Pèlerinage en Bourgogne 2013 - Domaine Hervé Murat

Ah ce pèlerinage bourguignon…indispensable parenthèse qui rend l’imminence de la rentrée des classes beaucoup plus légère !
Année après année je me dis qu’il serait temps de réfréner le rythme de mes achats de vin : ma cave et mes gamma-GT qui débordent de concert devraient pourtant me pousser à davantage de continence mais c’est impossible !
J’aime trop ces moments d’échange et de convivialité dans la pénombre d’une cave avec des vignerons qui jouent de la pipettes et du tire-bouchon pour remplir nos verres et nous présenter le fruit de leur travail de l’année.

Notre duo de 2012 s’est enrichi de deux éléments supplémentaires avec le retour de Stefan (participant en 2011) et l’arrivée de Christine, l’épouse de Martial désireuse de compléter sa formation vinique en bonne compagnie.
Le programme de cette année est dense comme d’habitude : quatre domaines déjà connus – certains depuis peu, d’autres depuis très longtemps – avec Murat, Marchand, Chicotot et Carillon, et deux nouvelles adresses avec Rebourgeon-Mure et Perrault.
Hoppla c’est parti !

Jour 1. : domaine Hervé Murat à Concoeur

2013 est une année de grands changements pour Hervé Murat : comme prévu il a pu investir définitivement ses nouvelles installations professionnelles de Concoeur, mais il a également décidé de quitter le domaine Corton André pour travailler à son compte à 100% (depuis décembre 2012) et pour faire bonne mesure il a repris une formation en œnologie à l’université…Impressionnant !

dsc-0570.jpgL’entrée de la cave d’Hervé Murat à Concoeur...élégance et tradition !

Après quelques millésimes relativement compliqués, Hervé est assez optimiste pour 2013 : la lutte contre les maladies de la vigne fut ardue mais la météo s’est montrée bien plus clémente que chez ses proches voisins de la Côte de Beaune, en plus il va pouvoir vinifier et élever sa récolte dans des espaces flambant-neufs…de quoi envisager l’avenir avec sérénité !

dsc-0566.jpgUne partie du cuvier du domaine Murat avec sa belle charpente réalisée par des Compagnons.

Après une visite du cuvier nous passons à l’étage inférieur où les crus de 2012 sont encore en cours d’élevage en barriques.

dsc-0568.jpgVisite de la cave en compagnie d’Hervé Murat

Nous commençons par la dégustation des cuvées de 2012, dont la plupart sont en cours de fermentation malo-lactique :

Hautes Côtes de Nuits Les Herbues : le nez exprime un fruit très discret et quelques notes métalliques peu gracieuses mais la bouche séduit par sa matière concentrée structurée par une fine acidité et une trame tannique mûre.
L’olfaction est marquée par la malo et par une réduction assez forte mais la bouche rassure pleinement : c’est un vin charnu et charpenté qui montre un potentiel évident.

Hautes Côtes de Nuits Le Clos Duc : le nez est un peu plus expressif avec un beau registre de fruits rouges et noirs toujours légèrement perturbé par des scories aromatiques liées à la réduction et la malo, en bouche le fruité s’épanouit plus franchement et la matière bien concentrée envahit le palais avec beaucoup de gourmandise.
Toujours un peu plus généreuse(13°8 naturels quand même !) et plus flatteuse que les Herbues, cette cuvée du Clos Duc possède un côté très avenant dès sa jeunesse tout en révélant un beau potentiel de garde.

Beaune Les Blanches Fleurs : le nez semble plus en place avec une palette complexe et pure sur les fruits et les fleurs rouges, la bouche déploie une matière charnue, équilibrée et bien tonique en finale.
Un peu plus avancée dans sa phase d’élevage que les autres, cette nouvelle cuvée issue d’une vigne située dans le secteur nord de l’appellation (vers Savigny) séduit par sa personnalité avenante et sa gourmandise déjà bien affirmée. MIAM !

Chambolle Musigny Les Echézeaux : après une attaque sur la réduction, le nez révèle une palette florale discrète mais avenante, en bouche la matière est svelte et élégante mais tendue par une acidité assez mordante.
Encore en filigrane derrière une matière très « brute de décoffrage » (la fermentation malo-lactique n’est pas encore engagée), l’âme du Chambolle est bien présente dans cette cuvée...en confiance comme d’habitude !

