Périple vinique dans le vignoble ligérien - Visite au château de la Roche aux Moines

Paysage viticole sur les hauteurs de Vouvray en automne 2022

L’idée de ce voyage trottait dans ma tête depuis fort longtemps car hormis une petite étape du côté d’Angers dans les années 80, je n’avais jamais visité ces vignobles réputés qui bordent la Loire…une lacune que je vais enfin combler avec cette longue promenade vinique entre Blois et Angers.

Cap à l’ouest toute pour une journée de voyage en direction de Blois avec une première halte au domaine des Huards à Cour-Cheverny.
La deuxième journée sera exclusivement vouvrillonne avec une visite au domaine Pichot et une visite au Domaine Boutet-Saunier.
La troisième journée me permettra de découvrir le vignoble de Savennières avec une visite au château d’Epiré et une visite au château de la Roche aux Moines.
Hoppla, c’est parti !

Domaine de La Coulée de Serrant à Savennières

Après être passé par deux fois devant le panneau qui indiquait le château de la Roche aux Moines et son Clos de la Coulée de Serrant – c’était à l’occasion de mon aller-retour entre Epiré et Savennières – je me suis dit qu’il serait dommage de quitter le vignoble de Savennières sans avoir visité cet endroit mythique où on produit cette cuvée que le grand Curnonsky avait classé parmi les 5 meilleurs vins blancs de France avec Yquem, Montrachet, Château Grillet et Château Châlon.

Propriété exclusive de la famille Joly, le château de la Roche aux Moines et le Clos de la Coulée de Serrant se visitent grâce à un parcours fléché qui nous propose un retour historique sur ce lieu qui a vu la bataille de la Roche aux Moines entre les Capétiens et les Plantagenêts au XIII° siècle mais surtout la plantation en 1130 des vignes sur le coteau de la Coulée de Serrant par les moines cisterciens.

Vue sur la Loire depuis les vignes du château de la Roche aux Moines


Les toits du monastère cistercien qui borde le Clos de la Coulée de Serrant


Vue sur le coteau de la Coulée de Serrant...

...et sur le monastère


Les vignes et le château de la Roche aux Moines


Les rangs de chenin sur le terroir de schistes de la Roche aux Moines

Après cette promenade fort instructive, le domaine accueille ses visiteurs dans un caveau de dégustation pour une présentation de quelques cuvées en vente actuellement.

Retour vers le château de la Roche aux Moines…


…pour une petite session de dégustation dans le caveau du domaine.

Les vignes sont travaillées en biodynamie depuis plus de 3 décennies avec le souci de sauvegarder la biodiversité en de ce lieu unique en laissant des prairies et des bosquets entre les différentes parcelles.
Le domaine profite également de la présence permanente d’animaux (vaches, ânes, chevaux, chèvres, moutons) pour la fumure naturelle des sols, pour l’entretien hivernal des vignes (assuré par un troupeau de moutons d’Ouessant) ou pour le labour.
En cave, les vins sont élaborés avec un minimum d’interventions et avec très peu d’intrants : pas de débourbage, pas de passage à froid, pas de levurage, pas de collage, un ou deux soutirages, une filtration très légère et un sulfitage au soufre naturel avant la mise en bouteilles.
Les vins sont élevés en fûts de chêne pendant 6 à 8 mois (pas de bois neuf).

La gamme de vins du domaine comporte 3 cuvées : le Clos de la Coulée de Serrant (rendement 20 à 25 hl/ha – 18 000 à 22 000 bouteilles produites), le Clos de la Bergerie (rendement 25 à 30 hl/ha – 8 000 à 10 000 bouteilles produites), les Vieux Clos (rendement 30 hl/ha – 20 000 bouteilles produites).

Allez, on goûte !

Savennières Les Vieux Clos 2018 : nez ouvert et expressif avec des notes de fruits blancs et de pierre à fusil sur un fond légèrement oxydatif, bouche puissante avec un jus opulent et assez gras équilibré par une présence acide/saline marquée, finale très sapide avec un grip tannique bien salivant.
Savennières Les Vieux Clos 2020 : nez plus fermé avec une palette discrète qui laisse deviner une belle complexité, bouche concentrée avec une structure longiligne, finale intense, profondément minérale et très digeste.

