateurs pour une journée de rebouchage des vieilles bouteilles de l’œnothèque du domaine.

J’ai eu l’occasion de participer à une telle opération il y a quelques années dans la cave du château de Kientzheim et j’ai trouvé cette expérience intéressante et formative…donc pas d’hésitation, je vais être obligé de sécher une journée du « Salon des Vignerons Indépendants de Strasbourg »pour me rendre à Orschwihr et découvrir quelques trésors cachées dans la cave « secrète » de la famille Schmitt.
Hoppla, c’est parti !

Une petite photo prise au printemps 2018 pour ceux qui ne connaissent pas encore.

Après avoir débouché, dégusté et rebouché cette longue série de vieux flacons, Frédéric Schmitt nous invite dans le caveau du domaine pour goûter quelques vins plus jeunes…histoire de nous remettre les papilles d’équerre avant le repas du soir.

L’équipe de rebouchage face à des vins plus jeunes…ça réveille !

Pinot Noir Rosé 2017 : robe très claire, nez vif et appétant, notes de fraise et de bonbon acidulé, bouche vive et stimulante, finale salivante.
Ce rosé léger et stimulant a été réalisé par pressurage direct de pinots noirs nés sur deux parcelles distinctes (gréseuse et marneuse).
Voilà le vin idéal pour accompagner les préparations culinaires au barbecue ou à la plancha…ça sent déjà l’été !

Pinot Noir Rouge 2017 : nez frais sur les petits fruits rouges, jus suave et bien équilibré en bouche, finale digeste, long sillage acidulé.
Pinot Noir Cœur de Bollenberg 2017 : nez charmeur, notes de baie de cassis et de fleurs (bonbon des Vosges au coquelicot), bouche dense et gourmande, chair voluptueuse, tanins mûrs, finale fraîche avec un joli retour floral.
En 2017, Frédéric Schmitt a choisi de vendanger ses pinots noirs plus tôt que d’habitude pour éviter ces maturités excessives très pénalisantes pour aboutir à des équilibres digestes.
La cuvée rouge séduit par son caractère gourmand et accessible alors que le Cœur de Bollenberg joue à merveille la carte de la complexité et de l’élégance…voilà encore un pinot noir alsacien qui pourra tenir la dragée haute à pas mal de belles quilles bourguignonnes. MIAM !

Crémant : nez complexe et très engageant, notes de fruits blancs et de brioche au citron, bouche tonique avec une bulle très fine, finale bien sapide.
(70% auxerrois + 20% pinot blanc + 10% chardonnay)
Crémant Blanc de Noirs : nez discret et complexe, vinosité appuyée en bouche, mousse tonique avec une bulle bien fine, finale nette et appétente avec une présence minérale qui commencent à se faire sentir.
(100% pinot noir)
J’ai toujours eu un faible pour les crémants de ce domaine et ce ne sont pas ces deux nouvelles quilles qui vont remettre en cause ma dilection pour les bulles signées Schmitt : un « Brut » festif et gourmand qui se boit avec une facilité déconcertante et un « Blanc de noirs » vineux et minéral qui montre comme toujours un caractère gastronomique affirmé. Double MIAM !

Sylvaner Bollenberg 2016 : nez agréable sur les fruits blancs frais avec une légère touche fumée, jus très gourmand en bouche, finale vive et salivante.
Auxerrois Bollenberg 2017 : nez complexe, notes de miel de forêt, de bonbon anglais et de fleurs des prés, attaque franche, richesse et gras en milieu de bouche, finale digeste avec une belle allonge minérale.
Pinot Blanc La Croix du Sud 2017 : nez raffiné, fruits blancs et boisé subtil, bouche ample et riche qui laisse une belle impression de puissance, finale intense, salinité minérale et long sillage fruité/vanillé.
Le domaine Schmitt nous a habitués à sortir de très belles cuvées de sylvaner et de pinots sur le Bollenberg…et, comme on pouvait s’y attendre, ces 3 bouteilles ne dérogent pas à la règle : ce sont des vins précis et parfaitement équilibrés qui peuvent se déguster dès leur plus jeune âge mais qui supporteront aisément quelques années de vieillissement.
A côté de ces 2 vins de plaisir immédiat, la cuvée « Croix du Sud », travaillée à la bourguignonne, affirme un caractère plus raffiné et plus retenu : c’est un superbe pinot blanc de garde et de gastronomie. MIAM !

