Périple sudiste 2013 - Domaine Padié
PERIPLE SUDISTE 2013
C’est toujours avec le même plaisir que je m’engage dans la troisième édition de mon périple annuel dans les vignobles du sud car, en plus du retour prochain de l’été et des beaux jours, il annonce toujours des rencontres humaines enrichissantes et de belles découvertes viniques.
Le programme 2013 est particulièrement dense puisque, en 5 journées je vais me promener tour à tour près de la colline de l’Hermitage, dans le Roussillon, dans le Languedoc, en Provence et en Ardèche…qui m’aime me suive !
Journée « studieuse » au pied du Canigou
Domaine Padié à Calce
La deuxième halte de cette journée se fera sur la place centrale du village de Calce au restaurant « Le Presbytère » pour un repas en bonne compagnie avec mes deux compagnons de route, William le caviste local, les vignerons, Lionel Gauby et Jean-Philippe Padié et quelques autres grands amateurs de vins et de bonne chère.
La joyeuse tablée sur la terrasse du restaurant « Le Presbytère » : la vie est belle sous le soleil du Roussillon
Cette royale bombance fut savamment arrosée par une bonne dizaine de flacons rapportés par les convives, notamment des cuvées Vieilles Vignes de Gauby de 2008 et de 1990, un Latricières-Chambertin 2007 de Rossignol-Trapet, un Chamois du Paradis 2004 de Ganevat et bien d’autres…
Fin de repas avec une table bien garnie…
A la fin du repas Jean-Philippe Padié nous annonce que sa cuvée « Fleur de cailloux » est prête et va être mise en bouteilles très prochainement. Comme sa cave se situe à quelques pas du restaurant, nous n’avons pas hésité une seconde lorsqu’il nous a invités à la goûter en « primeur » :
Fleur de Cailloux VDP Côtes Catalanes blanc 2011 : le nez parle déjà très fort avec un fruit puissant et une touche d’anis, la bouche est charnue, dense et profondément saline.
Cet assemblage de grenache blanc (50%), de grenache gris (20%) et de maccabeu (30%) est un vrai bonheur : un jus pur et concentré et une minéralité intense qui laisse mes papilles alsaco-dépendantes sous le charme.
Ce que j’avais pressenti chez Gauby se confirme : on fait de très grands blancs autour de Calce !
Evidemment, ce qui devait arriver n’a pas manqué de se produire…notre visite s’est prolongée avec la dégustation de toute une série de cuvées en gestation.
Pour célébrer dignement le dixième anniversaire de son domaine (il a débuté en 2003), Jean-Philippe Padié a décidé qu’en 2013 il sortirait 6 micro-cuvées parcellaires.
Pour l’heure elles sont encore en cours d’élevage en pièces bourguignonnes et nous dégustons des échantillons prélevés sur fût :
Cuvée 1 : maccabeu : on sent de belles notes d’agrumes frais au nez, en bouche il y a une grande vinosité et une salinité vibrante, la finale est sapide et longuement aromatique.
Cuvée 2 : complantation à dominante grenache blanc sur terroir argilo-calcaro-schisteux exposé au sud : le nez est très vif sur le citron frais et la craie, la bouche se montre très avenante avec un toucher gras et soyeux et une petite rondeur sympathique.
Cuvée 3 : complantation à dominante grenache blanc sur terroir argilo-calcaro-schisteux : l’aromatique est très proche de celle du vin précédent mais l’équilibre en bouche est plus tonique avec sa matière dense et sa trame acide très nerveuse qui porte une finale bien fraîche.
Cuvée 4 : grenache gris sur terroir de marnes grises : discret au nez, ce vin se révèle surtout en bouche avec une belle concentration, une structure puissante et une finale accompagnée par de fins amers.
Cuvée 5 : grenache noir sur terroir de marnes grises exposé au nord : le nez est discret avec des notes de fruits rouges et d’agrumes, en bouche la chair gourmande tenue par une trame tannique dense et soyeuse s’équilibrent avec élégance.
Cuvée 6 : vieux carignans sur terroir de marnes calcaires : après une petite réduction peu avenante, l’aromatique se livre en révélant de belles notes de fruits noirs, la bouche est charnue, concentrée et finement tannique, une fine acidité qui apparaît progressivement laisse une jolie sensation de fraîcheur en finale.
