Pèlerinage Bourgogne/Beaujolais 2017 - Visite au domaine de La Soufrandière
Malgré une conjoncture de moins en moins favorable – avec la courbe d’évolution de mon salaire qui se décroche de plus en plus de celle de l’évolution du prix des vins – j’ai quand même décidé de reconduire pour une année de plus mon traditionnel pèlerinage en terre burgonde.
Cette promenade entre les vignobles du Beaujolais et de la Côte de Nuits, que je réalise depuis près de 30 ans, est durablement inscrite dans mon programme annuel et je ne veux pas penser au jour où je serai obligé d’abandonner cette bonne habitude…allez, on y va !
Comme toujours mon périple va me faire rencontrer quelques vignerons déjà bien connus et d’autres dont je vais visiter le domaine pour la première fois…histoire d’allonger encore un peu plus ma longue liste de belles adresses viniques dans cette région.
Le premier jour sera plutôt « bourguignon » avec deux haltes en Côte de Beaune, au domaine Buisson-Charles et au domaine Parigot, et une halte en Côte Châlonnaise, au domaine Tupinier-Bautista.
Pour les deux jours suivants je serai rejoint par mon ami Cyril l’ardèchois pour bourlinguer de concert entre Beaujolais et Mâconnais avec un programme bien chargé qui nous conduira chez Guenaël Jambon, au domaine de Forétal, au domaine des Marrans, au domaine de la Soufrandière et chez Nicolas Maillet.
Ma tournée 2017 se terminera par une dernière halte sur le chemin du retour au domaine Castagnier à Morey Saint Denis.
Hoppla, c’est parti !
Le vignoble du mâconnais en automne.
Jour 2 : visite au domaine de La Soufrandière à Vinzelles
Pour terminer cette longue journée nous avons rendez-vous à Vinzelles pour une nouvelle visite à La Soufrandière, un domaine que je ne vais plus vous présenter puisque j’en ai déjà tellement parlé que je n’ai plus rien à dire de neuf à ce sujet…d’autant plus que Jean-Philippe Bret m’avait annoncé l’année passée que son frère et lui avaient décidé « de se calmer dans leurs investissements ».
Ferai-je enfin une visite tranquille chez les Brothers ? Pas sûr… !
En attendant ma montagne préférée est toujours encore bien visible de la Soufrandière…
…si, si c’est bien le Mont Blanc !
Comme je le craignais les frères Bret n’ont absolument pas réfréné leur envie d’aller de l’avant pour faire progresser leur domaine et pour débuter notre visite Jean-Guillaume Bret nous présente leur dernier projet achevé pour les vendanges 2017 : le fameux tinailler de La Soufrandière qui a été restructuré et agrandi afin de gagner de l’espace de cuvage et permettre notamment de multiplier le nombre de cuvées qui pourront bénéficier d’élevages prolongés.
Le tinailler restructuré avec une porte neuve, des enduits refaits, des passerelles pour accéder aux cuves et, dans cet espace modernisé, le vieux pressoir mis en eau pour le préparer au pressurage de la VT du lendemain.
La belle charpente du bâtiment neuf construit dans le prolongement du tinailler.
L’espace supplémentaire gagné grâce à l’extension du tinailler sera consacré pour 1/3 à la vinification des rouges, pour 1/3 à la vinification des blancs et pour 1/3 à l’élevage long de certaines cuvées.
Le nouveau bâtiment permet d’accéder directement au sous-sol où se trouvent notamment les fûts où sont élevés les vins de 2017.
Le parc de futaille dont les plus vieux éléments ont une vingtaine d’années permet une gestion parfaitement dosée des élevages sous bois.
Les cuves inox du sous-sol où séjournent les jus pour les cuvées d’entrée de gamme du domaine...
…et le cuvage réservé aux élevages longs des vins de prestige.
L’espace de stockage bouteilles qui semble déjà bien petit…
Le point sur 2017 :
En 2017, les vignes du domaine ont été relativement épargnées par les avatars climatiques comme le gel et la grêle : « cette année nous avons eu un peu de gel sur une vigne et une seule parcelle qui a été légèrement grêlée…mais nous avons quand même perdu pas mal de volume en achat de raisin ».
