Visite au domaine Rieflé à Pfaffenheim

Rencontré lors de mon escapade savoyarde de l’été dernier, Bruno Lupin m’a confié quelques bouteilles de sa production pour que je les partage avec Jean-Claude Rieflé, en souvenir d’une amitié née sur les bancs du lycée viticole de Beaune.
Je connais Jean-Claude depuis notre travail en commun sur le Grand Cru Steinert mais cela faisait très longtemps que je n’avais pas pris le temps de faire une petite halte chez ce vigneron de Pfaffenheim…même si j’ai continué à suivre son travail en dégustant régulièrement ses vins.

On est à la mi-octobre, les vendanges sont terminées (sauf quelques rares parcelles prévues pur des VT) et il fait très beau sur le vignoble alsacien…voilà des conditions parfaites pour aller faire une petite escapade sur la route des vins, histoire de mener à bien la mission confiée par Bruno Lupin mais surtout de faire une dégustation au domaine Rieflé.
Hoppla c’est parti !

Comme je l’ai précisé lors de ma prise de rendez-vous : je n’aurai pas le temps de faire une visite prolongée dans les vignes ou dans la cave mais je serai partant pour une petite dégustation de quelques vins de la gamme actuelle du domaine.
Je commence donc mon petit tour d’horizon des vins Rieflé dans le caveau de dégustation en compagnie d’une collaboratrice chargé de l’accueil des clients…ceci dit, Jean Claude et ses deux fils, Paul et Thomas, ne sont pas loin et tarderont pas à délaisser pour quelques instants leurs travaux en cave pour venir me tenir compagnie et goûter quelques cuvées avec moi…j’ai comme l’impression que cette visite ne va pas être si « expresse » que ça !!!

Le bar du caveau de dégustation de la maison Rieflé.

Le domaine propose une large gamme de vins qui comprend une quinzaine de références signée Rieflé et une dizaine de référence signées Landmann, le domaine du truculent « Seppi » que les Rieflé ont repris en 2011.

En guise de mise en condition, je commence par deux cuvées de la collection « Ad Quadratum » : une nouvelle série de cuvées crée pour mettre en valeur la personnalité des vins d’entrée de gamme souvent boudés à tort par les clients.
Chez les Rieflé la conception d’un grand vin obéit à cette esthétique architecturale qui combine équilibre et fantaisie, rigueur et créativité…une idée qu’ils ont symbolisée par cette référence à la quadrature du cercle : « le carré représente la matière, les quatre éléments et la stabilité, le cercle représente le ciel, l’espace et le temps ».
La série Ad Quadratum est composée de 4 vins :
- réalisée à partir d’un assemblage riesling-sylvaner (90% de riesling) la cuvée « L’Eclat » est un vin vif et lumineux,
- réalisée à partir d’un assemblage pinot blanc-pinot gris (pinot blanc dominant) la cuvée « L’Aplomb » est un vin droit et équilibré,
- réalisée à partir d’un assemblage gewurztraminer-muscat (75% de gewurztraminer) la cuvée « L’Arabesque » est un vin expressif plein de fantaisie.
- réalisée à partir de pinot noir la cuvée « L’Etoffe » est un vin rouge soyeux et gourmand.

La collection Ad Quadratur avec ses magnifiques étiquettes.

AOC Alsace Ad Quadratum-L’Aplomb 2016 : olfaction délicate, fruité frais et légère touche fumée, présence très élégante en bouche avec un gras et une acidité qui s’équilibrent parfaitement, finale fraiche avec une fine touche boisée/résineuse.
AOC Alsace Ad Quadratum-L’Eclat 2016 : nez vif et citronné, matière svelte, étirée par une acidité droite et bien mûre, finale très sapide avec un joli sillage fruité/floral.

Avec le premier vin qui laisse une belle impression d’équilibre et de stabilité et un second qui scintille et qui virevolte en développant un fruité bien vif, l’amateur d’accords gastronomiques dispose là d’une doublette très complémentaire avec laquelle il pourra se faire plaisir à de nombreuses occasions.
Double MIAM pour commencer !

Riesling Côte de Rouffach 2010 : expression aromatique agréable mais un peu évoluée (miel, agrumes mûrs, craie), équilibre très vif en bouche, présence saline intense en finale.
Riesling Steinstück 2015 : nez très discret, palette fine et complexe, fruits blancs et craie, matière ample, structure large et toucher assez gras, finale vive et puissante avec une salinité intense et de beaux amers minéraux.

