Portes ouvertes au domaine Muré à Rouffach
Comme l’année passée le domaine Muré qui organise sa journée « Portes Ouvertes » le premier week-end de décembre me donne une occasion rêvée de fuir la capitale alsacienne envahie par les marchés de Noël avec les inévitables gogos venus du monde entier pour se faire joyeusement arnaquer au son de « Jingle Bells » tout en sirotant un vin chaud bien souvent indigne…je ne comprendrai jamais !!!
Le Clos Saint Landelin sous le soleil de décembre…
…et l’entrée de la Vallée Noble avec le coteau du Zinnkoepflé et le somment du Markstein enneigé au loin.
Grâce à une équipe mobilisée au grand complet, l’amateur de grands vins d’Alsace est invité à goûter les nouvelles cuvées signées Muré ainsi que quelques pépites mises sur le marché après un affinage prolongé dans les caves du domaine.
Hoppla, c’est parti !
Le nombre impressionnant de voitures sur le grand parking du domaine annonce une belle affluence dans les caves du domaine Muré…ceci dit, lorsqu’on lit le programme des réjouissances annoncées on ne s’étonne plus du succès grandissant de cette journée. Jugez-en par vous-mêmes :
- dégustation des nouvelles cuvées du domaine
- dégustation de quelques vieux millésimes du Clos Saint Landelin
- visite des caves avec le maître de chai
- atelier gastronomique autour d’accords fromages et vins avec le maître-affineur Jacky Quesnot
- dégustation d’huîtres et de spécialités alsaciennes
-exposition de photos de Marcel Ehrhard
Le grand espace de stockage du domaine a fait le plein de visiteurs.
Midi approchant, l’espace gourmand est « blindé » de monde et malgré mon agilité « légendaire » j’ai beaucoup de mal à me faufiler dans les intervalles qui s’ouvrent parfois entre deux visiteurs…et le premier qui dit que c’est parce que je suis trop gros va m’entendre !!!
En attendant que la situation s’améliore, je vais en profiter pour aller faire un tour dans les caves du domaine…j’en avais vu une partie lors de mon passage express de cet été mais je n’avais pas pris conscience de la taille réelle de ces installations…c’est impressionnant !
Visite commentée des caves du domaine Muré…
…avec des foudres et des cuves béton doublées inox et thermorégulées.
Vue de l’intérieur d’un vieux foudre avec les cristaux de tartre qui scintillent.
Le chai à barriques du domaine Muré pour l’élevage des pinots noirs et des vins qui vont entrer dans l’assemblage du crémant « Grand Millésime »
Comme on peut le lire sur les barriques les bois proviennent des Vosges (V) ou du Tronçais (T)
Il est midi bien sonné et cette petite promenade entres foudres, cuves et fûts a mis mes papilles en éveil…il est temps de remonter à la surface pour découvrir les petites gourmandises solides et liquides que nous propose aujourd’hui la famille Muré.
Des bretzels croustillants pour commencer…
…et des huîtres pour continuer (mais en ce qui me concerne, je passe mon tour).
Après avoir fait une halte à la table des charcuteries pour goûter un excellent presskopf et manger une paire de knacks (eh oui on est bien en Alsace !), je me rends à l’atelier vins de terroirs où nous attendent quelques belles bouteilles de riesling.
Riesling Côte de Rouffach 2015 : nez floral encore un peu discret avec de belles notes minérales sous-jacentes, matière étirée et solidement tendue, finale saline rehaussée par des amers nobles.
Riesling Grand Cru Zinnkoepflé 2015 : palette élégante sur les fleurs des prés, attaque ronde et suave en bouche, mais belle tension acide qui monte en puissance progressivement, finale fraîche et délicatement zestée.
Riesling Clos Saint Landelin 2015 : expression olfactive pure mais très timide, bouche puissante avec un joli gras et une présence acide/saline rayonnante, finale salivante avec des amers minéraux et une petite mâche tannique très stimulante.
Ces trois rieslings encore bien jeunes sont encore très réservés sur le plan de l’expression aromatique mais en bouche on sent déjà une belle définition de leur caractère minéral : malgré la richesse naturelle de ces jus de 2015, les terroirs imposent leur empreinte avec force dans chaque cuvée. C’est vraiment impressionnant !
