« Sens Uniques » - Un déjeuner dans les vignes en compagnie des « Jeunes Restaurateurs » et des « Jeunes Vignerons d’Alsace »
J’ai découvert l’association des « Jeunes Vignerons d’Alsace » en 2018 à l’occasion d’un salon qui se tenait à Colmar en marge de la 4ème édition de « Millésime Alsace ».
Depuis j’ai essayé de suivre l’évolution de cette association créée en 2016 en participant à plusieurs évènements comme la conférence-dégustation à Strasbourg en 2020 pour présenter « L’atlas cartographique des crus d’Alsace » conçus par les jeunes vignerons ou la grande dégustation autour des grands terroirs du Bas-Rhin et du Haut-Rhin organisée en 2021 au domaine Lissner.
En revanche, je ne connaissais que très peu l’association des « Jeunes Restaurateurs », une association créée en 1974, qui regroupe des jeunes chefs de renom qui exercent leurs talents dans plus de 16 pays.
Bien évidemment, je ne pouvais pas rater cette occasion de retrouver la joyeuse bande des jeunes vignerons alsaciens qui vont servir leurs vins pour accompagner les créations culinaires de 12 chefs talentueux venus des 4 coins de la France.
Hoppla, c’est parti !
Le jeu de piste commence sous un beau soleil d’été au milieu des vignes de Wolxheim
La statue dorée du Horn qui domine les vignes de l’Altenberg de Wolxheim est en vue…
…et vers l’est on aperçoit Strasbourg, la flèche de la cathédrale et la Forêt Noire.
L’entrée du site aménagé au pied de la falaise calcaire du Horn.
Les organisateurs s’installent
Les outils de travail sont là avec notamment un très beau verre « Zwiesel »...
…et un programme de réjouissances particulièrement alléchant
La grande carte des terroirs d’Alsace est déployée…on va pouvoir situer précisément les endroits d’où proviennent les différentes cuvées proposées aujourd’hui.
Accord N° 1
« Comme une tarte flambée » par Lucas Ramstein (Auberge Ramstein à Scherwiller) : une tarte flambée revisitée où on retrouve toutes les textures et toutes les saveurs de cette spécialité alsacienne dans une forme très originale…je n’aime pas toujours le principe de « revisiter » mais là c’est vraiment réussi.
Servi avec :
Alsace Grand Cru Riesling Frankstein-Terre de Granit 2021 du domaine M. Dirringer à Dambach : un riesling sec, citronné et minéral qui a réalisé un accord en rupture avec sa ligne acide filante qui a tranché avec l’onctuosité du plat pour laisser le palais frais et dispos, prêt à « attaquer » la suite du programme…
Les pains proposés par le Moulin Kircher d’Ebersheim
Accord N° 2
« Gravlax de truite d’Alsace » par Loïc Pougain (Le Clos des Sens à Schlierbach) : une préparation à base de truite taillée pour assurer une mâche bien gourmande et présentée dans une ambiance végétale relevée par une pointe de basilic…un joli jeu de texture et une belle fraîcheur.
Servi avec :
Alsace Riesling Mittelbourg 2022 du domaine Weinzaepfel à Soultz-Haut-Rhin : un riesling riche, puissant et très salin qui a accompagné le plat en douceur avec son jus lisse et onctueux.
Alsace Grand Cru Riesling Muenchberg 2020 du domaine Bohn à Reichsfeld : un riesling droit et minéral avec une finale grenue et pierreuse relevée par de beaux amers, un vin charnu mais sans concession, vraiment à son aise face à ce plat.
Deux accords très différents mais réussis et, même si j’aime beaucoup le Muenchberg d’Arthur, j’avoue avoir préféré le Mittelburg sur ce plat.
Audrey Weinzapfel et Arthur Bohn
Accord N° 3
« Mozzarella alsacienne et tomates » par Benjamin Michel (Popâ à Gérardmer) : une préparation sophistiquée qui associait une concassée de tomates et un croustillant d’andouille du Val d’Ajol liés par une mozzarella siphonnée…des saveurs et des textures très différentes pour un équilibre frais et gourmand
Servi avec :
Alsace Riesling Schiferberg 2022 du domaine Borès à Reichsfeld : un riesling longiligne marqué par une belle présence saline et un léger grip tannique, un vin tramé par une belle minéralité qui lui a permis de tenir face aux notes végétales et fumées du plat.
Alsace Pinot Noir Oberstupf 2022 du domaine L. Vogt à Wolxheim : un pinot noir fruité et souple avec une finale bien tonique, un vin très agréable à déguster mais qui n’a pas trop aimé le contact avec la tomate.
Deux jolis vins mais face au plat, il n’y a pas eu match…victoire du riesling Schieferberg.
La fête bat son plein et les convives se régalent
Accord N° 4
« Tartare de saumon » par Mathias Millot (La Chaume de mon Père à Gérardmer) : un saumon gouteux et texturé avec du gras et une belle salinité, adouci par une subtile émulsion au beurre blanc…un jeu de textures et de saveurs tout en finesse et en suavité.
