En 2015, l’itinéraire de mon périple automnal en terre burgonde retrouve un trajet un peu plus classique entre la Côte de Nuits, le Châlonnais, le Mâconnais et le Beaujolais mais notre duo de l’année passé s’est enrichi d’un troisième élément en la personne de Jean-Luc qui comme l’ami Jean-Claude a commencé avec moi son parcours scolaire sur les bancs de l’école maternelle de La Wantzenau...je sens qu’on va évoquer quelques souvenirs bien croquignolesques entre deux dégustations !
Le voyage vers Clessé où nous sommes attendus par Michel, notre ami artiste qui nous reçoit chaque année dans sa grande maison, sera entrecoupé de trois étapes vigneronnes : Morey Saint Denis (Domaine Castagnier), Barizey (Domaine Masse) et Pierreclos (Domaine Chagnoleau).
La seconde journée nous emmènera vers notre deuxième adresse mâconnaise (La Soufrandière) et dans le Beaujolais (Domaine des Marrans).
Hoppla, c’est parti !
Vinzelles vue du coteau des Quarts
Jour 1. : visite au domaine Castagnier à Morey Saint Denis
Deux ans sans faire étape à Morey Saint Denis pourvoir le grand Jérôme et goûter ses vins…ça commençait à faire long !
Heureusement qu’en cette fin d’automne nous avons pu accorder nos emplois du temps et trouver un petit créneau pour partager quelques instants de culture vinique dans la cave de ce beau domaine nuiton.
Visite inédite dans le cuvier du domaine Castagnier.
Avec cette succession de millésimes plutôt compliqués, l’organisation de la cave du domaine Castagnier est un peu chamboulée et c’est pour cette raison que nous ne nous retrouvons pas dans le chai comme d’habitude mais dans le cuvier où séjournent une grande partie des vins de 2014.
Pendant qu’il nous sert la première cuvée 2014, Jérôme nous fait un rapide historique des derniers millésimes.
Pour 2013, notre vigneron est catégorique : « c’est le pire millésime de ma vie ! ». Des vendanges repoussées jusqu’au début du mois d’octobre lui ont pourtant permis de rentrer des raisins biens mûrs mais les températures très inhabituelles – très froid en octobre et de la douceur durant l’hiver – ont retardé l’enclenchement des fermentations malo-lactiques « elles se sont terminées 15 jours avant les vendanges » ce qui a posé quelques problèmes de gestion des espaces au domaine. Au bout du compte, après une jeunesse tumultueuse, les crus de 2013 sont très réussis et affirment des personnalités de séducteurs : « des vins généreux et plein de fruit ».
En 2014, grâce à une présence vigilante dans ses parcelles, Jérôme a pu intervenir pour contrôler l’étonnante prolixité de la vigne qui a surpris plus d’un vigneron de la région : « nous avons vendangé trois fois en 2014 : en juillet nous avons coupé des raisins verts, en septembre nous avons coupé des raisins roses avant de planifier les vraies vendanges en octobre ».
A l’heure actuelle, de nombreuses cuvées 2014 sont remontées de la cave vers le cuvier et terminent leur phase d’affinage en cuves inox avant la mise.
Jérôme Castagnier entre ses cuves où les 2014 s’affinent.
Comme partout en Bourgogne, 2015 sera un très grand millésime au domaine Castagnier mais avec un rendement moyen de 30 hl/ha, les volumes disponibles seront très faibles. C’est sûr, il n’y en aura pas pour tout le monde…hélas !
En attendant voici quelques notes sur les vins de 2014 :
Chambolle Musigny : nez délicat sur un registre floral charmeur complété par des notes de fruits rouges frais, matière longiligne, solidement tendue, trame tannique sensible mais bien souple, finale délicatement épicée.
Bien qu’étant encore en phase de construction, ce vin montre déjà un joli profil « Chambolle » : silhouette svelte, élégance et grande finesse aromatique. MIAM !
Morey Saint Denis 1° Cru Aux Chézeaux : nez plus masculin, élevage noble encore un peu présent (notes de pain grillé), arômes de cassis bien mûr, matière charnue, tension affirmée et mâche tannique pleine de volupté, belle rémanence fruitée et minérale en finale.
