Mon premier séjour bourguignon date du début des années 80 et mon premier compte-rendu spécial « Bourgogne » a été publié sur le net en 2006 (sur le forum « degustateurs.com »)…bon sang, j’ai l’impression que le temps passe de plus en plus vite !
Avec quelques désistements pour raisons professionnelles notre groupe de pèlerins ne comptera que 3 fidèles en 2014, puisque seuls Martial et son épouse ont réussi à se libérer pour venir célébrer Bacchus au pays de Saint Vincent en ma compagnie.
A force de venir frapper aux portes des mêmes vignerons, j’ai fini par comparer cette tournée à un pèlerinage…d’ailleurs, avec le programme de cette année qui ne propose qu’une seule visite inédite parmi les 7 étapes prévues, le terme n’a jamais été aussi approprié !
Dans la liste des « connus et reconnus » nous trouverons Rebourgeon-Mure, Chicotot, Buisson-Charles, Nicolas Perrault, François Carillon et Marchand Frères, dans le rôle de la « découverte de l’année » il y aura le Domaine des Rois Mages à Rully.
Hoppla c’est parti !
Nuages bas et pluie fine sur le vignoble de Rully très vert en cette fin d’été…l’image d’une Bourgogne qui attend le soleil avec impatience pour sauver un nouveau millésime bien compliqué...allez, on y croit !
Jour 2 : domaine François Carillon à Puligny
A l’heure de rendre visite à la famille Carillon, je ne peux m’empêcher de faire le compte des années de fidélité viniques à ce domaine de Puligny et je me rends compte qu’il y a déjà 24 ans que j’ai rencontré Louis Carillon pour la première fois…d’ailleurs, je me souviens très bien de cette dégustation mémorable lors de laquelle est née mon indéfectible penchant pour ces grands blancs de la Côte de Beaune.
Par la suite, j’ai appris à connaître les fils du patriarche, d’abord Jacques qui m’a reçu avec beaucoup de gentillesse jusqu’en 2009 puis François que je retrouve aujourd’hui avec grand plaisir et pour la cinquième année…déjà !!!
Comme toujours à cette époque de l’année, il règne une certaine effervescence au domaine François Carillon. Les vacances sont finies et l’activité reprend sur les chapeaux de roue avec une vendange qui se prépare mais aussi des travaux d’agrandissement en cours : camions et bétonnières ont investi l’espace entre le cuvier, les chais et les bureaux pour construire un grand bâtiment destiné notamment à abriter le stock bouteilles du domaine.
Le chantier 2014 du domaine François Carillon.
Revenant juste d’une tournée d’inspection dans les vignes en compagnie d’autres vignerons de Puligny pour évaluer les dégâts causés par la cicadelle, François Carillon semble un peu préoccupé « même si on a été assez épargnés par la grêle, le millésime s’annonce compliqué… »…mais bon, après les réussites de 2012 et 2013 dans des conditions pas évidentes, notre vigneron affiche une sérénité justifiée. C’est d’ailleurs en toute confiance que nous lui emboîtons le pas pour nous rendre au chai en nous réjouissant de pouvoir une fois de plus nous régaler avec quelques cuvée de 2013 qui séjournent encore en barriques :
Puligny Montrachet : nez discret mais belle finesse, matière équilibrée, silhouette élégante, finale alliant notes minérales et délicates nuances vanillées.
Issue de 4 parcelles situées autour da Puligny, cette cuvée « villages » qui se montre encore très réservée au plan aromatique nous fait entrer de plain pied dans l’esthétique des vins de François Carillon : précision, pureté et droiture minérale sans concession. La classe !
Puligny 1° Cru Les Champs Gain : nez plus ouvert et charmeur sur les fleurs printanières et la pêche de vigne, structure oblongue en bouche, grande noblesse dans la tenue, belle persistance aromatique en finale.
Issu d’une parcelle située dans un climat situé en hauteur au dessus des Folatières, ce premier cru au charme précoce séduit par sa gourmandise et son accessibilité mais la qualité de sa matière en bouche porte l’empreinte d’un grand terroir. MIAM !
Puligny 1° Cru Les Folatières : nez discret avec des nuances de craie et d’amande fraîche, attaque vive en bouche, structure rectiligne avec une matière bien concentrée et une acidité qui trace tout droit, finale très longue, sillage minéral et discrètement vanillé.
A ce stade, ce premier cru se montre plus réservé que le précédent, mais en bouche on sent une race évidente avec une signature minérale qui commence s’imprimer en filigrane. Très prometteur…comme toujours !
Dégustation des vins en cours d’élevage avec François Carillon…toujours un grand moment !
Puligny 1° Cru Les Combettes : nez délicat mais encore un peu fermé où on devine de belles nuances pierreuses, matière ample avec une chair élégante qui s’enroule autour d’une fine ligne acide solidement tendue, finale longue, précise et minérale.