Les terroirs des trois rieslings servis en conserve…
Riesling Clos Saint Landelin 2016 : nez ouvert et séduisant, palette complexe sur les fleurs printanières et les agrumes frais, matière dense et structure longiligne en bouche, salinité déjà très impressive en finale.
Comme le montre la photo le jus de ce riesling, non soutiré et non filtré, est d’une parfaite limpidité et à la dégustation il révèle une finesse et un équilibre de très grande classe.
« C’est un vin qui va être mis en bouteille tel quel »…et c’est une très bonne idée. MIAM !
Riesling Grand Cru Zinnkoepflé 2002 : nez pur et complexe, notes d’agrumes et d’herbes aromatiques (menthe, romarin), bouche douce et suave, structure acide enrobée par une matière généreuse, finale longue et digeste.
Riesling Clos Saint Landelin 2002 : olfaction jeune et très tonique, notes balsamiques et finement zestées, acidité fine et traçante qui tient une matière longiligne très élégante, finale sapide avec un long sillage aromatique sur les épices.
Dans un millésime somme toute assez moyen, ces deux très beaux rieslings prouvent que les grands terroirs travaillés par de grands vignerons sont capables de produire de grands vins dans toutes les circonstances : si le Zinnkoepflé joue résolument la carte de la séduction, le Clos commence à révéler la profondeur de son empreinte minérale.
En tous cas, on ne peut qu’être étonné par l’impression de jeunesse laissée par ces deux vins…15 ans et pas un signe de fatigue, c’est pas mal non !
Après cette étape « terroir », je me rends à la table de Jacky Quesnot pour y chercher une assiette de 5 fromages afin de tester les propositions d’associations gustatives avec certains vins du domaine Muré.
Maître Jacky Quesnot au service…
…et son assiette fromagère du jour.
Accord 1 : Délice des Cabasses et Crémant Cuvée Prestige : assemblée à partir d’un élevage en solera cette cuvée brille depuis des années par la constance de sa qualité. Grâce à sa fraîcheur et à son équilibre ce crémant fait un mariage parfait avec ce fromage de chèvre frais…mais je pense qu’il aurait également fait merveille sur un brie un peu crayeux.
Accord 2 : Mothais sur feuille et Sylvaner Steinstück 2016 : cette parcelle échangée jadis contre une autre parcelle a été récupérée récemment par la famille Muré, se trouve sur un plateau calcaire au dessus du Vorbourg et donne naissance à des vins secs et droits (les Rieflé y font un très beau riesling).
Ce sylvaner à l’aromatique très guillerette révèle un caractère assez enjoué tout en gardant une structure bien rectiligne avec une belle présence minérale, très crayeuse, en fin de bouche.
On ne pouvait pas rêver meilleur partenaire pour un fromage de chèvre un peu plus affiné mais toujours très délicat au goût : un accord tout en douceur et en suavité.
Accord 3 : Bonde de Gatine et Riesling Côte de Rouffach 2015 : ce vin au tempérament plutôt fougueux et que j’ai déjà dégusté seul à l’atelier terroir, répond sans difficulté aux nuances caprines plus intenses de ce fromage de chèvre du Gâtinais…on est dans un vrai rapport de force gustatif mais l’équilibre est réalisé.
Accord 4 : Schlossberger et Gewurztraminer Côte de Rouffach 2015 : ce gewurztraminer à l’aromatique florale très suave a révèlé une matière assez puissante en bouche en tenant tête à ce fromage suisse qui s’exprimait avec une belle intensité : cette confrontation gastronomique originale d’abord dominée par le vin s’est terminée dans une finale très harmonieuse avec des effluves floraux de toute beauté
Accord 5 : Roquefort Papillon et Pinot Gris Clos Saint Landelin S.G.N. 2007 : ce vin absolument hors normes – d’après Thomas Muré c’est « le plus haut degré de maturité (32° potentiels) et la plus forte acidité (14g) jamais mesurée dans un vin du domaine » – développe une palette aromatique d’une complexité inouïe (paille fraîche, sous-bois, fruits secs, épices…) et montre une richesse superlative en bouche (8° et plus de 420g de S.R.). Pourtant, grâce à sa finale tonique relevée par une belle présence saline, cette S.G.N. spectaculaire garde un beau potentiel gastronomique et face à ce Roquefort qui ne fait pas dans la demie mesure, la relation s’établit et les deux protagonistes se répondent pour se grandir mutuellement…une expérience gustative exceptionnelle !
