La cinquième édition de mon périple automnal en terre burgonde sera pour le moins originale car le programme de mes visites ne prévoit aucune halte en Côte d’Or. Bien sûr, je sais qu’une tournée dans le vignoble bourguignon sans la moindre petite étape dans son cœur historique relève pratiquement du sacrilège…mais j’assume !
C’est ainsi qu’en 2014 nous ferons un parcours inédit qui nous conduira aux confins (ou presque) de la Bourgogne géographique et vinique.
La première journée sera consacrée à une incursion dans le chablisien avec une visite au domaine Besson suivie par un nouveau passage au domaine Masse en côte châlonnaise.
La seconde journée nous emmènera encore un peu plus au sud, dans le Mâconnais (Le Manoir du Capucin et La Soufrandière) et dans le Beaujolais (Domaine des Marrans).
Hoppla, c’est parti !
Vue sur Chablis à partir du haut du Grand Cru Valmur.
Jour 2. : domaine Manoir du Capucin à Fuissé
La première étape de la seconde journée de notre petite tournée de 2014 nous conduit vers le petit village de Fuissé pour une visite inédite chez Chloé Bayon, une vigneronne qui a choisi de reprendre une exploitation familiale donnée en métayage pendant deux générations, pour se lancer dans la production de vin en redonnant vie à un domaine historique du mâconnais.
Le site du manoir du Capucin…impressionnant !
Après un cursus d’études scientifiques à Nice, Chloé Bayon est revenue s’installer sur la terre et dans la maison de son arrière-grand père en 2002 avec comme projet de mettre en valeur ce patrimoine architectural et viticole vraiment exceptionnel.
Vue rapprochée du manoir à colonnes.
Tout en nous faisant visiter ses installations professionnelles, Chloé Bayon nous raconte l’histoire passionnante de ce domaine établi dans l’une des plus vieilles maisons de Fuissé.
C’est en 1921 qu’Antoine Forest, son arrière-grand père, acquiert cette propriété comprenant des vignes et un magnifique ce manoir à colonne qui date du XVII° siècle et qui a été habitée par un moine capucin nommé Luillier (d’où le nom du domaine).
Antoine Forest fut le Président du Syndicat des producteurs de Pouilly Fuissé mais sa descendance n’a pas souhaité perpétuer son œuvre et les vignes furent données en métayage durant plusieurs décennies.
Deux générations plus tard Chloé Bayon a décidé de se lancer dans la production de vin en réinvestissant ces lieux mythiques pour les rénover et les restructurer.
Des médailles datant de la fin du XIX° siècle gagnées par l’ancien propriétaire du domaine.
Aujourd’hui, Chloé Bayon exploite 12,5 hectares de vignes sur plus de 50 parcelles différentes et commercialise une gamme de 6 cuvées uniquement en blanc : « Au début, je produisais une cuvée de Mâcon et une cuvée de Pouilly Fuissé, mais avec le temps, j’ai choisi d’isoler 3 parcelles pour les vinifier à part ».
Des vignes de chardonnay jusque dans le jardin du manoir.
Les vendanges sont « mixtes » - manuelles pour 1/3 de la surface et mécaniques pour les 2/3 restants – les pressurages sont effectués à l’aide de 2 pressoirs et les élevages se font essentiellement en cuves d’acier émaillé : « C’est le cuvier d’origine avec du matériel qui est encore tout à fait opérationnel ».
L’élevage en fûts de chêne est mis en œuvre pour l’élaboration d’un seul vin la Cuvée Quintessence.
Une partie du grand cuvier avec les 2 pressoirs.
Avec les travaux d’agrandissement prévus dans l’année à venir, Chloé Bayon projette de s’équiper progressivement avec des cuves inox mais je ne suis pas sûr qu’elle parvienne à renoncer complètement à ces contenants historiques…qui sait si l’âme du domaine n’y est pas cachée ?
Des cuves originelles en acier émaillé et quelques barriques sous l’impressionnante charpente du cuvier
La dégustation a lieu dans une pièce très particulière de l’ancien manoir – probablement la chapelle – qui a été aménagée en caveau pour accueillir tous les adeptes du culte de Bacchus.
Tout est en place pour la cérémonie…
Macon Solutré Pouilly Délice 2013 : nez ouvert avec une palette florale très charmeuse, en bouche on perçoir des arômes de raisin frais et de craie, équilibre très guilleret, jolie présence en finale avec un sillage persistant, fruité et finement épicé.
