En attendant la mise en place du prélèvement des impôts à la source et la réception d’une fiche de paye qui va probablement remettre en question cette escapade vinique instituée depuis plusieurs décennies, je profite une fois encore de mes congés d’automne pour aller vadrouiller du côté de la Bourgogne et du Beaujolais.
Cette année encore, mon parcours va me permettre de retrouver des vignerons que je fréquente depuis longtemps et d’autres que je vais avoir le plaisir de rencontrer pour la première fois…bref, c’est un pèlerinage classique avec ses haltes « obligatoires » et ses découvertes qui vont étoffer encore un peu plus mon carnet d’adresses viniques en terre burgonde.
Le premier jour me fera aller de la Côte de Beaune – pour mon indispensable étape au domaine Buisson-Charles – jusque dans le cœur du Beaujolais pour des visites dans deux domaines que je ne connais pas : le domaine de La Chaponne à Villié-Morgon et le domaine des Capréoles à Régnié-Durette.
La seconde journée sera mâconnaise et châlonnaise avec mon rendez-vous habituel à La Soufrandière et deux visites inédites : la première au domaine Sève à Solutré et la seconde au domaine Mouton à Givry.
Ma tournée 2018 se terminera en Côte d’Or avec un retour au domaine Chicotot à Nuits Saint Georges et ultime halte à Magny les Villers pour découvrir les vins du domaine Cornu.
Hoppla, c’est parti !
Une éclaircie bienvenue et un beau ciel bleu sur la roche de Solutré …magnifique non !
Jour 1 : visite au domaine des Capréoles à Régnié-Durette
Régnié-Durette, ses deux clochers et le mont Brouilly à l’horizon
La seconde visite inédite en terre beaujolaise a lieu dans un village que je connais également depuis longtemps – j’ai même pu encaver des bouteilles d’appellation « Beaujolais Régnié »…c’est dire ! – et que je retrouve avec grand plaisir.
C’est donc avec une certaine impatience et un soupçon d’émotion – souvenirs, souvenirs – que je me rends au lieu-dit « La Plaigne » pour rencontrer Cédric Lecareux et découvrir les vins du domaine des Capréoles.
Dernière étape de la journée.
Ingénieur agronome et œnologue de formation, Cédric Lecareux s’est installé en 2014 dans ces bâtiments chargés d’histoire pour créer le domaine des Capréoles.
A l’heure actuelle, il exploite un total de 6,5 hectares de vignes travaillées en viticulture biologique depuis le début (certificat BIO pour le millésime 2017) et en biodynamie depuis 2016 (validation Demeter pour le millésime 2019).
Les magnifiques bâtiments du domaine des Capréoles.
Les parcelles de vignes sont situées dans un même secteur et 3,4 hectares se trouvent sur les coteaux qui jouxtent la maison.
Malgré un jour déclinant et un petit crachin qui augmente l’impression de fraîcheur automnale déjà bien marquée, Cédric Lecareux m’invite à une petite promenade dans son « jardin »…pour aller voir de près les rangs de gamays du domaine.
Petite balade en direction du vignoble
La partie basse de la grande parcelle de gamays située à côté du domaine.
Les vignes du domaine des Capréoles sont toutes plantées en haute densité (10 000 pieds/ha) sur des terroirs de sables granitiques mais les profondeurs des sols varient : « on a des épaisseurs de sol de 80 cm en bas de pente et 20 cm sur les parcelles situées dans les parties hautes des coteaux ».
Ces sols peu fertiles mais très drainants – « on ne se salit pas les chaussures en marchant dans les rangs, même par temps de pluie comme aujourd’hui » – conviennent parfaitement au gamay.
Arrivés à pleine maturité, les raisins sont récoltés à la main et entonnés dans des cuves de fermentation qui se trouvent dans une cave à demi enterrée.
La proportion de vendange entière et de vendange égrappée dépend de la qualité des raisins : « en 2017 par exemple, la grêle qui a affecté une grande partie de nos vignes nous a obligés à égrapper 100% de notre vendange ».
Les cuves béton du domaine des Capréoles
Le millésime 2018 – « le premier millésime sans aléas climatiques » vinifié par Cédric Lecareux – a permis la conception de cuvées avec 45% de vendange entière et 55% de vendange égrappée.
Les jus fermentent à basse température – « comme dans le temps, quand le climat était moins chaud » – et exclusivement sous l’action de levures indigènes.
Les élevages se font en cuves ou sous bois selon les cuvées.
La grande cave voûtée où règne une très forte humidité contient une soixantaine de pièces bourguignonnes et quelques fûts de 300 litres.
Les vins du domaine des Capréoles sont travaillés sans SO2 jusqu’à la mise…mais du fait de leur faible acidité, les jus de 2018 sont très sensibles et doivent être surveillés de près par Cédric Lecareux qui n’exclut pas l’éventualité d’un sulfitage léger en cas de besoin.
Après cette visite très instructive nous nous installons sous les voûtes du caveau de dégustation – l’entrée juste à côté du chai à barriques – pour découvrir la gamme actuelle du domaine des Capréoles qui compte 6 références…allez on goûte !
Le superbe caveau de dégustation du domaine des Capréoles…
…et Cédric Lecareux prêt à déboucher ses premiers flacons.
