Mon premier séjour bourguignon date du début des années 80 et mon premier compte-rendu spécial « Bourgogne » a été publié sur le net en 2006 (sur le forum « degustateurs.com »)…bon sang, j’ai l’impression que le temps passe de plus en plus vite !
Avec quelques désistements pour raisons professionnelles notre groupe de pèlerins ne comptera que 3 fidèles en 2014, puisque seuls Martial et son épouse ont réussi à se libérer pour venir célébrer Bacchus au pays de Saint Vincent en ma compagnie.
A force de venir frapper aux portes des mêmes vignerons, j’ai fini par comparer cette tournée à un pèlerinage…d’ailleurs, avec le programme de cette année qui ne propose qu’une seule visite inédite parmi les 7 étapes prévues, le terme n’a jamais été aussi approprié !
Dans la liste des « connus et reconnus » nous trouverons Rebourgeon-Mure, Chicotot, Buisson-Charles, Nicolas Perrault, François Carillon et Marchand Frères, dans le rôle de la « découverte de l’année » il y aura le Domaine des Rois Mages à Rully.
Hoppla c’est parti !
Nuages bas et pluie fine sur le vignoble de Rully très vert en cette fin d’été…l’image d’une Bourgogne qui attend le soleil avec impatience pour sauver un nouveau millésime bien compliqué...allez, on y croit !
Jour 1. : domaine Buisson-Charles à Meursault
Cela faisait quelques années que ma visite à Meursault était programmée en automne, mais en cette fin d’août 2014, nous avons pu profiter de la présence de Catherine et de Patrick Essa au domaine Buisson-Charles pour anticiper notre passage chez eux et découvrir tout ce qu’ils ont pu réaliser de beau et de grand durant cette dernière année.
Malgré un départ précipité du domaine Chicotot à Nuits – timing, timing – nous arrivons quand même avec un peu de retard rue de la Velle à Meursault, où nous attend ce couple de vignerons dont j’ai appris à apprécier le travail et la compagnie et que je retrouve toujours avec grand plaisir lors de mes virées bourguignonnes.
Comme nous avons encore un dernier rendez-vous planifié sur notre agenda, nous partons sans perdre de temps en direction de la cave où Patrick nous invite à une dégustation presque exhaustive du denier millésime en cours d’élevage.
La voûte centrale de la superbe cave Buisson-Charles à Meursault.
Première série avec les cuvées rouges de 2013 :
Bourgogne pinot noir : nez charmeur avec un joli fruit, bouche riche et bien charnue, finale gourmande.
Voilà un pinot noir avenant et particulièrement élégant…un Bourgogne comme je les aime et une série qui commence par une vraie réussite.
Pommard En Chiveau : nez sur les fruits rouges avec une pointe minérale déjà sensible, bouche tonique, matière dense, solidement tendue mais bien onctueuse au toucher.
Provenant d’un secteur assez « froid » de l’appellation, ce Pommard n’hésite jamais à affirmer sa personnalité un peu rustique mais sur ce millésime la douceur de son jus ne laissera personne indifférent. MIAM !
Volnay 1° Cru Santenots : nez bien en place avec une palette complexe sur les fruits rouges bien mûrs, les épices et une fine touche vanillée, bouche pleine de sensualité, tonique, concentrée mais déjà fort avenante, finale longuement aromatique.
Ce premier cru de Volnay se situe dans la ligne des deux cuvées précédentes : un charme affirmé avec beaucoup de spontanéité mais une personnalité qui ne manque ni de fond ni de caractère. Très beau vin !
Et pourtant, Patrick affirme avec beaucoup de sincérité que les cuvées de rouges ne sont pas forcément la spécialité du domaine Buisson-Charles…s’il ne pêche pas par excès de modestie je me prépare à découvrir une série de blancs qui va immanquablement me mettre sur le c…Allons-y !
Patrick à la pipette dans la partie rouge de la cave
Deuxième série avec les cuvées de blancs 2013 :
Bourgogne chardonnay Hautes Coutures : nez très engageant sur les agrumes frais avec une délicate touche vanillée, bouche élégante avec une matière assez généreuse tendue par une acidité fine et racée, finale gourmande et bien fraîche.
Cette référence a fait sont apparition sur la carte du domaine Buisson-Charles il y a quelques années parce que Patrick souhaitait créer une cuvée d’entrée de gamme accessible au plus grand nombre. Voilà un premier jalon d’une série qui se pose en affirmant un niveau qualitatif déjà superbe…vivement la suite.