Muscat : nez très suave, belle palette florale, bouche assez généreuse avec un milieu très tendre, finale rafraîchie par une ligne acide/minérale fine mais bien en place.
Ce joli muscat frais et aromatique est réalisé à partir de raisins achetés, provenant pour 70% du Pfingstberg et pour 30% du Bollenberg.
Frédéric attend impatiemment d’avoir la main sur la conduite de la parcelle de vignes située sur le Grand Cru pour y réaliser un vrai muscat de terroir…on a hâte de goûter ça !

Riesling Bollenberg 2017 : nez vif et frais sur le citron vert et les zestes d’agrumes, matière assez consistante tenue par une acidité très alerte, finale droite et bien sapide.
Riesling Grand Cru Pfingstberg 2017 : nez très fin, palette florale élégante et complexe, structure longiligne en bouche, belle salinité en finale, sillage sur les fleurs et les épices (poivre).
Riesling Grand Cru Pfingstberg-Paradis 2017 : expression aromatique assez proche de celle du vin précédent, matière plus dense en bouche, structure acide/saline très puissante, finale longue et vive avec un petit grip tannique très stimulant.
Avec ce Bollenberg droit et salin, ce Pfingstebrg élégant et délicatement épicé et ce Paradis charnu et puissamment minéral, le domaine Schmitt nous propose une triplette de rieslings de très belle facture.
Ce sont des vins qui affirment dès à présent un caractère bien marqué mais qui sont encore très loin de leur apogée : l’amateur pressé pourra se faire plaisir dès aujourd’hui mais celui qui fera preuve d’un peu de patience (au moins 3 ans) verra son « sacrifice » largement récompensé.

Riesling Grand Cru Pfingstberg-Paradis 2018 : jus un peu plus gourmand que le 2017, acidité bien tonique, salinité puissante.
Riesling Grand Cru Pfingstberg-Paradis 2016 : nez pur et très discret, nuances minérales qui commencent à se définir, silhouette longiligne très élégante, minéralité très expressive en finale, longue persistance avec des amers nobles et de fines nuances poivrées.
Pour encadrer un Paradis 2017 en voie d’être mis sur le marché, Frédéric nous propose de goûter en primeur un 2018 tiré sur fût et un 2016 qui a bénéficié d’une année supplémentaire de vieillissement sous verre : la version 2018 remarquable d’énergie et de gourmandise annonce un millésime haut en couleur sur ce terroir alors que la version 2016 commence à afficher un profil plus mature avec une structure élancée et une belle empreinte minérale.

Pinot Gris 2017 : nez suave et très charmeur, présence bien gourmande en bouche, finale légère et digeste.
Pinot Gris Bollenberg 2017 : nez caractéristique sur les fruits jaunes frais avec une fine touche fumée, matière assez riche en bouche, salinité puissante, finale salivante avec un long sillage fruité et épicé.
Pinot Gris Le Maréchal 2017 : fruité discret au nez, notes lactées encore un peu sensibles, bouche qui allie puissance et élégance, finale vive et profondément saline.
La gamme de pinots gris 2017 nous présente un joli crescendo qualitatif avec 3 cuvées particulièrement réussies. Seule cuvée d’entrée de gamme réalisée avec 100% de raisins du domaine, le pinot gris générique séduit par son caractère sociable et son équilibre très aérien.
Grâce à son jus généreux, sa belle salinité et sa touche fumée, le « Bollenberg » plaira aux amateurs de pinots gris plus classiques.
La grande cuvée « Le Maréchal », travaillée à la bourguignonne est encore bien jeune pour donner toute la mesure de son talent mais on y devine d’ores et déjà la promesse de belles émotions à venir. MIAM !