Servi avec :
Alsace Sylvaner Zellberg 2022 du domaine Sohler à Scherwiller : un sylvaner ample, charnu et profondément salin, une interprétation très gastronomique de ce cépage.
Alsace Riesling Rothstein 2022 du domaine F. Gross à Wolxheim : un riesling vif, longiligne et délicatement citronné, un vin très élégant, bien marqué par son terroir gréseux.
Deux beaux accords avec un premier vin qui joue la congruence et le second plutôt la rupture…j’ai bien aimé les deux.
Mathias Millot qui joue du siphon
Accord N° 5
« Comme un poisson » par Pricillia Lebon (L’Ogustin à La Vacquerie-et-Saint-Martin-de-Castries) : une association pleine de contrastes entre un filet d’omble chevalier doux et suave, une sucrine craquante marquée par une fine amertume et une nage légèrement fumée…un mariage entre lac et jardin surprenant mais très harmonieux.
Servi avec :
Alsace Grand Cru Riesling Altenberg de Wolxheim 2022 du domaine Zoeller à Wolxheim : un riesling riche, appuyé sur une acidité large et stimulé par un léger grip tannique en finale, un vin marqué par son millésime et par son terroir.
Un accord très intéressant entre un vin très classique et une préparation plus osée…en tout cas, ça marche !
Accord N° 6
« Fine tranche de veau comme un vitello » par Hugo Ehrhardt (Restaurant Partage à Andlau) : une viande moelleuse condimentée par du citron confit et du raifort et accompagnés par de l’anguille fumée et des herbes fraîches…un plat « haut en saveurs » mais parfaitement équilibré.
Servi avec :
Alsace Riesling Holderhurst 2021 du domaine Boehler à Molsheim : un riesling puissant et charnu avec du gras et une belle salinité, une finale vive et salivante, un vin déjà bien en place…une belle réussite dans ce millésime.
Alsace Pinot Noir Vogelgarten-Cuvée Arthur 2022 du domaine M. Schoech à Ammerschwihr : un jus fruité riche et profond avec une texture onctueuse, une finale tonique et sapide, un pinot noir généreux et gourmand, parfaitement équilibré…un grand rouge alsacien !
Deux beaux accords établis sur un registre différent avec ce pinot noir très épanoui qui relève le défi des saveurs tout en enrobant les éléments de la préparation et un riesling qui joue le contraste avec beaucoup d’énergie.
Julie et Hugo à la préparation de leur création gourmande.
Accord N° 7
« L'oeuf et le foie gras » par Grégory Doucey (La Fine à Frontignan) : un jeu de textures complexe aux saveurs très douces avec un médaillon de foie gras cuit à la perfection et un œuf basse température – que j’ai trouvé un peu redondant dans la composition – accompagnés par des spaghettis moelleux et croustillants.
Servi avec :
Alsace Pinot Gris Klep 2022 du domaine A. Regin à Wolxheim : un pinot gris élevé en demi-muids, consistant avec un joli gras, un équilibre sec et une longue finale épicée, un vin bien balancé avec un très beau potentiel gastronomique.
Alsace Grand Cru Pinot Gris Spiegel 2018 du domaine E. Meyer à Bergholtz : un pinot gris puissant, riche et onctueux, une très belle interprétation traditionnelle de ce cépage affinée par quelques années de garde.
Un accord « moderne » sur l’onctuosité avec le premier vin et un accord plus « classique » sur la suavité avec le second vin…deux bouteilles qui nous rappellent que les pinots gris alsaciens aiment le foie gras.
Une plancha de compétition pour saisir les médaillons de foie gras…jolie performance !
Accord N° 8
« Pièce d’exception » par Alexandre Montois (L’Annexe à Lille) : du faux filet Simmental mâchu et goûteux « caressé » par une sauce mousseuse, le tout relevé par des graines craquantes, un plat complet et complexe.
Servi avec :
Alsace Pinot Noir Eichgas 2022 du domaine J. Klein à Kintzheim : un pinot noir puissant avec un jus riche et consistant et une belle profondeur, une petite gourmandise née sur un terroir proche du Grand Cru Praelatenberg.
Alsace Pinot Noir Mittelbourg 2022 du domaine R. Roth à Soultz-Haut-Rhin : un pinot noir charnu et concentré avec une structure très élégante et une finale marquée par une belle salinité calcaire, un grand rouge alsacien qui pourra encore se bonifier durant quelques années en cave.
Un accord équilibré avec le premier vin qui accompagne calmement et harmonieusement le plat, une relation moins linéaire avec le second vin qui commence très timidement et qui peine à relever le défi gustatif lancé par le plat avant de reprendre la main en finale.
Alexandre Montois qui met la touche finale à sa préparation.
Accord N° 9
« Le Munster » par Aurélien Michel (Popâ à Gérardmer) : un fromage encore assez frais mais déjà bien « parfumé », travaillé en mousse onctueuse accompagné par des fruits à coque bien croquants qui jouent l’opposition au niveau de la texture tout en adoucissant les arômes fromagers.
