Des vignes, du ciel bleu et le Mont Baudile à l’horizon…on dirait le Sud
Avec des vacances de printemps placées au milieu du mois d’avril, la 7° édition de ce périple dans les vignobles du sud sera l’un des plus précoces jamais effectués.
L’habituelle étape dans la vallée du Rhône prévue lors mon voyage aller vers Port Camargue se fera à Pont-de-l’Isère au Clos des Grives.
Le lendemain, je vais migrer vers la vallée de l’Hérault en allant faire une première visite au Domaine d’Aupilhac à Montpeyroux avant de passer la traditionnelle soirée à Arboras en compagnie d’Eric et Marie-Ange Supply-Royer.
L’emploi du temps du dernier jour sera pris en charge par Yves Cortey et Dany Jaffuel avec un circuit autour du Pic Saint Loup agrémenté de quelques belles étapes viniques : le Château La Roque, L’Ermitage du Pic Saint Loup et le Château de Cazeneuve.
Hoppla, c’est parti !
Domaine Supply-Royer à Arboras
Des vignes au sortir de Montpeyroux et Arboras au loin.
Je viens de me rendre compte que 2015 est le dixième millésime que je déguste chez les Supply-Royer et pourtant j’ai l’impression que notre première rencontre du côté de Saint Jean de Fos c’était hier…mon dieu que le temps passe vite !!!
Allez, on oublie très vite cet accès de mélancolie et on admire la beauté des paysages autour d’Arboras avant de rendre visite à Eric et Marie-Ange pour goûter avec eux quelques belles cuvées qui sentent bon la chaleur humaine et la joie de vivre.
Le Mont Baudile qui domaine la garrigue près d’Arboras.
Avant de passer à la cave nous profitons de ce soleil printanier particulièrement généreux pour aller voir les vignes…et en particulier la nouvelle parcelle de marsanne que les Supply-Royer viennent de reprendre en main. C’est parti !
La première halte me permet de découvrir la parcelle d’un demi-hectare de marsanne située dans le secteur du bourboulenc de Nega Saumas.
« c’est un terroir très intéressant avec un sol riche en cailloux calcaires, argileux dans le bas et sableux dans la partie haute ».
Bonne nouvelle : la gamme du domaine va s’enrichir d’une nouvelle cuvée de blanc dans les prochains millésimes !
La partie basse de la parcelle de marsanne
…et un pied de vigne sur un sol argilo-calcaire.
La partie haute de la parcelle de marsanne…
…et un pied de vigne sur un sol plus sableux.
Sur le chemin du retour vers Arboras nous allons voir quelques autres parcelles du domaine : les grenaches du Badaïre où Marie-Ange vient de poser des pièges à phéromones pour lutter contre le ver de grappe, les mourvèdres des Crouzets dont la survie n’est plus remise en question aujourd’hui et pour finir, les deux vignes des Intillères.
Les rangs de grenaches du Badaïre…
…avec un cep orné d’un petit collier brun…
…qu’on voit un peu mieux de plus près.
Les mourvèdres des Crouzets…
…où les pieds manquants sont progressivement remplacés…
…et où on trouve aussi les bracelets pour lutter contre le ver de la grappe par confusion sexuelle.
Les carignans pour les Intilléres version rouge
Les bourboulencs et les chenins pour les Intillères version blanche.
De retour à la cave nous faisons un tour d’horizon complet sur ce millésime 2016 qui a causé bien des soucis à nos vignerons : « pas de maladies mais une sécheresse terrible ».
Eric nous raconte qu’il partait à la tombée de la nuit avec une lampe frontale et des remorques chargées de bidons d’eau pour arroser ses parcelles de blancs « dont les raisins séchaient sur pied »…un vrai travail de forçat pour sauver la vendange !
Pour les rouges ce fût un peu plus simple, les vignes ont un peu moins souffert et ont donné de très beaux raisins « d’ailleurs les sangliers ne s’y sont pas trompés et se sont bien régalés sur les parcelles de Pey-Cherres et Costas ».
Pour éviter cette mésaventure dans les années à venir ce secteur va être clôturé dès le mois de juillet.
Avec Eric à la pipette, nous voilà partis pour une longue séquence de dégustation des cuvées de 2016
La Roussane du Bramaïre : nez très discret encore marqué par des notes de réduction, explosion fruitée en bouche avec une palette exotique très épanouie, matière riche et mûre mais finale très tonique.
Le Bourboulenc de Nega Saumas : réduction intense au nez, bouche somptueuse, jus concentré avec de très beaux arômes d’agrumes, structure étirée, finale intense et rafraîchie par des nuances minérales déjà bien sensibles.
En raison de la sécheresse extrême la roussanne a été l’un des enfants terribles de ce millésime mais au bout du compte on ne peut que fondre de plaisir devant cette cuvée qui aura encore besoin de temps pour se mettre en place mais qui nous promet des instants de gourmandise absolue.