Issu d’un des très beaux climats de Puligny ce premier cru impressionne par une personnalité toute en élégance et en retenue mais structurée par une trame minérale d’une grande noblesse…Une superbe cuvée de garde !
Puligny 1° Cru Les Referts : nez plus loquace avec de belles notes de fruits blancs et d’épices, en bouche la matière est généreuse, le toucher bien onctueux mais la finale se tend progressivement en révélant une minéralité longue et racée.
Comme souvent, Referts se montre particulièrement sociable dans sa jeunesse mais ne nous arrêtons pas aux apparences, malgré son charme précoce ce vin a vraiment du fond et démontre avec éclat qu’il n’est pas né premier cru par hasard !
Puligny 1° Cru Les Perrières : nez complexe et raffiné sur le citron frais et la pierre chaude avec quelques nuances fumées et un boisé noble, matière épaisse mais très verticale où la richesse et acidité sont déjà en résonnance, finale très longue avec un beau retour aromatique sur l’amande et la noisette fraîche.
Avec sa structure qui fait penser à un cylindre parfait, ce premier cru déjà très bien en place malgré sa jeunesse se positionne une fois encore comme le grand parmi les grands...MIAM !
Après cette série tout à fait convaincante, comme d’habitude, il nous reste une poignée de minutes avant midi pour revoir rapidement quelques 2012 que nous avions dégusté l’année passée :
Puligny Montrachet : nez assez réservé, bouche ample et charnue avec une matière très douce appuyée sur une structure minérale puissante, finale longue qui délivre de belles notes où minéralité et vanillé discret cohabitent harmonieusement.
Un peu endormi sur le plan olfactif ce Puligny se révèle pleinement en bouche…en dégustant cette cuvée « Villages » d’un niveau qualitatif vraiment irréprochable, je me dis que mon quart de siècle de fidélité à cette maison est tout à fait justifié. MIAM !
Puligny 1° Cru Les Folatières : nez riche et complexe avec une palette fruitée et délicatement mentholée, bouche charnue avec une acidité mûre, longue et précise, toucher onctueux mais joli retour minéral en finale.
Comme tout premier cru de Puligny, ce Folatières est avant tout un vin de garde mais lorsqu’on se retrouve devant un vin avec un tel pouvoir de séduction, on se dit que l’attente va être une rude épreuve pour l’amateur…pas sûr que j’y arrive. MIAM !
Puligny 1° Cru Les Combettes : nez classieux avec une palette discrète sur les fleurs et la groseille blanche, bouche ample, puissante, profondément minérale avec une finale d’une longueur exceptionnelle.
Peu loquace au niveau aromatique ce Combettes nous éblouit pas la noblesse qui se dégage de sa matière en bouche, généreuse, structurée par une trame acide/minérale de toute beauté elle…Très grand vin !
Puligny 1° Cru Les Perrières : nez sans concession, pierreux et finement fumé, bouche concentrée, acidité droite très profonde, minéralité intense, finale longue, notes de pamplemousse et de craie.
La dégustation de ce Perrières donne l’impression d’une rencontre avec un « monstre endormi » qui va nous mettre une claque monumentale dans quelques années : un jus magnifique qui, comme Combettes, a été relevé par quelques litres de Chevalier-Montrachet en 2012…à ne pas rater, évidemment !
Comme chaque année nous arrivons chez François Carillon et nous trouvons un domaine en pleine évolution : par le passé il y a eu une restructuration et un réaménagement des caves, une augmentation considérable du patrimoine viticole, la création de quelques nouvelles cuvées…et en 2014 nous nous retrouvons face à un grand chantier d’agrandissement des espaces de travail…j’avoue que l’énergie entrepreneuriale de ce vigneron m’impressionne vraiment.
Ceci dit, il semblerait que François Carillon ait décidé de se calmer un peu à l’avenir : « J’exploite actuellement 11 hectares de vignes – la même superficie qu’au temps du domaine Louis Carillon et fils – et après la construction du nouveau bâtiment notre outil de travail va être parfaitement opérationnel…je pense que je peux un peu lever le pied… »…c’est tout le mal que nous lui souhaitons.
Tout compte fait, la seule chose qui ne change pas chez François Carillon c’est cette exigence absolue dans son travail à la vigne et en cave qui lui permet d’enchaîner des réussites majeures depuis de nombreux millésimes : les vins de 2013 sont pleins d’énergie avec des matières juteuses et charnues, tendues sur des trames acides/minérales solides et définies avec une grande précision…du travail d’orfèvre vous dis-je !
Sur les quelques vins de 2012 que nous avons pu déguster, le potentiel entrevu l’année passée s’est confirmé : les Puligny de ce millésime seront de très grands vins de garde que leur rareté rendra peut-être mythiques…j’avoue ne pas être mécontent d’avoir pu en mettre quelques bouteilles en cave !
Merci à François pour son accueil…et vivement l’année prochaine !
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