Meursault Vieilles Vignes (Pellands) : nez discret toujours sur les d’agrumes, silhouette oblongue très harmonieuse en bouche, finale déjà bien en place, grande pureté.
Meursault Vieilles Vignes (Millerands) : nez discret, citron frais et fine touche vanillée, chair croquante, léger CO2, structure plus rectiligne, bien étirée.
Ces jus tirés sur deux tonneaux distincts entreront dans l’assemblage du Meursault « Vieilles Vignes » du domaine.
A l’heure actuelle, Millerands (issu d’une parcelle située à la sortie sud de Meursault) se montre plus droit que Pellands (issu d’une parcelle située à la limite de l’appellation Puligny) qui se goûte particulièrement bien en cette fin d’été…mais on sent déjà en filigrane cette élégance et cette pureté qui nous ravissent chaque année dans cette cuvée…à ne pas rater !
Chassagne Montrachet 1°Cru En Remilly : nez expressif sur la groseille blanche avec une petite touche florale très agréable, matière mûre étirée par une acidité très franche, minéralité très tactile en finale.
Chassagne Montrachet 1°Cru La Romanée : nez proche du vin précédent, bouche plus charnue avec une matière assez dense et une acidité très tonifiante, finale sur les fruits blancs frais et les herbes aromatiques.
Issu d’un lieu-dit situé tout près des Grands Crus de Puligny, En Remilly déjà bien imprégné par son terroir force le respect par sa stature pleine de noblesse dès son plus jeune âge. Dégusté pour la première fois cette année le 1° Cru La Romanée situé en haut de coteau dans le secteur sud de Chassagne réputé très qualitatif, se pose comme un séducteur invétéré à qui il sera très difficile de résister…en ce qui me concerne, je ne vais même pas essayer !
Puligny Montrachet 1° Cru Les Caillerets : nez précis, très minéral avec des notes zestées, chair élégante, équilibre bien vif, salinité puissante qui marque une finale solidement tendue.
On attendait ce premier cru dans la gamme Buisson-Charles avec une certaine impatience…et on avait bien raison car avec cette cuvée pleine de chair et de minéralité, Patrick nous livre une interprétation magistrale de ce terroir à la fois si proche et si différent de Meursault. MIAM !
Meursault Tessons : nez très discret, finement imprégné d’évocations minérales, structure allongée, acidité droite et mûre, finale dont la salinité évoque presque un cru de Puligny.
Comme à son habitude Tessons 2013 impressionne par sa trame minérale et se positionne comme l’une des très grandes cuvées de garde de cette appellation.
Meursault 1° Cru Les Cras : nez discret sur les fruits jaunes, matière assez tendre qui enrobe une arête acide fine et tendue, texture très caressante qui donne un côté bien sensuel à la finale.
Avec son corps svelte et sa matière bien lisse ce premier cru qui nous donne une version plus féminine du Meursault se livre dès à présent avec une spontanéité et une gourmandise qui pourraient nous faire oublier qu’il a encore besoin de temps pour donner la pleine mesure de son potentiel...une bouteille à cacher au fond de sa cave.
Meursault 1° Cru Bouches-Chères : nez discret, finement boisé, matière riche et concentrée, structure ample et sphérique, finale où la minéralité naissante se trouve un peu écrasée par des notes d’élevage encore très présentes.
Cette cuvée qui dispose pourtant d’une matière puissante n’a pas complètement intégré un élevage qui marque encore trop son expression aromatique.
Un prélèvement sur une seconde pièce de Bouches-Chères où Patrick a effectué un travail des lies un peu différent (bâtonnages plus soutenus), nous montre un vin plus en place avec une structure droite et solidement tendue.
Un peu de patience, un bon assemblage et tout ira pour le mieux…Bouches-Chères sera au rendez-vous de la finesse et de l’élégance comme d’habitude.
Meursault 1° Cru Charmes : vif, élégant finement citronné au nez, bouche pleine, balance richesse/acidité parfaitement équilibrée, finale précise et bien tendue avec un long sillage sur le citron frais et la boite de craie.
Avec sa belle franchise aromatique et sa consistance très charnue en bouche, Charmes nous a vraiment éblouis cette année.
Voilà une cuvée qui affirme sans attendre une classe incomparable…MIAM !!!
Chablis Grand Cru Vaudésir : nez très discret, nuances minérales délicates, tension et générosité en bouche, finale droite encore un peu serrée.
En vinifiant ce Grand Crus de Chablis Patrick réalise un vieux rêve qui date du temps de son premier poste d’enseignant d’E.P.S. dans cette région.