Malgré son olfaction encore très verrouillée, la cuvée de bourboulenc, toujours très attendue, nous rassure pleinement sur son potentiel : c’est un vin puissant et parfaitement équilibré qui fera honneur à son statut de cuvée emblématique de la cave Supply-Royer.
Les Intillères : nez raffiné avec un fruité très pur et des notes d’élevage noble, présence élégante en bouche avec un gras très « bourguignon », finale bien tendue avec un retour boisé et une touche minérale très prometteuse.
La première cuvée née sur la jeune parcelle des Intillères est un assemblage de chenin et de bourboulenc qui a commencé sa fermentation en cuve avant d’être placée dans une feuillette : c’est un processus inhabituel chez les Supply-Royer où les blancs sont travaillés intégralement en fûts « on a du s’adapter car le tonnelier ne nous a pas livré à temps…ceci explique aussi le marquage boisé de ce vin »
En tous cas, ce « petit nouveau » n’a pas attendu pour révéler son talent « 13°5, un PH de 3,25 et 4,5g d’AT, ce sont des paramètres dignes d’un premier cru de Meursault »...Eric est enthousiaste, voilà qui est de bon augure pour la suite !
Première photo d’un futur grand blanc du Languedoc
Pour commencer la série de rouges, Eric me propose de comparer deux cuvées de Grenaches du Badaïre élevées dans deux pièces différentes : l’une a été réalisée à partir de douelles provenant de deux forêts de l’Allier et l’autre a été réalisée uniquement avec du chêne de la forêt de Bertrange.
Le Grenache du Badaïre (élevé en fût neuf Ermitage – origine forêt de la Bertrange) : nez sur la cerise bien mûre, notes de torréfaction, jus riche et très suave, structure souple qui donne une impression de douceur en milieu de bouche, finale très sapide.
Le Grenache du Badaïre (élevé en fût neuf Ermitage – origine forêt de la Bertrange et forêt du Tronçais) : nez discret, notes de fruitées très pures, matière riche et concentrée, finale fraîche avec une trame tannique sensible.
J’ai trouvé que le premier vin était un peu marqué par l’élevage sur le plan aromatique mais révélait une très belle gourmandise en bouche alors que le second montrait plus de retenue dans son expression aromatique tout en présentant une structure plus dense et plus virile en bouche.
Bien évidemment, je ne suis pas en mesure de dire lequel des contenants sera le plus apte à révéler la nature profonde de ce vin mais j’ai vraiment apprécié la qualité de ces deux jus pleins de fruit et d’énergie et je pense qu’ils se complèteront parfaitement si Eric décide de les assembler…à suivre.
Les pièces neuves Ermitage.
Le Grenache de Costas : olfaction troublées par des notes de réduction, de levures et de lies (le vin fermente encore), attaque franche et précise en bouche, fruité expressif et spontané, jus très gourmand avec un moelleux sensible, finale très longue, fruits rouges et épices.
La Syrah de Pey Cherres : nez discret, notes de réduction, fruits noirs et violette en fond, matière concentrée structurée par une acidité large et une trame tannique très soyeuse, finale longue et digeste.
Le Mourvèdre des Crouzets : nez discret, notes de fruits noirs et nuances minérales, bouche puissante racée avec un fruité qui s’affirme, finale fraîche avec un sillage dominé par une minéralité intense (graphite, encre).
Habituellement très renfrogné dans sa jeunesse, le grenache de Costas 2015 m’a étonné par son caractère ouvert et volubile alors que la syrah est restée dans la ligne des millésimes précédents en révélant une personnalité sérieuse et racée qui demandera un peu de temps avant de se livrer pleinement.
Pour ce qui est du mourvèdre voici ce que nous avait annoncé Eric, il n’y a pas si longtemps : « La vigne vraiment trop malade (esca) a produit une pièce de vin…elle sera arrachée après la vendange 2015 ».
Mais cette funeste perspective n’est plus d’actualité, la vigne des Crouzets est définitivement sauvée et nous pourrons continuer de nous régaler avec son vin à nul autre pareil. OUF de soulagement et MIAM de plaisir !
Les Intillères : nez discret, notes de fruits noirs et de résine, matière dense et gourmande en bouche, équilibre fin et digeste, finale longue et glissante, sillage fruité et épicé (vanille et épices douces).
Comme toujours, la grande cuvée du domaine brille par son accessibilité et par son énergie très communicative…on en boit et on en reboit sans se lasser et on sent monter un sentiment de plénitude et de sérénité.
C’est un vin taillé pour la garde mais il se livre avec une telle gourmandise que l’amateur devra vraiment faire preuve d’abnégation pour lui laisser le temps de vieillir. MIAM !
Après cette première série, nous passons à la dégustation de quelques vins de 2015 : « un millésime avec un printemps très sec et des pluies salvatrices en fin d’été ».
La Roussanne du Bramaïre : arômes purs et frais au nez, notes de citron vert bien marquées, bouche magnifique avec une matière juteuse très dense parfaitement équilibrée par une trame acide/saline de belle facture, longue rémanence fruitée en finale.