Morey Saint Denis Le Village : après une aération conséquente le nez révèle une palette charmeuse avec des notes de fruits rouges complétées par une touche légèrement grillée, en bouche on sent une belle gourmandise avec une acidité encore très pointue en finale.
Ce Morey est fait d’éléments constitutifs riches et racés mais son esthétique est encore un peu décousue…une très belle cuvée en devenir !

Morey Saint Denis 1° Cru Les Charrières : le nez est bien en place, le fruit est élégant et pur soutenu par un boisé délicat, en bouche l’équilibre est déjà très abouti, richesse-tanins-acidité forment un triangle équilatéral quasiment parfait, la finale est longue et délicatement fumée.
Plein de race et de sève, cette cuvée issue d’un terroir classé premier cru est déjà vraiment bien en place aujourd’hui…étonnant mais vraiment superbe. MIAM !

Beaune 1° Cru Les Tuvilains : le nez est peu flatteur avec des notes végétales assez prononcées mais la bouche révèle une matière pure et dense avec de belles notes de fruits noirs et une grande longueur aromatique.
Le décalage entre les sensations au nez et en bouche est surprenant mais la qualité de la matière ne laisse que peu de place au doute…c’est un très beau vin !

Après ce tour d’horizon sur le dernier millésime où quelques cuvées manquent à l’appel (Nuits et Vosne) nous passons aux vins de 2011 en bouteilles :

Hautes Côtes de Nuits Les Herbues : le nez s’ouvre sur des notes végétales prononcées (betterave rouge, herbe coupée) qui dominent le fruité sous-jacent, la bouche est élégante avec une structure en demi-corps et une finale bien longue sur les fruits rouges avec une touche de graphite.
Comme sur 2012 (et même sur 2010, l’année passée), la cuvée des Herbues se montre assez bougonne en cette fin août. Si le nez peut faire craindre un problème de maturité limite, la bouche lève le doute : la chair est belle mais le vin cherche encore son unité en bouteille…à attendre au moins 6 mois.

Hautes Côtes de Nuits Le Clos Duc : le nez est fin et expressif sur les fruits rouges frais, la bouche la matière est ronde avec des tanins soyeux et une finale délicatement marquée par un boisé très noble.
Comme d’habitude, cette cuvée de HCN pleine de chair et de charme est déjà bien plus en place que la plupart des autres…voilà une bouteille qui permettra d’attendre que les autres vins du domaine atteignent leur pleine maturité. MIAM !

Chambolle Musigny Les Echézeaux : le nez assez perturbé a besoin d’une oxygénation conséquente pour développer de jolies notes de prune et d’épices douces, en bouche la matière assez opulente et les tanins très soyeux donnent une agréable impression de rondeur, la finale fraîche et digeste prolonge de fins arômes épicés.
Sur ce millésime le Chambolle d’Hervé Murat présente une silhouette bien dodue avec des formes qui demandent peut-être encore un peu de temps pour devenir vraiment harmonieuses…un peu inhabituel mais très agréable !

Morey Saint Denis Le Village : le nez est pur et précis avec des arômes de cassis et une fine touche vanillée, la bouche est mûre et généreuse mais la finale reste digeste et prolonge de belles notes épicées.
Voilà un vin qui montre ce que les terroirs bourguignons peuvent exprimer de très grand à travers le pinot noir…un Morey d’un classicisme absolu, mais déjà presque irrésistible. MIAM !

Morey Saint Denis 1° Cru Les Charrières : le nez est plus concentré avec un fruité très « noir » (cassis, mûre, myrtille) et une touche d’amande amère, la bouche très généreuse s’appuie sur une structure minérale déjà bien affirmée, la finale est longue et délicatement épicée.
Plus sérieux mais plus racé que le « Village » ce Morey 1° Cru s’impose comme l’une des cuvées majeures du domaine…très belle réussite !

