Journée de rebouchage de vieux flacons au domaine Schmitt à Orschwihr - Partie 2

Que ce soit pour une visite classique, une journée de vendanges ou une session AOC délocalisée, le domaine François Schmitt d’Orschwihr est devenu depuis quelques années, l’une de mes adresses fétiches du vignoble alsacien.

Frédéric et Myriam Schmitt sont toujours prêts à ouvrir leurs portes pour accueillir des œnophiles désireux de partager avec eux leur passion pour la chose vinique…et c’est ainsi qu’en ce dernier jour de vacances d’hiver, ce couple de vigneron a décidé d’inviter quelques amateurs pour une journée de rebouchage des vieilles bouteilles de l’œnothèque du domaine.

J’ai eu l’occasion de participer à une telle opération il y a quelques années dans la cave du château de Kientzheim et j’ai trouvé cette expérience intéressante et formative…donc pas d’hésitation, je vais être obligé de sécher une journée du « Salon des Vignerons Indépendants de Strasbourg »pour me rendre à Orschwihr et découvrir quelques trésors cachées dans la cave « secrète » de la famille Schmitt.
Hoppla, c’est parti !

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Une petite photo prise au printemps 2018 pour ceux qui ne connaissent pas encore.

Après une pause déjeuner très agréable, où nous avons pu regoûter certains vins en compagnie de charcuteries alsaciennes et de fromages savoyards, nous repartons en cave pour continuer notre travail avec une série de Muscats

1987 : 2 bouteilles
Nez agréable et complexe, menthe poivrée, chlorophylle, cuir...bouche fraîche mais un peu fluette, finale nette mais courte.
Verdict : 2 bouteilles validées et rebouchées.

1989 : 1 bouteille
Menthe et buis (pour ne pas dire « pipi de chat ») au nez, équilibre frais, légèrement amer en finale.
Verdict : on garde et on rebouche…pour la « science ».

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Les deux 87 médaillés d’or à Colmar et le 89…sauvés !

1994 :3 bouteilles
Léger, court mais encore en vie.
Verdict : on garde et on rebouche les 3.

1996 : 3 bouteilles
Nez discret sur la chlorophylle, belle présence en bouche
Verdict : on garde et on rebouche les 3.

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1997 : 2 bouteilles
Belle expression mentholée au nez, fraicheur agréable en bouche.
Verdict : 1 bouteille éliminée (bouchon) et 1 bouteille rebouchée

2002 : 13 bouteilles
Aromatique complexe et expressive, chair assez gourmande en bouche.
Verdict : 12 bouteilles rebouchée, 1 éliminée (réduction anormale).


Après cette sélection de vieux muscats nos papilles sont à nouveau d’équerre…et prêtes à évaluer une longue série de Rieslings

Bollenberg 1994 : 2 bouteilles
Un vin austère et très sec, finale fatiguée
Verdict : on en garde une pour voir…mais sans grande conviction.

Bollenberg 1995 : 3 bouteilles…et 3 vins qui on passé l’arme à gauche.
Verdict : pas de rebouchage…dernier voyage vers l’évier

Bollenberg 1997 : 1 bouteille dans le même état que les 95
Verdict : pas de rebouchage…accompagne les 95 dans le cortège funéraire.

Bollenberg 1998 : 2 bouteilles
Aromatique bien fraîche, bouche en place, finale vive et tendue.
Verdict : on garde et on rebouche les 2.

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Bollenberg 2000 : 5 bouteilles
Nez frais sur les zestes et les épices, matière longiligne, acidité ciselée.
Verdict : 5 jolis rieslings reçus 5 sur 5.

Bollenberg 2001 : 10 bouteilles
Vif et citronné au nez, belle énergie en bouche.
Verdict : on a beaucoup de bouteilles, on élimine les 2 un peu moins bonnes et on conserve les 8 meilleures.

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Bollenberg 2002 : 6 bouteilles
Notes légèrement grillées au nez, bouche charnue, finale vive et étirée.
Verdict : qualité homogène, on garde et on rebouche les 6.

Bollenberg 2004 : 8 bouteilles
Aromatique pure et fraîche, notes d’agrumes, bouche séduisante, suave et consistante, finale tonique.
Verdict : un super riesling, récolté mûr (il restait près de 7 g de SR à la mise) et qui étonne par sa plénitude après près de 15 ans de garde…on garde et on rebouche les 8.

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Une belle cuvée médaillée à Colmar en 2005…récompense justifiée !

Grand Cru Pfingstberg 1988 : 1 bouteille
Frais et délicatement mentholé au nez, bouche légère, structure filiforme.
Verdict : avenir incertain pour un vin bien léger…on le boit tant que c’est encore possible.

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Grand Cru Pfingstberg 1993 : 8 bouteilles
Un vin austère et droit mais encore pleine d’énergie.
Verdict : 2 bouteilles légèrement oxydées éliminées et 6 bouteilles rebouchées.

