Périple sudiste 2016 - Visite au domaine Peyre Rose

Mon 7° périple printanier dans les vignobles du sud s’annonce plus dense et plus riche que jamais grâce à un parcours qui va nous mener de la Côte Rôtie vers Sant Chinian avec de très belles étapes en Vallée du Rhône et en Languedoc.
Fallait bien ça pour fêter dignement la fin de mon premier septennat au pays de la syrah et du grenache !

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Magnifique panorama sur le paysage saint-chignanais et le village de Roquebrun

Pendant le voyage aller, ma halte habituelle dans les Côtes du Rhône septentrionales se fera à Chavanay pour une deuxième visite au domaine Pichon.
La journée suivante sera consacrée à un « Périple autour des Dentelles » en compagnie de Cyril l’ardèchois avec des visites au
domaine Richaud, à La Ferme Saint Martin et au domaine de Fontavin.
La troisième journée me conduira dans le saint chinianais où mon guide local, l’irremplaçable Dany, a imaginé un programme plein de nouveautés : on commence par la découverte du domaine La Grange Léon à Berlou, on continue avec une visite de la nouvelle cave du domaine La Madura et on termine à Saint Chinian par une dégustation des vin du domaine Mas Champart…va falloir s’accrocher !
Le dernier jour en terre languedocienne me conduira sur les hauteurs deSaint Pargoire pour une rencontre inoubliable avec Marlène Soria.

Hoppla, c’est parti !

 

Jour 4 : domaine Peyre Rose à Saint Pargoire

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L’ultime étape de mon périple sudiste 2016 va me conduire dans les collines au dessus du petit village de Saint Pargoire pour rencontrer Marlène Soria et découvrir Peyre Rose, un domaine mythique où naissent quelques-uns des plus grands vins du Languedoc.

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Collines et garrigue au dessus de Saint Pargoire…Peyre Rose n’est pas loin.

Bien évidemment, j’avais déjà entendu parler de ce domaine, régulièrement mis en avant par la presse spécialisée et les guides viniques mais je ne connaissais pratiquement pas les vins élaborés par Marlène Soria : une Syrah Léone des années 90 dégustée chez un ami oenophile il y bien longtemps constituait jusqu’à aujourd’hui mon unique expérience sur le sujet…il était grand temps de combler cette lacune !

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Peyre Rose

Après quelques kilomètres sur un chemin cahoteux nous arrivons à Peyre Rose, un mas modeste et disctret perdu dans la garrigue languedocienne.
Marlène Soria nous accueille et nous propose de l’accompagner pour une visite complète de ses installations professionnelles.

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Le cuvier « historique » et les installations modernes

Petit à petit, j’entre dans l’univers particulier de Peyre Rose et je prends la mesure des défis qu’il a fallu relever pour arriver à produire du vin dans cet endroit où il n’y a ni réseau électrique – ce sont des panneaux solaires et un groupe électrogène qui assurent la fourniture en électricité du domaine – et où l’eau provient d’un puits.

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Les panneaux solaires de Peyre Rose.

Marlène Soria nous raconte l’histoire de cette vieille bâtisse achetée pour offrir à sa famille la possibilité d’une résidence au calme, loin de l’agitation estivale du littoral et qui s’est transformée petit à petit en entreprise viticole.
Nous avons pu suivre la trajectoire hors norme de cette bourgeoise citadine qui a troqué ses escarpins à talons pour des chaussures de marche à grosses semelles pour défricher la garrigue et planter ses vignes. Malgré de vrais moments de doute qu’elle nous relate avec beaucoup de sincérité, Marlène Soria a su aller au bout de son rêve en créant ce domaine dont les vins sont connus dans le monde entier aujourd’hui. Chapeau bas, Madame !

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Le nouveau cuvage avec un pressoir et des cuves en inox…

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…et des foudres qui sont utilisés depuis le millésime 2002…

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…avec des bois signés d’un nom bien connu.

Les vignes conduites en bio se situent sur des parcelles situées en altitude avec des sols caillouteux et très arides « on y récolte des raisins avec des petits grains mais avec des peaux épaisses ».
Bien évidemment, les rendements sont très faibles même si la vigne ne souffre jamais trop de la sécheresse « grâce aux embruns matinaux qui remontent du littoral et qui humidifient le feuillage chaque matin ».

Les élevages se sont faits en cuves pendant de longues années mais depuis le millésime 2002 une partie de chaque cuvée est élevée en foudres.
Les vins de Peyre Rose attendent très longtemps avant d’être mis en bouteilles : le dernier millésime embouteillé a été le 2006...un procédé peu habituel que Marlène Soria nous explique très simplement : « au début je n’avais pas assez de clients pour acheter ma production » depuis les choses ont changé mais « cette méthode m’a sauvé dans certaines circonstances »…bref, c’est une méthode que des des circonstances particulières ont imposée et qui s’est mué en modèle de travail : « aujourd’hui ce fonctionnement me convient parfaitement ».

