Même si j’ai pu déguster quelques vins du domaine Schoenheitz à l’occasion de la session de l’U.G.V. sur le Linsenberg, ma dernière vraie visite chez ces vignerons de Wihr-au-Val remontait à décembre 2018…autant dire que cette invitation pour une journée de présentation des derniers millésimes tombait à point nommé pour redécouvrir ces vins originaux et qualitatifs produits sur ces coteaux situés aux portes de la Vallée de Munster.
Hoppla, c’est parti !
Le programme de cette journée est alléchant comme toujours : une présentation des vins du millésime 2022 en cours d’élevage, une présentation des vins de 2021 en bouteilles, une « Masterclass » sur le terroir du Linsenberg par Adrien Schoenheitz et comme toujours quelques gourmandises pour tester des accords mets et vins.
Le caveau du domaine Schoenheitz avec les professionnels du vin qui ont répondu à l’invitation.
Les bouchées réalisées par Thony Billon, chef du restaurant « Les Grands Arbres » (Hôtel « La Verte Vallée » à Munster)
Je n’ai pas eu le temps de tester en détail les accords proposés mais je les ai quand même notés...mais voici quelques suggestions :
- Nougat de chèvre et Crémant ou Pinot Blanc Val Saint Grégoire 2021
- Faisselle et saumon gravlax et Rieslings 2021 (Herrenreben, Linsenberg ou Holder)
- Verrine topinambour et cèpes antipasti et Pinot Gris Val Saint Grégoire 2021 ou Tokade 2020
- Terrine de gibier et chutney et Pinot Noir Val Saint Grégoire 2021
Le plateau de fromages de la fromagerie « Saint Nicolas » à Colmar
Avant de nous attaquer à la découverte des cuvées de 2022 et de 2021, nous nous retrouvons dans la cave du domaine où Adrien Schoenheitz nous attend pour nous proposer une « Materclass » consacrée au terroir du Linsenberg.
Rendez-vous dans la cave du domaine pour parler du terroir du Linsenberg…
…avec Adrien Schoenheitz.
Le Linsenberg est un coteau très pentu exposé plein sud qui domine Wihr-au-Val. Sur le plan géologique le sol du Linsenberg est composé de « granit clair de Gunsbach à enclaves micacées ».
Au niveau physique il se caractérise par une roche mère très fracturée recouverte par un sol d’arènes granitiques très pauvre en argiles (- de 6%).
C’est un climat chaud, tempéré par sa situation en altitude (400m).
Allez, on commence la dégustation…
…et ce sont les pinots noirs du Linsenberg qui ouvrent la série.
Alsace Pinot Noir Linsenberg 2019 : nez ouvert et flatteur, notes fruitées et épicées sur un fond fumé/boisé assez sensible, bouche puissante avec un jus corsé, structuré par une maille tannique très soyeuse et une belle salinité, finale fraîche et sapide.
Alsace Pinot Noir Linsenberg 2013 : nez complexe et séduisant, notes de petits fruits rouges et de noyau sur un fond minéral discret, bouche longiligne et bien sapide tenue par une structure acide/tannique solide, finale très fraîche avec une belle persistance fruitée.
Alsace Pinot Noir Linsenberg 2008 : nez plus évolué avec une palette raffinée sur le cuir et la boîte à cigares, bouche légère et bien gourmande, finale assez courte mais d’une belle fraîcheur.
Issues d’une parcelle de vigne encore relativement jeune (plantée en 2003), ces trois cuvées de pinot noir apportent la preuve que le terroir granitique du Linsenberg est parfaitement capable d’engendrer des vins rouges de belle tenue avec un 2019 puissant et très prometteur, un 2013 d’une grande élégance et un 2008 un peu plus léger mais encore très bien en place.
Allez, on passe aux blancs !
Alsace Tokade 2015 : nez ouvert et séduisant, notes d’ananas frais et d’épices douces sur un fond boisé/vanillé très délicat, bouche opulente avec un beau développement sur les fruits exotiques, équilibre parfaitement digeste, finale profondément saline avec un long retour boisé/épicé.
Après quelques années de vieillissement ce pinot gris du Linsenberg vinifié et élevé sous bois (1 demi-muid et 1 barrique) se goûte remarquablement bien avec son jus concentré, son boisé fondu, sa texture très caressante et sa finale d’une grande digestibilité. MIAM !
Une cuvée « Tokade » 2015 vraiment bluffante !
Alsace Riesling Linsenberg 2020 : nez complexe, notes de zestes d’agrumes et d’herbes méridionales sur un fond minéral (caillou concassé), attaque assez souple en bouche, jus riche et profondément fruité, finale longue et tonique soutenue par une belle présence acide/saline.
Alsace Riesling Linsenberg 2016 : nez ouvert et charmeur, notes de citron mûr, d’ananas frais et de résine, bouche puissante mais bien gourmande, équilibre très droit, finale étirée et salivante.
Alsace Riesling Linsenberg 2008 : nez raffiné et complexe, notes d’agrumes frais et de céréales torréfiées sur un fond délicatement mentholé, bouche longiligne, très élégante, finale fraîche et sapide avec une longue persistance citronnée et minérale.