Avec une cuvée 2018 qui commence à s’ouvrir et une cuvée 2020 encore très timide, les deux savennières qui ouvrent la gamme du domaine, nous rappellent que les vins élaborés par la famille Joly sont avant tout des vins de grande garde même si on peut déjà reconnaître leur haut niveau qualitatif et percevoir la profonde minéralité qui structure leur présence en bouche.

Savennières-Roche aux Moines Clos de la Bergerie 2013 : expression olfactive fine et délicate avec des notes de fruits blancs mûrs, de résine et d’écorce pilée, bouche puissante avec un jus consistante appuyé sur une base acide/saline très solide, finale salivante avec de beaux amers minéraux.

Malgré son âge fort respectable, cette cuvée de Roche aux Moines ne semble pas encore prête à exprimer la plénitude de son potentiel aromatique mais sa présence en bouche pleine d’énergie ne laisse aucun doute sa qualité : c’est un grand chenin ligérien de gastronomie qui n’a pas encore atteint son optimum de maturité.

Coulée de Serrant 2018 : nez agréable et très pur avec des notes florales délicates sur un fond de résine et de pierre à fusil, bouche pleine et gourmande avec une structure longiligne et un équilibre parfaitement digeste, finale longue et saline avec un sillage aromatique assez surprenant sur les herbes de montagne.
Coulée de Serrant 2013 : nez complexe et un peu plus évolué avec des notes d’agrumes frais sur un fond fumé/grillé assez présent, bouche qui développe de beaux arômes de raisin mûr mais l’équilibre reste très sec, finale tonique et très saline.
Coulée de Serrant 2006 : nez racé avec des notes de fleurs blanches et de cire sur un fond légèrement oxydatif, bouche pleine et bien charnue structurée par une trame acide/tannique bien construite, finale très longue avec un beau sillage sur les fruits secs et la pierre à fusil.

Cette triplette qui réunit 3 millésimes très différents de la grande cuvée du domaine nous offre un très beau panel de sensations avec un superbe 2018 déjà bien en place, lumineux et expansif, un 2013 marqué par une belle synergie entre une richesse solaire et la fraîcheur caractéristique du schiste et pour finir un 2006 qui porte son âge avec élégance en impressionnant par sa longueur aromatique.

Ma première rencontre avec cette cuvée mythique remonte à 1989, c’était une bouteille de Coulée de Serrant 1987débouchée bien trop tôt et dégustée en compagnie de quelques amateurs débutants comme moi…inutile de vous dire que nous sommes tous passés à côté de ce vin !
Depuis ce temps, j’ai pu déguster l’une ou l’autre cuvée produite par la famille Joly mais sans forcément parvenir à comprendre totalement la nature profonde de ce vin mythique…autant dire que j’ai été vraiment ravi de pouvoir faire cette visite fort instructive au château de la Roche aux Moines.

L’étiquette de la fameuse première bouteille de Coulée de Serrant retrouvée dans ma collection

Le circuit de découverte autour du château avec sa magnifique allée de cyprès, ses points de vue imprenables sur le vignoble et ses panneaux explicatifs, le tout suivi par une belle dégustation dans le caveau du domaine m’ont permis de comprendre un peu mieux cet univers particulier qui voit naître ces grands vins ainsi que la philosophie de la famille vigneronne qui les élabore.

Les 6 cuvées proposées à la dégustation dans le caveau du château de la Roche aux Moines m’ont permis de découvrir comment Nicolas Joly et son équipe interprètent ces grands terroirs de Savennières et comment ces vins de légende s’expriment dans le temps…une expérience très convaincante qui a enrichi ma culture œnophile et m’a donné l’envie d’oublier un peu les prix élevés de ces flacons pour en mettre quelques uns dans ma cave.