Tournée automnale dans le vignoble alsacien - Visite au domaine Mader à Hunawihr

A quelques jours de mon grand pèlerinage en terre burgonde, je n’ai pas hésité à compléter un emploi du temps vinique déjà bien chargé pour partager une demi-journée en compagnie d’Isabelle et Daniel Sériot, un couple d’œnophiles venu de Saint Emilion pour faire quelques visites dans le vignoble alsacien.
Je suis toujours heureux de pouvoir rencontrer « pour de vrai » ces « amis virtuels » que je j’ai appris à connaître grâce à des échanges sur le web et qui, dans la majeure partie des cas, se révèlent être des personnalités riches et intéressantes qui vont immanquablement augmenter le diamètre du cercle de mes amitiés œnophiles.

Installés pour quelques jours dans le gîte rural du domaine de l’Agapé en compagnie de deux amis lillois amateurs de vins, Isabelle et Daniel ont établi un programme assez impressionnant : 4 visites par jour pendant 3 jours…il faut avoir la santé !
Les 2 visites de cette matinée vont nous conduire à Hunawihr chez Jérôme Mader, un vigneron que j’ai appris à connaître à l’occasion de mon travail sur le Rosacker, et au domaine Kientzler à Ribeauvillé, une adresse classique incontournable pour tout amateur de grands vins de garde.
Hoppla, c’est parti !

Les châteaux de Ribeauvillé au petit matin en octobre 2018

Domaine Mader à Hunawihr

 

Hunawihr et sa célèbre église fortifiée.


Notre premier rendez-vous de la matinée.

Il est 9 heures du matin, Isabelle, Daniel et leurs deux compères œnophiles du nord me retrouvent devant l’entrée du domaine Mader.
C’est Anne Mader qui se charge de nous accueillir en attendant que son fils Jérôme finisse de préparer la cave pour l’arrivée des premiers raisins car c’est jour de vendanges tardives au domaine : « nous avons une équipe réduite de 5 vendangeurs expérimentés qui est déjà au travail dans une parcelle de pinots gris »…mais nous avons une bonne heure devant nous pour découvrir l’ensemble des vins disponibles actuellement au caveau.

Début de la dégustation en compagnie de Jérôme Mader.

La gamme du domaine Mader propose 14 références : 2 pinots noirs, 1 pinot blanc, 1 muscat, 4 rieslings, 2 pinots gris, 3 gewurztraminers et 1 crémant…et comme en ce matin d’automne le groupe semble motivé et en pleine forme, nous choisissons de faire un tour complet de cette belle offre vinique.

Au domaine Mader, on commence toujours par déguster les rouges…j’approuve !

Pinot Noir 2017 : nez vif et croquant, notes de petits fruits rouges acidulés, matière élancée et bien gourmande, équilibre tonique avec des tanins ciselés et bien intégrés, finale fraîche et digeste, sillage fruité et floral très agréable.
(terroir : granitique sur le lieu-dit Rosenberg à Ribeauvillé – exposition : est)
Pinot Noir Muhlforst 2017 : nez plus discret, notes de fruits rouges et d’épices douces, matière généreuse, structure ample et texture assez grasse, acidité et trame tannique bien fondues, finale très élégante, belle sapidité et retour aromatique fruité et épicé très raffiné.
(terroir : marnes du Lias, sols assez profonds – exposition : sud)

Notre dégustation matinale commence de très belle manière avec ces deux rouges alsaciens qui se livrent avec une spontanéité gourmande tout à fait réjouissante. La première cuvée élevée pour 50% sous bois développe une matière riche et juteuse (13°) appuyée sur une structure vineuse bien profonde.
Né sur l’autre grand terroir de Hunawihr, le second pinot noir a bénéficié d’un élevage à 100% en fûts. Ce vin qui révèle un supplément de force et de concentration (14°) a déjà parfaitement intégré son passage sous bois en affirmant dès à présent un vrai caractère de vin de gastronomie. MIAM !

Muscat 2017 : nez très charmeur, palette florale et délicatement épicée, matière souple et gourmande en bouche, finale fraîche et appétante.
(50% muscat ottonel + 50% muscat d’Alsace)
Pinot blanc 2017 : nez discret mais d’une grande pureté, présence très élégante en bouche, structure délicate et texture soyeuse, finale légère et bien glissante.
(2/3 pinot auxerrois + 1/3 pinot blanc – terroir : marno-gréseux)

Les deux vins qui ouvrent la série de blancs sont de petites friandises qui s’offrent au dégustateur avec simplicité et gourmandise : le muscat est expressif à souhait et le pinot blanc séduit par son caractère très avenant.
Avec leurs équilibres parfaitement balancés et leurs expressions aromatiques d’une grande précision, ces cuvées d’entrée de gamme témoignent de la qualité du travail de ce vigneron…vivement la suite !