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Grand Cru Pfingstberg 1994 : 5 bouteilles
Nez complexe et charmeur, notes de zestes et de cuir sur un fond mentholé, belle tenue en bouche, finale fraîche te tendue.
Verdict : on garde et on rebouche les 5 bouteilles.

Grand Cru Pfingstberg 1998 : 3 bouteilles
Nez discret, notes de céréales, bouche charnue et bien texturée, finale fraîche et saline.
Verdict : joli trio, on garde et on rebouche les 3 bouteilles.

Grand Cru Pfingstberg 1999 : 4 bouteilles
Austère et droit au nez comme en bouche, matière dense, très belle présence saline.
Verdict : on garde et on rebouche les 4 bouteilles.

Grand Cru Pfingstberg 2000 : 8 bouteilles
Nez agréable sur les fleurs et le cône de houblon, matière riche, finale acidulée.
Verdict : on élimine 1 bouteille un peu moins bonne que les autres et on conserve les 7 meilleures.

Grand Cru Pfingstberg 2001 : 6 bouteilles
Aromatique très fringante, matière tonique, texture finement granuleuse, salinité puissante et amers minéraux en finale
Verdict : un grand millésime et 6 belles bouteilles en pleine forme…on garde tout !

Grand Cru Pfingstberg 2003 : 9 bouteilles
Notes de gingembre râpé au nez, matière opulente, finale citronnée avec de beaux amers
Verdict : 8 très belles bouteilles et 1 bouchonnée…la réserve 2003 comptera 8 flacons.

Grand Cru Pfingstberg 2004 : 15 bouteilles
Aromatique très suave, matière juteuse, structure puissante, finale salivante…et une toute petite touche de « Suze » pour rappeler le millésime.
Verdict : 15 bouteilles impeccables rebouchées et mises en réserve…tant mieux !

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Changement d’habillage des bouteilles signées Schmitt

Grand Cru Pfingstberg 2005 : nombre de bouteilles ???
Aromatique raffinée, balance parfaite en bouche, silhouette très élégante, finale saline et parfaitement équilibrée avec de très beaux amers minéraux.
Verdict : je n’ai pas noté le nombre de bouteilles (il y en avait quelques-unes…) mais toutes on été validées et rebouchées.

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Une partie de la belle collection de 2005…

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…avec la première étiquette qui mentionne le lieu-dit « Paradis ».


Après cette série de rieslings, il reste encore à évaluer les pinots gris, les gewurztraminers et les cuvées moelleuses mais l’après-midi est déjà bien avancée et Frédéric a bien envie de nous faire déguster quelques cuvées récentes…allez, les vieilles bouteilles attendront une autre séance de rebouchage.


Petit bilan personnel :

Ces séances de rebouchage qui nous font découvrir des flacons d’âge vénérable, sont toujours propices à l’acquisition de quelques connaissances supplémentaires sur la question complexe du vieillissement des vins.

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Parfois on rencontre des bouteilles vraiment mystérieuses comme celle-ci dont on ne connaît que le terroir d’origine.

Cette dégustation a confirmé – une fois encore – que les vins d’Alsace étaient de vrais vins de garde : on a débouché un grand nombre de bouteilles de 20 ans et plus et, au bout du compte, on en a éliminé que très peu.

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La série de bouteilles recalées et prêtes à faire le grand plongeon dans l’évier

La plupart des vins refusés ont été victimes d’altérations imputables à des bouchages défectueux : pas trop de vins bouchonnés mais surtout des problèmes d’oxydation qui dénaturent l’aromatique et/ou décharnent la matière…mais de ce côté-là le domaine Frédéric Schmitt peut compter sur l’expertise de son frère (Alain Schmitt, directeur régional de DIAM France) pour maîtriser parfaitement cette opération.

En terme de longévité pure, l’effet millésime n’a peut-être pas autant d’importance qu’on pourrait le penser : certaines bouteilles de 1994, 1997, 2002, 2004 nous on vraiment régalés...mais qui aurait parié sur cette longévité au moment de la sortie de ces vins ?

J’aurai aussi beaucoup de mal à affirmer qu’il y a des cépages plus aptes que d’autres à tenir dans le temps : on a pu goûter quelques beaux sylvaners (1994, 2002), pinots blancs (1998, 2003), pinots noirs (1997, 2003) ou muscats (1997, 2002).

Parmi cette longue série de bouteilles d’un joli niveau qualitatif, j’ai quand même effectué une petite sélection personnelle avec ces 5 flacons qui m’ont particulièrement étonné par leur parfaite tenue dans le temps : le pinot noir « Cœur de Bollenberg » 2003, un grand rouge qui est loin d’avoir dit son dernier mot, le sylvaner 2002, un « petit » cépage, un « petit » millésime mais un vin qui a fière allure, l’auxerrois 2003, un boisé qualitatif et parfaitement intégré, le riesling « Bollenberg » 2004, une réussite majeure dans un millésime très délicat et le riesling « Pfingstberg » 2005 qui nous a ouvert les portes du « Paradis ». MIAM !


Dégustation des cuvées plus jeunes à suivre

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