Cette première triplette de rieslings nous propose trois vins issus de millésimes très différents mais qui se goûtent remarquablement bien à l’heure actuelle avec un 2020 bien construit et déjà marqué par une belle présence minérale, un 2016, très posé avec un équilibre parfait entre richesse et structure et un 2008 entré dans sa phase de maturité optimale, remarquable de finesse et empreint d’une profonde minéralité.
Alsace Riesling Linsenberg 1996 : nez évolué et bien expressif sur le pain grillé et les champignons frais (morille, girolle), bouche droite tenue par une puissante salinité, finale fraîche avec un long sillage sur le citron et le sous-bois.
Alsace Riesling Linsenberg 1990 : nez séduisant et complexe, palette exotique et épicée relevée par de fines nuances terpéniques, bouche généreuse et suave avec un équilibre très digeste et une belle finale fraîche et épicée.
Alsace Riesling Linsenberg-Cuvée d’Exception 1998 : nez riche et mûr, notes d’ananas rôti et de pain grillé, bouche opulente, juteuse et sapide, finale très digeste avec un long retour épicé et exotique.
Réalisée à partir d’une vendange passerillée la cuvée d’exception 1998 porte son quart de siècle avec une belle aisance en développant un jus riche et très gourmand. Le riesling 1996 nous propose une aromatique marquée par son millésime et son âge tout en gardant une fraîcheur exceptionnelle en bouche alors que le riesling 1990 étonne par sa force expressive et son énergie…deux vins d’une jeunesse incroyable réalisé par des vignerons qui ont su tirer le meilleur de ce grand terroir. Chapeau les artistes !
Conclusion de la Masterclass avec la « Cuvée d’Exception » 1998…merci Adrien !
De retour dans le caveau, je peux passer rapidement en revue les vins de 2022 tirés sur cuve.
On commence par les rouges :
Alsace Rouge Alterre : fruité expressif et avenant, bouche très guillerette avec un équilibre très frais et un toucher bien soyeux.
(terroir : argilo-calcaire –élevage : barriques)
Alsace Pinot Noir Saint Grégoire : aromatique pure et discrète, bouche charnue et solidement structurée, finale encore un peu austère.
(terroir : granitique –élevage : barriques)
Alsace Pinot Noir Herrenreben : nez assez fermé, bouche riche et concentrée, toucher légèrement grenu, finale fraîche et digeste.
(terroir : granitique –élevage : barriques)
Alsace Pinot Noir Linsenberg : aromatique délicate et séduisante, bouche très charnue avec une texture veloutée, finale tonique avec un sillage fruité très prometteur.
(terroir : granitique –élevage : barriques)
On continue par quelques nouveautés :
Alsace Métis : aromatique expressive et complexe, bouche très dense, structurée par une maille acide/tannique assez anguleuse.
(80% gewurztraminer + 20% riesling – terroir : granitique – élevage : barriques)
Pétillant Naturel : expression fruitée pure et fraîche, bouche charmeuse avec un jus assez riche stimulé par une bulle très fine, finale vive et salivante.
(50% auxerrois en pressurage direct + 50% gewurztraminer en macération 10 jours)
Alsace Sec : nez floral très séduisant, bouche légère et bien suave, finale fraîche et digeste.
(sylvaner + chasselas + pinot gris + muscat)
Et on termine avec les cuvées traditionnelles :
Alsace Muscat : aromatique intense et typée, bouche assez généreuse, finale bien sapide.
(muscat ottonel + muscat à petits grains)
Alsace Pinot Blanc Val Saint Grégoire : nez très discret, bouche ample avec un équilibre sec, finale tonique et salivante.
Alsace Riesling Linsenberg : nez très raffiné avec de belles notes florales sur un fond légèrement citronné, bouche longiligne et droite, finale marquée par une belle présence minérale.
Alsace Riesling Herrenreben : nez expressif qui développe une jolie palette exotique, bouche assez opulente, équilibre demi sec, final marquée par une profonde salinité.
Alsace Pinot Gris Val Saint Grégoire : nez très charmeur avec des notes de fruits blancs sur un fond fumé délicat, bouche en demi-corps avec un équilibre sec, finale très digeste.
Alsace Tokade : nez encore un peu fermé mais qui laisse deviner une palette fruitée/épicée/boisée très raffinée, bouche assez dense avec une structure très élégante, finale longue et bien salivante.
Alsace Pinot Gris Herrenreben : expression aromatique assez discrète mais d’une complexité prometteuse, bouche concentrée et bien gourmande, finale riche stimulée par une présence minérale salivante.
Alsace Gewurztraminer Holder : nez ouvert et très complexe, bouche volumineuse, équilibre moelleux, finale longue et sapide.
