PERIPLE SUDISTE 2014
Institué depuis l’année 2011 ce périple printanier me conduit à abandonner lâchement femme et enfants pendant plusieurs jours pour assouvir mon coupable penchant de picoleur mondain dans les vignobles ensoleillés du sud de la France.
Bien sûr j’ai un peu honte, mais j’assume…surtout lorsque je pense au programme 2014 qui me fera enchaîner un grand nombre de visites chez des vignerons et quelques agapes avec des amis qui savent apprécier les bonnes choses de la vie et que je retrouve toujours avec un immense plaisir.
Après une première halte obligée à Vallon Pont d’Arc chez l’ami Cyra, une étape à Saint Martin d’Ardèche au domaine Nicolas Croze, je pose mes valises pendant deux jours en Languedoc pour 4 rencontres forcément mémorables : au domaine Pin des Marguerites, au domaine La Madura, au Mas de Daumas Gassac et au domaine Supply-Royer.
Pour finir, comme la longue remontée vers le nord me semble souvent très monotone, j’ai décidé de l’agrémenter en faisant un dernier petit crochet par Ampuis pour découvrir les vins de Christophe Pichon.
Hoppla, c’est parti !
Comment rester insensible devant ce paysage (Saint Chinian-Berlou)…
…où celui-ci (Terrasses du Larzac vues d’Arboras) !
Etape rhodanienne sur le chemin du retour
Les coteaux escarpés de l’appellation Condrieu qui bordent le village de Chavanay
800 kilomètres seul dans une voiture, c’est trop long pour une personne âgée qui vient de passer 3 jours à picoler…j’ai donc décidé de programmer une petite halte du côté de Chavanay…histoire de récupérer un peu !
Comme le hasard fait bien les choses (minable comme excuse non ?) je me suis retrouvé au pied de coteaux escarpés couverts de vignes où naissent des crus aux noms qui font rêver tous les œnophiles : Condrieu et Côte Rôtie.
Comment résister !
Domaine Christophe Pichon à Chavanay
Le domaine Pichon se situe à Chavanay, un petit village situé au sud d’Ampuis entre le Rhône et d’abrupts coteaux recouverts de parcelles de vignes dont une grande partie est intégrée dans l’appellation Condrieu.
Après avoir repris le domaine familial en 1991, Christophe Pichon a agrandi sa surface viticole notamment du côté de l’appellation Saint Joseph : en 1993 il a fait l’acquisition d’un coteau granitique en friche pour y planter 3,4 hectares de syrah et 1,2 hectares de marsanne.
Aujourd’hui, le domaine Pichon exploite près de 14 hectares de vignes sur 5 appellations différentes : Côte Rôtie, Condrieu, Saint Joseph rouge, Saint Joseph blanc et un peu de Vin de Pays en viognier.
La nouvelle entrée de la cave du domaine Pichon
Agrandie et restructurée en 2010, la nouvelle cave du domaine Pichon offre des espaces amples, fonctionnels et esthétiques : « Nous voulions améliorer l’isolation thermique et moderniser le design de notre cave ». Les nouveaux murs érigés avec des pierres provenant d’une carrière près du Pont du Gard donnent un côté lumineux très agréable au caveau de dégustation situé au rez-de-chaussée de la cave où se trouvent également les bureaux et l’espace de stockage climatisé.
Le coin dégustation de la nouvelle cave du domaine Pichon.
Au sous-sol, la cave enterrée pour l’élevage des vins en barriques a été agrandie de 440 m².
La cave d’élevage du domaine Pichon.
Comme je suis arrivé au domaine avec 30mn de retard (j’ai raté la sortie d’autoroute pour Chavanay…) et que le temps presse un peu, nous passons très rapidement à la dégustation des cuvées au tarif actuellement :
Condrieu 2012 : olfaction fine et complexe avec des nuances fruitées et florales, bouche riche, opulente mais sans lourdeur excessive, finale très élégante sur l’abricot mûr et la vanille.
(100%viognier – élevage 50% cuve et 50% fûts dont 10% neufs).
Issu d’un assemblage de plusieurs parcelles granitiques exposées au sud et au sud-est, cette première cuvée de Condrieu nous présente une interprétation du viognier pleine de charme et de classe.
Les raisins sont vendangés bien mûrs avec un rendement faible (37 hl/ha) mais Christophe Pichon trouve de la fraîcheur et la finesse dans ses jus durant la vinification par une gestion précise des lies.
Voilà une belle bouteille et entrée en matière réussie qui donne envie de voir la suite…
Condrieu Caresse 2012 : nez flatteur sur l’abricot mûr avec une fine touche vanillée, bouche épanouie et puissante, finale sapide et longuement aromatique.
(100% viognier – élevage 9 mois en fûts neufs)
Issu d’une sélection parcellaire sur des vignes à mi-coteau exposées au sud cette cuvée haut de gamme élevée en fûts de chêne vosgiens neufs à 100% étonne par sa matière juteuse et dense qui assume avec facilité son élevage ambitieux.
Un condrieu qui mériterait surement quelques années de garde mais qui se montre déjà bien à son avantage aujourd’hui.
Saint Joseph 2012 : nez expressif et très avenant avec un fruité pur et charmeur, bouche bien posée, fraîche, légère et parfaitement équilibrée, finale très digeste avec quelques belles notes florales (violette, mauve).