Beaujolais Lantignié L’Amourgandise 2017 : fruité profond et très charmeur au nez, notes de petits fruits rouges bien mûrs, matière assez dense, équilibre très suave, finale juteuse et bien gourmande.
Cette vigne qui a subit un violent orage de grêle n’a produit que très peu de raisins en 2017 – « le rendement a été d’environ 10 hectolitres par hectare » – mais au bout du compte, Cédric Lecareux a réussi à produire cette cuvée un peu hors normes : un jus d’une concentration exceptionnelle mais qui a su garder le côté accessible et buvable qu’on attend d’un vin du Beaujolais. MIAM !!!
Régnié Chamodère 2016 : fruité assez discret mais d’une belle complexité, notes de fruits rouges frais, nuances minérales et épicées en filigrane, matière longiligne, structure souple, équilibre bien frais, finale suave et appétante.
Réalisée avec des gamays récoltés sur la partie basse de la grande parcelle attenante à la maison (celle de la photo), cette cuvée a été élevée en cuve et en barriques ancienne (20%).
C’est un beaujolais fringant et gourmand à souhait…un vrai vin « canaille » pour régaler une tablée de copains autour d’un beau plat de charcuteries.
Régnié Diaclase 2016 : nez raffiné avec de discrètes nuances lactées/torréfiées sur un fond fruité bien mûr, bouche superbe avec une matière juteuse structurée par une ligne acide bien en place et une trame tannique onctueuse, finale longue et salivante avec un sillage aromatique complexe.
Cette cuvée née sur la partie haute de la parcelle près de la maison a bénéficié d’un élevage 100% en fûts de chêne et même s’il n’est pas encore totalement fondu, le boisé parfaitement maîtrisé apporte un supplément de classe à ce jus fruité de grande qualité.
C’est un vin plein et gourmand qui se livre dès aujourd’hui au dégustateur avec une très belle spontanéité mais qui pourra se garder quelques années en cave. MIAM !
Régnié Sous la Croix 2017 : nez intense avec des notes de torréfaction qui accompagnent une palette fruitée mûre et complexe, matière épaisse, assez « machue », structure puissante, tanins voluptueux, finale encore un peu dissociée avec une acidité solide qui n’arrive pas encore à gommer une petite sensation de chaleur alcooleuse.
Cette cuvée a été réalisée à partir d’une vendange très mûre, égrappée et macérée pendant une dizaine de jours avant d’être écoulée dans des barriques récentes (un vin).
A l’heure actuelle, la bouteille « haut de gamme » du domaine est encore bien trop jeune pour exprimer tout son potentiel mais la promesse d’un grand vin est bien là. Patience !
Le tiercé gagnant du jour.
Brouilly L’Hydrophobe 2017 : nez flatteur avec un fruité très pur (framboise, fraise) sur un fond aromatique de bonbon anglais, attaque suave, structure svelte très élégante, finale assez puissante avec un sillage frais et salivant.
La série se termine par une cuvée réalisée avec des raisins achetés après vendange pour compléter la gamme 2017 du domaine des Capréoles.
Récoltés sur un terroir de « pierres bleues », les raisins égrappés à 100% ont été vinifiés en macération carbonique avant d’être entonnés pour un élevage de quelques mois en barriques anciennes.
Le résultat final est tout à fait concluant, avec un Brouilly très séducteur qui dispose cependant d’une matière généreuse et parfaitement équilibrée. MIAM !
Cette après-midi beaujolaise se termine de fort belle manière par une seconde visite très convaincante : un endroit magnifique, un vigneron plein d’enthousiasme qui met en œuvre une viticulture très vertueuse pour récolter des raisins capables d’engendrer des vins qui expriment leur terroir avec une parfaite authenticité tout en gardant cette franche bonhommie que j’ai toujours plaisir à retrouver dans les crus du Beaujolais.
Cédric Lecareux est également très impliqué dans le projet de création d’une nouvelle appellation beaujolaise sur le terroir de Lantignié, un cru qui devra respecter un cahier de charge très éco-responsable : interdiction des engrais chimiques dès 2018, interdiction des produits phyto pour protéger la vigne en 2020 et interdiction des désherbants en 2023…une démarche exemplaire qui mérite d’aboutir !
En 2016 et 2017, Cédric Lecareux a du faire face à de nombreuses difficultés liées à des millésimes vraiment très compliqués dans cette région mais la série de vins qu’il a réussi à produire lors de ces années maudites est d’une qualité qui force l’admiration.
Ces différentes cuvées remarquables de densité et de pureté sont magnifiées par des élevages sous bois gérés avec une grande pertinence…c’est vraiment du beau travail !
Dans cette offre vinique d’une parfaite cohérence, mes coups de cœur du jour seront pour le Régnié Diaclase 2016, un vin à la fois « classieux » et gourmand qui correspond parfaitement à l’image que je me fais d’un grand beaujolais et à l’étonnante cuvée L’Amourgandise 2017, une très belle bouteille qui montre tout le potentiel du terroir de Lantigné…un futur nouveau cru du Beaujolais !
Les granits du Beaujolais…Lantignié à gauche et Régnié à droite.
Mille mercis à Cédric Lecareux pour son accueil.
NB. Petite info pour les strasbourgeois : vous pouvez trouver quelques cuvées du domaine des Capréoles chez Nicolas Jaegert - La Cave en Tournée
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