Avec des équilibres prometteurs et des différences d’expression bien marquées, ces 6 cuvées spéciales qui sont encore en train de se construire gardent néanmoins encore un côté un peu mystérieux pour le dégustateur qui découvre les vins de Jean-Philippe Padié.
Personnellement, j’ai été très sensible à cette énergie positive (parfois un peu débridée) qui émanait de ces jus blancs ou rouges travaillés sans intrants et dont certains seront laissés « nature » à la mise.
Voilà un carton « collector » que je ne raterai pour rien au monde…à bon entendeur !
Jean-Philippe Padié en pleine explication devant ses 6 cuvées spéciales 2012
Dany regarde sa montre avec inquiétude…notre retard pour le prochain rendez-vous se creuse irrémédiablement, mais l’enthousiasme et la générosité de Jean-Philippe Padié n’ont que faire des contingences temporelles « allez, il faut absolument goûter ça et puis ça… ! »
Ciel Liquide Côtes du Roussillon Villages rouge 2010 : le nez est intense et complexe sur l’amande douce et les fruits noirs bien mûrs, la bouche dese et sèveuse est posée sur une trame tannique très solide mais avec un grain bien lisse.
Issu de carignans et de grenaches (50/50) récoltés sur des terroirs géologiquement très diversifiés, cette cuvée a été élevée durant deux années en demi-muids et va séjourner encore quelques mois en cuve. D’un abord déjà bien agréable aujourd’hui ce vin disposera encore de temps pour se livrer avec encore plus de finesse.
Carignan 2012 : le nez révèle une belle maturité avec des notes de cerise noire et de noyau, en bouche la matière très douce flatte les papilles en laissant une sensation presque moelleuse, la finale remet les choses en place avec une trame tannique très puissante.
La fougue qui émane de cette jeune cuvée issue de ces vieux carignans sur schistes m’a vraiment impressionné : pour l’heure la générosité de la matière et la virulence tannique cohabitent sans communiquer vraiment mais bon sang que ces éléments sont beaux ! Patience…
Petit Taureau Côtes du Roussillon 2011 : le nez est encore sur la retenue mais on devine une palette bien complexe, en bouche le vin semble calme et posé (surtout après le précédent !) avec une chair dodue et une structure tannique fine mais présente qui étire la finale.
Cet assemblage d’une jeune syrah sur schiste et de carignans centenaires sur un terroir calcaire est encore en cours d’élevage en cuve béton mais, malgré une aromatique encore un peu retenue on sent une texture harmonieuse et bien glissante en bouche…ça promet du MIAM !!!
Milouise VDP Côtes Catalanes blanc 2012 : le nez est élégant et raffiné sur le citron, les fleurs et la craie humide, la bouche est vive et tendue avec une grande profondeur et une finale longue marquée par une acidité pure et traçante.
Issue d’une complantation à dominante grenaches gris sur des sols très maigres (marnes, schistes, argilo-calcaires) cette cuvée représente le haut de gamme du domine. Dégustée en cours d’élevage en demi-muids, Milouse révèle une complexité dans la palette aromatique et une profondeur dans la structure qui annoncent la naissance d’un grand vin.
Impromptue mais passionnante, cette trop courte visite chez Jean-Philippe Padié nous a permis de comprendre encore un peu mieux la richesse et la complexité des terroirs viticoles autour du village de Calce.
Après une formation au domaine Gauby, Jean-Philippe a tout naturellement choisi de travailler ses vignes avec une exigence absolue de respect de l’environnement en mettant en œuvre une viticulture biodynamique (non revendiquée pour l’heure…).
Malgré une solide formation scientifique, ce vigneron semble se baser essentiellement sur ses sensations et son instinct pour concevoir ses différentes cuvées. Plutôt que de faire des vins en leur indiquant la marche à suivre à l’aide d’interventions oenolgiques, il se met à leur écoute, cherche à les comprendre et les assiste pour les aider à se réaliser…la maïeutique de Socrate appliquée dans la cave !
Les vins du domaine m’ont vraiment interpellé par leurs aromatiques très personnalisées, leurs matières juteuses jamais trop lourdes et leurs équilibres frais et toniques : les blancs étonnent par la profondeur de leur empreinte saline et les rouges sont tenus par des charpentes acides tanniques de grande qualité.
Originaux et surement un peu facétieux, ces vins « d’équilibriste » expriment cependant une sincérité absolue qui m’a vraiment parlé cet après-midi.
Une visite plus approfondie me semble absolument nécessaire…et se fera surement l’année prochaine.
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