Les vendanges ont commencé dès la fin août et les raisins ont été récoltés très sains et à maturité optimale…bref, encore un très beau millésime en perspective chez les Bret Brothers !
Le point sur 2016 :
2016 fut « un millésime compliqué » avec une pression du mildiou très importante qui a obligé l’équipe du domaine à multiplier ses passages dans les vignes pour des traitements bio-dynamiques ou des sessions d’effeuillage sélectif.
Les vendanges qui se sont déroulées dans la seconde moitié de septembre ont permis de rentrer des raisins parfaitement équilibrés titrant entre 11,5° et 13,5° naturels.
Ce millésime a vu apparaître de nouvelles cuvées dans la gamme du domaine : en reprenant 5 hectares de vignes (menées depuis 2008 en bio) en appellation Saint Véran (3,5 ha), Pouilly Fuissé (1,2 ha) et Bourgogne Aligoté (1,2 ha)…des parcelles que j’aurai la chance de visiter avec Jean-Philippe Bret le lendemain.
Après cette nouvelle visite encore une fois pleine de surprises nous revenons dans le grand chai à barriques pour nous retrouver face à cette longue tablette garnie de bouteilles mais comme il est déjà très tard nous demandons comme d’habitude à notre guide de nous proposer une petite sélection. Allez, on goûte !
Là c’est sûr, il faut faire un choix…d’autant plus qu’il aura toujours quelques vins en cours d’élevage à goûter !
Mâcon-Villages Cuvée Ephémère 2016 : nez bien ouvert, notes florales et miellées avec une petite touche de résine, ample et gras en bouche, équilibre gourmand mais finale bien fraîche.
Issue d’un assemblage de 2 parcelles – l’une sur Burgy et l’autre sur Chardonnay – cette cuvée élevée majoritairement en cuve (90% cuve et 10% en fût) brille par son énergie et séduit dès à présent par son accessibilité. MIAM !
Mâcon-Chardonnay Les Crays 2016 : nez expressif avec des notes de fruits blancs (chair de poire) et de poudre de craie, matière charnue, ligne acide vive et traçante, finale tonique.
Ce vin qui a bénéficié d’un élevage similaire à celui du précédent est également très avenant mais son expression aromatique et sa présence en bouche révèlent un caractère nettement plus minéral.
Viré Clessé La Verchère 2016 : nez riche et élégant marqué par des arômes de fruits blancs sur un fond boisé/vanillé très raffiné, matière bien dense avec un grain tannique très fin, acidité large, équilibre très droit, finale intense et minérale.
Issue d’une parcelle de vieilles vignes (60 ans) exposée à l’est et située près du village de Viré, cette cuvée me donne toujours la même impression d’équilibre et de plénitude…c’est sans conteste l’un des mes vins fétiches de la gamme Bret Brothers. MIAM !
Pouilly Fuissé En Carementrant 2015 : nez mûr et complexe, matière opulente, acidité très large, finale puissante.
Pouilly Fuissé Le Clos Reyssié 2015 : nez très élégant, palette florale séduisante, matière fuselée mais bien compacte, équilibre tendu, finale bien minérale stimulée par des amers nobles.
Ces deux cuvées de Pouilly Fuissé de 2015, élevées longuement sur lies fines et mises en bouteilles sans filtration étonnent par la limpidité et la brillance de leur robe.
Carementrant 2015 – qui sera hélas le dernier millésime produit au domaine – est loquace et généreux comme d’habitude alors que le Clos Reyssié nous surprend un peu par la force de sa structure minérale.
Mâcon Vinzelles Le Clos de Grand Père 2016 : expression aromatique discrète, palette fruitée florale et légèrement miellée, matière suave et onctueuse, finale tonifiée par une acidité mature associée à une belle présence saline.
Les vieilles vignes de ce clos ont, comme chaque année, donné naissance à une cuvée gourmande et digeste qui me séduit dès la première gorgée et que je retrouve toujours avec le même enthousiasme. MIAM !