Thomas Muré qui sert son élixir…
…le pinot gris SGN 2007 du Clos Saint Landelin.
Après ce festival gustatif, je fais une petite pause avec un grand verre de Lisbeth et un morceau de pain histoire de me remettre les papilles d’équerre avant de goûter les pinots noirs du domaine.
Pinot Noir Côte de Rouffach 2015 : olfaction intense sur la cerise rouge bien mûre, matière svelte et élégante en bouche, aromatique fruitée très croquante, finale bien tonique.
Pinot Noir Clos Saint Landelin 2016 : fruité pur et frais avec une présence minérale qui commence à se faire sentir, matière riche, structure allongée, belles notes de kirsch (cerise et noyau de cerise), tannins raffines, finale salivante, sillage sur les petits fruits rouges et la poudre de craie.
Pinot Noir Clos Saint Landelin 2015 : expression fruitée mûre et généreuse au nez, notes d’élevage noble (résine, vanille), matière ample et dense structurée par une acidité très rectiligne et par une trame tannique bien patinée, finale magnifique, longueur et sapidité.
Pinot Noir Clos Saint Landelin 2012 : nez complexe avec des notes de fruits rouges bien mûrs et de fines touches fumées/torréfiées, silhouette racée avec une matière étirée par une solide ligne acide, finale fraîche avec un long retour aromatique fruité et minéral.
Ce quatuor sans aucune fausse note nous prouve une fois encore que l’Alsace est capable de produire des pinots noirs de très haut niveau.
A côté d’un Côte de Rouffach 2015 d’une irrésistible gourmandise, les Clos Saint Landelin me font penser à de très beaux crus de la Côte de Nuits : le côté raffiné et aérien du 2016 m’emmène vers Chambolle, le jus dense et structuré du 2015 vers Morey et la profondeur du 2012 plutôt vers Gevrey…Quadruple MIAM !
Réné Muré et sa fille Véronique en grands discussion avec les visiteurs du jour.
Pour conclure :
Cette année encore j’ai pris beaucoup de plaisir à participer à cette journée « Portes Ouvertes » organisée par l’équipe du domaine Muré…c’est un peu « Noël avant l’heure « du côté de Rouffach !
Cette famille vigneronne qui a la chance d’exploiter quelques grands terroirs alsaciens s’est donné tous les moyens pour réussir à y produire de très beaux vins.
Pour l’instant je n’ai pas encore vu les vignes de près mais je sais que le domaine y met en œuvre une viticulture très exigeante (25 hectares certifiés Demeter) pour laisser les terroirs s’exprimer avec un maximum de force et d’authenticité.
Par contre j’ai profité d’un timing un peu moins serré qu’en 2016 pour visiter plus longuement la cave. J’ai été impressionné par ces espaces vastes et fonctionnels et j’ai été surpris d’y trouver des cuves en béton garnies d’inox : un dispositif original – et surement très onéreux – pour allier les qualités d’inertie thermique du béton et la facilité d’entretien de l’inox.
Le parc de vieux foudres est remarquable et le chai d’élevage offre une gamme très complète de fûts de chêne pour affiner avec précision quelques unes des cuvées de prestige du domaine.
En ce qui concerne les vins, j’ai très bien goûté cette série de rieslings : ce sont des vins lumineux et bien marqués par leurs terroirs d’origine…mention spéciale pour le très prometteur Clos Saint Landelin 2016.
Les pinots noirs sont absolument magnifiques avec un Clos 2015 déjà bien ouvert mais disposant d’un potentiel énorme et un Clos 2016 qui m’avait déjà fait forte impression cet été et qui confirme toute sa classe après quelques mois d’élevage supplémentaires.
Le coup de cœur absolu revient néanmoins à l’incroyable cuvée de pinot gris S.G.N. 2007…surement l’un des meilleurs liquoreux que j’ai pu déguster jusqu’à aujourd’hui.
Le saint patron de la maison Muré surveille la cave.
Mille mercis à l’équipe du domaine Muré pour ce beau moment vinique.
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