Gewurztraminer 2017 : nez puissant, palette florale et épicée, attaque très douce, milieu de bouche juteux et suave, finale puissamment épicée relevée par de beaux amers minéraux.
Gewurztraminer Cuvée Marie-France 2017 : nez assez impulsif sur les fruits jaunes et les épices fortes, bouche très corsée, équilibre riche, finale puissante et long sillage épicé.
Gewurztraminer Grand Cru Pfingstberg 2017 : nez discret et raffiné, palette complexe sur les fruits exotiques et les épices douces, bouche généreuse mais parfaitement sapide, finale tout en élégance, longue persistance épicée et minérale.
Gewurztraminer Grand Cru Pfingstberg 2016 : nez suave, expression aromatique très délicate sur les épices douces, bouche concentrée, équilibre assez vif, très belle présence saline, finale étirée et très digeste.
Qu’ils proviennent du Bollenberg ou du Pfingstberg, les gewurztraminers du domaine Schmitt sont toujours des modèles d’élégance et de gourmandise.
La cuvée générique est une vraie friandise qui se laisse déguster avec une facilité déconcertante dès aujourd’hui. MIAM !
La cuvée Marie-France qui révèle un tempérament très incandescent dans sa jeunesse, pourra séduire les amateurs de sensations fortes mais gagnera surement en sérénité après quelques années de garde.
Les deux vins du Pfingstberg affichent la complexité et la retenue qu’on aime retrouver sur des vins bien nés et bien vinifiés : voilà deux bouteilles taillées pour défier le temps !

Pinot Gris V.T. 2017 : nez très discret, miel de fleurs et petite touche fumée, chair très consistante en bouche, toucher gras, équilibre riche (80 g de SR) mais finale digeste avec des amers nobles qui stimulent la salivation.
Gewurztraminer V.T. 2017 : nez fin et délicat, notes de sucre de candy et d’épices douces, puissance redoutable en bouche, jus concentré (100 g de SR) tenu par une charpente acide/amère bien en place, finale d’une longueur exponentielle.
Malgré une certaine timidité dans leur expression aromatique, les deux cuvées moelleuses du domaine Schmitt me semblent extrêmement prometteuses.
Le pinot gris est déjà une jolie caresse pour les papilles mais profitera surement de quelques années de garde pour gagner en complexité.
Issu d’une parcelle de vignes largement centenaire, le gewurztraminer affiche un niveau de puissance vraiment hors norme…c’est un petit « monstre » qu’il faut impérativement encaver durant au moins 5 ans (peut-être même 10) pour lui permettre de calmer sa fougue et canaliser son énergie…quel potentiel mes amis !

Malgré des papilles bien fatiguées, j’ai quand même pu apprécier cette superbe série de vins issus des derniers millésimes : qu’ils soient rouges ou blancs, secs ou moelleux, vins de fruit ou vins de terroir, les 2017 signés Schmitt sont des vins de très belle facture. Les expressions aromatiques sont d’une grande pureté, les équilibres précis et les signatures minérales bien lisibles…même sur les cuvées d’entrée de gamme.
Bref, 2017 est un très grand millésime au domaine Schmitt…coup de cœur général et enthousiaste pour cette offre vinique exceptionnelle.

Bouchage DIAM généralisé depuis de longues années au domaine Schmitt…les futures séances de rebouchage vont probablement être plus faciles !

Cette longue journée de dégustation s’est terminée par un dîner convivial au restaurant Klein à Soultzmatt, une adresse à retenir pour sa carte des vins qui offre un choix invraisemblable de belles bouteilles à des pris très sages.

Le quatuor du soir dégusté sans prise de notes…j’ai assez travaillé pour aujourd’hui !