Riesling 2016 : fruité délicat au nez, notes d’agrumes frais, matière longiligne, équilibre très droit avec une acidité bien en place, finale élégante avec un sillage citronné et végétal (verveine, anis).
(terroir : marnes et calcaire sur Hunawihr)
Riesling Haguenau 2016 : nez discret, palette raffinée, notes de fruits jaunes frais avec une petite touche très originale de melon, matière ample et bien consistante, finale très dynamique relevée par une long retour acide/salin.
(terroir : argilo-calcaire sur Bergheim – exposition : est)
Riesling Muhlforst 2017 : nez très complexe, notes de fruits blancs et de zestes d’agrumes sur un fond minéral sensible (pierre chaude), chair voluptueuse qui enrobe une ligne acide mûre et centrée, finale bien digeste avec une présence saline très tactile et de beaux amers minéraux, sillage aromatique frais et zesté.
(terroir : marnes du Lias, sols assez profonds – exposition : sud)
Riesling Grand Cru Rosacker 2017 : nez épuré et discret, palette florale discrète et notes minérales naissantes, matière svelte étirée par une ligne acide vive et citronnée, texture un peu granuleuse, finale très saline avec une fine mâche tannique.
(terroir : calcaire sur Hunawihr – exposition : est/sud-est)

Des riesling récoltés sur quatre terroirs bien différents ont permis à Jérôme Mader de concevoir quatre vins avec des caractères très bien définis : une cuvée générique svelte et gourmande, une cuvée Haguenau concentrée et saline, une cuvée Muhlforst riche, texturée et parfaitement équilibrée et un Grand Cru Rosacker d’une profonde minéralité…voilà un beau carré d’as alsacien. MIAM !

Pinot Gris 2016 : nez fin et délicat, palette classique sur les fruits blancs frais, matière ample, équilibre gourmand avec un joli gras, finale digeste avec une très belle relance saline et de discrètes nuances fumées.
(terroir : sols argileux profonds sur Hunawihr)
Pinot Gris Grand Cru Schlossberg 2017 : nez retenu mais très élégant, notes de pain grillé sur un fond fruité bien mûr, matière opulente équilibrée par une acidité vive et filante qui se fait sentir dès l’attaque en bouche, finale agréable avec un sillage complexe sur les fruits exotiques et la pierre à fusil.
(terroir : granit – exposition : sud)

Ces deux pinots gris qui ont été élevés en partie sous bois (2/3 du volume en barrique et demi-muid) nous proposent une interprétation très raffinée de ce cépage. La cuvée générique séduit par son caractère avenant et sa belle buvabilité alors que la cuvée née sur ce Grand Cru habituellement dédié au riesling impressionne par sa densité et sa complexité : c’est un vin rare né sur une parcelle située en altitude et « taillée très court » pour arriver à des rendements minuscules (10 à 12 hl/ha) et à un niveau de qualité exceptionnel.

Gewurztraminer 2016 : nez riche et charmeur, notes d’abricot mûr, d’ananas et d’épices douces, matière douce et suave en bouche, structure déliée, finale légère et digeste.
(terroir : calcaire sur Hunawihr)
Gewurztraminer Muhlforst 2015 : nez riche et expressif, notes de fruits mûrs macérés à l’eau de vie avec une légère touche de volatile, matière généreuse tenue par une charpente acide/ minérale puissante, arômes de raisins de Corinthe, finale douce et sapide.
(terroir : marnes du Lias, sols assez profonds – exposition : sud)
Gewurztraminer Grand Cru Rosacker 2016 : nez complexe et charmeur, notes de fruits exotiques (banane, mangue) sur un fond aromatique évoquant le sous-bois, matière ample, équilibre digeste, salinité intense en finale.
(terroir : calcaire sur Hunawihr – exposition : est/sud-est)

Ces trois vins assument pleinement ce caractère opulent et expressif qui fait le charme des gewurztraminers alsaciens tout en se distinguant par une remarquable buvabilité.
La cuvée générique est un modèle de souplesse et d’élégance alors que le gewurztraminer du Muhlforst exprime avec une certaine véhémence la marque d’un millésime chaud et d’un terroir solaire mais reste tout à fait digeste.
Si la cuvée Grand Cru se montre également très loquace sur le plan aromatique, sa présence en bouche impressionne par une vraie force minérale...voilà un très grand gewurztraminer de terroir. MIAM !

J’ai été ravi de rencontrer à nouveau Jérôme Mader et de partager une très belle dégustation de vins d’Alsace en compagnie de ce quatuor d’amateurs éclairés venus visiter notre belle région.

Comme je l’ai déjà relevé lors de mon premier passage au domaine, la gamme de vins produits par Jérôme est d’une redoutable homogénéité qualitative et d’une parfaite unité stylistique : ses vins sont fins, élégants, sociables et toujours bien marqués par leurs terroirs d’origine…c’est vraiment du beau travail !

Bien évidemment le choix de quelques coups de cœur dans cette ribambelle de jolies quilles est un vrai crève-cœur mais j’ai quand même envie de mettre en lumière ces deux cuvées d’entrée de gamme particulièrement réussies que sont le muscat 2017 et le pinot noir 2017, des vins à boire sur le fruit et la gourmandise dès aujourd’hui.
Et pour ceux qui souhaitent encaver quelques flacons pour la garde, le choix est très large mais en ce qui me concerne j’ai été pleinement convaincu par les deux vins du Rosacker – un riesling 2017 avec un très gros potentiel et un gewurztraminer 2016 tout en finesse – mais aussi par l’incroyable cuvée de pinot gris née sur le Schlossberg.

Mille mercis à Jérôme Mader pour son accueil.

La première série du matin

NB. Vous pouvez consulter les commentaires de Daniel Sériot sur son site : CLIC.