Aligoté Aligato 2016 : fruité précis et charmeur au nez, matière étirée, assez concentrée et bien glissante, finale fraîche et salivante.
Avec son étiquette un peu mystérieuse, cette nouvelle cuvée du domaine de la Soufrandière est issue d’une petite parcelle d’aligotés dorés située sur le côté est de la roche de Vergisson.
Né sur un terroir très qualitatif et élevé en demi-muids cet aligoté étonnera bien des dégustateurs par sa pureté aromatique et sa belle présence en bouche.
Pour l’heure cette production est encore confidentielle mais les brothers projettent de replanter une nouvelle parcelle d’aligotés dans ce secteur...et quand on a pu goûter cette première réalisation tout à fait convaincante on ne peut être que ravi de cette initiative.
Saint Véran La Combe des Roches 2016 : nez très riche sur le miel et les fleurs blanches, bouche très élégante, structure allongée et bien souple, finale qui se tend progressivement en laissant persister un beau sillage minéral.
Né sur une parcelle exposée au nord située au pied de la roche de Vergisson, ce Saint Véran, élevé pour 2/3 en cuves et pour 1/3 en fûts, associe une expression aromatique bien mûre et un vrai caractère minéral en bouche. Pour l’heure, l’harmonie n’est pas encore parfaite mais dans quelques mois on pourra se faire vraiment plaisir avec un grand vin de terroir !
Cette parcelle suivie par Pierre Masson fait l’objet d’une étude menée conjointement par une université suisse et une université allemande pour comparer les effets sur le sol et la plante d’une viticulture biologique et d’une viticulture bio-dynamique : « sur cette parcelle il y a 24 rangs travaillés en bio et le reste en biodynamie et les conclusions de cette expérience seront publiés au printemps 2018 »…à suivre.
Pouilly Vinzelles 2016 : nez flatteur, notes d’amande fraîche et de fleurs, très belle bouche avec une matière suave parfaitement équilibrée et une finale longue qui révèle un petit grain tannique et une belle salinité.
Avec le temps qui passe, les jeunes vignes du coteau des Quarts le son de moins en moins – elles ont entre 35 et 50 ans – et malgré un élevage mixte (2/3 cuve et 1/3 fûts) destiné à privilégier le fruit et la spontanéité, cette cuvée prend de plus en plus des allures de grand vin de terroir. MIAM !
Pouilly Vinzelles Les Quarts 2015 : nez superbe avec une palette complexe sur la brioche au beurre et les fruits blancs relevée par une touche de vanille et de gingembre frais, matière concentrée tendue par une ligne acide épaisse et bien mûre, salinité prononcée en finale.
Déjà impressionnante lors d’une première dégustation en cours d’élevage l’année passée, la cuvée d’exception de la Soufrandière tient vraiment ses promesses…pour moi c’est l’un des plus grands vins du mâconnais. MIAM !
Pouilly Fuissé Au Vignerais 2016 : olfaction très séduisante, notes d’herbes aromatiques et de miel de fleurs sur un fond citronné bien tonique, acidité immédiate filant très droit, enrobée par une matière douce et gourmande, belles évocations minérales en finale .
Cette nouvelle parcelle de 0,5 ha, très ventée et placée sur le flanc sud de la roche de Solutré, a été grêlée à 80% en 2016 et n’a produit que 2 barriques de jus.
Le faible volume de cette cuvée n’a pas permis de la faire bénéficier d’un élevage prolongé – « nous ne disposons pas d’une cuve en inox si petite » – et malgré ceci ce Pouilly Fuissé révèle une personnalité raffinée et complexe digne d’un grand vin de terroir.
D’ailleurs le climat « Au Vignerais » est pressenti pour être classé 1° Cru.
La suite de notre dégustation se déroule dans le cuvier où séjournent les jus de 2016 qui bénéficient d’un élevage prolongé.
Jean-Guillaume Bret en extension complète pour prélever son vin sur cuve…à 2cm près on mourrait de soif !
Saint Véran La Bonnode : matière pleine, riche et gourmande avec un retour acide bien pointu en finale.