Beaune 1° Cru Les Tuvilains : après une réduction très fugace le nez déploie une palette très pure sur les fruits rouges, la bouche est longiligne mais d’une tenue très « aristocratique », la finale est très longue et toujours dominée par un fruité charmeur.
Présente depuis le millésime 2005 (d’ailleurs Tuvilains 2005 est sublime en ce moment !) sur la carte du domaine Murat, cette cuvée pleine de classe et de noblesse fait un peu office d’intrus dans cette série nuitonne mais personne ne songe à lui contester sa place…Normal !

dsc-0569.jpgDégustation des cuvées 2011 en bouteilles

Pour terminer cette longue série Hervé nous sert deux vins bien particuliers :

Hautes Côtes de Nuits Cuvée Marius 2010 : le nez est vif et frais avec un fruité bien net (framboise, groseille), la bouche est tonique, structurée par une belle tension et une trame tannique marquée mais très mûre, la finale est longue et finement acidulée.
Née sur le Clos Duc cette cuvée destinée à la garde et élevée plus longuement se montre toujours un peu plus difficile d’approche dans sa jeunesse…mais le potentiel est évident !

Hautes Côtes de Nuits Blanc 2011 : le nez est charmeur, sur le miel et les fleurs blanches, la tenue en bouche est remarquable, suave, large, très bien équilibré, long et frais en finale.
Issue à 100% de pinot blanc (des plants champenois SVP) cette cuvée originale possède une olfaction très proche des canons alsaciens mais sa présence en bouche ne laisse aucun doute sur sa nature bourguignonne. Joli !

2013 sera sans conteste une année charnière pour Hervé Murat : avec l’achèvement des travaux engagés il y a plus de 2 ans, il dispose maintenant d’espaces spacieux et fonctionnels…un bel outil de travail que son nouveau statut professionnel va lui permettre d’utiliser pleinement. De plus, malgré une série de millésimes réputés difficiles, Hervé Murat a choisi de s’engager à 100% dans la production de vins sur son domaine à Concoeur. Par les temps qui courent, on peu juger le pari osé, mais en connaissant le talent de ce jeune vigneron il est évident que pour l’avenir de ce domaine l’optimisme s’impose tout naturellement.
Si je compte bien, 2012 est déjà le huitième millésime que je déguste chez Hervé Murat et l’impression générale laissée par ses vins reste toujours identique : pureté dans l’expression et droiture dans la structure. Pas trop démonstratifs mais authentiques et précis dans l’interprétation de leur terroir ces vins qui parlent souvent très peu dans leur prime jeunesse s’expriment avec sagesse et justesse lorsqu’ils sont devenus adultes.

La dégustation de cette année a été un peu particulière :
- sur 2012, on a apprécié la richesse et la concentration des jus mais la plupart des cuvées étaient encore bien perturbées par des malos en cours et des réductions assez prononcées.
- sur 2011, certains vins étaient déjà vraiment avenants d’autres restaient encore un peu repliés sur eux-mêmes mais l’impression laissée par cette série est positive : un peu moins tendus que les 2010 et un peu moins volumineux que les 2012, les crus de 2011 s’expriment sur le registre de l’élégance et de la distinction.

Pour les coups de cœur je choisirai les cuvées de Morey Saint Denis qui, sur ces deux derniers millésimes, assument avec aisance leur place en haut de la gamme d’Hervé Murat mais aussi le HCN blanc, vraiment splendide sur 2011.

Merci à Hervé pour son accueil et bonne chance à lui pour ses projets futurs.

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Commentaires

  • monica van der stap

    1 monica van der stap Le 01/06/2015

    bonjour Hervé,
    Je cherche à te joindre par mail mais sans succès. Nous organisons avec quelques personnes du DTO une soirée le 12 juin prochain. Si tu veux te joindre à nous, ce sera avec plaisir. Tiens-moi au courant.
    à+ Monica
  • LES SENTIERS

    2 LES SENTIERS Le 17/09/2013

    Pierre, comme tu l'avais certainement lu sur DC (dont certains annoncent hélas la disparition totale, mais je l'espère prématurée), je garde un souvenir assez mitigé de ce domaine : des vins d'une grande qualité comme le prouve un flacon des Herbues goûté récemment et peut-être trop précocement face à un accueil qui ne m'avait pas emballé ! Lors de mon passage j'avais fait l'acquisition de quelques bouteilles de Nuits-Saint-Georges et de Vosne-Romanée, or tu ne parles pas de ces cuvées : figurent-elles toujours sur le tarif ?

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