Périple savoyard 2017 : visite au domaine Belluard à Ayse

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Bienvenue en Haute Savoie : on y trouve des paysages magnifiques mais aussi quelques très beaux vins.

La sortie vinique de l’été 2017 sera une grande première dans ma vie de picoleur errant puisque je vais passer 3 jours dans le pays du Mont Blanc, entre la Haute Savoie et le Valais, avec un programme plutôt ambitieux qui prévoit une via ferrata le matin et une rencontre vigneronne l’après-midi.
Ma forme physique actuelle ne me permettra peut-être pas de mener mon projet sportif à son terme, par contre je compte bien assurer jusqu’au bout la partie vinique de ce périple inédit qui va me permettre de découvrir 3 domaines : le
domaine Lupin à Frangy, le domaine Belluard à Ayse et le domaine Besse à Martigny.
Hoppla, c’est parti !

 

Domaine Belluard à Ayse

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Ma seconde étape vinique en Haute Savoie est programmée dans le vignoble d’Ayse, chez Dominique Belluard, un vigneron dont les vins, découverts lors d’une récente dégustation au club AOC, m’avaient particulièrement inspiré.
Après une deuxième journée dans les Aravis et une via somptueuse mais épuisante (plus de 4 heures dont 2 heures 45 de montée), mon état physique laisse franchement à désirer et mon corps surmené a vraiment besoin de cette bonne séquence de récupération dans la fraîcheur d’une cave savoyarde.
C’est parti direction la vallée de l’Arve par le col de la Colombière, pour aller reprendre quelques forces en dégustant les vins du domaine Belluard.


Arrivé à Ayse avec un peu d’avance sur l’heure de mon rendez-vous, j’ai le temps de me promener un peu pour découvrir ce joli petit vignoble situé sur les pentes parfois rudes du versant sud du Môle.

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Des vignes dans le secteur ouest du village…

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…et une parcelle du domaine Belluard située côté est.

Afin de gérer son temps de façon optimale Dominique Belluard a pris l’habitude d’organiser des visites collectives pour recevoir dans les meilleures conditions les amateurs venus le rencontrer au domaine.
C’est ainsi qu’en ce début août, c’est un petit groupe d’une dizaine de personnes qui va pouvoir profiter de la fraîcheur de la cave du domaine Belluard pour suivre durant près de deux heures une superbe leçon de culture vinique.

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Dominique Belluard accueille le groupe du jour avec une petite leçon d’histoire pour commencer…

Les coteaux d’Ayse sont réputés depuis le moyen-âge et on trouve des textes évoquant le cépage gringet qui datent du XI° siècle : « le gringet est surement l’un des plus vieux cépages de Savoie ».
La viticulture florissante jusqu’au début du XX° siècle a commencé à décliner et la superficie de ce vignoble est passée de 1800 hectares en 1900 à 25 hectares aujourd’hui : « la faute au phylloxera, aux deux guerres mondiales, à l’exode rural des jeunes vers les usines de décolletage de la vallée et à la pression immobilière croissante due à la proximité avec Genève ».
Aujourd’hui seuls 3 producteurs à plein temps et une dizaine de double-actifs continuent de cultiver la vigne sur cette appellation.

L’aire d’appellation Ayse est située sur les bans communaux de Bonneville, d’Ayse et de Marignier. Elle est délimitée sur des coteaux exposés plein sud et protégé au nord par le Môle, une montagne imposante qui culmine à 1863 mètres. Les parcelles de vignes sont implantées entre 450 et 600 mètres d’altitude et leurs sols présentent 3 types de géologies :
- des éboulis calcaires,
- des moraines glaciaires compactes avec des marnes jaunes très denses,
- une veine très particulière avec un sol riche en bauxite et en oxyde de fer, c’est le fameux lieu-dit « Le Feu ».
Le cépage emblématique de cette appellation est le gringet « c’est un cépage dont on a toujours pensé qu’il appartenait à la famille des traminers, mais de récentes études ADN ont invalidé cette théorie ».
Bref, le gringet reste un mystère pour les ampélographes…mais un must absolu pour l’appellation Ayse.