Pouilly Fuissé Le Clos Reyssié : matière dense, silhouette élancée, structure équilibrée, finale énergique.
Pouilly Fuissé En Chatenay : nez pur avec de belles nuances minérales qui évoquent l’eau de roche, matière puissante et solidement tendue, finale intense avec une présence acide/saline racée.
Les jus en cours d’élevage sont d’une limpidité et d’une brillance remarquables comme ce Pouilly Fuissé En Chatenay 2016.
Pouilly Vinzelles Les Longeays : nez frais et bien en place, notes citronnées et crayeuses, vif et droit en bouche, finale très nette avec une belle touche minérale.
Pouilly Vinzelles Les Quarts : copie presque à 100% conforme de la version 2015 de ce vin…une preuve évidente de la force de ce très grand terroir de Vinzelles qui imprègne sa marque en gommant pratiquement les caractères de deux millésimes pourtant très différents.
Ces 5 cuvées dégustées en cours d’élevage ont montré des personnalités déjà très matures avec des profils esthétiques bien identifiés et un niveau de qualité absolument époustouflant…voilà des vins plus que prometteurs qui méritent une place de choix dans la cave de tout amateur de grands chardonnays.
Pour terminer cette belle série exclusivement consacrée aux blancs, Jean-Guillaume nous propose de déguster un vin rouge…et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de la cuvée récemment mis en lumière par la RVF dans son « Spécial Millésime » :
Morgon Les Charmes 2016 : nez intense et très engageant, belles notes de cerise rouge, fruité croquant en bouche, silhouette svelte et élégante, finale fraîche et glissante.
J’avoue sans honte que je n’ai pas toujours réussi à comprendre les rouges vinifiés par les frères Bret mais là je suis impressionné par ce Morgon qui associe avec bonheur une gourmandise très beaujolaise et une vinosité très bourguignonne. Un MIAM enthousiaste pour finir !
Comme souvent je termine cette visite à La Soufrandière avec un profond sentiment d’admiration pour ces deux frères vignerons travailleurs et créatifs, jamais à court d’idées et de projets pour faire progresser leur exploitation tout en militant sans relâche pour faire reconnaître la valeur des grands terroirs du mâconnais.
La rencontre de cette année avec Jean-Guillaume Bret a apporté son lot de surprises : de nouveaux bâtiments avec l’extension du tinailler, de nouvelles parcelles avec les 5 hectares de vignes (en bio depuis 2008) près de la roche de Vergisson, de nouvelles cuvées – certaines déjà au tarif et d’autres en cours d’élevage – de nouvelles pratiques en cave avec des élevages longs sur plus de vins et la généralisation progressive de la cire pour protéger les bouchons.
Et dire que j’avais peur de m’ennuyer à La Soufrandière !!!
Quelques vins de 2015 sont déjà capsulés à la cire
Par contre, en ce qui concerne la qualité des vins, c’est la constance dans l’excellence : les 2015 tiennent leurs promesses, les 2016 sont remarquables de pureté et d’équilibre et les 2017 s’annoncent grandioses…là je manque franchement d’inspiration pour dire quelque chose d’original.
Pour faire court : les Bret continuent de faire très bon…et c’est tant mieux !
Les belles impressions laissées par les nouvelles cuvées goûtées aujourd’hui (Aligato, Combe des Roches, Bonnode…) m’ont apporté la certitude que ces vins vont rendre la gamme du domaine encore un peu plus irrésistible. MIAM !
La dégustation des vins de 2016 qui profitent d’un élevage prolongé en cuve démontrent de façon incontestable que cette pratique leur apportent un supplément d’âme tout en leur offrant cette stabilité naturelle qui autorise le vigneron à limiter au strict minimum ses interventions œnologiques en cave : ces jus sont remarquables d’équilibre et de pureté, ils révèlent de façon très précoce leur signature minérale tout en montrant une buvabilité absolument exemplaire…bravo messieurs pour ce travail !
Mille mercis à Jean-Guillaume pour son accueil…et rendez-vous en 2018 !
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