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Beaucoup de rose dans l’espace stockage…normal !

La visite se termine dans le caveau de dégustation où Marlène nous a préparé une très belle série de bouteilles puisque nous allons avoir le privilège de goûter les 3 cuvées du domaine sur 4 millésimes.

Le Clos des Cistes est réalisé avec un assemblage de 90% de syrah et de 10% de grenache récoltés sur une parcelle aux sols durs et pierreux. Le nom de la cuvée fait référence aux cistes qui poussent autour de cette vigne.
La Syrah Léone est réalisée avec un assemblage de plus de 90% de syrah et du mourvèdre récoltés sur un terroir de calcaires plus friables.e aux sols durs et pierreux. Le nom de la cuvée évoque la mémoire de Léone, l’ancienne propriétaire de cette vigne…et le jeu de mots est tout à fait fortuit.
La Cuvée Marlène N°3 est réalisée avec un assemblage de 45% de syrah, 45% de grenache et 10% de carignan et tempranillo complantés récoltés sur des sols calcaires un peu plus riches. Son nom simple et précis nous rappelle simplement que c’est le dernier né des vins rouges de Peyre Rose.

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Le caveau de dégustation…

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…où visiblement nous étions attendus !

Coteaux du Languedoc Clos des Cistes 2006 : olfaction intense, profonde et pénétrante, notes de petits fruits rouges, bouche riche, concentrée et cambrée par une belle ligne acide, saveurs fruitées et finement épicées, finale longue et très fraîche.
Coteaux du Languedoc Syrah Léone 2006 : expression aromatique complexe, mûre et prune, herbes de garrigue et cacao amer, bouche somptueuse avec une matière qui allie force et élégance, finesse tannique extrême, finale longue et finement épicée.

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Coteaux du Languedoc Marlène N°3 2006 : olfaction expressive mais plus sombre, notes de fruits noirs, terre humide, réglisse…, matière pleine et très dense en bouche, tannins très fins mais un peu collants, équilibre résolument viril, finale longue et tonique, présence minérale déjà bien marquée.

Cette première triplette de cuvées 2006 nous ouvre les portes de l’univers esthétique des vins de Marlène Soria : à la fois flamboyants et raffinés ces trois vins montrent cependant des personnalités différentes.
Le Clos des Cistes révèle une silhouette longiligne étirée par une belle ligne acide, Syrah Léone joue dans un registre assez spectaculaire avec une grande intensité aromatique et un corps plus athlétique, Marlène N°3 surprend par l’originalité de sa palette olfactive et par sa présence plus rustique en bouche.

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Pemière série de vins avec Marlène Soria.

Coteaux du Languedoc Clos des Cistes 2005 : nez magnifique avec une fruité explosif, notes de petits fruits rouges et noirs, matière dense et bien svelte en bouche, structure profonde, finale fraîche, longue et intense, sillage fruité complété par des notes d’encens et de poivre noir.

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Coteaux du Languedoc Syrah Léone 2005 : olfaction complexe et évolutive, fruité bien mûr, notes d’herbes de garrigue, matière concentrée donnant une impression de puissance et de finesse, finale tonique avec un retour aromatique persistant sur le tabac et les épices douces.
Coteaux du Languedoc Marlène N°3 2005 : nez ouvert et complexe, notes fruitées très agréables (cerise noire), nuances végétales nobles et délicates évocations minérales (graphite, terre humide), matière gourmande étirée par une ligne acide fine et tendue, finale sapide, sillage aromatique très long, fruité toujours présent soutenu par de fins arômes de menthe fraîche et d’épices.

Le millésime a changé mais les 3 cuvées de Peyre Rose confirment leur niveau qualitatif exceptionnel tout en affinant leur style personnel. Le Clos des Cistes a gagné en complexité aromatique tout en gardant sa silhouette longiligne, Syrah Léone semble être arrivé à une parfaite maturité et dégage une belle impression de force tranquille, Marlène N°3 surprend par l’intensité de sa présence minérale.


Coteaux du Languedoc Clos des Cistes 2004 : les arômes fruités se font plus discrets et laissent s’exprimer une palette raffinée avec des notes d’herbes aromatique (menthe verte) et de sous bois (humus, truffe), la bouche garde une belle énergie, matière oblongue, finale tendue, assez virile, sillage aromatique long et complexe.
Coteaux du Languedoc Syrah Léone 2004 : olfaction délicate et raffinée, herbes de garrigue, cacao, olive noire, fumé léger, attaque douce et suave en bouche, montée en puissance progressive, volume en demi-corps, finale tenue et longuement aromatique avec de belles nuances de torréfaction et de tabac.
Coteaux du Languedoc Marlène N°3 2004 : nez mature et séduisant, notes de fruits rouges et noirs très mûrs, nuances minérales racées, bouche en place, équilibre parfait, silhouette allongée très élégante, finale sapide d’une longueur impressionnante.