Je ne vais pas m’avancer de trop en posant un avis définitif sur ces vins qui sont encore en cours d’élevage mais la dégustation du jour m’a quand même laissé une impression très positive sur l’ensemble de la gamme du domaine Schoenheitz : malgré des aromatiques encore bien discrètes, on sent des jus qui respirent la pureté et l’équilibre, des jus qui feront à coup sûr de très belles bouteilles dans les années à venir…dans la ligne hautement qualitative que ce domaine suit depuis de nombreuses années.
Avant de partir, je ne résiste pas au plaisir de déguster quelques vins de 2021 :
Alsace Muscat : nez très pur sur le raisin frais et les fleurs blanches, bouche légère structurée par une acidité assez vive, finale salivante.
(12°6 – 2,2 g/l de S.R. – 4,87 g/l d’A.T.)
Alsace Riesling Linsenberg : nez assez réservé avec une palette très pure sur les agrumes frais et la pierre, bouche droite avec une acidité très tonique et une belle salinité en finale.
(13°32 – 2,3 g/l de S.R. – 7,04 g/l d’A.T.)
Alsace Riesling Herrenreben : nez également très discret, bouche plus généreuse avec un jus structuré par une trame acide/saline solide, finale marquée par une belle minéralité.
(13°49 – 1,4 g/l de S.R. – 6,27 g/l d’A.T.)
Alsace Riesling Holder : nez plus ouvert avec des notes de citron mûr et de zestes d’agrumes, bouche puissante et concentrée avec une salinité marquée en finale.
(13°81 – 2 g/l de S.R. – 6,61 g/l d’A.T.)
Comme partout en Alsace, le millésime 2021 a été très difficile chez les Schoenheitz avec cet été pluvieux et le mildiou qui leur a fait perdre près de 80% de la récolte mais les raisins qui ont pu être « sauvés » se sont révélés de très bonne qualité et aptes à produire des vins de longue garde grâce à leurs belles structures acides.
Les 4 vins que j’ai eu le temps de déguster restent encore très timides sur le plan aromatique mais développent des jus tendus sur de solides trames acides/salines. Voilà des bouteilles prêtes à défier le temps…si on leur en laisse la possibilité bien sûr !
Et pour conclure quelques vins de millésimes un peu plus vieux :
Alsace Riesling Herrenreben 2020 : nez complexe et séduisant, notes miellées et pierreuses, bouche bien en place avec une matière concentrée tendue par une acidité vive et droite, finale longue avec de belles rémanences minérales.
(13°8 – 4,92 g/l de S.R. – 6,69 g/l d’A.T.)
Alsace Riesling Holder 2018 : nez plus expressif avec des notes d’agrumes mûrs sur un fond délicatement épicé, bouche bien posée avec un jus opulent et sapide, finale tendue et longuement aromatique.
(13°43 – 9,79 g/l de S.R. – 6,52 g/l d’A.T.)
On termine avec deux rieslings nés dans des millésimes moins compliqués : un Herrenreben 2020 dense et minéral et un Holder 2018 exubérant et gourmand…deux vins qui se laissent boire dès aujourd’hui avec un très grand plaisir mais qui pourront encore tenir quelques belles années en cave.
Alsace Pinot Gris Herrenreben 2018 : nez riche et flatteur, notes d’agrumes confits sur un fond fumé/épicé délicat, bouche très opulente avec un équilibre moelleux, finale longue et digeste qui révèle de belles nuances minérales.
(13°15 – 42,29 g/l de S.R. – 5,81 g/l d’A.T.)
La dernière bouteille est un pinot gris gorgé de soleil avec une aromatique très loquace, une matière gourmande et une parfaite buvabilité…toute la magie de ce grand terroir dans une bouteille. MIAM !
Pour conclure :
J’ai été ravi de pouvoir participer à cette dernière journée « Portes Ouvertes » sous le « règne » de Henri et Dominique Schoenheitz qui ont décidé de prendre une retraite bien méritée après des années de travail pour mettre en valeur ces grands terroirs Wihr-au Val et porter leur domaine vers les sommets de la hiérarchie viticole alsacienne.
Dorénavant le domaine Schoenheitz sera aux mains de Jérôme Mendelin, un vigneron de Ribeauvillé et de Jean-Philippe Manchès, un vigneron du Beaujolais mais comme l’équipe du domaine reste en place et qu’Adrien Schoenheitz gardera une mission de conseil auprès des nouveau propriétaires, la production future sera élaborée avec la même exigence qualitative.
Les vins présentés ce jour ont confirmé que la réputation de ce domaine était pleinement justifiée : des 2022 très prometteurs, un trio de rieslings 2021 de haute tenue et quelques bouteilles de 2020 et de 2018 avec un équilibre parfait entre gourmandise et structure.
La superbe verticale sur le Linsenberg, nous a fait découvrir une série de vins de très belle qualité avec quelques vraies pépites comme le Pinot Noir 2013, la cuvée Tokade 2015 ou les Rieslings 2008 et 1990…des bouteilles pour rendre un hommage mérité au travail de Henri et Dominique Schoenheitz.
Chapeau bas !
Mille mercis à l’équipe du domaine Schoenheitz pour cette belle journée gourmande, bonne chance à tous pour la suite de l’aventure et bonne retraite à Henri et à Dominique.
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