Vraiment étonnant l’année passée (mais je l’avais dégusté en novembre), ce bel intrus de la cave Buisson-Charles ne semble pas encore bien en place à l’heure actuelle mais avec des éléments constitutifs d’une qualité évidente on peut qu’être confiant pour le devenir de cette cuvée.
Corton Charlemagne : nez encore assez discret mais d’une grande complexité (épices, vanille, boisé raffiné), bouche très puissante avec une aromatique qui s’épanouit et s’intensifie, finale longue épicée (gingembre, poivre blanc…).
Provenant d’une parcelle de très vieilles vignes (80 ans) ce Grand Cru marque les esprits par la force de sa matière et de son expression aromatique…un vin athlétique et racé qui montre sa classe sans tergiverser.
Meursault 1° Cru Goutte d’Or : délicatesse et finesse extrême au nez, des notes florales, des évocations pierreuses…, bouche en place, équilibre parfait, matière d’une élégance absolue, une pure merveille !
Pour tout dire, j’avais un peu peur pour cette cuvée que j’apprécie particulièrement et que Patrick a choisi de nous faire déguster derrière le tonitruant Corton Charlemagne…mais j’ai été très vite rassuré : une fois encore Gouttes d’Or s’impose par sa beauté profonde et sa pureté. MIAM !!!!!!
Après cette longue série, le temps prévu pour cette visite murisaltienne touche à sa fin car nous devons encore honorer un dernier rendez-vous à Dezize les Maranges pour finir cette longue journée.
En guise de conclusion, Patrick nous invite à déguster une dernière triplette de bouteilles pour nous présenter rapidement le style des vins du millésime 2012 :
Bourgogne chardonnay Hautes Coutures : nez assez ouvert, bien charmeur avec un fruité délicat, suave, léger et très joliment balancé en bouche, finale fraîche et finement mentholée.
Meursault Vieilles Vignes : nez discret et pure, notes de noisette fraîche, matière alliant tension et gras avec beaucoup de classe, finale longue marquée par une belle minéralité.
Ce superbe Bourgogne chardonnay bien murisaltien dans son expression offre à l’amateur un rapport Q/P exceptionnel pour accéder à la gamme Buisson-Charles et pour quelques euros supplémentaires, la cuvée Vieilles Vignes nous donne une clé pour entrer de plain pied dans l’univers des grands Meursaults. Double MIAM évident !!!
Meursault 1° Cru Bouches-Chères : aromatique naissante mais encore retenue avec une minéralité qui pointe doucement en filigrane, bouche volumineuse et concentrée, finale droite et saline.
Ce premier cru dont les contours commencent à se dessiner est plus dans la suggestion que dans la démonstration mais le sceau du grand terroir est déjà marqué…élégant, soyeux, voluptueusement tactile…très prometteur !
Le carré d’as murisaltien du domaine Buisson-Charles.
Pour éviter la redondance, je ne m’attarderai pas sur des impressions générales à propos de ce domaine que je suis maintenant depuis quelques années (voir ICI ou LA ou LA) et dont j’apprécie autant les vins que les vignerons qui les conçoivent.
J’ai pu vérifier verre en main que la gamme de vins blancs de 2013 possèdait la même homogénéité qualitative que celle du millésime précédent : du bourgogne générique aux remarquables premiers crus, j’ai rencontré des vins précis et purs, fidèles interprètes des terroirs murisaltiens. J’ai apprécié sans réserve la noblesse des jus en cours d’élevage mais j’ai surtout beaucoup aimé la gourmande simplicité avec laquelle ces grands vins encore en phase de construction se livraient au dégustateur…une série magnifique !
J’ai également très bien goûté les 3 cuvées de rouge du domaine dont la finesse et la sociabilité m’ont vraiment charmé…des séducteurs diablement précoces !
Les trois 2012 dégustés très (trop) rapidement hélas confirment ce que nous avions ressenti l’année passée...ce millésime a engendré des vins pleine de sève et de race.
Pas de doute, les 2012 tiendront leurs promesses et leur rareté ne les rendra que plus désirables…avis aux chanceux qui en auront encavé quelques cols.
Avec sa gamme de plus en plus complète, le domaine Buisson-Charles offre à l’amateur une promenade inoubliable parmi les crus d’exception de la Côte de Beaune…une visite indispensable pour un picoleur « bourguignomane » de mon acabit !
Merci à Catherine et à Patrick pour leur accueil…et à l’année prochaine !
Commentaires
1 Patrick Essa Le 03/10/2014