Représentant la 3° génération de vignerons sur ce domaine, Dominique Belluard a été formé au lycée viticole de Beaune et a vinifié son premier millésime en 1986 : « je vais réaliser mon 31° millésime cette année ! ».
Après 10 années d’expérience sur le terrain, de nombreuses rencontres avec des sommeliers et des conférences sur la biodynamie, Dominique Belluard s’est fait une idée de plus en plus précise du style de vins qu’il voulait produire.
Depuis 2000, 90% des vignes du domaine sont conduites selon les principes de la biodynamie à l’exception d’un hectare situé dans un endroit où la vigne est extrêmement difficile à travailler : « les coûts de production y seraient bien trop élevés ».
Sur des pentes qui dépassent allègrement les 40%, les travaux à la vigne se font au tracteur enjambeur pour la moitié de la superficie et pour le reste il faut utiliser le chenillard ou le treuil...« et dans les parcelles les plus abruptes on va à pied ».
Les densités de plantation varient de 7500 à 10000 pieds par hectare et les vignes sont conduites en cordon de Royat, en Guyot simple ou en gobelet : « la technique de taille est adaptée à chaque parcelle ». Pour stabiliser la couche arable et nourrir le sol, il expérimente depuis cette année le semis de céréales (surtout du seigle) dans les rangs de certaines parcelles.

Les rendements sont généralement assez faibles et bien en deçà des limites autorisées dans l’appellation : 55hl/ha pour les cuvées effervescentes et 35 à 40 hl/ha pour les vins tranquilles.

En cave, Dominique Belluard essaie de limiter ses interventions au minimum : « je vinifie en essayant d’intervenir le moins possible…mais faire simple est souvent très difficile ».
Les fermentations sont longues et se font sous l’action de levures indigènes « fainéantes mais avec un très bon rendement puisqu’en général elles arrivent à produire 1° d’alcool avec 16 grammes de sucre ».
Les fermentations malo-lactiques sont systématiques.
Après des essais d’élevage en fûts « pas satisfaisants » et en cuve inox « qui donnait des vins trop austères car le gringet est un cépage réducteur qui a besoin d’air », Dominique Belluard s’est doté d’une batterie de cuves ovoïdes en béton brut affranchi pour élever ses vins.

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Une partie du cuvage du domaine Belluard.

Ces cuves ovoïdes « créent un mouvement du vin en 8 et donnent une forme plus complexe à la structure du vin ».
Depuis quelques millésimes Dominique Belluard a acquis d’autres cuves béton, toujours ovoïdes à l’intérieur mais dont les parois plus épaisses et moins poreuses limitent l’oxygénation des vins pendant la phase d’élevage.

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Les nouvelles cuves béton du domaine.

Pour les blancs, les sulfitages sont très faibles : un premier lors de l’entonnage des jus pour les protéger durant leur parcours du pressoir à la cuve – « avec près de 70 mètres de trajet je ne peux pas prendre de risque » – et un second à la mise. « Au final, dans mes vins blancs le dosage de SO2 total se situe entre 20 et 25 mg ».
La cuvée de rouge de mondeuse est travaillée intégralement sans sulfites.

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La cuve béton qui contient la mondeuse 2016.

Sur ses 10,5 hectares plantés de 90% de gringet, de 5% d’altesse et de 5% de mondeuse, le domaine Belluard produit 50% de vins effervescents vinifiés en méthode traditionnelle et 50% de vins tranquilles.
Les bouteilles mises sur le marché sont vendues pour 1/3 à l’export, 1/3 à des professionnels et 1/3 à des clients particuliers.

Bon, assez de théorie...il est temps de passer aux travaux pratiques avec une dégustation des vins de 2016 encore en cours d’élevage !