Bon sang, quel belle bouteille : il y a de la générosité, de l’expressivité et une digestibilité impeccable...le genre de vin « qu’on boirait sur la tête d’un lépreux…comme on dit en Bourgogne » dixit Eric Supply.
Moi, je me contenterai de mon onomatopée favorite : MIAM !!!
Grenache de Costas (sans soutirage) : nez sur les fruits rouges bien mûrs sur un fond légèrement fumé, ample, rond et bien gourmand en bouche, présence tannique qui donne un petit grip à la texture, retour aromatique très long.
Grenache de Costas (avec soutirage et passage en cuve) : nez moins expressif mais d’une belle pureté, matière bien posée en bouche, équilibre harmonieux et trame tannique lisse et polie.
Une fois encore, Eric a fait un essai d’élevage différent sur ce jus de grenache et m’invite à donner mon avis de consommateur sur le résultat de cette expérience.
Ces deux vins affichent des profils bien différenciés : le premier semble plus ouvert sur le plan aromatique mais plus serré au niveau de la structure en bouche, alors que le second s’exprime avec davantage de retenue mais révèle une texture plus souple en bouche.
Voilà deux jolis vins très prometteurs que j’ai bien du mal à hiérarchiser…désolé !
Grenache du Badaïre : nez assez fermé où on devine une palette classique sur les fruits rouges et noirs avec une petite touche fumée, en bouche la matière semble un peu dissociée mais après une oxygénation énergique, l’ensemble se met en place et révèle une chair généreuse, tenue solidement par une ligne acide assez ferme et une trame tannique bien mature, finale fraîche et sapide.
Goûtée un mois après sa mise en bouteille (mise le 12 mars 2017), cette cuvée a fait quelques manières avant de se livrer…mais avec un peu de persévérance, on arrive à faire parler ce pur grenache qui, d’année en année, gagne en densité et en profondeur pour prendre peu à peu des allures de grand vin de garde.
Les Intillères : nez discret avec un fruit épanoui et un boisé noble, chair mûre et très gourmande en bouche, finale parfaitement digeste avec un sillage long et complexe, fruits noirs, cacao amer, herbes de garrigue…
Millésime après millésime, cette cuvée des Intillères nous séduit avec une facilité déconcertante tout en nous promettant des lendemains chantants et ensoleillés.
La version 2015 ne déroge pas à la règle établie…c’est un grand vin. MIAM !
La fin de la dégustation est dédiée à la seconde cuvée historique du domaine Supply-Royer :
La Syrah de Pey Cherres 2014 : nez discret et raffiné, notes d’amande amère, de cerise noire et de noyau, superbe présence en bouche avec une matière puissante, une aromatique intense et une finale assez tonique, relevée par une trame tannique bien soyeuse.
La Syrah de Pey Cherres 2013 : expression aromatique superbe, palette complexe et racée, notes de truffe, de violette, d’épices orientales et de cendre froide, bouche magnifique avec une matière pleine et sphérique, finale très tonique, sillage aromatique long avec une présence minérale qui commence à se révéler.
Les cuvées de syrah qui bénéficient de quelues mois d’élevage supplémentaires confirment leur statut de grands vins de garde du domaine.
A l’heure actuelle, nous avons un 2014 qui montre ses muscles avec un peu d’arrogance et un 2013 qui impressionne par la complexité de son expression aromatique…même si on peut déjà les apprécier aujourd’hui, ces deux vins gagneront à se reposer encore un peu à l’ombre d’une cave.
Ma visite à s’est terminée comme d’habitude par l’indispensable repas sous les platanes de la placette d’Arboras en compagnie des vignerons et de la famille Jaffuel venue nous rejoindre pour partager ces instants de convivialité gourmande.
Je vais souligner une fois de plus la grande qualité des vins de cette gamme qui s’enrichit régulièrement d’une référence supplémentaire…et cette année le rôle du « petit nouveau » est tenu par le blanc né sur les Intillères et dont la première version issue d’une jeune vigne révèle d’ores et déjà un potentiel de très grand vin.
J’ai toujours autant de plaisir à venir me promener dans ces garrigues entre au pied du plateau du Larzac pour faire cette visite tout à fait indispensable à Arboras et passer quelques instants de gourmandise et d’amitié en compagnie d’Eric et de Marie-Ange…de grand vignerons mais surtout de vraies belles personnes.
Le domaine Supply-Royer poursuit sa progression avec un patrimoine viticole qui se développe d’année en année et une offre vinique qui devient de plus en plus diversifiée : 6 vins rouges et 3 vins blancs aujourd’hui…et un vin blanc de marsanne annoncée pour le millésime 2017…j’ai hâte de déguster ça l’année prochaine !
Mille mercis à Eric et Marie-Ange pour leur accueil toujours aussi chaleureux et à l’année prochaine bien sûr…ou peut-être avant en Alsace !
La garrigue d'Arboras à la tombée du jour.
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