Servi avec :
Alsace Grand Cru Pfersigberg « Sur Peaux » 2022 du domaine Hebinger à Eguisheim : une macération de gewurztraminer, pinot gris et riesling, très complexe avec un jus gourmand et légèrement grenu, structuré par une puissante salinité, une interprétation assez libre de ce Grand Cru pour aboutir à un vin original et intéressant sur le plan gastronomique.
Alsace Rittersberg 2020 du domaine Beck-Hartweg à Dambach : un assemblage de pinots issus d’une parcelle située dans le bas de ce coteau granitique, un vin charpenté avec une aromatique très complexe (agrumes, épices, réglisse), une salinité marquée et une finale stimulée par un léger grip tannique.
Deux vins « libres » travaillés avec une grande maîtrise qui ont fait étalage de leur grand potentiel gastronomique en donnant la réplique a cette interprétation très intéressante du roi des fromages alsaciens.
Mathilde et Frédéric servent leurs vins pendant que Benjamin Michel prépare le plat suivant.
Accord N° 10
« La Carotassion » par Aurélien et Benjamin Michel (Popâ à Gérardmer) : un mélange astucieux de carotte et de fruits de la passion, des saveurs acidulées et exotiques relevées par de fines touches végétales pour nous offrir une transition toute en douceur entre le fromage et le dessert.
Servi avec :
Alsace Gewurztraminer Ortel 2019 du domaine A. Hertz à Eguisheim : un gewurztraminer sec élevé durant 2 années en pièces bourguignonnes, un vin qui allie élégance et puissance dans un univers aromatique épicé et finement boisé.
Alsace Riesling Pfoeller 2022 du domaine J. Boxler à Niedermorschwihr : un riesling riche et puissant avec de beaux arômes d’agrumes et une trame saline bien marquée, une interprétation classique de ce terroir calcaire de Katzenthal.
Deux accords à nouveau très différents avec un gewurztraminer qui « condimente » la préparation par ses notes épicées et avec un riesling qui développe son caractère minéral au contact des saveurs acidulées du plat.
Accord N° 11
« Dessert fruité #1 » par Lucas Ramstein (Auberge Ramstein à Scherwiller) : une pêche rôtie au barbecue accompagnée d’une crème onctueuse à la fleur de sureau et d’un crumble croquant, un dessert de saison tout en finesse proposée par un jeun chef dont j’ai déjà pu apprécier le talent à plusieurs reprises dans son restaurant de Scherwiller.
Servi avec :
Crémant d’Alsace 1824 2021 du domaine Siebert à Wolxheim : une très belle cuvée de crémant créée par Estelle Balzer pour célébrer le centenaire du domaine Siebert, une bulle raffinée, bien droite et marquée par une profonde salinité.
Alsace Klevener de Heiligenstein 2020 du domaine Burckel-Jung à Dambach : une cuvée de savagnin rose, légère et suave qui s’exprime sur un registre exotique et qui finit sur des amers délicats, une exception alsacienne bien vinifiée mais qui manque un poil de tonus…ça arrive de temps en temps sur des vins de 2020.
Un accord de type « complémentaire » avec la vivacité du crémant qui tranche avec la douceur du dessert et un accord plus « congruent » avec le klevener qui semble pourtant une peu trop léger pour tenir face à la sucrosité du plat.
Lucas Ramstein à la préparation des desserts
Accord N° 12
« Dessert fruité #2 » par Hugo Ehrhardt (Restaurant Partage à Andlau) : une préparation complexe à base d’abricot rôti, de mousse légère à l’amande douce et de nage fraîche de verveine au miel, une association de saveurs pleine d’harmonie et de suavité.
Servi avec :
Crémant d’Alsace Chardonnay Brut Nature 2021 du domaine A. Stoffel à Eguisheim : une aromatique classique mais séduisante sur l’amande et la brioche au beurre, une bouche élancée stimulée par une bulle vive et très fine, un très beau crémant au style champenois affirmé.
Alsace Grand Cru Gewurztraminer Goldert 2022 du domaine Saint Rémy à Wettolsheim : un gewurztraminer expressif et opulent né sur la terre d’élection du muscat, un vin épicé, généreux mais d’une parfaite digestibilité.
Deux très beaux mariages gustatifs pour conclure : un accord évident sur le plan aromatique entre le crémant et le dessert, même si la sucrosité du dessert durcit un peu le vin en finale, et un accord « plaisir total » avec un gewurztraminer flatteur et épanoui qui parvient cependant à laisser une belle impression de fraîcheur en finale.
J’ai adoré cet évènement magistralement organisé par les « Jeunes Restaurateurs » et les « Jeunes Vignerons d’Alsace » qui ont œuvré de concert pour nous permettre de vivre cette « expérience sensorielle » inoubliable au cœur du vignoble de Wolxheim.
Il y avait de la créativité et du talent à revendre mais aussi et surtout le plaisir de faire partager leur passion commune pour les bonnes choses de la vie.
Merci et bravo les jeunes !
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