Aux Chézeaux est un premier cru rare qui borde la limite sud du Grand Cru Charmes Chambertin et qui n’est revendiqué que par 3 vignerons à l’heure actuelle. Depuis quelques millésimes, Jérôme Castagnier a choisi d’isoler la production de cette parcelle – qui entrait dans la cuvée de Morey Villages – pour enrichir sa gamme en y incluant cette cuvée très intéressante.
Profond, solidement structuré mais avec une gourmandise déjà bien explicite, ce vin se livre facilement malgré sa jeunesse…c’est un séducteur avec une personnalité affirmée.
La version 2013 du 1°Cru
Charmes Chambertin : nez raffiné et très complexe, notes de cerise burlat bien croquante, fines nuances épicées et fumé léger, matière ample qui dégage une belle impression de puissance, texture soyeuse et finale longuement aromatique.
Le Charmes Chambertin de Jérôme m’impressionne depuis quelques année par sa présence en bouche qui conjugue force et séduction avec une élégance incomparable. L’édition 2014 de ce Grand Cru se situe dans la ligne esthétique des millésimes précédents tout en montrant un degré de qualité encore plus élevé. Superbe !
Clos de la Roche : nez encore discret, registre frais et racé sur les fruits rouges frais avec un fond minéral qui pointe, matière très carrée en bouche, belle énergie qui envahit le palais progressivement, mâche tannique encore un peu virile, finale longue et corsée avec des notes poivrées et une minéralité qui répond aux promesses de l’olfaction.
Fidèle à sa réputation, le Clos de la Roche exprime de façon péremptoire son tempérament très « sanguin » avec une présence presque incandescent en bouche. Nul doute que ce vin aura besoin de se reposer dans une cave durant quelques années pour se rasséréner un peu…voilà un Grand Cru qui assume sa puissance !
Un petit monstre enfermé dans sa cuve !
Clos de Vougeot : nez plein de retenue mais expression aromatique raffinée, notes de mûre et de cerise noire, fines nuances minérales, matière volumineuse, présence intense en bouche, grande longueur finale, finale fraîche et dynamique avec un beau sillage fruité et crayeux.
Comme toujours au le Clos de Vougeot 2014 est fidèle au rendez-vous des cuvées marquantes du domaine Castagnier. Face à la concurrence des autres Grands Crus de la cave, le monarque nuiton montre sa force avec une structure très solide entouré d’une chair voluptueuse. MIAM !
La pépite nuitonne dans son écrin de verre.
Hélas, avec un Jérôme Castagnier volubile et passionné comme à son habitude, le temps passe à la vitesse grand V et le programme de la première journée de ce nouveau périple ne nous permet pas de prendre trop de retard dès notre première étape : nous voilà contraints de renoncer à la visite de la cave restructurée et réaménagée…pas grave, ce sera pour l’année prochaine !
Doublette royale du millésime 3013
Je ne vais pas répéter tout ce que j’ai déjà pu dire sur ce domaine dans mes précédents articles (ici ou là) mais je reste toujours aussi admiratif face à la qualité du travail de ce vigneron de Morey Saint Denis.
Artiste passionné de musique et de vin, Jérôme Castagnier élabore chacune de ses cuvées avec une exigence absolue à la recherche de l’expression idéale de chaque terroir. Pour s’en convaincre, il suffit de goûter sa cuvée de Coteaux Bourguignons travaillée comme ses plus grandes références (et il en a quelques unes !) : jus joliment fruité, élevage noble et savamment dosé, bouteille bourguignonne lourde et bouchon liège de 50 mm…la classe !
Dégustés pour la première fois après leur assemblage en cuves, les crus 2014 de Jérôme ont révélé des expressions aromatiques plutôt discrètes mais qui laissent une belle impression de pureté et de complexité naissante. En bouche, les matières se dévoilent sans fausse pudeur mais avec une grande distinction : carnations juteuses et gourmandes, tanins veloutés, finales tendues et minérales, élevage fondu et harmonieux…coup de cœur général pour la production de ce vigneron que je rencontre toujours avec grand plaisir !
Mille mercis à Jérôme Castagnier pour son accueil !
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