Ces rieslings montrent des profils aromatiques assez différents avec un 2010 bien mûr et un 2015 d’une étonnante fraîcheur mais une fois en bouche tous deux affirment leur vraie nature de vin de terroir en titillant nos papilles par une présence saline intense.

Riesling Grand Cru Steinert 2014 : nez complexe et très élégant, notes d’agrumes frais et de poudre de craie sur un fond discrètement fumé, matière dense et juteuse en bouche, joli développement aromatique sur le pamplemousse, texture légèrement granuleuse, finale étirée par une ligne acide solide et une salinité pénétrante,
Riesling Grand Cru Zinnkoepflé 2012 (Domaine Seppi Landmann) : fruité très mûr au nez, notes grillés/torréfiées, bouche riche et gourmande, arômes de raisin confit, finale sapide relevée par de beaux amers minéraux.

Cette seconde doublette de rieslings nous propose également deux cuvées qui s’expriment de façon très différente : le cru du Zinnkoepflé flatte nos sens par son opulence qui caractéristique souvent les vins nés sur ce terroir très solaire alors que le vin du Steinert impressionne par sa pureté aromatique la puissance de sa structure minérale...MIAM enthousiaste pour un grand Steinert !

Pinot Gris Côte de Rouffach 2013 : nez discret mais assez mûr, notes grillées et délicatement fumées, matière en demi-corps, équilibre sec, finale très appétante.
Pinot Gris Grand Cru Steinert 2011 : nez complexe et raffiné, amande, beurre frais et fruits blancs, matière riche avec un beau gras mais équilibre sec, finale longue et salivante avec de très beaux amers minéraux.

Voilà deux pinots gris dotés d’un vrai caractère gastronomique !
Le Côte de Rouffach assez léger mais très bien équilibré en bouche trouvera très facilement sa place à table en compagnie de poissons grillés ou de viandes blanches alors que la cuvée issue du Steinert assume pleinement son statut de Grand Cru par un supplément de complexité et de profondeur qui le fera briller sur des préparations recherchées comme une poularde à la crème, un filet de sandre ou un foie gras poêlé. MIAM !

Riesling Grand Cru Zinnkoepflé 2016 (Domaine Seppi Landmann) : nez raffiné, notes d’agrumes mûrs et boisé noble sur un fond légèrement fumé, bouche superbe, matière ample et large enveloppant une ligne acide longue et tranchante, finale fraîche et saline.
Cette cuvée de riesling vinifiée à la bourguignonne a fermenté jusqu’à la fin août 2017 et peu après sa mise on sent déjà qu’on est en présence d’un très grand vin : même si son expression aromatique demandera encore un peu de patience pour s’harmoniser pleinement, la bouche nous régale par sa puissance et son équilibre parfaitement digeste…voilà une bouteille qui n’est pas encore en vente à l’heure actuelle mais je ne peux que vous  conseiller de guetter la sortie de cette « bombinette » pour en encaver quelques exemplaires. MIAM !

AOC Alsace Ad Quadratum-L’Arabesque 2016 : nez expressif et très charmeur, palette bien complexe, matière puissante, structure très bien équilibrée, grande sapidité en finale.

Le troisième pilier de la quadrature du domaine Rieflé est un assemblage de gewurztraminer (75%) et de muscat (25%) conçu pour séduire et faire rêver…et il faut bien reconnaître qu’il est difficile de résister à ce vin qui nous entraine dans un monde de volupté et de finesse. MIAM !

Gewurztraminer Bergweingarten 2015 : nez très délicat, palette florale complexe, matière bien déliée, silhouette longiligne très élégante, sillage aromatique peu intense mais d’une grande longueur.
Gewurztraminer Grand Cru Zinnkoepflé 2013 (domaine Seppi Landmann) : nez frais et complexe (fruits et épices), matière opulente, équilibre riche mais structure étirée par une belle trame acide/saline, finale très longue avec de belles notes de poivre blanc.

Ces deux gewurztraminers affirment des personnalités très avenantes bien que tout à fait différentes : né sur un terroir limono-calcaire le vin du Bergweingarten est une petite friandise qui s’exprime tout en délicatesse alors que le gewurztraminer du Zinnkoepflé démontre que ce terroir solaire est vraiment un lieu magique pour ce cépage. P…c’est bon !!!

AOC Alsace Ad Quadratum L’Etoffe 2016 : nez expressif et gourmand, notes de cerise bigarreau et de noyau, chair souple, acidité fine et tannins bien lisses, finale sapide et glissante avec un beau sillage fruité et épicé.