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Avec la série de 2004 on découvre des vins qui approchent de leur phase de pleine maturité avec un caractère fruité qui s’estompe pour laisser la place à une palette qui fait la part belle à des arômes d’une grande noblesse.
La cuvée Marlène, toujours un peu en retrait sur les millésimes précédents révèle une vraie plénitude et une harmonie parfaite sur ce millésime…pour moi c’est le vin le plus accompli de cette très belle triplette.

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Coteaux du Languedoc Clos des Cistes 2003 : nez mûr, fruits noirs confits et fumé léger, rond et tonique en bouche, équilibre très harmonieux, trame tannique veloutée et finale parfaitement digeste.
Coteaux du Languedoc Syrah Léone 2003 : olfaction très complexe, notes d’amande douce, de fruits noirs et d’herbe de garrigue, matière charnue et concentrée qui laisse une impression de douceur en milieu de bouche, tannins un peu plus vifs mais sans agressivité, finale longue, sillage aromatique plus tertiaire, cuir et sous-bois.
Coteaux du Languedoc Marlène N°3 2003 : nez discret, un peu méditatif, minéralité très sensible, belle tenue en bouche, matière fraîche et élégante, finale un peu plus serrée, finale agréable, sillage aromatique sur la violette et les épices douces.

Nés dans un millésime caniculaire ces 3 cuvées nous régalent une fois encore par leur expressivité et leur équilibre impeccable. Clos des Cistes et Syrah Léone restent frâiches et digestes malgré un caractère solaire pleinement assumé. Marlène N°3 est d’un abord très agréable mais semble montrer quelques signes de fatigue.

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Coteaux du Languedoc Oro 2000 : nez exubérant et charmeur, fruits jaunes mûrs, épices douces, cire d’abeille…, matière riche et juteuse, acidité rayonnante, finale salivante, sillage aromatique complexe, longueur incroyable.
Ce vin blanc est un assemblage dominé par la roussanne et le vermentino et complété par des cépages méridionaux (ugni blanc, servant, viognier, terret…) qui a été élevé durant plus de 10 ans en cuves.
Oro est un exercice de style brillant qui séduit nos papilles par la complexité de son expression aromatique et par sa présence en bouche qui associe puissance et suavité. MIAMMMM !!!

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Marlène

Nous avons quitté Marlène Soria après plus de 4 heures de visite avec le sentiment partagé d’avoir vécu une expérience très particulière qui marquera longtemps ma mémoire d'oenophile.
J’ai été impressionné par l’histoire de cette femme qui s’est lancée à corps perdu dans une aventure incroyable pour réussir, à force de volonté et de travail acharné, à créer ce domaine dont le nom fait rêver les amateurs de vin du monde entier.
J’ai eu la chance d’entendre Marlène raconter l’histoire de ce «pied à terre au calme » qui s’est transformé peu à peu en domaine viticole : un récit captivant et riche en rebondissements qui nous a fait prendre conscience de la force de caractère de cette vigneronne qui comme elle aime le dire s’est « enracinée dans cette région au rythme de ses vignes ».
Vinifié dans des conditions vraiment extrêmes – « fin juin 1988 nous n’avions toujours aucun matériel de cave » – le premier vin de Marlène a été dégusté par Robert Parker qui l’a particulièrement bien apprécié...Peyre Rose était lancé !
Aujourd’hui ce domaine exploite 25 hectares de vignes (23 ha en rouge et 2 ha en blanc) sur des terres défrichées qui n’ont jamais été travaillées autrement qu’en bio.
Avec ses élevages très longs en cuves et en bouteilles, Marlène Soria élabore aujourd’hui des vins majestueux et originaux mondialement reconnus pour leur qualité exceptionnelle.

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Vignes sur les hauts de Saint Pargoire…et une dernière vue sur le domaine (à gauche de l’image).

Les vins rouges de Peyre Rose possèdent des personnalités bien identifiables mais révèlent une unité stylistique indéniable : concentration de la matière, suavité des expressions aromatiques, velouté des textures, grande sapidité en finale et potentiel de garde exceptionnel.
Le vin blanc est une pépite hors norme qui impressionne par son exubérance et sa profondeur.

Coup de cœur absolu pour cette vigneronne qu’on ne peut qu’admirer et pour cette gamme de vins qu’on ne peut qu’adorer !
Le seul point qui peut poser problème à l’amateur de vin reste l’épineuse question du prix également un peu hors norme de ces bouteilles – plus de 60 euros la quille ! – mais sur ce sujet je vais simplement citer Jérôme Issert, le caviste de la Maison des Vins de L’Espiguette à Port Camargue, qui est plutôt sourcilleux lorsqu’on parle rapport Q/P : « Pour moi, Peyre Rose produit des vins qui se classent au niveau des plus grands vins de notre pays donc le prix demandé est parfaitement justifié »…que dire de plus !

Merci à Marlène Soria de nous avoir si bien accueilli et merci à Dany d’avoir rendu possible cette belle rencontre.

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Pour des informations complémentaires je vous renvoie à l'article publié par Dany sur le site degustateurs.pro: CLIC

 

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