1. Gringet sur terroir de marnes jaunes (pour l’assemblage « Les Alpes ») : fruité discret au nez, nuances minérales naissantes, attaque bien souple, matière ample avec un joli gras, présence saline intense en finale.
2. Gringet sur terroir d’éboulis calcaires (pour l’assemblage « Les Alpes ») : nez très frais, notes d’agrumes, attaque vive et franche, acidité fine et bien tendue, finale légèrement tannique avec une salinité très impressive.
Ces deux vins ont séjourné durant 7 mois dans les œufs en béton et terminent leur phase d’élevage en cuve inox avant d’être assemblés pour réaliser la cuvée « Les Alpes ».
Je suis étonné de constater à quel point les expressions aromatiques et les structures de ces vins sont marquées par leurs terroirs d’origine : rondeur et générosité pour le gringet sur marnes, vivacité et énergie pour le gringet sur éboulis…et une belle promesse d’équilibre pour la cuvée « Les Alpes » 2016 !

3. Gringet sur le lieu-dit « Le Feu » : touche de réduction au premier nez, puis belle palette minérale avec des notes de pierre chaude et un fumé discret, matière ample et profonde, milieu de bouche très gourmand, texture épaisse, finale tendue avec une très belle longueur aromatique.
4. Gringet sur le lieu-dit « Le Feu » (issu d’une parcelle vendangée 10 jours plus tard) : notes de poudre à canon (réduction ?) et de zestes d’agrumes, matière dense et sphérique avec une toucher assez gras, finale tonique marquée par un beau retour minéral et zesté.
Les vins qui vont entrer dans l’assemblage de la cuvée haut de gamme du domaine ont été travaillés exclusivement dans les nouvelles cuves en béton et resteront sur lies fines jusqu’à la mise.
Bien que très différents, ces deux vins impressionnent d’ores et déjà par leur concentration et leur énergie minérale…il faut croire que le terroir du Feu aura encore généré une cuvée « incandescente » en 2016 !

En 2016, suite à un blocage de maturité des raisins d’altesse, la cuvée « Grandes Jorasses » n’a pas été produite…dommage !

4. Mondeuse : nez ouvert et expressif, notes de cerise rouge et d’orange sanguine, attaque douce et suave, jus fruité très gourmand, arômes de cerise bien mûre, finale salivante avec une présence tannique encore un peu marquée.
Cette jolie cuvée de mondeuse a été réalisée avec 100% de raisins entiers, macération de 3 semaines et vinification carbonique en cuve béton sans aucun intrant.
D’après Dominique Belluard « C’est un vin qui aura besoin de 2 années de garde pour assouplir ses tanins »…moi je le trouve déjà très séduisant à l’heure actuelle !


Pour terminer notre visite, nous nous installons dans le caveau de dégustation du domaine où Dominique Belluard nous propose de goûter quelques vins en bouteille.

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Dans le caveau de dégustation en compagnie de Dominique Belluard…

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…et de 3 flacons mystère.

Vin de Savoie-Ayse Les Perles du Mont Blanc 2013 : nez frais et engageant sur la pomme golden et le miel de fleurs, bouche assez charnue, mousse onctueuse avec une bulle très fine, finale franche et digeste.

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Né durant un millésime qui a donné bien du fil à retordre à Dominique Belluard – « les vendanges ont duré jusqu’à fin octobre et on a fait un rendement de 28hl/ha sur le domaine » – ce brut faiblement dosé (4g) élevé durant 36 mois sur lattes se livre avec une vraie spontanéité tout en révélant une belle énergie en bouche. MIAM !


Vin de Savoie Les Alpes 2015 : nez bien en place avec une palette complexe et raffinée (chair de fruits blancs, fleurs, miel), matière ample et tenue par une belle trame acide/saline, texture légèrement tannique, finale fraîche et sapide.

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Le jus très suave de cette cuvée caresse nos papilles avec une certaine lascivité mais passé cette première impression on sent que le terroir commence à marquer la structure par un maillage minéral de très belle facture.
C’est un vin à savourer dès aujourd’hui pour sa gourmandise ou à attendre quelques années pour lui laisser le temps de s’affiner et de donner plus de lisibilité à l’expression de son terroir. MIAM !