Provenant de parcelles argilo-calcaires situées sur les bans de Solutré et de Pouilly, cette cuvée qui associe du chardonnay classique avec son homonyme muscaté (clone n°809) porte bien son nom : du fruit, de la franchise et de la fraîcheur, le tout à un prix très doux…un délice auquel personne ne peut résister !
Pouilly Fuissé Sensation 2013 : notes grillées évanescentes à l’ouverture, fruité discret et touche lactée/beurrée après oxygénation, équilibre très élégant en bouche avec une acidité droite et un joli gras, finale expressive et complexe qui révèle une minéralité naissante.
Encore jeune, élevé uniquement en cuve – même si son expression aromatique nous a fait penser à une marque d’élevage en fûts – ce premier Pouilly Fuissé est en train de se mettre en place en dévoilant une matière pure et fraîche soutenue par une trame acide/saline qui porte la signature d’une belle origine.
Pouilly Fuissé Clos de la Maison 2012 : minéralité très franche et notes de pêche blanche au nez, bouche tonique, matière longiligne, belle concentration, finale bien marquée par le terroir.
Née sur une parcelle argilo-calcaire (assez argileuse) de 1,34 hectares sur Pouilly, cette cuvée, monopole du domaine, exprime avec beaucoup d’authenticité l’identité particulière de ce terroir…un vin sérieux mais séduisant.
Pouilly Fuissé Aux Morlays 2011 : nez distingué et complexe sur les agrumes et les épices, matière concentrée en bouche, acidité fine et persistante, minéralité vibrante en finale.
Ce vin affirme une maturité accomplie en nous régalant avec sa belle complexité aromatique, son équilibre très dynamique et sa profonde empreinte minérale...un Pouilly Fuissé très stylé !
Pouilly Fuissé Quintessence 2013 : nez riche avec un fruité généreux et une fine touche boisée, très belle alliance entre une texture bien grasse et une acidité citronnée bien tendue, finale assez pointue, toujours très minérale.
Riche, gourmande et élevée avec beaucoup de maîtrise (1 an en barriques) cette cuvée haut de gamme de Chloé Bayon est réalisée à partir d’un assemblage de jus sélectionnés sur les meilleures parcelles du domaine (Clos de la Maison, Aux Morlays, Vignes Blanches…). Voilà un vin qui respire la classe et qui porte la promesse d’un très bel avenir…mais dieu qu’il va être difficile de résister à cette énergie juvénile ensorcelante !
Cette visite programmée au dernier moment, à l’initiative de l’ami Jean-Claude (tuyauté par un collègue de travail) a vraiment été une étape mémorable dans mon périple 2014 : l’histoire de cette jeune vigneronne qui a choisi de redonner vie à ce domaine pour continuer d’écrire l’histoire de sa famille entre les rangs de vigne de Fuissé ne pouvait que me passionner.
Ce fut une belle rencontre dans un cadre qui avait un petit quelque chose de magique…tout ce que je recherche lorsque j’entreprends mes pérégrinations viniques.
Les vins de Chloé Bayon sont purs et précis avec un côté charmeur et une structure minérale qui témoigne de la qualité de ces terroirs argilo-calcaires du cœur de l’appellation Pouilly-Fuissé.
Fidèle à une tradition familiale séculaire, cette vigneronne a choisi de privilégier les élevages traditionnels en cuves pour la majeure partie de ses vins mais sa cuvée « Quintessence » nous prouve qu’elle est tout à fait capable de maîtriser le travail à la bourguignonne. En ce qui me concerne, je suis convaincu que ces pratiques pourraient être appliquées aux vins issus de grands terroirs comme le Clos de la Maison ou les Morlays : je suis persuadé que les crus issus des secteurs qualitatifs de ce vignoble sont assez puissants pour supporter un passage en fûts et gagner une dimension supérieure grâce à ça…mais ce n’est que mon humble avis d’amateur, ne l’oubliez pas !
Mes coups de cœur de la matinée se placent en début et en fin de série avec un Mâcon blanc délicieux offrant un rapport Q/P exceptionnel et un Pouilly Fuissé élevé en fûts de chêne qui affirme son caractère de grand vin dès son plus jeune âge.
Mille mercis à Chloé Bayon pour cette belle visite.
Ajouter un commentaire