La dernière cuvée Ad Quadratum est un pinot noir élevé durant 9 mois en barriques après une macération sans triturations excessives.
A l’instar des 3 autres vins de cette collection, « L’étoffe » est conçu pour le plaisir immédiat et la convivialité…et il faut bien reconnaître que de ce point de vue, le contrat est pleinement rempli. MIAM !

Pinot Noir Strangenberg 2015 : olfaction qui s’ouvre sur des notes d’élevage (boisé et fumé) sur un fond fruité encore discret mais dont on devine aisément la qualité, matière très concentrée, texture épaisse, présence tannique serrée mais toucher très velouté, finale longue entre fruit et minéralité.

Le Strangenberg est un plateau calcaire située au dessus du GC Vorbourg « avec très peu de sol et un ensoleillement tardif mais très long, c’est un terroir où les vignes de pinots noirs font naturellement de petits rendements ».
Malgré sa jeunesse – et son aromatique encore un peu marquée par la barrique (10% de bois neufs) – cette cuvée développe déjà une classe folle tout en affirmant  un potentiel de garde impressionnant…à l’aveugle je pars vers Nuits Saint Georges !

Pour terminer cette longue série Jean Claude me propose de découvrir ses deux cuvées d’assemblage du Steinert :

Assemblage 2015 : nez discret avec un fruité mûr perturbé par quelques nuances oxydatives, bouche longiligne assez élégante, finale un peu fuyante.
Assemblage 2014 : nez sublime avec une palette d’une complexité inouïe, équilibre impeccable en bouche, acidité mûre mais traçante, finale tonique avec une salinité impressive qui stimule les papilles.
Réalisées à partir d’un assemblage de 2/3 de riesling et de 1/3 de pinot gris ces deux cuvées expérimentales nées sur le Grand Cru Steinert ont été vinifiées et élevées en barriques. A l’heure actuelle elles attendent encore leur étiquette et le créneau dans lequel elles pourront être commercialisées mais après avoir goûté ce splendide 2014 (le 2015 était bien moins en forme…prémox ???) on ne peut qu’être convaincu que le terroir du Steinert est un terroir fait pour se révéler dans des cuvées d’assemblage…mais ça, Jean-Claude me l’avait déjà dit en 2010 !

J’ai eu beaucoup de plaisir à faire cette nouvelle visite du côté de Pfaffenheim où j’ai pu rencontrer un trio de vignerons passionnés qui travaillent avec conviction et compétence pour faire progresser leur domaine familial.
Thomas conduit ses vignes avec tout le soin que nécessite la charte de la viticulture biologique, Paul gère le département commerce et communication de cette entreprise viticole et Jean-Claude assure le travail en cave.
Ceci dit, même si les tâches sont partagées de façon très rationnelle, on sent une grande complicité entre le père et ses deux fils : les décisions importantes se prennent toujours après concertation et la récente création de la collection « Ad Quadratum » constitue un exemple concret de l’aboutissement d’une réflexion commune pour mettre en valeur les vins d’entrée de gamme du domaine. Chapeau !!!

En ce qui concerne les vins, je suis tombé sous le charme de ces nouvelles cuvées « Ad Quadratum » : une belle idée mise en œuvre avec une grande précision pour aboutir à une série de vins qui manifestent des personnalités très différentes mais s’expriment tous avec une parfaite gourmandise…on pourrait presque penser que l’éternel problème de la géométrie a trouvé une réponse vinique chez les Rieflé.
Quadruple coup de cœur !!!!

Malgré des vinifications plutôt originales – Jean-Claude vinifie la majeure partie des vins secs en barriques – les vins de terroir du domaine Rieflé brillent par la pureté de leurs expressions fruitées et la haute définition de leurs présences minérales.
J’ai adoré le riesling Steinert 2014 – la classe absolue ! – et j’ai été bluffé par l’impression de plénitude laissée par le riesling Zinnkoepflé 2016.
Pour être complet il faut aussi citer le très beau gewurztraminer Zinnkoepflé 2013 qui plaira aux amateurs de sensations fortes et le pinot noir 2015 du Strangenberg qui démontre de façon éclatante que les pinots noirs alsaciens bien nés et bien vinifiés peuvent rivaliser aisément avec les grands rouges bourguignons.

Mille mercis à l’équipe du domaine Rieflé pour cette belle dégustation.