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Dominique Belluard qui nous présente un fragment de marne jaune ramassé dans ses vignes


Vin de Savoie Le Feu 2015 : nez ouvert et complexe, notes de chair de poire, de coing frais et de miel de fleurs, matière ample et charnue, structure sphérique, équilibre impeccable avec une salinité qui se manifeste dès le milieu de bouche, finale très longue avec un sillage floral et minéral.

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Après une cuvée « Les Alpes » de très haut vol, « Le Feu » affirme crânement son statut de grand vin du domaine Belluard : c’est un vin un peu hors norme qui impressionne par la perfection de son équilibre entre une chair très voluptueuse et une présence acide/minérale solide et racée.
« C’est un vin qui se tend progressivement avec l’oxygénation » en révélant ainsi cette force presque tellurique qui émane de ce grand terroir savoyard. Quel vin !

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Une pierre marbrée de rouge et de vert provenant d’une parcelle sur le lieu-dit « Le Feu »


Vin de Savoie Grandes Jorasses 2015 : nez riche et volubile, notes de miel et de fleurs des prés, attaque acidulée très stimulante, matière concentrée, assise minérale très profonde, finale fraîche et tendue, long sillage miellé et floral.

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Cette cuvée confidentielle est épuisée depuis quelques temps mais Dominique Belluard a bien voulu sortir une bouteille sa réserve personnelle pour nous faire partager le plaisir de siroter ce pur jus d’altesse flatteur mais tenu par une ligne acide bien droite…un bien beau geste pour conclure une série mémorable. MIAM !


Dès ma première rencontre avec les vins de Dominique Belluard – c’était la cuvée Mont Blanc Brut Zéro 2012 et la cuvée Grandes Jorasses 2013 – j’ai su qu’il fallait que je programme une étape du côté d’Ayse lors d’un futur périple vinique…et après cette visite pleinement réussie, j’ai la certitude que ce fut une très bonne résolution !
Malgré une journée harassante sur un rocher assez impressionnant près du Col de La Colombière, j’ai pu profiter d’un très beau moment de culture œnophile en compagnie d’un vigneron de grand talent.

En prenant de la distance par rapport à une formation initiale trop soumise aux diktats de l’œnologie, Dominique Belluard a choisi de renouer un contact plus direct avec sa terre et ses vignes en mettant en œuvre des pratiques culturales particulièrement vertueuses.
En cave il recherche la simplicité et l’économie dans le geste afin de laisser à ses jus la liberté d’exprimer leur terroir avec une grande pureté.
Ses expériences de vinification et d’élevage dans différents contenants découlent d’une réflexion encore en cours sur l’équilibre entre les phénomènes de réduction avec ses « forces centripètes » et les phénomènes d’oxydation avec ses « forces centrifuges » durant la genèse d’un vin…essais en cours et conclusions probables à venir.

Les 3 cuvées de vins blancs tranquilles du domaine ne sont pas que des références absolues sur cette appellation, ce sont de vraies grandes bouteilles qui méritent largement leur place dans la cave de tout amateur qui se respecte :
- Les Alpes 2015 et Grandes Jorasses 2015 qui associent gourmandise et minéralité dans une parfaite harmonie sont de petites friandises déjà irrésistibles mais qui montrent aussi de réelles aptitudes pour la garde.
- Le Feu 2015 est une bouteille tout à fait incroyable avec une présence en bouche où on sent à la fois de la force et de l’élégance, de la frivolité et du sérieux, de l’accessibilité et un caractère très solide, taillé pour résister au temps qui passe.
- Je n’avais pas trop bien goûté la cuvée Brut Zéro 2012, mais ces Perles2013 m’ont vraiment enchanté aujourd’hui – en fait, je crois que je préfère les vins effervescents légèrement dosés…
- Avec son fruité épanoui et sa texture pleine et veloutée en bouche, la cuvée de Mondeuse 2016 vinifiée nature fut une autre très bonne surprise de l’après-midi…et dieu sait que je ne suis pas un inconditionnel de ce style de vin !

Mille mercis à Dominique Belluard pour son accueil et ces beaux moments de partage.

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