(100% syrah – élevage 12 mois en fûts d’un vin)
Assemblage de plusieurs parcelles granitiques situées à mi-coteau (75%) et en haut de coteau (25%), ce Saint Joseph nous convainc totalement par la qualité de sa matière pleine de fruit et d’énergie positive : il y a de la densité mais aussi beaucoup d’élégance, la structure est solide mais sans dureté dans la texture…bref, du très beau travail !
Côte Rôtie Promesse 2012 : nez très racé, notes de fruits noirs, de fumé, de silex avec fond minéral déjà très présent, ample, tonique et velouté en bouche, finale bien pointue et longuement aromatique.
(90% syrah + 10% viognier – élevage 14 mois en fûts neufs à 80% et d’un vin à 20%)
Issue de parcelles situées sur les schistes des lieux-dits « Rozier » et « Le Plomb » cette cuvée brille par son équilibre et sa prestance. Déjà très complexe et d’une constitution parfaitement aboutie ce Côte Rôtie n’a pas volé son nom : il nous régale dès aujourd’hui mais nous promet des instants bénis en sa compagnie dans quelques années. MIAM !
Pour terminer ce tour d’horizon de la production du domaine, Christophe Pichon me propose de découvrir quelques vins de 2013 en cours d’élevage, histoire de me présenter les cuvées qui ne sont plus disponibles sur le millésime 2012.
Christophe Pichon à la pipette.
Saint Joseph blanc 2013 : olfaction très séduisante sur un registre floral, caressant en bouche avec une balance gras/fraîcheur bien équilibrée, sillage aromatique long et complexe.
(100% marsanne – élevage 10 mois en fûts de 1 à 3 vins)
Ce blanc au charme ravageur est né sur des parcelles situées dans la partie haute d’un coteau granitique. Il est déjà bien en place alors qu’il n’a pas terminé sa phase d’élevage et flatte les papilles par sa gourmandise et sa sapidité. Très prometteur !
Côte Rôtie Rozier 2013 : nez très perturbé encore un peu brouillon, bouche qui rassure avec une matière charnue, une texture veloutée et une belle trame acide, longue et bien mûre.
(90% syrah + 10% viognier – élevage 13 mois sur fûts neufs principalement)
Malgré une aromatique difficile à apprécier cette cuvée sélectionnée de Côte Rôtie, née sur les pentes schisteuses du lieu-dit « Rozier », rassure pleinement par la qualité de sa présence en bouche : il y a de la concentration et une architecture tannique/acide de très belle facture…attention, grand vin en devenir
Côte Rôtie La Comtesse 2013 : olfaction complexe, fruité noble et discret, nuances finement torréfiées, matière somptueuse en bouche, puissance, ampleur et longueur aromatique exceptionnelle.
(100% syrah – élevage 18 mois en fûts neufs)
De vieilles vignes (70 ans) situées sur une parcelle schisteuse de la fameuse Côte Blonde permettent à Christophe Pichon d’élaborer un vin rare qui impressionne d’ores et déjà par sa force et sa classe…une grandissime bouteille en vue !
- Ultime étape dans un périple riche en émotions, la courte visite au domaine Pichon, m’a permis de conclure de la plus belle façon qui soit cette tournée printanière 2014 : une rencontre avec un vigneron qui se donne les moyens de ses ambitions en travaillant avec beaucoup de maîtrise quelques uns des plus beaux terroirs du vignoble rhodanien septentrional.
Ses efforts et ses investissements sont destinés à créer les conditions optimales pour élaborer des vins dignes de représenter les prestigieuses appellations qu’il commercialise.
Nous n’avons pas eu le temps de trop parler des pratiques culturales et des vignes (une autre fois peut-être…) mais avec toutes les parcelles situées en coteau, des rendements très bas (entre 20 et 40 hl/ha selon) et des vendanges uniquement manuelles, la qualité de la matière première est évidente.
A la cave, les nouveaux espaces permettent un travail soigné et précis avec très peu d’interventions : « on touche le moins possible aux vins lorsqu’ils sont en fûts » (aucun soutirage avant la mise).
Les élevages ambitieux mais dosés avec beaucoup d’intelligence apportent de la finesse aux jus sans jamais marquer leur aromatique.
- La qualité des vins dégustés en bouteilles ou en cours d’élevage montre que la façon de travailler de ce vigneron est tout à fait pertinente : les blancs sont bien typés sur le plan aromatique tout en conservant un degré de fraîcheur que j’apprécie énormément mais qu’on ne rencontre pas souvent en pays rhodanien. Les rouges m’ont séduit par le raffinement de leurs palettes olfactives et par l’élégance de leurs matières en bouche : une classe absolue dès le Saint Joseph avec un crescendo pour arriver à la beauté majestueuse d’une « Comtesse », qui règne sans partage au sommet de cette superbe gamme de vins.
- Coup de cœur général, pour cet ensemble de cuvées dont chacune mérite qu’on lui fasse une place dans sa cave…mais il faut se dépêcher car si la qualité est toujours au rendez-vous au domaine Pichon, la quantité produite est souvent trop faible pour satisfaire à une demande qui ne cesse de croître.
A bon entendeur…
- Mille mercis à Christophe Pichon pour son accueil.
Commentaires
1 Pr.Grumao Le 12/10/2014